Depuis ce jour, plus rien n'allait. C'était le bordel, dans ma vie, dans ma tête, tout était chamboulé, changé. J'avais ses images qui me revenaient en mémoire, des images que je n'arrivais pas contrôler. Assise contre un mur, j'étais enfermer ici depuis plusieurs heures, j'étais déjà préparée pour aller... Enterrer mon cousin. C'était des mots que je n'arrivais pas à prononcer, ça restait bloquer, là dans le fond de la gorge. Cela faisait maintenant trois jours que j'étais rentrée du Summer Camp, où j'y étais allé seulement pour voir mes amis. Il faut croire que ce n'était pas seulement pour cela que j'ai été poussé à y aller. J'ai vu mon cousin mourir sous mes yeux, sans rien pouvoir faire, c'est ses images là qui me reviennent en mémoire. J'avais examinée chaque objet qui était toujours ici, dans sa chambre, dans notre maison. Cette chambre où on avait passé tellement -trop- de temps ensemble. A ce moment j'avais été partagé entre deux émotions totalement incompatible, le souvenir de ce que me rappelait l'objet en question, son sourire, ses paroles et ses bras réconfortant qui était bon et soudain la tristesse m'envahissait. Partagé entre le rire et les pleurs. Totalement incompatible, totalement bouleversé et sous le choque. Oui ma tête était un chantier, les phrases ne se construisaient pas, c'était incohérent, les mots ne sortaient pas. Pourtant face aux autres, je faisais plutôt bonne figure, mais aujourd'hui c'était beaucoup trop.

C'était trop dure de le voir comme ça, sans vie, figé totalement dans le temps, gelé au sens propre comme au figuré. C'était horrible de faire subir cela, de devoir faire -ou pas- ses adieux. J'étais avec mon père, seulement nous, seul la famille à la droit à cela. Mon père avait été sous le choque quand l’hôpital l'a appelé pour lui annoncer la nouvelle. Il avait ce sentiment de culpabilité, tout comme moi. Ce sentiment d’impuissance total face à la mort. Sortant alors de cette endroit totalement morbide, on devait rejoindre le cimetière. Il y avait seulement les proches là bas, qui devait nous attendre. On avait prévu de faire un cérémonie d'honneur avec plus de personne après. Dans la voiture il n'y avait aucun bruit, aucun son, n'y mot de prononcé. L'endroit choisit était le cimetière de la ville, il y avait sa place ici. Aujourd'hui il faisait beau, c'était une belle journée, le soleil était doux et il y avait une brise d'air. Une journée qui le représentait finalement, heureux. L'endroit était calme, sous un arbre, les rayons de soleil passant entre les feuilles. Sur place, toujours dans la voiture, je voyais déjà du monde, je ne savais pas si j'aurais la force de sortir d'ici, de les voir...
J'avais demandé à Nicholas de venir comme les autres, directement au cimetière, j'avais besoin d'être seule avec mon père avant et c'était ce que nous avions fait. Mon père venait alors à me dire des mots d'encouragement, je ne savais pas s'il essayait de me convaincre ou de se convaincre que ça irait.
Nous sortions alors de la voiture, le moment était venu.

