Alejandro m’avait demandé la nature exacte de la relation entre Dante et moi. A dire vrai, je n’en savais rien, c’était… bizarre. Et désagréable du coup, je me sentais les fesses entre deux chaises, pour rester polie. Alors non, ce n’était sûrement pas la réponse parfaite que je lui avais dit, loin de là, il devait se sentir frustré par si peu de précisions. C’était un mec après tout ! Sa réaction cependant était importante, elle définirait tout par la suite.

Dans sa réponse, il me complimenta. De son point de vue, j’étais intelligente, et qu’on était tous sujets à des moments de faiblesse. Il avait de l’estime pour moi, et coup, il ne pouvait accepter mes avances. Il en aurait eu moins il m’aurait répondu quoi ? me demandai-je, un sourire aux lèvres. Il voulait « prendre le temps ». J’étais légèrement piquée, mais ce n’était pas un non définitif. Et étrangement, cela m’apaisa, et je sentis un poids s’enlever sur mes épaules. Sans m’en rendre compte, j’avais monté en pression, et une cage compressait ma cage thoracique. Avec sa réponse, je me remis à respirer librement. J’allais pouvoir me lâcher ! Je souris à Alejandro, de ce sourire joueur et taquin qui me venait lorsque j’avais envie de faire tourner quelqu’un en bourrique. Je me sentais un peu comme la petite fille espiègle que j’aurais dû être enfant. Je passai ma langue sur mes lèvres. Il me regarda un instant. Je laissai planer le silence puis, au moment où il s’y attendait le moins – du moins je l’espérais -, j’en fis ma proie : comme il était assis, je me mis à cheval sur son bassin et le poussai dos contre le matelas. Je me penchai en avant de sorte que mon corps frôla le sien, et rangeai mes cheveux d’un côté de ma tête. Je me baissai pour chuchoter à son oreille :

-J’accepte tes conditions.

A peine eu-je finis ma phrase, je me dégageai de sur son torse et allai sagement me rasseoir à un bout du lit. Ce que je lui avais laissé apercevoir, c’était mon autre moi. Mais je ne voulais pas étaler cette facette tant qu’il ne voulait rien entre nous. J’espérais l’avoir pris par surprise, un poil sonné et j’attendais qu’il reprenne ses esprit.

-Tu as un bon doigté à la guitare, tu ne voudrais pas réapprendre ? demandai-je le plus simplement du monde en tressant mes cheveux.

Alejandro venait de répondre à l'invitation, si on peut appeler cela ainsi, d'Evanna, qui lui avait demandé de l'aide aussi, sans doute pour éclaircir la situation. L'Espagnol ne chercha pas à se défiler, mais ne se montra pas non plus davantage entreprenant, il disait surtout qu'ils avaient besoin de temps, d'autant qu'il n'aimait pas beaucoup, il l'admet, cette situation non-éclaircie avec Dante, néanmoins, Evanna pouvait quand même lui être utile.

La réaction de la blonde fut pour le moins étrange. D'abord particulièrement silencieuse, il tentait de voir, de cerner comment elle le prenait, mais n'y arrivait pas vraiment. Elle restait mystérieuse, mais avec un petit sourire qui le rassurait, preuve qu'elle ne prenait pas mal sa réponse. Puis, soudain, sans prévenir ni crier gare, Evanna monte sur lui et la plaque contre le lit. D'instinct, il lâche un "hey", manquant de rire, surpris par le geste et cette action soudaine, qui ne semblait pas tellement lui déplaire néanmoins! Comme elle frôlait son corps contre le sien, le jeune homme posait ses mains au niveau de la taille de l'Anglaise, qui dévoilait une toute autre facette de sa personne. Et après, c'est elle qui parlait de personne équilibrée?

Evanna lui murmura alors qu'elle acceptait son regard. Elle dût croiser le regard de l'Espagnol, qui avait l'air de dire "ah oui? Cela n'en a pas l'air..." après tout, personne ne lui fera croire qu'elle ne sait pas ce qu'elle fait en ce moment, au contraire, Evanna le sait très bien. Puis, aussi rapidement qu'elle était grimpée sur lui, elle se remettait assise sur le lit. Alejandro reprit sa posture, ajustait son col de chemise et un peu sa coupe de cheveux aussi. Ensuite, il se levait.

-Bien comme je t'ai dit, j'ai beaucoup d'études et je ferais mieux d'y aller.

Ils se reverront sans aucun doute de toute façon. Même s'il avait souri tout à l'heure, maintenant qu'il était debout et un tantinet plus distant, Alejandro donnait sans doute l'impression qu'elle avait franchi une frontière qu'elle n'aurait peut-être pas dû franchir.

-Cela a été un plaisir de faire ta connaissance, Evanna Xander, héritière du duché de Norfolk.

L'Espagnol était donc sur le point de partir.

Ok, j’avais joué, et j’avais perdu. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller au maximum, et je vis parfaitement que la limite avait été franchie lorsque j’eus un nouvel accès lunatique qui fit que je l’avais plaqué au lit pour lui susurrer mon accord à ses règles. Au moi, j’étais fixée. Je l’avais relâché rapidement, je m’étais mise sur un bout du lit. Je lui proposais de jouer de la guitare, mais il préféra décliner poliment avec un prétexte bidon. Ce que je craignais était arrivé, je l’avais fait fuir. J’avais une assez drôle (ou pas) de façon de remercier les gens qui m’aidaient. Il fallait que j’apprenne à me contrôler d’avantage, et à me museler. Quel sale caractère je pouvais avoir… J’étais désolée, mais je l’avais prévenu. Enfin il me semblait l’avoir prévenu. Il me salua donc, et je ne me départis pas de mon sourire qui devenait plus que forcé.

