Agenouillé dans mon salon, j'avais l'impression d'avoir la tête dans les cartons depuis des heures et des heures. Mais j'étais loin de me plaindre ça, c'était sur. J'avais enfin mon chez moi les gars ! Deux jours déjà que j'avais récupéré mon fric, et c'était juste une véritable libération. Finis les emmerdes, j'avais enfin pu régler mes frais scolarité, me chercher un appartement et tout le reste. J'étais soulagé, libéré d'un poids qui me pesait bien trop et en plus, j'avais cette satisfaction d'avoir mis ma demi-soeur plus bas que terre ah ah. J'avais eu chaud aux fesses vis à vis d'Avery, je le savais mais maintenant, tout était rentré dans l'ordre, et ma préoccupation première n'était plus de savoir ce que j'allais bouffer ce soir, mais plutôt où est-ce que j'allais ranger tel ou tel objet dans mon nouvel appart. J'étais installé depuis la veille, et si j'avais déjà fait le plus gros, il y avait encore tout un tas de cartons à ouvrir et à vider pour m'approprier définitivement les lieux. C'était un appart assez spacieux bien que pas trop grand, avec salon, cuisine, salle de bain et chambre.. juste ce qu'il me fallait. La soirée était déjà pas mal avancée, ou plutôt la nuit en fait vu qu'il était minuit passé ah ah. La musique à fond dans la pièce, je me redressais pour attraper la bière que je m'étais ouverte sur le comptoir du bar de la cuisine, commençant vraiment à fatiguer pour le coup. Je partais à la recherche de mon paquet de clopes, que je retrouvais... vide. Okay. Yavait bien une épicerie de nuit dans le coin non ? Sinon ça allait pas le faire. Attrapant ma veste, mon porte-feuille et mes clés, je claquais la porte derrière moi pour aller m'acheter le graal. Je grimpais dans ma voiture - oui parce que je m'étais acheté une nouvelle voiture évidemment ah ah - et prenais la direction du centre de Cambridge. Je croisais pas tellement de monde dans les rues et rapidement, mes pensées vagabondèrent vers Briony. On ne c'était pas vus depuis le fameux soir à la bibliothèque vu qu'elle était partie à LA, et même si depuis on s'était plus ou moins réconciliés, je ressentais ce besoin de la voir. Surtout maintenant que j'avais retrouvé une situation stable. Je me sentais plus au clair avec moi-même, plus sûr de moi.. mais surtout, elle me manquait. Je savais qu'elle était rentrée ce soir en avion, mais aussi qu'elle devait passer la soirée avec ses collègues alors... je prenais clairement sur moi pour pas lui envoyer un sms et lui demander si on pouvait se voir ah ah. Et même si j'essayais de prendre sur moi, mes pensées revenaient toujours irrémédiablement vers elle. J'étais grave. Redémarrant au feu rouge, je prenais la première à droite en suivant le gps sur mon téléphone pour essayer de trouver cette fameuse épicerie de nuit.

On avait été tellement efficaces à LA qu'on avait pu rentrer un jour plus tôt sur Boston, ça c'est ma team. Et pour fêter cela, étant donné qu'on avait notre journée de libre le lendemain, on avait tous décidé de sortir dans Cambridge. J'me sentais de mieux en mieux dans mon équipe car si au début j'sentais bien que j'étais le petit bébé, maintenant j'étais leur égale. J'avais sûrement dû passer un bizutage sans m'en rendre compte. Au fur et à mesure, ils devenaient mes amis ces gens et ça faisait du bien d'avoir des discussions genre qui tournaient pas autour des études ou même.. autour des dernières histoires de connaissances en commun comme "alors qui a couché avec qui ?" ou "qu'est-ce qui lui est arrivé ?". De retour sur Cambridge donc, on s'était donné rendez vous un peu plus tard histoire que chacun pose ses affaires chez lui.. et forcément, en ayant l'esprit libre et pas toujours pris dans une conversation avec un collègue, mes pensées allèrent vers Wade. Wade que j'avais pas vu depuis quelques jours et qui me manquait à chaque seconde un peu plus qu'avant. Heureusement qu'on s'était téléphonés tous les soirs, sinon ça aurait été vraiment affreux. J'aurai voulu passer la soirée avec lui.. mais j'sais pas, c'est comme si j'devenais timide là, comme si j'avais peur qu'il m'dise non alors qu'on était pu du tout en froid et qu'il avait récupéré son argent. J'allais d'ailleurs pouvoir annuler le prêt et on allait pouvoir divorcer tranquillement ugh. J'me demandais ce qu'il faisait, si il pensait à moi, si il avait vraiment