Jour maudit. Depuis trois jours, je me disais que tout ce que je vivais était peut-être un énorme cauchemar, un monde parallèle, et que j'allais me réveiller, retrouver mon existence, mon insouciance et mon amour. Seulement voilà, c'était réel. Et je devais me lever, trouver la force de m'habiller, de sortir de chez moi, pour aller dire au revoir à l'homme que j'ai aimé comme j'ignorais qu'il soit possible d'aimer. Je n'avais pas de tenue pour un enterrement, et je n'avais pas songé à en acheter : je n'étais pas sortie de ma chambre à la Quincy House depuis trois jour, alors après une douche, où l'eau se mêlait à mes larmes, j'avais fouillé dans mon placard et j'avais trouvé une simple robe noire à bretelles, et j'avais prit une veste noire pour aller par dessus. Mes mains tremblaient en l'enfilant, puisque je revoyais les mains d'Hendrix sur cette même veste, pour me l'enlever, après noël, quand il me l'avait enlevée, après que l'on se soit réconciliés, et que j'ai rencontré tous ses amis. Amis qui seraient sûrement là tout à l'heure, au cimetière. Attachant mes cheveux en chignon comme je le pouvais, je voulu essayer de me maquiller, mais je réalisais que ce serait inutile, vu que j'avais déjà prévu mes paquets de mouchoirs, qui ne me quittaient plus. J'avais fixé l'horloge, redoutant le moment où le taxi allait venir me chercher. Je ne me sentais pas en état de conduire, je ne le faisais presque jamais, et je n'avais pas de voiture : je n'allais pas prendre le bus dans cet été, de peur de voir le regard des gens fixé sur moi, avec de la pitié dans les yeux. Quand l'heure fut venue, je me levais de mon lit, éteignant ma lumière, posant mes lunettes de soleil sur le nez. Mes yeux étaient bouffis, je ne voulais pas qu'Hendrix puisse croire que je me négligeais, pour lui dire au revoir, si il y avait une chance qu'il nous voit tous réunis pour lui.
M'asseyant dans le taxi, il eut la gentillesse et la délicatesse de ne faire aucun commentaires, se contentant de rouler vers le cimetière. Une fois la voiture arrêtée, j'inspirais un grand coup, observant à travers la vitre. Je posais ma main sur ma cuisse pour me calmer, pour avoir un semblant de dignité avant de sortir, laissant l'argent pour la course au chauffeur, qui me souffla un maigre " toutes mes condoléances madame", avant de repartir. Parce qu'il allait avoir d'autres clients : parce que certains avaient la vie qui continuait de s'écouler. En m’avançant vers l'entrée du cimetière, je réalisais que je n'avais même pas prit de fleurs. C'était idiot, mais d'un coup, je me sentis vide, et mal à l'aise : j'aurais put penser à prendre un bouquet, une gerbe, quelque chose. Incapable de rentrer dans l'enceinte du cimetière, je m'adossais à la grille, mordant ma lèvre pour ne pas pleurer. Je n'avais pas le courage d'y aller, il fallait que je rentre chez moi, avec mes rêves l'imaginant encore vivant. Les larmes coulaient, et moi je refusais de bouger, même si mon esprit insistait pour que j'y aille : mon corps était totalement tétanisé. J'avais peur de lui dire au revoir. Adieu.

Lorsque l’on meurt ou que l’on souffre d’une horrible perte nous traversons tous cinq étapes de la peine. On passe par le déni car la perte n’est pas envisageable, on ne peut imaginer que c’est réel. On s’énerve contre tout le monde, contre les survivants, contre nous-même. Puis on trouve un arrangement, on supplie, on implore, on offre tout ce qu’on a, on offre nos propres âmes en échange d’un jour de plus. Quand les négociations échouent la colère est difficile à contenir, on tombe dans la dépression, le désespoir, jusqu’à ce qu’on accepte finalement que l’on a tout tenté. On abandonne. On abandonne et on accepte. Le chagrin peut être une chose que l’on a en commun mais il est différent pour tout le monde. Il n’y a pas que la mort dont on fait le deuil, de la vie, d’une perte, d’un changement. Et on se demande pourquoi ça bloque autant parfois, pourquoi ça fait tant de mal mais la chose dont on doit se souvenir c’est que ça peut changer. C’est comme ça qu’on reste en vie, quand ça fait si mal, qu’on ne peut plus respirer, c’est comme ça qu’on survit. En se rappelant, qu’un jour, qu’en quelque sorte, vous ne le ressentirez plus de la même manière, ça ne fera plus aussi mal. Le chagrin vient à chacun en son temps, de sa propre manière. Alors le mieux que l’on puisse faire, le mieux que chacun puisse faire est de recourir à l’honnêteté. Le truc vraiment merdique, la pire partie du chagrin est que vous ne pouvez le contrôler. Le mieux que l’on puisse faire est d’essayer de [bl]aisser nos sentiments quand ils viennent[/b]. Et les laisser partir quand on peut. La pire chose c’est qu’à la minute où vous pensez l’avoir surmonté, ça recommence. Et toujours, à chaque fois, vous ne pouvez plus respirer. Le chagrin comporte cinq étapes. Elles nous semblent à tous différentes, mais il y en a toujours cinq : le déni, la colère, les négociations, la dépression, l’acceptation

Je sais que c’est dur d’être celui qui s’en va. Mais bon sang, c’est pas non plus facile d’être celui qui reste.