-De même pour moi, Alejandro Ortega.

Il partait toujours du principe qu’il fallait laisser du temps au temps, ou je l’avais fait renoncer avant de commencer ? Je ne savais pas trop, et je ne pus retenir de balancer dans un murmure à peine audible en évitant son regard :

-Je te l’avais bien dit que j’étais bizarre… C’est pour ça que je n’ai aucune chance de me faire d’amis, trop de sale caractère, pas assez de réparti… .

Mais avant qu’il ne parte, je me levai à mon tour et parlai à voix haute cette fois :

-Au fait, Alejandro, merci. Merci pour tout. Je sais, je n’ai pas été cool, mais tu as raison., admis-je en baissant les yeux : il vaut mieux que tu partes et que tu m’évites. Je ne suis pas de bonne compagnie. TU as dû t’en apercevoir, maintenant. JE suis désolée pour ce qui s’est passé, je suis comme ça, je n’ai aucune excuse, et c’était stupide. .

De nouveau, je rougis, mais de honte cette fois. Ma conduite avait été impardonnable.

Si vous vous souvenez bien et Alejandro s'en souvient lui, un peu plus tôt, vers le drugstore, l'Espagnol avait prévenu l'Anglaise qu'il devait étudier en après-midi, il n'avait pas toute sa journée de libre. Après tout, après le voyage, c'est les examens et l'échec n'est pas permis dans le cas d'Alejandro. C'est certain, ceci dit, que cette raison tombait à point maintenant qu'Evanna s'était fait plus entreprenante encore que ce qu'il avait anticipé. Désirait-elle un homme, n'importe lequel, à ce point? Ou était-ce lui le véritable sujet des désirs de la belle blonde. Il ne saurait dire, il ne la connait quasiment pas. N'oubliez pas, cette fille était une étrangère jusqu'à ce matin.

Debout, le jeune homme se préparait à partir, tandis que la blonde lui retournait le petit commentaire, comme quoi cela avait été plaisant pour elle aussi, heureuse sans doute d'avoir pu faire connaissance avec lui. Puis, comme il faisait un pas vers la porte après un petit salut de la tête, il entendait la voix presque inaudible de l'Anglaise parler de nouveau. Du coup, il se retenait. Qu'était-ce donc cette réaction de regret? La peur du rejet? Elle devrait avoir plus confiance en elle et maturer aussi. Dans le monde des adultes, ne suffit pas nécessairement de grimper sur un homme pour qu'il succombe à vos charmes. En tout cas, ils ne sont pas tous faibles!

-Je ne suis pas d'accord avec toi et s'apitoyer sur son sort ne sert à rien.

Il ne se souvient pas qu'elle ait dit mot pour mot qu'elle était bizarre par contre et pour une fille sans répartie, elle avait beaucoup parlé au cours des dernières heures. Puis, Evanna se levait, ce qui donnait déjà un peu plus de posture à ce qu'elle disait, au lieu de rester assise, presque pitoyable. Alejandro revint vers elle, un petit sourire en coin.

-Navré de te décevoir, Evanna, mais je n'ai pas l'intention de t'éviter. Au contraire, j'ai déjà hâte à notre prochaine rencontre et je n'ai rien contre ta spontanéité. Gardes seulement en tête ce que je t'ai dit:

Il passait un doigt sous le menton de la jeune femme pour qu'elle redresse la tête.

-No soy «todo el mundo »

Si grimper sur un homme et être des plus suggestives peut sans aucun doute fonctionner de la part d'une femme séduisante comme Evanna, bien Alejandro avait résisté. Faire pitié et jouer les anges malhabiles ne semblait pas avoir plus de succès. L'Espagnol devait être une vraie énigme pour elle. Non, il n'était pas "tout le monde". Un baiser sur la joue et cette fois, il quittait la cabine. À son esprit, il ne faisait aucun doute qu'ils allaient se revoir, pendant la croisière ou après. À moins qu'Evanna ait déjà décidé d'abandonner.

S’apitoyer sur son sort ne servait à rien ? Prenait-il vraiment la réalité pour une vaste blague, quelque chose que j’aurais manigancé pour le charmer, comme quand je lui avais sauté dessus ? Ce n’était pas une manœuvre, ça, mais bon, il pouvait bien croire ce qu’il voulait. Cela m’importait peu. Lorsque je lui dis merci en me levant, je lui demandai de m’éviter, je n’étais pas de bonne compagnie. Mais il me rétorqua qu’il ne comptait pas m’éviter et qu’il attendait notre prochaine rencontre. Il me releva le menton pour achever sa phrase :

-No soy «todo el mundo »

J’avais envie de lui dire : je ne parle pas un traitre mot d’espagnol, et c’est bien dommage. Mais je me retins. Il m’embrassa une dernière fois sur la joue, ce qui me fit une dernière fois rougir. Alors il ne me détestait pas ? Qu’est-ce qu’il était compliqué ! Il était froid et cassant et la minute d’après soldait notre entrevue d’un délicat et chaste baiser. ET c’était moi la lunatique de l’histoire ? M’enfin, je le laissai partir et m’enfermai dans ma chambre. Je voulais être tranquille et jouer de la guitare seule. Maintenant, je pouvais le faire dans ma chambre, car Alejandro avait eu suffisamment de bonté pour m’aider. Je l’aimais bien, moi, ce petit !