Alejandro venait de compléter un énième examen et quittait la classe, la faculté-même, pour se retrouver dehors, au beau soleil. Car oui, enfin, le soleil avait atteint la côte est américaine et il faisait enfin autour de 20 degrés. N'en fallait pas plus pour qu'il soit d'excellente humeur. Habillé en pantalon-chemise, les manches retroussées au niveau des coudes, son sac en bandoulière sur une épaule, il mit ses lunettes fumées une fois dehors, puis sortit son téléphone, pour texter un vieux camarade.

Même si depuis l'arrestation et le procès d'Angel, leur amitié n'était plus la même, Alejandro entretenait encore de bons rapports avec son ancien étudiant d'échange italien. Tous deux autrefois membre de la Eliot, désormais, seul Angel en était, tandis qu'Alejandro avait tiré sa révérence. Selon ce qu'il a su, on parlerait encore abondamment de lui à la Eliot, c'est du moins ce que Tate lui a dit. En tout cas, comme il fait beau, comme il a sorti la Ferrari du garage aujourd'hui, il se dit que le moment serait bien choisi pour voir son vieux camarade.

Après avoir envoyé un texto qui invitait son ami à venir le rejoindre dans le parking de la faculté de droit, que du reste, il ne devrait pas manquer Alejandro et encore moins sa ferrari, il arriva le premier à sa voiture décapotable et déposait son sac sur la banquette arrière du véhicule, avant d'aller s'appuyer légèrement contre le capot et de répondre encore à quelques textos.

Jusqu'à ce qu'ils aperçoivent Angel c'est à dire. Aussitôt, le beau brun rangeait son téléphone et se redressait. Dès que l'Eliot fut près de lui, il venait lui faire une franche et amicale accolade, en plus de lui serrer brièvement la main, avec les salutations habituelles.

-Hola Angel! Content que tu aies pu te libérer, sachant que tu dois être, comme moi, en pleine période d'examens.

Peut-être qu'il ne prenait pas la chose aussi sérieusement que l'Espagnol par contre. Ensuite, il s'écartait et tendait le bras vers sa voiture comme pour mieux la mettre en évidence.

-Elle est jolie non? J'imagine que tu en as une semblable... Ce n'est pas le modèle le plus récent, mais je l'aime et elle tourne comme au premier jour.

Il y avait un froid entre les deux amis, mais quand il vit le sourire d'Angel, tandis qu'il approchait, il se dit qu'il n'était pas trop tard pour rétablir les ponts. C'était normal qu'un fils de bonne famille comme Alejandro prenne ses distances d'un homme accusé de meurtre et même emprisonné non? Son ami ne pouvait que comprendre...

Si Dante est aussi studieux que lui, ce qui n'est peut-être pas le cas, alors l'Espagnol était heureux que son camarade ait pu se libérer pour venir faire un tour, parler de tout, de rien, du bon vieux temps et du temps qui ne sera plus. De son côté, Angel n'était pas mécontent de  changer d'air.

-Moi pareil, j'ai besoin plus que jamais de me changer les idées. J'ai le crâne bourré de lois, de codes et j'en passe.

Angel est un gars brillant, Alejandro ne s'en faisait pas trop pour lui. De son côté, le beau brun a toujours était ce qu'il est actuellement: un perfectionniste, un homme qui ne laisse rien au hasard... ou presque. Ses défaites électorales lui ont rappelé qu'il n'est pas Superman.

-On va faire une balade? Tu pourras me donner des nouvelles de la Eliot en même temps. J'en ai via Tate, mais tu sais, c'est le président alors... Il sait ce qu'on veut bien qu'il sache.

Ajoutait le beau brun avec son petit clin d’œil rusé caractéristique.

Angel était d'accord pour faire cette balade en voiture. Du coup, Alejandro grimpait dans la décapotable rouge, évidemment et s'installait au volant. De son côté, Angel disait qu'il ne voyait pas ce qu'il pouvait lui raconter de plus que Tate, disant être à l'écart depuis sa sortie de prison. Disons que ce n'était pas étonnant qu'il soit à l'écart comme un paria, néanmoins, il connait au moins une personne qui est encore plus à l'écart que lui. Un sourire amusé sur les lèvres, il ouvrait la portière du côté passager, comme une invitation évidente.

-Moins à l'écart que moi quand même, qui ne suit même plus bleu.