Grey's Anatomy.

J'aurai jamais pensé vivre ce moment. Jamais. Dire "pas aussi tôt" n'est même pas vrai, parce que pour moi Hendrix était quelqu'un dont rien pouvait atteindre. Mais il était humain et comprendre cette réalité de manière aussi violente faisait mal. J'étais consciente que sa maladie pouvait lui prendre sa vie.. mais y a une différence entre être consciente et le comprendre véritablement. Son coeur l'avait lâché. Il avait pas eu le temps de vivre comme il le voulait, de réaliser ses rêves. Du moins tous ses rêves. Car l'un d'entre eux avait été réalisé et j'le savais. Il s'était trouvé une vraie bande de potes, une deuxième famille qui l'aimait, qui était là avec lui, tout l'temps. Il avait trouvé l'amitié, il avait trouvé l'amour. Par deux fois. Il avait marqué les esprits et pu rien ne sera comme avant. Comment est-ce que vous voulez vivre en faisant semblant de ne pas avoir croiser Malcolm ? C'pas possible. Il vous a forcément apporté des choses, des principes, des souvenirs. C'tait quelqu'un de généreux qui change des vies. Sans lui, je ne sais même pas qui je serai, où je serai. Il avait été mon âme soeur, mon premier amour, mon tout pendant plus d'un an. Briony sans Hendrix, ce n'est pas possible. Il sera toujours avec moi, j'pourrais jamais oublier ses yeux tellement beaux et expressifs, ses petites moues, quand il était content, taquin ou malade. J'pourrais pas oublier nos pulsions, nos engueulades.. qui se finissaient toujours bien. C'tait nous. Brionix.

J'arrivais pas à croire qu'il était mort. J'me rendais pas compte que j'allais à un cimetière, un an après mes parents.. quelle ironie quand on y pense. C'est Hendrix qui m'a vu pleurer en premier pour la mort de ma famille.. et maintenant comment j'fais ? Il m'avait aidé à mon deuil.. mais qui m'aidera pour le deuil du jeune homme ? Il avait fêté son anniversaire quelques jours avant, il devrait se tenir debout près de moi. Près d'Alex et Feldt. Et Lullaby. Mon meilleur ami m'avait proposé de m'emmener au cimetière mais l'fait que ce soit en voiture m'avait d'un coup découragée et j'avais préféré faire le trajet à pied, le retrouvant avec Billie sur place. J'voyais Jasmine au loin avec un homme sûrement son père. Lullaby était également présente. Aucun des trois n'avait osé faire un pas vers le lieu des funérailles. La boule dans ma gorge commençait à être de plus en plus épaisse et mes yeux s'embuaient. La réalité s'imposait. Le manque venait me prendre d'une manière puissante. Hendrix.. viens. S'il te plaît, dis moi que c'est une blague, que tu n'es pas.. parti. J'déglutis avec énormément de difficulté, me concentrant sur les quelques fleurs que j'avais pris. Des fleurs qu'Hendrix m'avait offert quand j'tais sortie du coma. Des fleurs symboliques et importantes. Bordel, j'me sens pas bien, j'vais tomber par terre. J'm'approchais alors de Jasmine, posant juste une main sur son épaule. J'savais pas si elle voulait que j'la prenne dans mes bras. J'avais adressé un bref bonjour à son papa.. mais elle je savais pas comment agir. Personne n'allait accepter ma présence ici. J'tais la personne qui avait fait le plus de mal à Hendrix surement ces deniers mois et ni Jasmine, ni Lullaby, ni Feldt, ni même Alex me pardonnerait ça et j'le savais. J'tais l'intrus mais j'm'en foutais, j'tais là pour Hendrix pas pour eux.

"it's not life or death, the labyrinth." "um, ok. so what is it?" "suffering." she said. "doing wrong and having wrong things happen to you. that's the problem. bolívar was talking about the pain, not about the living or dying. how do get out of the labyrinth of suffering?"

