Alejandro fit un petit sourire malicieux et répondit du tact au tact à Bambi:

-C'est moi qui dit qu'ils ont un accent affreux. Mais seulement à la blague.

S'empressait-il de souligner pour éviter de froisser ceux qui ne sont pas là pour se défendre. Son sourire malicieux avait disparu aussitôt. Puis, comme il lâchait une petite pensée à voix haute, la blonde semblait se vexer, même si elle gardait des airs calmes, pour ne pas dire froid. Avec son petit sourire, l'Espagnol acquiesçait doucement. Elle peut bien dire ce qu'elle veut, croire ce qu'elle veut aussi, les actes parlent d'eux-mêmes. Si vraiment elle était si indépendante, elle lâcherait ses études d'archéologie et ferait ce qu'elle voudrait. Son choix était fait et s'il était elle, il l'assumerait au lieu de se raconter des histoires.

Tandis que la blonde enchaînait avec de nouvelles questions, alors qu'il venait de lui en rétorquer une, il posait son coude sur la table d'étude et son visage contre la main de ce même bras, posture un peu pensive, doux sourire sur les lèvres, il ne lâchait pas des yeux la jolie blonde. C'est un bel endroit le Monténégro? Elle était peut-être un peu prévisible dans ses réponses la « rubia misteriosa ». Ceci dit, derrière tout ce beau parler, elle l'intriguait. Il ignore sciemment la première question, la prémisse de base étant absurde: on ne peut pas tout connaître sur tout.

-Le droit commercial et transfrontalier, mais je doute que cela passionne une archéologue en herbe qui étudie l'archéologie parce que son père lui a... fortement suggéré?

Il marquait une petite pause, laissant tout juste le temps à Bambi de réagir, plus ou moins fortement, mais pas de parler, non, il poussait ces mots avant. Faisait-il exprès de ramener ce sujet gênant pour elle sur le tapis? En tout cas, il prit tout de suite une mine désolé et leva les mains en l'air, s'excusant d'emblée, le bel Espagnol prenait un air angélique.

-Excuses-moi, Bambi, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Tu n'es sûrement pas la seule fille d'Harvard qui est ici un peu malgré elle. Ce n'est pas à moi de juger, je m'en excuse. Parlons plutôt de ce que tu aimes, maintenant que je sais ce que tu n'aimes pas.

Si Bambi est un cerf, quel genre d'animal est donc Alejandro?

« Oh je vois… t’es un filou en fait, on ne croirait pas ! » ironisa-t-elle sans prendre mal ses paroles. Bambi aurait pu être vexée si cela avait été dirigé vers elle mais ce n’était aucunement le cas puisqu’elle n’était ni espagnole ni brésilienne. Ceci étant… la suite de son discours lui ôta tout sourire et la poussa même à froncer les sourcils avec virulente, preuve que la colère s’insinuait à nouveau en elle tel un souffle maudit. Pour qui se prenait-il ? Comme s’il avait inventé la poudre et qu’il pouvait savoir ce que c’est ! Bambi ne supportait pas ce genre d’insupportable je sais tout partant du principe qu’ils ont inventé l’eau chaude et les robinets. Personne n’avait jamais eu vent de ce lourd contentieux entre la belle blonde et son père, à l’origine de tant de chapitres à écrire au sujet de sa colère… quoi qu’il en soit, il fit bien de s’excuser rapidement car dans le cas contraire, elle l’aurait giflé en pleine bibliothèque sans même en éprouver le plus petit scrupule. Il ne fallait pas pousser mémé dans de la lave en fusion… « Que les choses soient claires : tu ne connais pas ma vie, je ne connais pas la tienne et je te conseille de garder tes petites leçons pour toi parce que je n’ai strictement rien à apprendre de quelqu’un qui est aussi sec que ses bouquins… vu ? » avait-elle répondu d’un ton glacial avant de prendre une grande inspiration pour mieux se calmer, s’étonnant de pouvoir faire preuve de tant de contrôle à vrai dire. « Je n’aime pas parler de ce sujet… ça me rend hargneuse et j’en suis désolée. Pour ce qui est de mes goûts, je suis une grande sportive devant l’éternel et j’aime aussi faire la fête mais sans forcément que l’alcool coule à flot. Disons… que ma fête à moi est différente. Et toi, cher amateur de droit, qu’est-ce qui peut bien t’intéresser ? J’en suis curieuse. »

