Toute sérieuse, Bambi répliquait du tact au tact qu'elle n'était pas une béni oui oui, à la différence cependant que Alejandro de son côté n'a jamais dit une telle chose. Par contre, il avait laissé entendre qu'elle avait décidé d'aller étudier en archéologie pour faire plaisir à son père, ce qui était la vérité, non? L'Espagnol se contenta quand même d'esquisser un petit sourire. Étaient-ils fait pour s'entendre? Il en doutait, c'était assez clair qu'ils étaient fondamentalement irréconciliables.

Ce qui ne voulait pas dire qu'Alejandro n'était pas curieux, joueur, chasseur, ce que vous voudrez. Bambi venait de se proposer comme guide et cette idée était intéressante, dans le sens où il était bien curieux de voir si elle arriverait à impressionner un Ortega avec ses fêtes de bas étage. C'est qu'il a connu les plus grandes réceptions, les fêtes sur les yachts, etc., que pourrait-elle bien lui montrer plus? Pour le savoir, il devait jouer le jeu.

-Pourquoi pas...

Répétait-il doucement. Jusqu'ici, ses yeux ne quittaient presque jamais ceux de Bambi. Il clignait des yeux bien sûr, mais il la fixait et c'était bon de voir qu'elle savait aussi tenir à ce niveau, jamais son regard, sauf erreur, n'avait fui le sien ou quoique ce soit. C'est bien, une fille qui a une tête forte. Le jeune homme flatta brièvement de ses mains le rebord de la table, comme pour faire semblant de l'essuyer. Hands ont the table comme disent les Saxons.

-Très bien, on va faire un marché tous les deux. Je vais aller à une de tes somptueuses fêtes et si vraiment, je passe une soirée mémorable et que tu te montres une bonne guide, je partagerai avec toi une de mes grandes passions. Dans le cas contraire, si la soirée me laisse... de glace disons, nos chemins devront se séparer, comprendo?

Est-ce que cela lui allait comme entente? Ou bien attendait-elle plus en retour? Le marché lui semblait honnête. Bien évidemment, il gardait le mystère sur quel était cette fameuse passion.

Bambi ne se considérait pas comme quelqu’un de facilement conciliable avec qui que ce soit. Même ses plus proches amis arrivaient parfois à l’agacer au point qu’elle envoie valser ces derniers de la façon la plus franche et incontrôlée qui soit… mais ses amis connaissaient aussi son problème insoluble de colère et à cause de celui-ci, il était rare qu’on lui en veuille, fort heureusement. La belle blonde avait déjà un mal de chien à se lier même amicalement à quelqu’un alors perdre l’intégralité des rares amitiés qu’elle avait réussi à nouer… voilà qui aurait été dommage. Mais cela ne l’empêcha pas de proposer cette entente possible entre eux, quitte à ce que celle-ci soit brève, Bambi s’en fichait : l’important résidait dans le fait d’aller au fond des choses… s’il n’aimait pas, tant pis, elle n’aurait pas le regret d’être restée sagement en dehors sans agir. En guise de première réponse, donc, elle hocha vivement la tête pour lui promettre de se plier à cette proposition, avant de reprendre de plus belle : « Cela me convient. Je ne suis pas du genre à insister de toute manière et puis… chacun ses goûts, tu peux aussi bien ne pas être emballé et ce sera ton droit le plus strict. Nous verrons si tu sauras te laisser séduire par la chose, ça promet d’être intéressant et au moins, tu auras essayé. » Bambi devait s’avouer intriguée par la fameuse « passion » dont il parlait. Si cela se trouvait, ce n’était qu’une carotte et jamais il ne se trouverait passionné parce qu’elle avait à lui montrer mais contrairement aux autres acolytes fêtards, la blondinette avait un avantage : elle connaissait le monde de la magie comme sa poche et ça, cela ne peuplait jamais les soirées où elle avait l’habitude d’aller. « Peut-être serait-il utile que tu me dises quand tu es disponible ? » poursuivit-elle sans le lâcher une seconde du regard.

L'entente allait de part et d'autre. Bambi se montrait sous un jour nouveau en disant qu'elle n'était pas du genre à insister. Non, ce n'était pas ce qu'elle avait fait il y a à peine quelques instants. Alejandro l'écoutait somme toute adhérer à l'entente et en paraissait satisfait. Bien, alors ils se reverront sans doute dans une fête.

-C'est comme tu dis Bambi, j'aurai essayé.

Alejandro savait pertinemment de son côté qu'il ne pensait pas son temps cloîtré comme elle semblait le croire, autrement, la maison Eliot ne l'aurait pas accepté dans ses rangs. Restait donc que les petits détails à régler. À ce niveau, bon joueur, il ne comptait pas se défiler ou jouer les difficiles qui ont toujours mieux à faire que d'aller à la fête avec une blondinette un brin insultante. L'Espagnol n'avait qu'une parole.

-Bien je vais te donner mon numéro de téléphone, de cette façon, tu pourras me rejoindre plus facilement. Pour ce qui est de mes disponibilités, je m'arrangerai... Si tu veux, je passerai même te chercher.