récupéré son argent ou si c'tait pour me rassurer.. Trop de questions et trop de pensées qui finirent par s'éteindre quand j'retrouva mes collègues et qu'on commença à biiiien boire. On était restés très tard dans ce fameux bar. Il devait être plus de minuit quand tout l'monde sortit. Il faisait nuit noire. Même si on m'avait proposé à maintes reprises de me ramener chez moi avec un taxi, l'alcool me faisait courageuse et j'avais décidé de rentrer à pied. J'habitais pas bien loin de toute façon. Après les au revoir, j'commença à marcher et regretta touuuut de suite ma décision. Mais trop tard pour revenir en arrière sinon j'aurai l'air d'une lâche et juste non. J'avançais, pas certaine de moi du touuut, essayant de rester là où y avait des lambadaires vraiment corrects.. puis j'le vis. Au loin. Ce mec, à la capuche, fumant sa clope ou wtv qui faisait un point rouge au loin. Je déglutis avec une immense difficulté, m'imaginant déjà un tas de scénarios d'agressions dans la tête. Spielberg, c'est rien à côté de moi vous savez. Mais rien ne se passa, le mec en avait juste rien à foutre de ma personne et continuait d'avancer. Mon coeur se remit à battre un peu plus doucement et j'continuais ma route plus sereine. Et un autre gars se ramena. Même dégaine, sauf que cette fois le rire pervers se fit entendre et mon sang se glaça immédiatement. Cette situation, j'l'avais déjà trop vécue et malgré tout, j'arrivais pas à la combattre, à faire en sorte d'être maitresse des événements. J'continuais à marcher, comme si j'avais rien entendu mais le mec me lança des petites phrases d'accroches bidons "tu te balades seule ?" - "T'as pas peur la nuit ?" ou c'genre de conneries. Il m'laissait pas avancer, il s'mettait en travers de mon chemin et commença à m'pousser vers le mur. L'alcool ne m'aidait en aucun cas à riposter, j'avais la tête qui tournait et le choc contre le béton fut douloureux. Mon sac tomba au sol rapidement, tout comme sa clope. Il empestait. J'essayais de protester, tout mon moi intérieur hurlait de faire quelque chose mais mon corps refusait tout simplement, trop faible. Trop.. faible ouai, c'tait le mot. Mes peurs les plus anciennes commencèrent à revenir à la surface avec ses mains qui s'aventuraient sur moi. Des plus récentes revenaient quand il me frappait quand j'essayais de me débattre et quand il sortit un couteau qu'il passa le long de mon avant bras pour m'faire saigner. Trop de peurs dans la tête et une crispation de mon corps inévitable, au point que mes muscles me faisaient vraiment mal. Ma tête allait exploser sous toutes les suppliques que j'arrivais pas à exprimer, sous la peur, l'envie de pleurer, de fuir, de vomir, de me battre contre c'pervers qui jouissait de mon malheur.

Je tournais encore quelques fois et enfin, je repérais l'épicerie de nuit grâce au néons qui s'étalaient à l'entrée. Dieu merci, je n'allais pas passer ma soirée en rade de clope. Je faisais rapidement mon achat et à peine étais-je de retour au volant de ma voiture que je m'allumais une première cigarette, soupirant de contentement lorsque je sentis la fumée infiltrer mes poumons. Je pris tranquillement le chemin du retour, me laissant bercer par le ronronnement du moteur quand j'aperçu des gens un peu plus loin, comme un couple collé l'un à l'autre, les premières personnes de la soirée que je croisais d'ailleurs. Mais plus je me rapprochais plus j'avais l'impression qu'ils étaient en train de se disputer. Je ralentissais malgré moi, sourcils froncés, sentant mon coeur s'accélérer lorsque je vis qu'il s'agissait d'un type en train d’agresser une nana. Et lorsque dans un mouvement je reconnus Briony, mon sang ne fit qu'un tour. Je donnai un coup de volant sec, freinant d'un seul coup en m'arrêtant à moitié sur le trottoir. Sortant en trombe de la voiture, je me ruai sur le type sans réfléchir, une haine incommensurable s'emparant de moi. Lâche-la fils de pute grognai-je d'une voix que je ne me connaissais pas tellement elle était haineuse. Je balançai directement mon poing dans sa figure alors qu'il se retournait vers moi, voyant au dernier moment la lame de son couteau briller à la lueur du lampadaire. J'esquivais le geste de justesse en attrapant son poignet pour le tordre lui faisant lâcher l'arme qui tomba au sol dans un bruit sourd, mais lâcha un étouffement sourd