Je me souvenais même plus d'où est-ce que j'avais sorti les noms de mes chiens, un élan soudain d'imagination en pleine soirée, il me semble, quand on me les a offert pour mes 21 ans. Je fis remarqué à Demyan que oui, les noms étaient chelous, mais celui-ci répliqua d'un : "Non moi j'les trouve plutôt cool." qui me fit sourire. Aaron jouait avec les chiens, et alors que je le surveillais du coin de l'oeil, Demyan se redressa, tenant toujours Aylin dans ses bras, qui semblait plutôt bien installée, et pas franchement décidée à filer, occupée à regarder son frère jouer sagement. J'observais alors gentiment le fait que Demyan faisait de la bonne publicité à ces chiens en besoin d'une famille, et j'espérais sincèrement que son travail porterait ses fruits. Si je m'écoutais, je les adopterais tous, toujours, mais je crois pas qu'Apple voudra d'une vraie animalerie à l'appartement, Buddy et Clyde sont suffisants. Je levais les yeux vers Demyan, remarquant qu'il me dévisageais silencieusement, et je m'efforçais alors de ne pas soutenir son regard, intimidée. Même après être parti deux mois, même après m'avoir rendu furieuse au point de sortir de mes gonds, il arrivait, d'un simple regard, à faire s'arracher mon coeur hors de ma poitrine. Le voilà, le problème, même avec toute la volonté du monde, je savais que je n'étais pas en mesure de le haïr, de l'ignorer, quoique ce soit de négatif, en fait. Je remarquais également les passants qui regardaient la scène, m'efforçant de penser d'ailleurs qu'ils regardaient juste les enfants et les animaux, et non pas l'espèce de cadre familial parfait qu'on pourrait représenter. Oui, j'étais bien avec lui, il m'apaisait et me contrôlait mieux que personne, mais les choses ne devaient pas être si faciles. Alors que je regardais un des chiens qui me ramenait la balle que je venais de lancer, le quincy revint auprès de moi avec un petit sourire. "Je vais devoir y aller... La SPA va fermer et le temps que je les ramène et tout ça, se sera l'heure." je pinçais les lèvres et hochais la tête. « Je comprends. » Dis-je en lui tendant la balle que je venais de récupérer, récupérant, de mon côté, ma fille, qui affichait une moue boudeuse. "Ça m'a... Vraiment fait plaisir de te voir, fin que tu sois là." Je détournais un bref instant mon regard d'Aaron qui revenait vers nous avec les chiens, regardant un moment Demyan silencieusement, surprise de son aveu, mais ravie. "Et aussi d'avoir enfin pu faire la connaissance de tes enfants, ils sont vraiment superbes." Là, difficile de retenir un sourire. Je serrais Aylin dans mes bras, baissant les yeux vers Aaron qui lui s'accrochait à ma jambe. « Je crois que j'en connais une qui t'a adopté, et ... qui sera ravie de te revoir. » En effet, pour une fois, Aylin, les larmes aux yeux, semblait mécontente d'avoir été arrachée aux bras du grand nounours qu'elle avait trouvé. Aaron aussi d'ailleurs, semblait surtout perturbé de voir Demyan lui retirer les chiens. Mais la vérité, c'est que si il y avait bien une personne qui voulait le revoir, c'était moi. « Je suis contente de t'avoir vu aussi. »Finis-je par confier à mon tour, ajoutant tout en détournant le regard, intimidée : « Ne repars plus... » J'aurais voulu faire passer ça pour un conseil, un avertissement, mais c'était plus une supplique qu'autre chose.