Est-ce que ça devait faire autant mal? Est-ce que ça allait même s’arrêter un jour? Tu n’avais jamais cru perdre quelqu’un aussi vite a nouveau en si peu de temps. Il y a même pas un an, Reaghan était mort de son cancer et maintenant Hendrix était mort de son coeur. Est-ce que toi aussi tu allais y passer comme lui? Ton coeur allait lâcher de la sorte un jour sans crier gare? Tu ne savais pas. Tu ne voulais pas y penser. Tu n’arrivais plus a penser depuis que tu avais reçu ce message. Mort. Il est mort. Il ne reviendrait plus jamais. Tu n’allais plus jamais le revoir. Tu ne verrais plus jamais son sourire. Cette pensée faisait tellement mal que c’était presque insupportable. En fait le mot presque n’était qu’un euphémisme. Ca faisait un putain de mal de chien cette perte. Savoir qu’Hendrix n’allait plus jamais montrer son sourire, qu’il ne ferait plus de connerie. C’était fini. La bande c’était fini pour jamais. Ca serait juste plus jamais la même chose sans lui. T’avais juste envie de crever au fond de ton lit. C’est un peu ce que tu avais fait ces derniers jours. Tu essayais de donner de l’attention aux jumeaux mais c’était difficile. Hermes avait perdu son parrain avant même de pouvoir vraiment le connaitre. Comment tu allais lui annoncer, leur annoncer même qu’il ne pourrait jamais connaitre leur oncle car il était mort avant même qu’ils n’atteignent les un ans? Cette histoire était juste trop dure. C’était juste trop dure pour toi. Tu n’en avais même pas encore parler avec Elios, car a quoi bon. A quoi bon lui faire passer encore plus de misère a cause de tes malheurs? Il allait jamais être heureux avec toi non plus. T’étais juste aussi damnée que toutes ses âmes errantes.
Aujourd’hui, c’était l’enterrement d’Hendrix. Ca allait vraiment annoncer la fin, comme la cloche fatidique qui annonçait la fin de quelque chose, la fin de sa vie. C’était fini. Tu avais vraiment encore du mal a te l’imaginer. Tu voulais y aller seule au cimetière, rejoindre les autres. Alex, Jasmine, Bille, Lullaby et Briony. Bien sure qu’elle serait la. Elle était son ex, elle avait porté son enfant. Tu avais demandé a un des majordomes de la villa de te conduire. Certes ce n’était pas son job, mais tu n’arriverais pas a conduire aujourd’hui. Il y avait un silence total dans la voiture alors que tu étais assise a l’arrière de cette voiture noire dans ta robe noir. Il n’y avait vraiment rien de plus déprimant dans tout cela. Tout était noir. Au Japon, la tradition est de porter du noir également et bien que tu aurais pu opter pour des habits traditionnels de ton pays natal, tu restais américaine. Qu’y avait-il a faire? C’était juste morbide de toute façon. Que tu portes cette robe-ci ou un kimono cela ne changeait rien au fait qu’il était mort. Tu arrivais au cimetière, mais tu restais a l’intérieur de la voiture. Tu pouvais Briony, Lullaby et Jasmine, mais tu n’arrivais pas a te forcer a sortir. Le moment ou tu sortirais de cette voiture, ça sera vrai, ça sera vraiment fatidique et ça tu ne le voulais pas. Tu avais juste besoin d’encore quelques minutes.

omoide no uchi ni anata wa inai
seseragi no uta ni kono sora no iro ni
hana no kaori ni itsumademo ikite
le chateau ambulant

« Il va bien falloir que tu te décides à y aller Nicholaï. Jasmine doit t'attendre... »

L'ancien mather jetait un regard dans le miroir à son chauffeur qui avait eu la gentillesse de le reconduire. Bon, après, c'est vrai aussi qu'il le paie pour cela. Sa flasque en main, Nick en prit une autre gorgée. S'il y a bien quelque chose qu'il déteste plus encore que les mariages, c'est les enterrements. Qui aime les enterrements? Probablement pas grand monde, quelques esprits tordus, mais Nick a toujours eu un drôle de rapport avec la mort. Autant il vit à fond sans trop se soucier de celle-ci, autant les enterrements lui rappelle qu'il marche sur un fil de fer dont il peut tomber à tout moment. Prenez Hendrix par exemple, le cousin si aimé de Jasmine, en voilà un autre qui vivait comme personne, toujours à cent milles à l'heure et il a été foudroyé par une crise de cœur. Disons que cela a de quoi secouer même les plus confiants et les plus certains d'entre nous.