lorsqu'il envoya son poing dans mes côtes, fragilisées à vie depuis mon accident d'avion. Je suffoquais pendant quelques secondes, plié en deux, sentant une douleur aiguë m'envahir et troubler ma vue avant de me ruer sur lui une seconde fois, parvenant à le faire tomber. Je lui envoyais un premier coup de pied dans le ventre, puis un deuxième, encore un autre... J'étais guidé par la haine, par ce besoin de faire mal, de l'entendre gémir sous mes coups pour avoir touché à ce qui m'était le plus cher. Ce n'est qu'au moment où il commença à cracher du sang avant de vomir ses tripes que je reculais d'un pas, le souffle haletant, le coeur battant à dix mille. Je détournais mon regard de lui pour me tourner vers Briony, recroquevillée au sol avec une fragilité bouleversante. Je m'approchais alors d'elle, essayant de la relever mais tout son corps semblait prostré. Je ramassais son sac à main avant de finalement la soulever en la prenant dans mes bras, non sans grimacer en sentant la douleur irradier de ma poitrine. J'allais ouvrir la porte de la voiture, installant Briony sur le siège passager dans le silence de la nuit, uniquement rompu par les gémissements de son agresseur et le bruit du moteur tournant de ma voiture. J'aurais pu y retourner. J'aurais pu y retourner et lui faire sa fête jusqu'à ce qu'il crève sous mes yeux. J'en avais envie, j'avais cette pulsion au fond de moi. Mais je me forçai à ne pas regarder sa forme inerte au sol, m'installant au volant avant de claquer ma portière et redémarrer. Je sentais mon sang pulser à mes tempes, jusque dans mon cou, m’agrippant au volant avec nervosité pour essayer de calmer mes nerfs. Sur le trajet, je jetais un coup d'oeil à Briony qui semblait toujours en état de choc. Une fois devant mon immeuble, je me garais rapidement et faisait le tour de la voiture pour prendre à nouveau Briony dans mes bras. Elle semblait si frêle à cet instant, si vulnérable. Ça me donnait envie de hurler. Je l'emmenais lentement jusqu'à mon appart, serrant les dents en sentant mon souffle coupé jusqu'à enfin fermer la porte derrière moi et déposer doucement Briony sur le canapé, comme si il s'agissait de la chose la plus précieuse au monde que je possédais. Bri.. commençai-je doucement, le souffle court. Je posais doucement ma main sur la sienne, si froide. Qu'est-ce qu'il t'a fait ? Il t'a fait du mal ? Il... il t'a touché ? J'avais la haine rien qu'à pronocer ces mots, mais je me contenais pour ne pas l'effrayer.

Mes muscles ne répondaient pas, mon corps était paralysé et même mes pensées se faisaient silencieuses. J'étais incapable de faire quelque chose, de penser à quoique ce soit. J'aurai aimé être le genre de fille qui arrive à se battre contre ses démons mais j'en étais loin. Quasiment huit ans que j'avais été violée et non, ça ne s'était toujours pas réellement refermé, la cicatrice menaçait continuellement de se réouvrir sous le moindre choc. J'avais dit à Feldt que ça allait s'apaiser un jour mais comment j'aurai pu lui avouer qu'encore maintenant, mes séquelles étaient présentes dans ma vie, qu'elles ne pourraient jamais s'atténuer malgré le soutien des proches ou encore celui du psy ? La souffrance des femmes violées (ou hommes d'ailleurs) n'était que déni pour le reste de la population, alors pourquoi l'évoquer.. ? Un an et demi que j'avais été laissée pour morte après m'être faite tabasser dans Londres et où j'avais perdu mon bébé à cause des coups donnés. Je m'étais murée dans le silence pendant plus de 24h après cet évenement et j'étais devenue parano, n'en parlant que peu, qu'en étant obligée d'ailleurs. Ce moment m'avait changé et m'avait marqué tout autant que le premier. Je ne pouvais jamais oublier ces instants où j'avais été qu'un objet, un exultoire d'une violence inouïe. