« Je ne suis pas le monstre que tu te plais à imaginer. Je me serais jamais foutu de ta gueule et encore moins balancé comme une merde au petit matin mais ça te plait de me considérer comme le pire des salops alors peut-être que tout simplement, je te donne ce que tu veux voir » haussais-je les épaules, me calfeutrant derrière ma carapace. « C’est bon, j’ai déjà entendu le refrain : personne me veut. Au final, vous êtes les premières femmes à vous tirer en laissant un mot sur l’oreiller… Je connais la chanson » soupirais-je sans méchanceté, juste un constat amer. « Tu ferais mieux de partir, je crois que ça sert à rien, on arrivera jamais à s’entendre tous les deux »

Thaïs se mit à ricaner non sans amertume car au final, il la jetait bel et bien alors que pour une fois, elle ne fuyait pas la conversation. « Là c’est toi qui me jette Caleb. Je ne dis pas que je ne suis pas une fuyarde ou que je n’ai pas tous les défauts du monde mais là, c’est toi qui me montre la sortie… » fit-elle en grimaçant légèrement non sans s’approcher pour lui offrir un baiser d’une tendresse sans égale. « J’espère qu’un jour tu comprendras et que tu arrêteras d’aboyer avant d’avoir mal. » L’irlandaise quitta les yeux sans demander son reste, n’ayant pas l’intention de rester alors qu’il lui montrait la sortie mais autant dire que ce fut silence radio pendant de nombreux jours entre eux. Thaïs aurait voulu que ça se passe autrement mais puisqu’il ne voulait plus lui parler, que pouvait-elle faire ? Et pourtant, un soir, en sortant de son service, elle eut le courage de prendre son téléphone pour l’appeler. Répondeur… hélas. « Je suis derrière le club et je n’arrive pas à m’empêcher de vouloir t’appeler, alors… Caleb, tu me manques. Je ne sais pas quoi faire pour que tu comprennes que je t’aime. C’est con, j’arrive à le dire à un répondeur mais pas à toi quand je t’ai en face… tu vois comme je suis pathétique ? J’ai envie de te serrer dans mes bras et de t’enlever toute cette douleur… mais… AAAAAAH NOOOOOON ! » avait-elle hurlé en fin de message, tandis que son agresseur la balançait contre le conteneur en face d’elle. Le message se poursuivit encore quelques secondes, dévoilant ses cris de défense, en vain car personne ne venait la secourir.

Durant les jours qui suivirent cette conversation et ce baiser, je fus que l’ombre de moi-même ayant l’impression d’être de retour sept ans auparavant quand mon premier amour m’avait jeté avec seulement un mot. Une putain de note posée sur l’oreiller. Le pire, c’est que je n’arrivais pas à en vouloir à Jennelynn. Elle s’était peut-être simplement aperçue que je ne valais pas un clou ; Je me plongeais donc dans les études et le boulot, assumant les heures supplémentaires jusqu’à ce que mon patron ne m’envoie en vacances imposées pour que je puisse réfléchir un peu à mon comportement d’asocial notoire. Machinalement, je rallumais mon portable, un message sur mon répondeur m’attendait. Dans un premier temps, je voulus raccrocher, n’ayant pas du tout envie d’écouter ce qu’elle avait à me dire mais pour une raison inconnue, j’allais jusqu’au bout du message, pâlissant en entendant les bruits de lutte. Je raccrochais courant jusqu’à ma moto pour retourner sur Cambridge. Je crois que je n’avais jamais roulé aussi vite pour rejoindre son club. « THAIS ! » l’appelais-je en sortant mon arme de service, m’approchant de la ruelle tout en priant le ciel pour ne pas découvrir son cadavre. « Thais, c’est Caleb ! » essayais-je avant de l’apercevoir. Je rengainais mon arme pour m’approcher d’elle, constant l’effroyable.

