Dante avait hâte de sortir et cela se comprenait. Au passage, il mentionnait Eva', sur laquelle Alejandro allait revenir un peu plus tard. Le pauvre se souciait de la chambre et de ne pas l'accaparer. L'Espagnol, qui finit son porto, ne manquait pas de rire.

-Tu as oublié dans quel pays nous sommes? U-S-A, comme dans l'Unique Soucis, c'est l'Argent. Eux, tant que tu paies, ils sont bien contents de t'avoir...

Si jamais il avait besoin d'un coup de main à sa sortie, il pouvait bien sûr compter sur son bon vieil ami Alejandro, convaincu par ailleurs que son stratagème fonctionne à merveille. D'ailleurs, il se lançait dans le récit de la Genèse de leur amitié, son évolution, jusqu'à la mention presque anodine de cette femme qui est venue assombrir le joli portrait qu'il venait de brosser. La réaction de Dante ne se fit pas attendre. Alejandro joua de recul.

-Je ne devrais pas m'en mêler, ce sont vos affaires et puis ce n'est peut-être pas à moi de te le rappeler. Tu es là, tout juste remis de ton accident, la mémoire perdue, tu as d'autres soucis. Dans l'immédiat, la priorité, c'est que tu te remettes, le reste, tu auras tout le temps d'y faire face plus tard.

Il venait poser sa main sur l'épaule de Dante, qu'il tapotait, accroupi vers le lit, en signe de compassion, avant de se redresser. Comme pour changer de sujet, il demandait ensuite, mine de rien:

-Tu ne veux toujours pas prendre un verre? On dira à l'infirmière que c'est du sirop d'Espagne. Elle n'y verra que du feu!

Après avoir rassuré Dante sur le fait qu'il pouvait rester dans cet hôpital aussi longtemps qu'il en avait les moyens, vive le capitalisme à l'américaine, Alejandro se lança dans ce qui était une version de l'histoire de leur amitié, laissant son ami sur un petit cliffhanger qui l'intriguait au plus haut point, en savoir, qu'en était-il de cette Evanna que l'Espagnol ne décrivait pas avec... comment dire... beaucoup de bons mots. Dante voulait donc savoir si c'était si grave.

-Cela dépend des points de vue...

Puis, l'instant d'après, il proposait à Dante de prendre un autre verre, suggestion qui se frappa une fois encore à un refus, cela devenait quelque peu redondant. Sourire en coin, Alejandro rangea verre et bouteille, ni vu ni connu.

-Ah, je vois, la morphine, c'est mieux que le porto.

Avec son intervention précédente, il espérait avoir semé le germe du doute en Dante en ce qui concernait Evanna. Après tout, ces deux-là n'ont rien en commun et puis surtout, Andrew, l'ex' d'Evanna et un vrai ami d'Alejandro lui a bien demandé un petit service qu'il n'a pas oublié. N'empêche, il aimerait ça être là lorsque Dante apprendra la grande nouvelle concernant Evanna. Oh oui... et difficile pour un amnésique de savoir avec certitude s'il est le responsable ou pas de ce qui lui arrive.

-Je ferais mieux de te laisser te reposer maintenant.

Dante lui lançait un petit "dis toujours" et Alejandro se retint de sourire, car il reconnaissait bien là son ancien ami, avec lequel il tentait de rétablir les ponts en ce moment et de miner la crédibilité d'Evanna aussi.

-La raison principale pour laquelle personne n'est venu te voir, hormis moi, c'est Evanna. C'est une manipulatrice hors pair, une obsédée aussi jalouse que possessive qui t'as isolé de tes amis, de ta famille et en prime, elle n'a pas manqué une occasion de siphonner ton argent. Je te parie d'ailleurs qu'elle t'a déjà rendu visite.

C'est mante religieuse n'était sûrement pas prête de le lâcher. Bon d'accord, c'est risqué de mener cette charge à fond de train contre la seule autre personne qui rend visite à l'amnésique, mais c'est le pari qu'Alejandro fait, celui de semer une graine, le doute, dans l'esprit de Dante. Seulement, Dante reste un des hommes les plus imprévisibles qu'il connaisse, amnésique ou pas.

Par deux fois, l'amnésique refusa son porto et cette fois, Alejandro rangeait le tout, signe qu'il abandonnait cette option. Si on ne veut pas de sa générosité, il ne va pas insister. Ceci dit, c'est vrai qu'alcool et médicaments, ce n'est pas toujours un bon mélange.

-Si, à une prochaine fois.

Dit-il avec un sourire. Avec tout cela, l'Espagnol trouvait qu'il avait passé assez de temps en compagnie de l'Italien et puis, ce dernier semblait tout de même fatigué, alors il jugea qu'il était temps qu'il s'en aille. Seulement, cette fois, Dante le retenait. C'était bon signe sans doute. Alejandro eut un léger rire.

-Tu as sûrement raison, ahah! Et si tu me racontais ce qui t'es arrivé au juste? J'ai toujours cru que tu étais tête dure au poing où cela t'était même impossible de subir une commotion.