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, j'étais incapable de bouger, mon corps avait compris ce qui était en train de se passer, que c'tait une répétition une nouvelle fois d'un même schéma, d'un cercle sans fin. J'avais essayé malgré tout de me débattre, avec les maigres forces que j'avais tout au fond de mon être, dans un désespoir sans nom, mais le mec n'avait pas à faire grand chose pour m'intimider et m'faire comprendre que j'devais rester à ma place. Elle était loin la fille des quartiers sensibles de Chicago qui s'battait, qui n'avait peur de rien du tout, pas même de mourir. Ce soir, je tremblais, j'avais peur et j'voulais être loin d'ici. J'avais reçu plusieurs coups, notamment un dans mon ventre qui m'fit perdre mon souffle de manière violente et qui m'fit pleurer sous le choc. Mon bras avait pris cher avec son couteau et je sentais la douleur irradier ainsi que le sang chaud coulait le long de mon avant bras. Les mains de ce pervers commencèrent à s'aventurer vers ma poitrine sans aucune tendresse, tripotant ce qu'il trouvait comme si ce n'était qu'un bout de viande. Voilà ce que j'étais à l'heure actuelle. Ma respiration était de plus en plus saccadée, sifflante. Sa bouche essaya de faire ouvrir la mienne et sous la menace du couteau mes lèvres s'entrouvrirent suffisamment pour laisser sa langue s'inviter. C'était dégoutant. Ne trouvant certainement pas son plaisir, ses mains finirent par descendre sous ma robe, près de mon intimité et là.. juste non. J'recommençais à me débattre mais une nouvelle fois, des coups vinrent, les insultes pleuvèrent. C'est vrai, j'étais qu'une pute à mettre une robe, à me mettre en valeur. C'est totalement vrai. Alors j'me taisais et je laissais ses mains s'aventuraient dans la partie de mon corps la plus intime, je le méritais.. Lâche-la fils de pute Cette voix, je la reconnaissais et j'me sentais soulagée de l'entendre. Mon agresseur finit par me lâcher pour s'attaquer à mon sauveur et j'me laissais glisser contre le sol, ne regardant pas le combat qui se déroulait contre moi, j'voyais pu rien. Ma vision se troublait, mes yeux regardaient dans le vide. J'tais juste vide. J'entendais pu rien, juste des bruits sourds de douleur. J'espérais que Wade n'aurait rien et comprendrait que j'pouvais pas regarder ça.. j'en étais incapable. J'avais peur pour lui mais voilà.. J'me sentais morte de l'intérieur, comme si ce mec m'avait pris toute la joie de vivre que j'avais au fond de moi. Une personne s'approcha de moi et j'me crispa encore plus, craignant d'être de nouveau face à ce pervers, mais la douceur qui émanait de l'homme m'fit comprendre que non, c'tait pas lui loin de là. J'me laissais porter sans rien dire, me murant dans le silence, incapable de ressentir une quelconque émotion. On m'posait dans une voiture que j'ne connaissais pas. J'arrivais pu à réfléchir, j'regardais devant moi un instant avant de baisser les yeux. J'avais pas l'droit d'observer quelque chose devant moi, j'méritais que le sol, j'étais rien. J'tais qu'une femme faible, une putain. J'avais l'impression qu'un trou béant faisait office de coeur dans ma poitrine. La voiture s'arrêta dans un endroit que j'connaissais pas et je pris peur. Et si Wade était un mec comme un de ces connards et qu'il allait profiter de moi.. ? J'avais un esprit qui partait en freestyle. Le jeune homme me reprit dans ses bras, mais j'restais recroquevillée, ne pouvant pas me reposer contre lui, me contentant de faire pression contre ma blessure qui saignait à mon bras. J'avais peur. Toujours. Bri.. Il faisait froid. J'avais tellement froid, il pouvait pas faire chauffer cette pièce. J'regardais dans le vide, me reculant jusqu'au fond de son canapé, remontant mes genoux contre ma poitrine dans une recherche de protection infime. J'sentais dénudée. La main de Wade contre la mienne, j'savais pas comment réagir. Il m'voulait pas de mal.. mais j'sais pas, j'tais pas à l'aise, je me forçais à ne pas bouger pour pas lui faire mal même si j'en avais envie. Qu'est-ce qu'il t'a fait ? Il t'a fait du mal ? Il... il t'a touché ? J'déglutis avec difficulté à ces questions, fermant les yeux, refusant de voir la réalité en face. J'lui disais quoi ? Les sensations me revenaient en pleine figure et mon envie de vomir se fit de plus en plus forte. J'passais finalement mes mains sous mes yeux pour enlever les larmes qui trahissaient mon état intérieur, me fichant de la tête que j'devais avoir. Je finis par acquiescer doucement, sans regardant Wade dans les yeux. J'bougeais un peu, levant la main qui faisait office de compresse pour lui montrer le sang. J'reniflais puis dans un lâcher prise, j'me rapprochais de Wade. J'lui faisais confiance. J'avais douté mais il était pas comme ce pervers, il était en rien pareil. Il était l'homme que j'aimais, l'homme qui venait de me secourir, l'homme dont les bras pourraient m'aider.