« Je te préviens, si tu ne sors pas bientôt, c'est moi qui vais te sortir ».

Satané Dragan, foutu Serbe de merde. Nick lui balança une insulte et un sacre québécois, avant de soupirer et de ranger sa flasque dans la poche intérieur de son veston. Évidemment, le brun ténébreux s'était tout habillé de noir avec une chemise, pas de cravate. Une fois sorti dehors, il jeta un coup d’œil au ciel, comme pour voir s'il annonçait beau ou pas. Il a un parapluie dans la voiture, au cas-où. Après quoi, il gravissait le sentir pour rejoindre Feld, Briony, sans oublier Jasmine. Cette dernière était avec son père et vivait son deuil assez durement. Oh, Nicholas n'irait pas prétendre être un ami d'Hendrix, il n'a pas eu la chance de le connaître, mais quand la mort frappe un être si jeune et si apprécié, forcément, c'est toujours ressenti comme une perte, même par ceux qui le connaissent trop peu.

Life is short
don't waste any time





★ ★ ★ ★ ★

Those we love don't go away,
They walk beside us every day,
Unseen, unheard, but always near,
Still loved, still missed and very dear.

- Unknown

Je n'avais pas envie de sortir du lit. Comment le voudrais-je ? Sortir du lit, m'habiller et me préparer, cela voudrait dire aller au cimetière et voir Hendrix. Hendrix mort, pâle et cadavérique. Je ne voulais pas voir ça, c'était une épreuve bien trop difficile. Je n'arrivais pas à m'imaginer cette image à vrai dire. Alors je préférais rester dans mon lit, broyer du noir comme je l'avais fait depuis ces derniers jours, depuis que j'ai appris que mon meilleur ami n'était plus de ce monde. Je ne faisais rien d'autre que ça à vrai dire. J'avais perdu l'envie de trainer sur mon ordi, de jouer aux jeux vidéos.. J'avais plus envie de rien faire. Fixant le mur, Billie venait m'appeler plusieurs fois pour que je me prépare. Je grognais et je restais dans le lit, incapable de faire le moindre mouvement.

J'avais finalement réussi à me lever de mon lit, réussi à me préparer, à enfiler ce que je voulais mettre pour son enterrement. Un costume ? Fuck no. Il s'agit d'Hendrix là, je peux pas me pointer en costume, non. J'avais un t-shirt noir, à l'effigie de son groupe de rock préféré. Un jean noir, des pompes noires et une veste noire. Je pouvais pas y aller autrement. Je lui rendais hommage de cette façon. J'aurais bien pris un lecteur de musique pour foutre l'ambiance mais je n'étais pas seul malheureusement. Au pire, je le ferai un soir où j'aurais envie de lui parler. Ouais, je ferai ça. En attendant, Billie et moi nous nous rendions au cimetière. Je l'avais laissé conduire, évidemment. J'étais loin d'être en état pour faire quoique ce soit. Les larmes menaçaient de tomber à chaque instant et je tenais bon, je ravalais le tout et j'étais fort. Plusieurs voitures étaient devant le cimetière et je voyais Jasmine ainsi que Briony à l'entrée de celui-ci. Non, moi je voulais en finir au plus vite pour retrouver mon lit et continuer de déprimer. Je sortais de la voiture une fois qu'elle fut garée et j'attendais que Billie sorte pour attraper sa main. Et silencieusement, je me rendais jusqu'au lieu où allait être enterré mon meilleur ami. Serrant les dents, je voulais pas craquer, mais c'était dur, vraiment dur. Alors je serrais un peu plus la main de ma femme, faisant attention à ne pas la lui écraser.

Voilà, le trou était là, le cercueil était là. Mon meilleur ami allait être enterré et une partie de moi avec également.