Thaïs avait lutté bec et ongles pour sa survie, et c’est sûrement pour cette raison qu’elle respirait encore, consciente mais tout juste, baignant à moitié dans son sang trempant ses vêtements déchirés. Son agresseur n’avait pas pu atteindre son but, et pour cause, une batte de baseball usée lui avait servi à le frapper à l’entrejambe puis à la tête, le faisant fuir par la même occasion avant qu’elle ne la serre contre son cœur, comme si cette dernière pouvait désormais la protéger de tout mal. Autant dire qu’elle ne s’attendait aucunement à entendre la voix de Caleb… « Laisse-moi… » murmura-t-elle en fermant les yeux, contenant autant que possible ses larmes malgré la douleur lancinante accaparant chaque parcelle de son corps. « Ne me regarde pas… »

« Hors de question que je te laisse dans cet état ! » grognais-je tout en appelant une ambulance, donnant les premières indications avant d’enlever ma veste pour la déposer avec délicatesse sur son corps. « Tout va bien aller, l’ambulance sera là dans quelques minutes et je ne te quitte pas d’une semelle d’accord ? » lui parlais-je d’une voix douce avant de caresser doucement son front comme pour lui insuffler encore un peu de courage. De ce que je voyais, elle avait lutté comme un beau diable. « Thais.. Est-ce qu’il t’a.. enfin est-ce qu’il t’a abusé ? »

Caleb refusa de la laisser dans cet état et pendant quelques minutes, Thaïs fut bien incapable d’en placer une. Sa poitrine lui faisait un mal de chien à chaque respiration, tant et si bien qu’elle économisait chacun de ses souffles. « Tu peux me laisser s’ils vont bientôt arriver » fit-elle en fermant les yeux quelques instants pour mieux les rouvrir à sa question, qui la fit aussitôt trembler et secouer négativement la tête. « Il… il a essayé mais je me suis défendue. Je l’ai frappé… à l’entrejambe et à la tête avec la batte… »

« Je ne te quitte pas d’une semelle foutue irlandaise têtue » murmurais-je avec tendresse. Hors de question que de la laisser pas en sachant ce que j’avais appris ce soir par l’intermédiaire de mon répondeur et encore moins en la voyant dans cet état. « Fais-moi penser à l’avenir à ne pas t’approcher quand tu as une batte de base ball entre les mains » tentais-je de dédramatiser tandis que j’entendais les sirènes au loin. « Les secours arrivent, tiens encore un peu chérie »

« Je savais que tu allais répondre ça loup allemand aussi têtu que moi » murmura-t-elle doucement avant de laisser échapper un sourire qui la fit grimacer à cause de la douleur mais qui ne s’amoindrit pas pour autant. « C’est plus sage pour ta santé en effet » renchérit-elle sur la plaisanterie même si Thaïs avait l’impression d’avoir été passée sous un rouleau compresseur. Néanmoins, une large expression de surprise se dessina bientôt contre ses traits, pas parce qu’elle entendait les sirènes au loin mais pour une autre raison. « Chérie ? »

« Il faut bien, tu n’en fais toujours qu’à ta tête » ripostais-je sans méchanceté mais bien en conversant cette tendresse au fond de la voix tandis que je peinais à contenir ma rage de voir qu’on avait pu lui faire si mal. « Je suis un homme prévoyant que veux-tu » répondis-je en caressant ses lèvres d’un revers du pouce, ma main câlinant sa joue. « Je te répondrais que si tu te soignes… C’est pas négociable » haussais-je les épaules tandis que des ambulanciers arrivaient précipitamment vers nous. Je les laissais faire leur travail, la couvant néanmoins du regard bien décidé à ne pas la quitter d’une SEMELLE !

« Je n’en fais toujours qu’à ma tête et toi tu es un vil négociateur » fit-elle avant d’être prise en charge par les ambulanciers, retenant un cri de douleur alors qu’ils la soulevaient pour la mettre sur le brancard. Thaïs fut particulièrement silencieuse durant tout le trajet jusqu’à l’hôpital, où elle fut prise en charge sans attendre. Ce n’est qu’une bonne heure plus tard que Caleb fut autorisé à venir la voir en salle d’observation, alors qu’elle était assise en bout de table d’auscultation avec un mal fou à respirer. Oh elle tenta un sourire mais heureusement qu’elle ne pouvait pas voir ses jambes couvertes de bleus, ni même l’état général de son corps. « Heureusement que tu as retrouvé une partenaire, les médecins m’ont dit que je risquais un œdème pulmonaire. Même ma respiration va être douloureuse pendant des semaines. Je suppose que je suis bien punie… » soupira-t-elle.