Eliot un jour, Eliot toujours? On ne peut pas vraiment dire cela. Une fois Angel grimpé, il mettait la clé dans le contact, ce qui fit vrombir le moteur sport de la voiture, véritable œuvre d'art selon l'Espagnol, reculait doucement, puis partait plus rapidement dans la direction avant, en vu de quitter le campus et de prendre un chemin de campagne dès que possible.

-Quoi de neuf de ton côté? Tu t'es trouvé une cavalière pour le bal?

Ce n'est qu'une fois monté dans la voiture qu'Alejandro se mit à expliquer les raisons de son départ de la Eliot House. Il était surpris qu'Angel lui pose la question, mais en même temps, la meilleure façon d'être fixé était de demander au premier concerné.

-Pour plusieurs raisons. D'abord, c'est certain qu'après trois défaites, il y a de quoi remettre en question son appartenance à un groupe. Puis, si je veux grimper les échelons d'une maison, il est clair que ça ne se passera pas du côté des Eliots... Mais quand j'ai su qu'ils avaient fait une fête pour célébrer ma défaite, c'est là que j'ai pris ma décision, avant d'être tenté de mettre le feu à cette belle baraque.

C'était une blague bien sûr, Alejandro n'est pas du genre à commettre un acte criminel, même par vengeance. Ceci dit, il a de l'orgueil. Tandis que la voiture s'éloignait de Cambridge pour gagner les routes de campagne qui borde cette ville, le beau brun parlait plutôt du bal. C'est un peu le sujet incontournable ces jours-ci.

-Beezus, oui, c'est logique. Je sais que vous n'êtes pas ensemble, mais comme femme avec qui être en couple, il y a pire tu sais...

C'était juste son petit avis en passant, parce qu'Angel et lui n'étaient pas du tout sur la même longueur d'onde sur la vie amoureuse disons. Angel aime les coups d'un soir, les conquêtes et les enchaîne, cela ne date pas d'hier. Tandis qu'Alejandro aime être en couple, ou essayer du moins et n'aime pas les coups d'un soir. Au moins, Angel a pris ces responsabilités quand Beezus est tombée enceinte.

Lorsqu'Angel apprit que certains Eliots avaient fait une fête pour célébrer la victoire de Nemo, mais surtout la défaite d'Alejandro, le jeune homme réagit à peu près comment l'Espagnol avait réagi en apprenant la nouvelle via Tate, qui s'était opposé à cette fête. Alejandro ne voulait pas s'attarder davantage sur cette maison en perdition. Il préférait parler de l'avenir.

-Tu devrais faire comme moi. Quitter, maintenant que l'année tire à sa fin de toute façon et rejoindre les Winthrop à l'automne. Tate va nous rejoindre et puis, cette maison sans leadership, on devrait pouvoir la façonner à notre image, en faire ce que les Eliots devraient être en quelque part. Une élite solidaire et implacable. Puis, au moins, entre mecs, il y aura plus de solidarité... du moins j'espère.

Rien n'est moins sûr. En tout cas, selon Alejandro, les choses ne s'arrangeront pas pour son ami à la Eliot, vu comment elles sont appelées à évoluer. L'époque où les Eliots faisaient l'envie de tout Cambridge appartient au passé de toute façon.

Il fallait du courage pour assumer ces conneries, comme le dit Angel. Son ami alla jusqu'à reconnaître qu'être en couple avec la mère de sa fille ne serait pas une mauvaise idée. Le jeune homme jeta un regard surpris vers le Eliot. C'est qu'il semble presque y penser sérieusement dites donc. Ne reste qu'un pas à franchir, celle de la décision et ce sera chose faite.

-Une femme avec du caractère, c'est ce qu'il te faut...

Quand Angel eut un lapsus et mentionnait la "chanteuse" plutôt que la chanteuse, il eut un léger rire.

-La chanceuse tu veux dire mon cher ami? Elle s'appelle Elena Del Duca, une Italienne imagines-toi... Blonde, les yeux bleus, une beauté classique. Je l'ai rencontré au Spring Break et depuis je ne la lâches plus. Elle ne semble pas trop s'en plaindre.

Il espère bien conquérir le cœur de la belle, en tout cas, il y met tous les efforts.

-N'empêche, on en a fait du chemin depuis le collège. Je pense encore aux gamins qu'on était, aux conneries qu'on faisait... J'étais loin de penser que nous nous retrouverions à Harvard.