N'était-il pas d'une belle galanterie? D'où il vient, c'est ainsi qu'on fait les choses, mais si Bambi déclinait son offre, il ne comptait pas insister non plus. Quelque chose lui dit qu'elle ne sait pas tout à fait encore à qui elle à affaire et si ça se trouve, lui non plus d'ailleurs, quoiqu'elle avait été assez franche pour en donner une bonne idée.

Alejandro n’avait jamais vu Bambi vraiment insister pour arriver à ses fins. Disons que là, elle n’estimait pas avoir besoin de se montrer pénible à ce point dans le sens où l’obliger n’était pas le but de la manœuvre. Il fallait qu’il ne voit pas cette expérience comme une corvée mais plutôt comme un essai… sincèrement, la belle blonde se maîtrisait avec brio par rapport à la chianteuserie dont elle était tout à fait capable. Disons qu’il pouvait s’estimer privilégié par rapport à bien d’autres ayant subit son courroux de façon nettement plus violente… ne l’avait-il pas défiée et provoquée en premier, après tout ? « L’important c’est de participer » fit-elle remarquer de façon plutôt humoristique, se doutant bien qu’elle ne serait jamais une personne qu’il se plairait à côtoyer sur le long terme mais à vrai dire, sûrement n’était-ce pas plus mal. Bambi avait bien trop de choses à cacher pour se permettre la plus petite faiblesse à ce niveau là. Si cela se trouvait, elle se trompait et il allait se révéler plus intéressant qu’il ne le lui prouvait pour l’instant mais en toute sincérité… elle en doutait. Seule l’envie de mettre en place l’expérience demeurait, rien d’autre, pour le moment du moins. « Oh, galant ? Une qualité qui se perd de nos jours, je dis pourquoi pas, ça évitera de se perdre ou de mettre quinze ans à se retrouver » avoua-t-elle non sans sortir son téléphone avant de le lui tendre, pour qu’il ait toute manœuvre d’enregistrer son numéro dedans. « Si jamais tu es curieux de commencer ce soir ou demain, j’ai envie de dire le plus tôt sera le mieux » proposa-t-elle.

Alejandro s'efforçait d'être galant oui. D'où il vient, c'est la norme, mais la plupart des Américaines semblent étonnées à chaque fois qu'elles rencontrent un homme qui sait se tenir. Apparemment, c'était aussi le cas de la demoiselle du Monténégro. La blonde acceptait donc sa proposition de venir la chercher. Comme elle le disait si bien, cela aura pour effet de simplifier grandement tous les petits tracas de ce genre d'événements.

-On est d'accord.

Et le "on" n'excluait pas la personne qui parle. Puisque Bambi lui tendait son téléphone, Alejandro, jeta un petit coup d’œil au détour pour en noter la marque, réflexe de gens riches, que voulez vous, qui passent leur temps à comparer leurs appareils dernier cri. En tout cas, il entrait son numéro, pas un faux, ne vous inquiétez pas. Une fois que le numéro était entré, il lui rendait le téléphone et répondait à sa proposition.

-C'est comme tu veux, tu es la guide après tout. Si tu trouves une soirée intéressante, tu m'appelles, je viens te chercher et on y va.

Sur ce, il se levait et ramassait ses affaires. Il avait déjà pris un peu de retard. Il devait passer au gym s'entraîner, puis rentrer chez lui et se préparer pour le coucher et le lendemain, la routine allait sans doute reprendre. Oui, sa vie était bien rangée, bien ordonnée, à l'heure près pratiquement.

-Je dois y aller. On se dit à plus tard de toute façon. Adiós Bambi.

L'Espagnol avait bien hâte de voir à quel genre de fête pouvait bien aller un personnage de Disney.

Si elle trouvait une soirée intéressante ? Oh mais ces dernières ne manquaient jamais au sein du campus dans un premier temps, ou encore en dehors de celui-ci, à Cambridge. Il y avait pléthore de soirées organisées continuellement, par différents habitués bien évidemment mais il ne lui faudrait pas grand effort pour savoir où se rendre et qui organisait les meilleures party du siècle ! Cela aidait de faire partie de la Mather House, car ce genre d’information devient extrêmement facile à obtenir, pour peu que l’on sache se renseigner auprès des bonnes personnes… or, Bambi était une spécialiste pour interroger mine de rien même lorsqu’elle ne connaissait pas. Après tout, on ne pouvait pas dire qu’elle ait un vilain minois, il suffisait de s’en servir et le tour s’avérait être joué. « Je pense que tu auras rapidement de mes nouvelles et si je n’arrive pas à te joindre, au pire tu auras un message sur ton répondeur. Je me renseignerai » lui promit-il non sans se lever – enfin – de la chaise où elle était assise depuis un bon moment déjà, avant de prendre ses propres affaires et de hocher la tête face à son salut poli. Inutile d’en rajouter : après tout, Bambi n’aimait pas énoncer dix mots lorsque quatre seulement pouvaient suffire… et en l’occurrence, ils se reverraient bien assez tôt pour qu’elle puisse s’exprimer à nouveau, inutile de le saouler par avance !