Je savais qu’il n’était plus là, qu’il était pas là avec nous dans cette pièce et pourtant, j’arrivais pas à faire redescendre la pression qui m’animais. J’étais sous tension, encore bouleversé par ce qu’il venait de ce passer et l’appréhension qui me gagnait depuis de longues minutes. Avait-il eu le temps de lui faire du mal ?... Je pouvais pas expliquer ce que je ressentais en ce moment. Voir Briony se réfugier au fond de mon canapé comme pour me fuir me brisait le cœur en mille morceaux. Non pas parce qu’elle me faisait du mal, mais parce que je voyais le mal que lui il lui avait fait. En touchant à Briony, c’était comme si on avait touché à une part de moi. J’attendis de longues secondes avant qu’elle ne s’ouvre à moi, et quand elle finit par acquiescer doucement sans me regarder, un poids immense me tomba dessus. J’avais des envies de meurtres. J’avais envie de tout casser autour de moi, de hurler la haine et le désespoir qui menaçaient d’exploser en moi. Parce que j’étais impuissant. Je ne pouvais rien faire pour effacer ce qu’il venait de se passer, et je m’en voulais terriblement pour ça… On me l’avait brisée. Encore une fois. Et le sentiment d’injustice qui me frappait en cet instant me donnais envie de vomir. Je fermais les yeux quelques secondes, prenant sur moi car en me laissant aller, j’avais tellement peur de l’effrayer. Je m’agenouillais face à elle, ma main tremblant légèrement sur la sienne en essayant de trouver son regard quand elle se mit à bouger, retira la main de son bras… pour dévoiler une plaie pleine de sang, à vif. Le sang dégoulinait le long de sa chair alors qu’un élan de colère et d’inquiétude me submergeait une seconde fois. Putain… lâchai-je malgré moi en regardant la plaie de plus près, devinant qu’il s’agissait de l’œuvre du couteau qui avait failli finir dans mon estomac. Sur le coup, j’eus juste envie de faire demi-tour et d’aller achever cet enculé. J’aurais mieux fait d’écouter mon premier instinct, de crever ce gros porc et de le faire agoniser pendant des heures. Je sentais moins de réticence chez Briony, comme si il s’agissait d’un animal blessé qui acceptait de se laisser approcher. J’avais tellement mal de la voir ainsi. Mais je devais m’occuper d’elle. Viens, je vais m’occuper de ça dis-je dans un souffle. Viens avec moi répétai-je avec douceur en passant à nouveau mes bras derrière son dos et sous ses jambes, non sans hésitation. Je guettais un signe de sa part montrant qu’elle ne voulait pas de ce contact, mais voyant qu’elle se laissait faire, je l’emmenais vers la salle de bain en allumant les lumières sur mon passage, avant de l’asseoir sur le bord de la baignoire. Je pouvais voir son visage marqué par les larmes, ce visage fermé qui me donnait l’impression que plus jamais je ne la verrai sourire. Attrapant ce que j’avais sous la main, soit une serviette propre dans le placard, je la passais doucement sur le bras de Briony pour éponger le sang qui s’étalait un peu partout. Puis je sortis du coton que je mouillais, m’agenouillant à ses côtés pour commencer à nettoyer la plaie avec des gestes maladroits mais terriblement délicats, tellement j’avais peur de lui faire du mal, physiquement ou moralement. Tu es glacée.. dis-je d’une voix inquiète en sentant sa peau sous mes doigts. J’attrapais la serviette de bain qui pendait pour lui mettre sur les épaules, la calant doucement contre son cou… Je suis là Bri, c’est fini. Je suis là maintenant.. je vais pas te lâcher dis-je d’une voix rauque en regardant son visage fermé.