Most men lead lives of quiet desperation. He went to the woods because he wanted to live deliberately. He wanted to live deep and suck out all the marrow of life, to put to rout all that was not life; and not, when he had come to die, discover that he had not lived. - Henry David Thoreau

Hendrix ★

« Alex ? » La main suspendue à mon oreille droite, j'étais en train d'enfiler l'une de mes boucles d'oreilles, mais je ratais à chaque fois le microscopique trou dans mon lobe parce que je me laissais distraire par mes traits creusés, ceux qui soudain me faisaient paraître cinq ans de plus, ces cernes violettes et ce teint si inhabituellement pâle. Bref, je ressemblais à une junkie alors que lui et moi sortions fraîchement de notre cure de désintoxication. Quelle ironie. Tout était tellement savoureux à chaque fois que je sortais de cure, mais cette fois, ça en venait à me faire regretter tous ces efforts alors que la vie ne donnait rien en retour. J'étais sortie dix minutes pour promener Simon alors bien sûr comme à chaque fois, mes yeux étaient rouges. Je refusais de me laisser aller devant Alex, sachant qu'il avait déjà bien assez à faire avec son propre chagrin alors ces balades étaient les quelques minutes de craquage que je m'accordais. Faisant quelques pas, je passai ma tête par la porte de la salle de bain et je le vis, affalé dans mon lit à fixer le vide et bordel, ça m'déchirait le cœur. Je me posai contre le chambranle de la porte, réussissant enfin à enfiler ma boucle. « Il faut te préparer .. » murmurai-je avant de le fixer quelques secondes et retourner dans la salle de bain où je posai mes deux mains à plat sur le lavabo en inspirant plusieurs fois pour me contrôler. Je lui disais de bouger tout en souhaitant qu'il ne le fasse pas pour qu'on retarde au maximum notre départ inévitable pour l'enterrement. J'étais pas préparée à voir Hendrix comme ça, sans vie, alors qu'il en débordait toujours chaque fois que je le voyais. Je me rendis plusieurs fois dans la chambre malgré tout et au bout d'un moment, Alex se leva et j'allai prendre sa place dans le lit, me recroquevillant déjà toute habillée et prête à partir.

Je pris le volant une demi heure plus tard, lançant souvent des coups d’œil à mon mari, qui laissait traîner son regard sur le paysage qui défilait. Quelques minutes passèrent et je posai ma main sur la sienne pour lier nos doigts, ne la reprenant que quand c'était nécessaire. On communiquait peu ces derniers jours, parce que je savais que les mots ne changeraient rien. Il savait déjà tout, alors je me contentais de le réconforter par mes gestes plutôt. Je roulai le plus doucement possible ; honnêtement, je pense que j'étais même à la limite d'être dangereuse tant mon allure était lente. Je voulais reculer l'échéance au maximum mais tout avait une limite. On arrivait encore trop vite à mon goût et bientôt, on se tenait main dans la main près de ma voiture. On pouvait déjà apercevoir le monde qu'il y avait, des têtes familières et d'autres que je ne connaissais pas. Mais tous étaient là pour Hendrix et c'était tout ce qui importait. Quand je sentis Alex serrer ma main une nouvelle fois, j'arrêtai de marcher et me tournai doucement vers lui pour venir passer ma main sur sa joue, sachant à quel point chaque pas était difficile pour lui. Je le regardai, le fixant pour lui faire comprendre au travers d'un regard que je serais à ses côtés à chaque instant, qu'il ne devait pas hésiter à se reposer sur mon épaule.

Mais on savait tous que ça allait être long et douloureux.