Bambi devait maintenant réaliser que Alejandro s'amusait, mais quelque peu aux dépens de la jolie blonde. Il s'amusait à la mettre en contradiction, à chercher à la mettre hors de ses gonds. Ce fut même plus facile que ce qu'il avait cru au départ. D'ailleurs, elle lançait même une insulte qui le fit sourire en coin. Aussi sec que ses livres? Hon, c'est presque poétique comme insulte. Son sourire s'efface et il eut un petit air désolé. Alejandro eut un petit hochement de tête et la laissa ensuite parler de ce qui l'intéressait. Elle pouvait passer comme ça, de la colère la plus complète, puis enchaîner presque mine de rien. Elle l'avait quand même traité de mec sec, pourquoi se donner se mal? Elle pourrait aller s'asseoir et retourner étudier. D'ailleurs, puisque la blonde lui retournait la question, l'Espagnol se tournait vers le bureau et ramassait ses livres et ses affaires.

-Te sens pas obligé de converser avec moi si tu me trouves sec. Te sens pas obligée non plus de t'excuser d'être hargneuse. On peut très bien retourner chacun à notre table et reprendre le cours de nos vies.

Intègre, fier aussi, il ne voyait pas l'utilité de poursuivre la conversation, une conversation sans avenir selon lui. Bambi et lui sont si différents et puis il n'aimait pas plus qu'elle de se faire insulter, même si au fond de lui, il en avait été plus amusé qu'autre chose, il voulait donner l'impression que cela l'avait affecté en quelques sortes.

« Tu m’as provoquée en premier je te ferais remarquer » répondit-elle simplement, sans se lever ou même le quitter des yeux. De son point de vue, ce cher Alejandro prenait la voie de la facilité et c’en était presque pathétique, à moins qu’il ne soit un manipulateur très doué mais dans ce cas là, pourquoi faire mine de n’être qu’un étudiant studieux et rien d’autre ? Il perdait tellement à ne se cantonner qu’à ce comportement là… bah, si jamais il préférait se fermer de nombreuses portes sociales, grand bien lui fasse, ce n’était certainement pas Bambi qui pleurerait sur son sort, elle avait bien assez à faire avec ses propres problèmes. « Si je me sentais obligée je ne t’aurais même pas adressé la parole, pour ta gouverne. Effectivement, je te trouve sec dans le sens où je ne sens pas quelqu’un qui ait d’autres centres d’intérêts que ses études. Est-ce faux ? Peut-être. Mais il n’y a que la vérité qui fâche… tu m’as provoquée, j’ai rétorqué, tu ne pouvais pas t’attendre à ce que je courbe soigneusement l’échine ? Désolée mais je ne suis pas une pauvre petite blonde sans défense. Ceci dit, toi, tu prends juste la fuite au lieu de tenter de te maîtriser comme je le fais moi. Tu m’as provoquée, je t’ai provoqué, match nul la balle au centre. Mais peut-être que la simplicité te plais en fait… » Deux possibilités. Soit il se sentait encore plus insultait et taillait la route… soit il était intrigué et restait. Dans un cas comme dans l’autre, Bambi ne s’estimerait certes pas perdante et ne le rattraperait pas s’il choisissait de fuir comme un pauvre bichon en mode commediante tragediante.

Alejandro venait de ramasser ses livres et invitait en quelque sorte Bambi à partir si elle ne s'amusait pas en sa compagnie. Comme elle l'accusait, le jeune homme haussait des épaules et dit juste avec un petit air innocent, mais un peu las, qui ne voulait pas se disputer avec personne.

