C'est vrai que j'avoue être une des premières à apprécier qu'on me remercie. Même si, je n'aide pas les gens dans le but d'avoir quelque chose en retour, mais j'ai horreur qu'on ne prenne pas en compte un service. La moindre des choses, c'est de remercier la personne, et même si cette personne est pas forcément quelqu'un que tu portes dans ton coeur au premier abord, c'est valable. « T'es un malin toi ! » dis-je en riant à sa remarque. Fallait pas trop pousser non plus, je faisais pas des bisous sur commande non plus. Nous nous dirigions alors vers la cafétéria pour que je mange quelque chose pour reprendre des forces. Je rejoignais Alejandro à une table, engageant la conversation sur Boston tout en mangeant ma pomme.  « Je vois ! Ca doit être sympa ! » Encore plus quand on sait combien j'adore le large, l'océan, tout ça. Je tiens ce truc de mon frère, il m'a en quelque sorte transmis cette obsession.  « Moi je suis en coloc' sur Inman Square, c'est sympa aussi. » dis-je en souriant. Ouais, j'été bien avec Leo, Grace et Claarys. Je pouvais pas rêver mieux comme quatuor.

Alejandro prit un air sérieux, haussa un sourcil.

-Je suis sérieux.

Puis, il se mit à rire à son tour, signe qu'il n'était pas sérieux, même si un bisou de la belle Jeisa n'aurait pas été désagréable. Une fois à la cafétéria, ils échangeaient sur les endroits où ils habitaient. La Quincy habitait à Cambridge, à Inman Square, ce qui est un endroit sympa aussi, l'ambiance, le vibe, y est assez jeune.

-J'ai une coloc' aussi.

Parce qu'habiter à deux c'est plus marrant qu'habiter seul, c'est certain, puis, avec une colocataire comme Aryana Kane, on ne s'ennuie jamais. Alejandro se calait ensuite un peu plus contre le dossier de sa chaise et observait Jeisa un brin avant de dire:

-Tu reprends des couleurs, on dirait que tu te sens mieux. Qu'est-ce que tu as au juste, si ce n'est pas trop indiscret de demander?

Je dois avouer que c'était sympa de faire connaissance avec lui. Si au départ je vous assure que je ne lui aurais pas adressé un mot, ma vision s'était adoucit. Comme quoi les apparences peuvent être trompeuses, enfin c'était assez tôt pour le dire mais en tout cas son comportement ne m'horripilait pas et c'était déjà un bon point. On discutait de l'endroit où nous vivions, et visiblement l'un comme l'autre nous ne devions pas apprécier la solitude puisque lui aussi avait une colocataire. UNE. N'importe quelle personne normale penserait que ca peut être très agréable pour un homme d'avoir pour seule coloc une femme, mais bon, je n'émettais pas de jugement. Puis d'un ton plus sérieux, le jeune homme me demanda ce qu'il m'arrive. Aouch, sujet sensible. « C'est une longue histoire... » dis-je doucement, en posant ma pomme pour attraper le muffin. Ouais, autant manger ça qu'une pomme pour dire tout ça.  « J'ai eu un accident de voiture avec une amie le dernier soir du Summer Camp en Arizona... On rentrait de soirée et.. bon, je te cache pas qu'on était pas totalement clean. » Je sais pas pourquoi je lui racontais ça mais après tout, il avait demandé. « Je m'en suis bien sortie, mais j'ai pas encore la possibilité de faire tout ce que je veux comme je le veux. C'est pas mon premier malaise depuis le début de la semaine et l'infirmière m'avait bien dit de rester au calme, chez moi. » Voilà, il savait tout.