J’avais envie de mourir, je sentais que j’avais pu ma place sur Terre, parmi ces gens « normaux ». Je savais pas que j’avais de plus ou de moins par rapport aux autres mais dans tous les cas, j’avais pas l’impression que j’pouvais rester. J’m’étais toujours demandée si j’allais vivre longtemps.. j’dépasserai pas 25 ans apparemment. Ca m’faisait peur de penser à ce genre de choses mais c’est tout ce qui m’évitait de songer à ce qui s’était passé ce soir. J’montrais à Wade ma plaie avec réticence mais j’savais que j’avais besoin de soins actuellement. Ca pouvait s’infecter d’une minute à l’autre et j’voulais ptete crever, mais pas d’une maladie de ce connard. Putain… J’déglutis, baissant toujours les yeux. J’l’avais toujours pas regardé dans les yeux, il me semblait que j’ai le droit. J’étais une moins que rien, d’où est-ce que j’pouvais m’octroyer le privilège d’être avec ce mec bien ? De nulle part tout simplement. J’me mordis la lèvre, remettant ma main sur ma plaie pour nouveau compresser, stoppant le sang qui s’était remis à couler. Viens, je vais m’occuper de ça Hein.. Quoi ? Pardon ? De quoi tu me parles ? J’comprenais pas ce qu’il me disait. J’captais rien de ce qui se passait.. Viens avec moi Mon souffle se fit plus rapide quand je sentis qu’il se rapprochait de moi, quand sa peau entra en contact avec moi et qu’il commença à me porter. J’avais peur. Je sais pas de quoi, mais j’avais peur qu’il s’attache peut être à moi alors qu’il fallait pas. Regardez, j’attire le mal, j’attire les gens mauvais, je le mérite pas ce gars. J’avais dit à Alexys que ça allait se concrétiser éventuellement avec Wade mais en fait non, c’tait pas possible finalement. Le jeune homme pansa mes plaies doucement avec une tendresse que je ne lui connaissais pas. Tu es glacée.. C’est possible, je sens rien, j’ressens pu rien du tout c’est affreux ou alors c’est normal.. J’étais déjà morte ? Une serviette se retrouva autour de moi et ça m’rassurait. J’pouvais cacher mon corps derrière ce bout de tissu, c’était moins que rien. Je suis là Bri, c’est fini. Je suis là maintenant.. je vais pas te lâcher Il était pas bien, ça s’entendait. Mais qu’est-ce que j’peux lui dire ? Absolument rien. Il devait me laisser tomber plutôt, il devait arrêter maintenant de penser à moi, sa vie serait plus simple, carrément même. J’le regardais et parlais toujours pas. J’étais loin d’ici, loin de cette salle de bain, j’avais envie qu’on me laisse en paix mais qu’en parallèle qu’Wade reste près de moi. J’finis par bouger un peu, pour m’avancer sur le bord et poser ma tête doucement contre le torse du mather. J’acceptais le contact petit à petit quelques secondes avant de finalement me lever, gardant la serviette autour de moi. J’me baladais comme un fantôme dans les couloirs, dans cet appartement que j’connaissais pas et atterris dans la chambre. J’me posais sur le lit, position fœtale, pour me protéger de ce monde extérieur qui était si malsain, si violent, si affreux.

Ca me rongeait de ne rien pouvoir faire. J’avais l’impression que quoi que je dise, quoi que je fasse, rien de ce que j’allais pouvoir faire ne pourrait la sauver. Je me sentais terriblement impuissant, rongé par la haine et la détresse qui me gagnait peu à peu. Alors je m’occupais de sa plaie puisque ça, je pouvais le faire. Je nettoyais minutieusement la chair à vif, enlevant toutes les traces de sang en me disant que ce serait tellement plus facile si je pouvais du même coup effacer ce qu’il venait de se passer. Je me risquais à dire quelques mots, cherchant à la rassurer… et j’étais tellement mal putain. Je ne voyais que le vide en elle, créant petit à petit un trou béant dans ma poitrine. J’avais tellement souhaité la voir ces derniers jours. J’avais imaginé ces yeux pétiller lorsqu’on se retrouverait, son sourire lorsque je lui annoncerais que j’avais un nouvel appart. Que même si on s’était appelé tous les soirs, elle m’avait manqué. Beaucoup trop. Mais tout ça s’envolait en même temps que le peu de confiance qu’elle avait en elle et que ce type venait de lui voler. Elle ne répondit rien à mes mots, et je continuais d’éponger sa plaie à présent rose vif, laissant tomber le coton au sol au fur et à mesure.. quand je la sentis se rapprocher et venir poser sa tête contre mon torse. Mon cœur battit un peu plus vite, réagissant toujours à l’extrême lorsqu’il s’agissait d’elle mais ce soir, il avait mal à pomper si vite. Je respirais doucement son odeur, n’osant pas bouger par peur de faire le geste de trop quand tout à coup elle se redressa, quittant la salle de bain sans se retourner alors que je la suivais du regard. Me laissant tomber à genoux, je restais ainsi quelques secondes avant de balancer mon poing contre la porte du placard sous l’évier, laissant un peu parler ce trop plein d’émotion que je ressentais et que me faisais sentir si inutile. A présent, je m’en voulais. Je m’en voulais de ne pas être arrivé plus tôt, de ne pas avoir pu empêcher ça. De ne pas lui avoir dit que je mourrais d’envie de la voir ce soir, ce qui aurait peut-être pu changer totalement le cours de la soirée. Lâchant le coton tâché de sang qui m’était resté en main, je me redressais pour aller voir où elle était partie, finissant par la retrouver allongée sur mon lit, recroquevillée sur elle-même. Je lui avais même pas mis de pansement. Elle allait se faire mal… Avançant avec hésitation dans la pièce, je m’approchais jusqu’à être à sa hauteur, ouvrant les draps pour pouvoir la recouvrir jusqu’aux épaules. Puis sans prononcer un mot, je venais m’allonger à ses côtés, sans pour autant la toucher. Juste pour être là, et rester autant de temps qu’il lui fallait pour qu’elle parvienne à s’endormir.