En sortant de cette voiture c'était comme ci l'announcement de l’enterrement était officiel, il y avait déjà du monde, je les voyais à travers mes lunettes. Je m'étais habillé sobrement, mais sans me négligé, jamais Hendrix aurait accepté que je sois mal habillé pour lui. Mes lunettes sur le nez pour cacher toutes traces de fatigue et mes yeux gonflés par les larmes. Cependant je me doutais bien que ma pâleur des nuit d'insomnies allait se voir. Mais j'étais là et il fallait que cela soit fait, je m’avançais alors d'un pas condamné vers eux. Des amis à lui, des personnes proches c'est tout. Aurais-je eu la force de supporter plus ? Surement pas ! J'avançais d'une manière certaine alors que je n'avais qu'une crainte que mes jambes se dérobe sous moi. Je ne savais pas trop comment j'arrivais à tenir debout mais j'y arrivais, c'était l'essentiel. C'est Briony qui allait à ma rencontre avant, déposant simple sa main sur mon épaule. Je la scrutais et bien qu'elle ne pouvait pas voir mon regard, j'étais quand même contente qu'elle soit présente. Je ne sais pas si je lui avais pardonné, elle avait tellement fait souffrir Hendrix et en même temps je savais que c'était important qu'elle soit là. De toute façon, ce n'est pas aujourd’hui que je ferai un scandale, je n'en avais pas la force de toute façon. Un sourire doux se dessina sur mes lèvres, c'était tout ce que je pouvais lui offrir. Je salua quand même les autres personnes présente, il y avait également quelque personne de la famille qui était là et que mon père avait invité. J'allais également voir Nicholas, j'avais besoin de lui et de mon père aujourd'hui, à ce moment c'était surement les deux hommes de ma vie. Face à ce que l'ont peut appeler la fosse, je cru que j'allais vomir, mais je m'éfforça de rester de marbre. Je ne savais pas si c'était la meilleure solution pour faire son deuil, mais pour le moment je ne me sentais pas capable de gérer. La cérémonie commença alors, un discours était prononcé, c'était long trop long, j'allais m'évanouir si ça continuait, je m'appuyais alors un peu contre Nicholas, peut-être même trop. Je regardais autour de moi pour voir comment était les gens, il y avait des larmes.

" Je vous invite à faire un discours, si quelqu'un le souhaite. "

On demandait à faire un discours, évidemment toutes personnes pouvait y aller, c'était sans doute le moment de dire ce que l'on pensait. Mon père y alla en premier faisant un discours à sa grandeur, pour finalement inviter les autres à faire de même.

Nicholas avait donc été rejoindre Jasmine et son père, en plus de plusieurs mathers qui étaient présents, ou anciens mathers du moins. Tous des personnes en deuil suite à cette mort pour la moins inattendue. Nicholas ne pleurait pas, mais son visage était miné par la tristesse et un certain malaise, enfin, il n'a jamais été très à l'aise durant ce genre de cérémonie qui lui rappelle de difficiles moments de son enfance. Il se souvint d'ailleurs, vaguement, que durant les funérailles de ses parents, aucun ou presque n'était capable de livrer l'eulogie, sauf un ami de la famille, qui avait pris sur lui d'improviser quelques mots, tout simplement sortis de son cœur. La mémoire par contre n'a pas fait en sorte qu'ils se souviennent de ce qu'il avait dit.

Jasmine appelait les gens à dire quelques mots, en mémoire de Hendrix, mais après cette suggestion, il n'y eut qu'un silence qui parut durer une éternité. Un silence qui en disait long sur l'état de tout le monde ici, prit de cours par ce décès, marqué et sans voix. Puis, le père de Jasmine parla, disant quelques mots. Nick réfléchissait quand même, regardait quelques personnes, le cercueil, avalant de travers à ce moment, il se dit que... bien qu'il ne connaissait pas très bien Hendrix, il pourrait au moins parler, dire quelques mots et casser la glace. Pour ce que ça vaut...

-Bon bah salut, moi c'est Nick. Euh... je connaissais pas très bien Hendrix, on se voyait durant des fêtes à la Mather. C'est... une triste journée... et je crois qu'on est tous en colère, choqué. La perte d'un gars si jeune est un sacré coup. Pour nous, aujourd'hui, elle est plus cruelle encore, parce qu'Hendrix était un idéaliste ... Oui, il s'est battu toute sa vie pour être un type bien. Il avait ces défauts, mais nous ne sommes pas parfaits non plus. Il avait le courage de croire en lui, ainsi qu'en ceux qu'il aimait. Il n'a jamais renoncé à l'amour, de ses aspects les plus épineux, à ses formes les plus belles.

Sur ces mots improvisés, l'ancien mather se tut, sans trop savoir s'il avait dit des mots réconfortants ou pas. En tout cas, il a dit ce que son intuition l'invitait à dire, avec le vécu qu'il a et la personnalité qu'Hendrix semblait avoir. Nick retourna donc aux côtés de Jasmine et son père.