Il prenait sans doute une chance à demandant à la Quincy ce qu'elle avait ou ce qui lui était arrivé, mais en même temps, il n'avait pas grand chose à perdre, hormis se faire dire non, ce qui ne l'aurait pas plus dérangé que cela. Apparemment, elle se remettait d'un accident de voiture dû à des facultés affaiblies. Jeisa retenait-elle la leçon? Il imagine que bien d'autres avaient dû lui faire la leçon, il n'allait pas en rajouter. Du coup, il se contenta d'acquiescer et d'écouter la suite. La jeune femme parlait alors de ce qui était plus positif, à savoir, qu'elle s'en était sortie, entre autre.

-J'imagine que tu n'es pas du type à vouloir rester chez toi toute tranquille?

Il disait cela avec un petit sourire. Déjà, rien que cette accident de voiture et les circonstances l'entourant en donnait une petite idée, mais tout de même, Alejandro ne portait pas de jugement, du moins, essayait-il.

-L'important, c'est que tu prennes soin de toi maintenant. Il n'y aura pas toujours une âme charitable pour te ramasser quand tu tombes.

Petit truc qu'il pouvait bien lui donner.

Alejandro devait probablement me voir comme un cinglée inconsciente. Même si on comptait le nombre de jeunes qui prenait le volant en étant saoul, c'était toujours tragique. Heureusement pour moi, mon histoire n'a pas été tragique et j'en suis sortie indemne. Ou presque. Comme on dit, ce qui ne nous tue pas nous rends plus fort après tout ! Ce que me demande le jeune m'arrache un sourire.  « Effectivement. J'ai horreur de ça ! On aura le temps de rester chez soi assis dans son fauteuil à ne rien faire à 80 ans ! » dis-je en haussant les épaules. Me tourner les pouces ? Jamais. Alors comprenez combien c'était dur pour moi de rester chez moi, à ne rien faire des mes journées. « Ouais je sais bien ! Disons que j'ai eu de la chance que tu sois dans les parages... Même si je t'avoue que j'avais des à priori te concernant.. » J'étais franche avec lui. Non à la base, il ne m'inspirait rien du tout et j'étais agréablement surprise aujourd'hui ce jeune homme.

Jeisa et Alejandro discutaient tranquillement dans la cafétéria de Harvard tandis que la Brésilienne mangeait quelques trucs. Bientôt, elle avait terminé et l'Espagnol se risquait à quelques questions sur ce qui était arrivé au juste pour qu'elle se retrouve dans une telle difficulté niveau santé. Jeisa lui raconta sans complexe ce qui était arrivé et apparemment, le beau brun avait vu juste en qualifiant la Quincy de personne qui ne peut faire de surplace. Sourire en coin, il disait:

-Je suis plutôt d'accord avec cette vision des choses. La vie est trop belle pour ne pas en profiter.

Bien que pour lui, profiter ne signifie pas se droguer ou risquer sa vie de façon un peu idiote. Et du reste, Alejandro dit cela et quand c'est le temps de profiter, il profite, mais la plupart du temps, il travaille ou étudie. Pour lui, cela compte dans ce qu'il faut faire pour faire une différence, être actif.

Voici que Jeisa avouait qu'elle avait quelques a priori le concernant. N'en fallait pas plus pour qu'Alejandro se montre encore un peu plus curieux, bien que cela l'amusait et puis de son côté, il en avait bien des a priori vis-à-vis la Quincy. En fait, avec cette histoire d'accident, elle les avait quelque peu confirmé.

-Ah oui? Comme quoi par exemple?

Je hochais la tête pour lui montrer que j'étais totalement d'accord avec ce qu'il disait. Et je l'avais encore plus compris maintenant. En vérité, cet accident m'avait complètement bouleversé et j'avais finalement pris tout un tas de résolutions. J'voulais arrêter ces conneries, j'ai plus envie de toucher à la drogue. J'y touchais pas énormément mais dorénavant c'était terminé pour moi. J'voulais plus boire une goutte d'alcool, j'en suis arrivé là à cause de ça. Alors au final, c'était un mal pour un bien. Sauf que c'est triste d'avoir besoin de passer à côté de la mort pour s'en rendre compte. Puis nous venions à discuter du fait que j'avais des à priori sur lui. Je souriais quand il me demandait lesquels. « Aaah.. Pour moi je te voyais comme un gars prétentieux, snob.. bref, le fils à papa par excellence tu vois. Tout ce que je déteste. » avouai-je. Ouais, j'aime pas ce genre de personne, c'est plus fort que moi et ce qui craint, c'est qu'avec le milieu du quel je viens, j'en ai croisé des tonnes.