Il était grand son appartement je trouvais.. Ca changeait de ce qu’il avait pu avoir jusqu’à présent, que ça soit avec la coloc ou à la mather par exemple. Il avait son chez lui maintenant. Enfin, ptete qu’il cherchait d’autres personnes avec qui habiter ? Aucune idée.. J’aurai pu apprécier cet endroit dans un autre moment, mais pour l’instant, je cherchais juste à m’orienter entre ces murs qui m’oppressaient et ces cartons qui m’barraient la route. J’savais pas où aller. J’voulais uniquement me poser quelque part, me laisser pour morte dans un endroit où personne viendrait me chercher. Et c’tait finalement une chambre. Celle de Wade je suppose quel hasard. J’me sentais mal que nos retrouvailles se passent de cette manière. Il méritait pas d’me voir dans cet état. Je ressentais sa peine, je l’entendais avec le coup qu’il avait donné dans la salle de bain et j’ignorais quoi faire ou dire.. j’étais incapable de tout et j’étais pas à sa hauteur tout simplement. J’étais pas la fille faite pour lui, j’étais une moins que rien, une meuf que tous les mecs prenaient pour un objet sexuel ou pour un exutoire. Je m’allongeais sur son lit, essayant de me faire toute petite et de stopper le cours de mes pensées qui m’faisaient mal comme des poignards que j’enfonçais moi-même dans mon esprit pour m’faire comprendre que je méritais pas la vie, que tout ce qui s’était passé ces derniers temps étaient le juste retour des choses, que je devais mourir. Sado maso comme toujours. Wade arrivait bientôt dans la pièce, hésitant certainement sur l’attitude à adopter pour finalement se présenter près de moi et me recouvrir de la couverture, m’faisant légèrement sentir mieux. Il s’allongea près de moi et le fait qu’il soit près de moi me réconforta. Il ne chercha pas à établir un contact et j’lui en étais terriblement reconnaissante. J’lui avais déjà fait une crise de ce genre.. quand on avait couché ensemble à la mather full moon party là, quand il avait été un peu trop fort. Il savait que les émotions chez moi.. c’tait compliqué à gérer par moment, que j’avais un passé très dense et lourd à porter. J’essayais de m’endormir mais c’tait compliqué, j’arrivais pas à éteindre mon esprit ou à faire abstraction, à dire stop à mes sentiments pour passer à autre chose. Pourtant, c’était ce que j’devais faire. Ca devait faire plusieurs heures que j’étais arrivée chez Wade maintenant, il devait être pas loin des 4h ou 5h du mat je pense.. et j’avais toujours pas prononcé un mot sous l’état de choc. J’ouvrais les yeux pour regarder le mather face à moi pour la première fois depuis qu’il était venu à mon secours et un flot d’émotions m’envahit. De reconnaissance, de gratitude, de joie d’le voir, de sécurité. J’me sentais pas mieux à l’intérieur véritablement on va dire.. mais accepter d’l’observer enfin me fit énormément de bien et m’fit comprendre que j’pouvais pas le laisser comme ça alors qu’il était en train d’en pâtir tout autant que moi. J’prenais sa main dans la mienne, entrelaçant nos doigts avec douceur, testant mes limites avec le contact physique. Je t’aime.. C’est sûrement pas le moment pour le dire et je voulais pas donner la satisfaction à ce connard d’m’avoir rapproché d’Wade, mais j’avais réellement besoin d’amour maintenant et d’exprimer ce que j’ressentais. Ce mec aurait pu m’prendre la vie, ce mec aurait pu m’tuer et j’avais envie de mourir maintenant. Alors oui, en fait, c’était certainement le bon moment pour dévoiler vraiment ce que je ressentais et ce que j’osais pas dire jusqu’à présent. Mes premiers mots.

