Je me suis retenue. Pendant des heures je me suis retenue de pleurer, parce qu'il est important de faire bonne figure devant mes parents, devant mes amis, devant mes filles, devant mon ex, à l'hôpital, à la fac, à la maison... De partout, il faut quelqu'un qui arrive à garder la tête froide et les idées en place. Mais j'en peux plus. Je vais exploser. Après ce qu'il s'est passé à Halloween avec Matthéo je pourrais en vouloir à Priape mais non. C'est le seul à pouvoir m'aider, je sens tellement idiote et pourtant. Je suis devant la porte de sa chambre à la confrérie, surprise qu'il va avoir de savoir que je sais qu'il est revenu, je suis plantée et je n'hésite pas à frapper. Parce que ça ne va pas du tout et que dans trois minutes je vais exploser en sanglots. Qu'il ouvre vite. Pourquoi je suis là ? Qu'est ce qu'il y a de plus ? L'hôpital encore une fois... Un proche encore une fois... L'accident de Mackenzie et le fait qu'elle soit dans le coma complètement inerte... Voir Rox, Josh, Joa comme ça, ne plus pouvoir profiter de ma cousine, bref s'en est trop, je me fiche de tout ce qu'on pourra penser de moi d'être encore assez conne pour revenir toujours vers lui quand ça ne va pas, conne parce que je n'avance pas, mais je ne vois que lui. Quand Carter ouvre la porte je lui dis sans bonjour sans rien, sans douceur dans la voix : « Il faut que je vois Priape. » Et ne me fais pas croire qu'il n'est pas là où je ne sais quoi, une semaine presque qu'Halloween est passé et que Mack est à l'hôpital de Boston, mais un gentil fantôme va retourner la chambre pour trouver son ex petit ami si un mensonge sort de cette bouche. Puis merde pour une fois que mon statut de présidente serve à quelque chose.

« C’est à ton tour de jouer mon grand… » Pleine partie d’échecs avec mon nouveau coloc. C’était ce genre de petits trucs qui m’avaient manqué dans le fait de vivre seul. Ce genre de moment où on avait envie d’un break, de jouer, de déconner ou tout simplement de discuter. C’était pour ça que, malgré la galère financière dans laquelle je me trouvais, j’étais plutôt heureux de mon come back ici, surtout qu'entre le départ de Valou et celui plus récent d'Emrys, j'avais besoin de me sentir entouré. Mais mon adversaire n’eut pas le temps de jouer l’un de ses pions car on frappa. On attendait personne mais en vivant à la confrérie, on était habitué aux visiteurs surprise. Je relevai la tête de l'échiquier pour voir Carter se lever et aller ouvrir. La voix qui s’éleva derrière la porte me fit aussitôt réagir : Talya. Je déglutis difficilement, surtout que vu le ton froid qu’elle employait ça avait pas l’air d’être la joie et elle voulait me voir. Alors elle avait découvert que j’étais ici ? Sienna avait vendu la mèche ? Merde, je me levai précipitamment pour rejoindre Carter sur le porche et faire face à la blondinette. Essayons de sauver les apparences, vite, impro. « Ha, bah j’étais justement venu rendre visite à Carter, c’est un sacré hasard ça, tu savais que je venais le voir ? » essayai-je de me dépatouiller en mode –non, non je vis pas ici- Et l'oscar du meilleur acteur est attribué à... Ouais, non c'était mort. Vu la tête de Talya, c'était échec et mat, j'étais grillé. De toute façon, dès qu’elle aurait fait un pas dans la chambre, je serais trahi : mes affaires s’étalaient partout. J’échangeais un regard avec mon pote : « Ca va aller, on se voit plus tard… » Et le garçon s’éclipsa sentant surement les explications houleuses venir. « Ok, bon j’arrête de faire semblant ça sert à rien… » Je poussai la porte et me décalai pour la laisser entrer. « Bienvenue chez moi… » fis-je finalement, un peu penaud, refermant la porte derrière nous, crispé d’avance et vraiment pas fier des explications que j’allais devoir lui donner. « Comment t'as su ? » demandai-je. J'avais remarqué sa mine défaite, mais je mettais ça sur le compte de l'agacement face à mon mensonge et la dissimulation de mon déménagement.