Comment Jeisa le voyait-il avant qu'il ne la conduise gentiment à une infirmière pour ensuite attendre et voir si la Quincy était bel et bien remise? Elle le prenait pour un snob, fils à papa, on pourrait presque dire un Eliot en somme, ce qu'il n'est plus. Alejandro fit un petit sourire en coin, pas vraiment l'air troublé ni insulté par ce qu'il entendait.

-En même temps, tu n'as peut-être pas tord, après tout, j'ai remporté les trophées de la personne la plus narcissique de Harvard et celui du pire élève aussi.

Alejandro, pour qui la réputation est un élément important de toute vie, qu'on le veuille ou non, avait vu la sienne détruite au bal, en recevant ces deux trophées, sans oublier qu'on l'a drogué avec le résultat que l'on connait et aussi, qu'on a dévoilé au grand jour sa liaison avec la meilleure amie de son ex', bref, la totale. Il inspira un brin, se gratta la tempe avec un doigt et ajoutait bientôt:

-M'enfin... je travaille sur moi, ou plutôt, j'essaie de montrer que je ne suis pas que ce qu'on dit ou l'impression que je peux laisser. Content que tu sois reconnaissante en tout cas.

J'hésitais pas à être honnête à propos de mes premières impressions sur Alejandro. J'avais pas peur de dire ce que je pensais même si mon regard avait quelque peu changé au final. J'arquai un sourcil en l'entendant dire qu'il avait remporté des trophées peu admirable au bal. Je n'en avais pas le souvenir, de toute façon j'avais presque raté toute la cérémonie de récompense au bal. « Et bien ! J'avais peut être raison alors » dis-je en rigolant pour le taquiner. Vive les élections hein. Rien de meilleur que ces histoires de trophées pour s'en prendre plein la tronche pour très peu. « Hum je vois. Alors qui es-tu vraiment Alejandro ? » demandai-je. Il voulait re-travailler son image ? Très bien, je voulais bien en faire l'expérience et voir ce qu'il avait à dire pour argumenter. « C'est normal, merci encore. » déclarai-je en souriant.

Après son petit rappel de où en était sa réputation, fait qu'il traînait comme un fardeau, Jeisa se mit à rigoler et à blaguer. Elle prenait le tout à la légère et si Alejandro la toisa de son regard un moment, il finit par esquisser un sourire et même à en rire à son tour, vu ce que la Brésilienne ajoutait comme quoi elle avait peut-être raison. Ensuite, elle se risquait à demander qui il était vraiment, ce qui fit esquisser le beau brun d'un sourire quasiment mystérieux, peut-être révélateur quand même de son attitude, avant que celui-ci ne s'efface et qu'il n'hausse nonchalamment des épaules.

-Je pense qu'une personne peut avoir plusieurs facettes. Je ne suis pas seulement le petit fils d'Amancio Ortega, pas seulement un étudiant parmi tant d'autres et pas seulement un beau jeune homme un brin narcissique. Et pas seulement un intello...

Voilà qui ne répondait pas beaucoup à la question. Puis, la jolie brune le remerciait encore pour ce qu'il avait fait. Jusqu'ici, Alejandro avait fait ce geste de générosité par pure gentillesse et pour une fois, il ne comptait pas rien demander en retour. En espérant simplement que la Quincy ait une meilleure estime de lui.

-Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant?

Elle avait fini de manger sa pomme et avec un peu de chance, elle ne devrait pas "tomber dans les pommes" de sitôt.