Je saurais pas dire combien de temps je restais comme ça. Le temps défilait sans que je ne m’en rende compte, alors que je restais simplement là à regarder Briony. Je me posais tout un tas de questions, comme de savoir si j’avais bien agi ou pas en l’emmenant ici, si je ne l’oppressais pas davantage au final à vouloir m’occuper d’elle. Je me demandais ce qui pouvait lui traverser l’esprit en cet instant pour qu’elle n’ose pas prononcer un mot, ni me regarder dans les yeux. Avait-elle honte ? Ou croyait-elle que je la prenais en pitié ? Je ne savais pas du tout quelle attitude adopter entre la laisser tranquille et être tout de même là pour elle. J’avais choisi la demi-mesure en m’installant près d’elle sans pour autant établir un contact physique. Alors qu’au fond de moi, je mourrais d’envie de la prendre dans mes bras et de la bercer contre moi. De lui montrer que j’étais là, de le lui faire sentir jusque dans les moindres parcelles de son corps. Les heures s’écoulaient mais je n’osais pas m’endormir, ayant bien trop peur de retrouver mon lit vide à mon réveil. Je me fumais quelques cigarettes, le regard perdu et soudain, alors que j’étais en train d’écraser mon mégot dans le cendrier près de mon lit, je vis ses yeux s’ouvrir et son regard se diriger vers moi. Je ressentais une drôle de sensation en voyant son regard plonger dans le mien, touché au plus profond par ce qui était en train de se passer. Rien qu’avec cet échange, j’avais l’impression qu’elle ne me rejetait pas complètement et… ça me faisait du bien. Je l’observais en silence, détaillant son visage fatigué par trop d’horreur mais qui restait pourtant si beau à mes yeux. Pourquoi est-ce qu’elle récoltait autant de violence ? Pourquoi elle ? Ses doigts virent doucement s’entremêler aux miens et je me laissais faire dans un léger soupir, comme si ce contact parvenait à me redonner contenance. Est-ce qu’elle allait accepter mon aide ? J’en avais aucune idée. Mais ce qui était sûr, c’est que je n’allais pas l’abandonner. Je t’aime.. Mon rythme cardiaque s’emballa à une vitesse record, dépassant toute limite de la normale alors que mon esprit lui tentait d’assimiler ce qu’elle venait de me dire avec sa voix faible. J’étais tellement surpris que je restai stoïque quelques secondes, me demandant si j’avais bien entendu et si c’était pas mon esprit qui me jouait des tours. Ces mots… j’avais tellement rêvé de les entendre. J’y avais cru à un moment, avant de définitivement les enterrer au plus profond de mon être. Je pensais pas qu’elle pourrait me les offrir un jour. Tout simplement parce que j’y croyais plus du tout. J’étais perturbé, me sentant à la fois pousser des ailes et revenir à la réalité avec les évènements de la soirée, partagé entre la joie et la tristesse. Mes doigts firent une légère pression sur les siens, sentant une boule d’espoir se former dans ma poitrine. Moi aussi je t’aime dis-je dans un souffle, laissant les dernières barrières qui me restaient éclater en mille morceaux.

Je me demandais si j’allais pouvoir trouver le sommeil cette nuit de mon plein gré ou si j’allais tomber de fatigue à un moment donné. J’pense que j’allais pas trouver la paix de sitôt et qu’un ou deux somnifères n’étaient pas de trop dans ces cas là.. J’me sentais toujours aussi mal mais plus les minutes passaient et plus j’arrivais à relativiser en quelques sortes ce qui s’était passé, me disant que l’alcool avait amplifié mes peurs, que ce n’était pas aussi grave que ça, que tout cela ne s’était pas réellement déroulé toute à l’heure et n’était que fantasme de mon esprit. Par contre, ce qui restait était la douleur des événements, l’horreur de cet enchaînement au fil des années qui m’exténuait et m’rendait triste de vivre. Les deuils, la violence, la tristesse.. j’en avais marre de vivre ça et de devoir faire avec. Je voulais mourir et je pensais pas ça avec une certaine légèreté. Je pourrais pas rigoler de ça avec toutes les personnes décédées dans mon entourage ou qui avaient tenté de se suicider. C’était un thème bien trop important et sensible. Alors il fallait que j’dise à mes proches ce que je ressentais vraiment pour eux, sans barrière et c’tait surtout Wade que je pensais, dont j’acceptais l’aide.. Qui pourrait ptete m’aider à refermer mes cicatrices et aller de l’avant ? Mon dernier espoir en fait. Quand je prononçais les fameux mots, je le regrettais tout de suite après. J’aurai pas dû les lui dire maintenant, il allait me trouver bête, futile et naze. J’étais gênée de lui avouer mes sentiments maintenant alors que j’étais au plus bas, gênée de montrer vraiment ce que je ressentais pour lui-même si il fallait être aveugle pour pas le voir. Pourtant, je relevais les yeux vers lui quand je sentis une pression contre mes doigts de sa part. Et qu’il me retourna ses mots.. il m’aimait. Finalement.. non ? Sérieusement ? J’ouvris la bouche pour dire quelque chose avant de la refermer et de juste sourire. Pour la première fois encore de la soirée. C’était le pouvoir de Wade. Y avait rien d’autre à dire. Ou si. Est-ce que tu peux m’serrer dans tes bras ? Je me mettais assise dans le lit, grimaçant quand le drap se détacha de ma plaie qui n’avait pas reçu de pansement avant d’ouvrir timidement les bras, acceptant le jeune homme près de moi.