Alejandro avait toujours été étonné de voir que des Italiens, habitants du royaume du pape quoi, ne soient pas plus croyants que cela. En tout cas, le beau brun était un pur catholique, dans la tradition de sa famille, de son peuple même, il est vrai. Pour autant, Angel ne faisait pas preuve de mépris envers la foi et les convictions de son ami. Il ne tint que de sages paroles à cet instant. De l'entendre si sage faisait presque bizarre. La prison l'avait-elle assagi?

-Tu as sans doute raison mon ami.

D'ailleurs, le sage Angel n'était pas un fan des armes, préférer même éviter de toucher à ce qu'il appelait "ces trucs", comme si dire le mot arme était même une menace en soi. Amusé par le comportement de son ami, Alejandro ne se décourageait pas pour autant.

-Allons, ce n'est pas radioactif. À Rome, on fait comme les Romains, pas vrai?

Et aux USA, tout le monde a une arme non? Vision un peu stéréotypée, mais pas tout à fait fausse. Hors de la voiture, Alejandro vérifiait son arme et racontait à son ami où il avait acheté celle-ci. Visiblement toujours sceptique, Angel comptait le laisser regarder. Les bras bien tendus, en position stable, ce ne devait pas être la première fois qu'Alejandro tirait. Il tira les six coups à un rythme constant et atteint le poteau, à une bonne distance quand même, quatre fois sur six. Pas si mal quand même, quand on pense qu'un pistolet n'a pas de lunette ou même vraiment de viseur. Le beau brun rechargeait, puis, le doigt sous le pontet, tendait l'arme vers Angel.

-À toi. C'est simple, tu vises le poteau et tu appuies sur la gâchette.

Une arme n'est peut-être pas un objet radioactif, mais Angel se comportait comme si c'était le cas. Alejandro eut beau faire une petite démonstration, insister un brin, rien à faire, son ami ne semblait pas vouloir y toucher, pas même avec une barre de six mètres. Le jeune homme ne cacha pas sa déception dans son soupir, mais il reprit l'arme, la déchargea et rangea les balles dans une poche.

-Tu ne sais pas ce que tu manques. C'est assez grisant en fait. Où est donc passé le Angel qui prenait des risques?

Ainsi donc, la prison ne semblait pas l'avoir endurci sur ce plan. Tranquillement, Alejandro retournait vers la voiture, puisqu'ils n'avaient plus rien à faire ici, sinon observer ce poteau sur lequel il y avait désormais des impacts de balles.

-Allez viens, je te ramène à la maison, gentil Angel.

C'était dit d'une façon pour le taquiner. D'ailleurs, Alejandro marchait plus lentement et quand Angel passait à sa hauteur, il passait son bras au niveau de l'épaule de son ami et la tapotait, envoyant un petit sourire à ce dernier.

Être clean... Alejandro fixa un instant Angel, avec un air assez sceptique pour que son camarade ajoute qu'il fallait le prendre au sérieux. L'Espagnol eut alors un sourire amusé et bougea la tête de gauche à droite. Se racheter? Oula, voilà qui risque d'être l’œuvre d'une vie.

-Je comprends, t'inquiètes, vu ce qui est arrivé, tu dois ressentir le besoin de te faire discret. Par contre, je ne vois pas ce que tu as à racheter. Tu ne dois rien à personne que je sache. Ne te martyrise pas trop, un Angel pathétique n'est pas mieux qu'un Angel unclean.

Il ne fallait pas faire dans l'autoflagellation quoi. À moins qu'il n'ait vraiment quelque chose à racheter, une raison pour chercher la rédemption, comme un parricide, par exemple. Après quoi, il montait dans la voiture et rangeait son arme dans un endroit sauf.

-Tu parles... plus je te regarde, plus je trouve que tu as l'air d'un chat dégriffé, même si ta dernière remarque me fait garder espoir.

Alejandro le charriait encore, hey oui et s'en amusait. Faut dire qu'il fallait profiter un peu de cette soudaine gentillesse qui semblait posséder Angel. Parions que tôt ou tard, le naturel reviendra au galop. On est qui on est, c'est tout, s'excuser de l'être ne sert à rien. Le moteur de sa voiture vrombit et l'engin de luxe quitta les lieux pour regagner le campus de Harvard. Ça faisait du bien, mine de rien, de passer un moment entre mecs, de parler de tout et de rien. Puis, le nouveau Angel est de bonne compagnie.

Angel, poursuivant la conversation avec l'Espagnol, précisa qu'il ne voulait pas devenir pathétique, ne croyait pas l'être non plus, mais il avait bien l'intention d'être clean.

-Tout ce que je veux dire, c'est qu'être clean ne doit t'empêcher de profiter de la vie.

Tant que c'est légal du moins, on s'entend, mais Alejandro n'est pas du genre à verser dans l'illégalité, même si tirer du pistolet sur un poteau de téléphone est sans doute limite. Pour le reste, sur le chemin du retour, le jeune homme pouvait comprendre que pour son ami, qui a un enfant désormais, rien n'est plus si simple.

-J'admets que là, il y a un enjeu plus important que tout.

Conclusion: Angel donnait l'impression aujourd'hui d'être un chat dégriffé par rapport à ce qu'il a pu être.

-Hâte de voir cela.

La voiture quittait les lieux, comme mentionné précédemment et cette fois, il prit le trajet le plus court pour rejoindre le campus. En chemin, Alejandro parlait à son ami de son intention de rejoindre les Dunster cet automne, l'envie de rester simple étudiant ne le tentait pas. Il était curieux de savoir ce que ce dernier en pensait. Puis, enfin, l'Espagnol arrêtait la voiture devant la Eliot House.

-Ça été sympa, se balader et discuter avec toi. Il est tranquille le nouveau Angel, mais toujours de bonne compagnie. La prochaine fois, j'essaierai de nous trouver autre chose à faire que de tirer du pistolet. Aller dans un salon de thé peut-être? Je crois bien que c'est clean ça!

Après quoi, une fois son camarade sortit de la voiture, Alejandro lui adressait un dernier ciao, avant d'à nouveau faire vrombir le moteur et de quitter le campus pour retourner à Boston.