Même si Dante l'écoutait et semblait surpris de l'entendre parler d'Evanna de cette façon, Alejandro sentit, pour la première fois, un certain doute ou scepticisme chez son interlocuteur. En même temps, c'est normal. Arrive cet homme qui dit être votre ami, mais dont vous n'avez qu'un vague souvenir ou impression de l'avoir déjà rencontré et il vous annonce que cette jolie fille qui vous rend visite et tout, hey bien c'est une menteuse et une manipulatrice. Alejandro sait bien qu'il ne vaut pas Evanna et son petit air angélique. Le but de toute façon n'est pas de convaincre Dante, mais de semer le doute dans son esprit brisé.

-Certain, mais puisque tu ne te rappelles de rien, il faudra que tu le constates à nouveau par toi-même. J'ai beau être ton ami, ce n'est pas un sujet sur lequel on était d'accord, pour être honnête. J'espère seulement que cette fois, tu ouvriras les yeux.

On se croirait presque dans l'allégorie de la grotte de Platon, mais c'est un peu ça. Par la suite, la conversation prenait une avenue plus légère, avec cette histoire de porto, qui était maintenant rangé, évitant toute tentation. Cette fois, il fit rire l'Italien, qui parlait ensuite de voir tout cela comme un nouveau départ. Oui, sans doute...

-C'est la meilleure façon d'être optimiste dans toute cette histoire je crois. Puis, avec de la persévérance, ta mémoire te reviendra sans doute un jour.

Comme dans tous les films et séries sur le sujet, même True Blood! Toujours assit sur cette chaise dans cette chambre d'hôpital, Alejandro écoutait ensuite le récit, loin d'être banal, de l'attentat dont a été victime Dante et qui l'a mis dans cet état. Il ignorait qu'il trempait dans ce genre d'histoire. Ou bien quelqu'un le déteste vraiment à ce point. À moins que ce ne soit des terroristes, mais bon... pourquoi viser l'appartement d'un homme? Songeur, il fut sorti de ses pensées par les derniers propos de Dante.

-Comment tu peux affirmer une telle chose? Personne ne mérite de mourir dans un attentat, brûler vif et tout. Je ne souhaiterais même pas cela à mon pire ennemi. Non non, j'espère que la police ira au fin fond de cette histoire. Je m'étonne qu'il ne t'ait pas mis sous un service de protection ou je ne sais trop.

Parce que soyons honnête, ce n'est pas difficile de venir le voir, alors s'il a un tueur à ses trousses, Dante est plutôt vulnérable en ce moment, mais la police en général n'est pas reconnu pour sa grande compétence.

Dante verra oui, mais se pourrait-il que ce bon vieux Italien soit vraiment tombé amoureux d'Evanna? Dans ce cas, cette amnésie est mal tombé. En tout cas, Alejandro rendait service à son ami Andrew et prenait une petite vengeance et espérait profiter de cette amnésie pour avoir un certain ascendant sur Dante.

Fallait entendre son ancien ami parler avec un certain optimisme de la possibilité de ne pas se rappeler de sa vie antérieure. C'était pour le moins étonnant à dire vrai. S'il était à sa place, il consacrerait toutes ses énergies à retrouver sa mémoire. 23 ans de vie perdue, ce n'est pas rien! C'est son identité même, ce qu'il incarne sur cette petite planète. Maintenant, il est quoi en ce moment? Un vague souvenir ou être renaissant? Pensif, il disait juste, un brin rhétorique:

-Mieux qu'avant? C'est une bonne intention, mais c'est difficile pour toi de comparer, puisque tu ne t'en souviens pas...

Il préférait l'ancien Dante cynique et jem'enfoutiste à cet espèce d'être relativiste et optimiste en tout cas, qui refuse jusqu'à prendre un verre! Alejandro a beau avoir ses différents avec Dante, il ne le souhaite pas mort non plus. Cette histoire de bombe est pour le moins étonnante, mais avec ces Italiens, rien ne devrait l'étonner. Ceci dit, Alejandro n'a jamais eu connaissance que son ami ou sa famille trempait dans des affaires louches, ceci dit, il n'a jamais cherché à le savoir non plus.

-Et donc, tu crois que tu méritais cette bombe? Je t'ai connu plus combattif.

C'est une chose d'être un salaud et un con, mais pour être explosé, il faut être plus que cela quand même, faut être un véritable parasite humanitaire, comme ses islamistes radicaux des décapites les gens pour un oui ou un non. Dante ne fait pas dans la décapitation qu'il sache.

Est-ce qu'il avait de la protection au moins? Oui, mais rien en rapport avec la police, seulement un garde du corps, ce qui est mieux que rien il imagine.

-Un garde du corps... Si celui qui veut ta peau pose des bombes, il va peut-être te falloir plus, m'enfin.

À vrai dire, l'Espagnol était un peu dépassé par cette histoire, mais son instinct lui dit que Dante est probablement encore en danger, enfin, c'est le sentiment qu'il a. Pour quelqu'un qui pourrait se faire tuer, l'Italien est plutôt détendu.