-Dis ce que tu veux, je me suis excusé.

Puis la blonde se lance dans un grand discours pour lui faire la moral sur son comportement. Elle le traitait de fuyard au passage et proposait un match nul. Ah non, elle n'a rien compris. Elle confond les sports, il ne s'agit pas d'un match de foot et la balle n'est pas au centre. C'est toute autre chose. Le jeune homme serra un peu des dents quand même en entendant Bambi. Tourné vers la table, il se tourna à nouveau vers elle et parlait d'un ton plus doux, qui se voulait apaisant, en contradiction complète avec ce qu'il disait.

-J'ai été à la chasse un jour. D'où je viens, on a des petits cerfs et je me souviens de ce pauvre animal qui avançait vers la cache, venait y boire de l'eau, sans se douter qu'il était dans la ligne de mire d'un chasseur...

Il savait que cette histoire ne l'impressionnerait pas, ce n'était pas le but de toute manière, mais la blonde ne pourra pas dire qu'il ne l'a pas prévenu. Oui, elle se trompait de sport. L'Espagnol soupire, l'air un brin exaspéré, mais demandait tout de même, avec une petite lueur dans les yeux:

-Et si tu me disais ce que tu me veux au juste? Tu avais bien une petite idée en venant m'aborder, non?

Que Bambi soit affreusement exaspérante, ce n’était ni un scoop ni quelque chose pouvant la vexer : elle ne savait que trop bien à quel point elle l’était pour l’entendre très souvent dans la bouche d’autrui. Mais justement, cette exaspération qu’elle apportait aux autres se mêlait souvent à une sorte d’intérêt. Bref, sans nul doute, mais bien existant pour de même. Sauf qu’elle n’abattait pas toujours ses cartes à la vitesse de l’éclair et qu’il fallait lui poser la question ouvertement pour obtenir une réponse. « Je ne suis pas une biche et on ne me chasse pas en règle générale, je ne vois même pas l’intérêt que tu peux avoir à dire de telles choses » avoua-t-elle car à ses yeux, il n’avait rien d’un chasseur. Il ne cherchait pas à la séduire c’était l’évidence même et la réciproque ne pouvait pas être plus vraie. Tout ce qu’elle voulait savoir, résidait dans sa capacité à s’amuser… ou pas, en l’occurrence. « Touchée » avoua-t-elle sans pour autant sourire ou même se lever de la table. S’il voulait qu’elle dégage, qu’il prenne ses responsabilités en le lui demandant franchement, Bambi n’avait jamais été très fan des sous entendus foireux. « La curiosité. Je voulais savoir si tu n’aimais que tes études ou bien s’il y a une partie de toi, même infime, qui accepte parfois de lâcher tes bouquins pour voir le monde. C’était juste ça, rien d’autre. »

Face à petite histoire plutôt étrange, entendu comme cela et à cet instant, Bambi eut la réaction à laquelle il s'attendait. La blonde ne parut pas impressionner le moins du monde et admettait ne pas comprendre le sens de ses propos. Ça viendra, peut-être plus tard ou jamais, on verra bien. Alejandro n'y passait pas plus de temps et demandait à Bambi ce qu'elle était venue chercher en venant l'aborder. Enfin, il posait LA question qu'elle attendait. Tiens donc. Il en eut un sourire amusé, qui se transforme en rire après que la jeune femme se mit à rire. Elle le prenait donc pour un petit étudiant tout sage? C'est pas totalement faux, ce n'est pas totalement vraie non plus.

-Pour quelqu'un qui s'évertuait à prétendre ne pas faire de jugements et qui n'accepte pas qu'on la juge, tu es bien amusante. Tu me vois à cette bibliothèque en train de préparer une plaidoirie et tu te dis "cet hispano est sans doute accroché à ses livres". Très bien, t'as mon attention Bambi, je suis prêt à lâcher mes bouquins, rien que pour toi et tes jolis cheveux dorés.

L'Espagnol ne sentait pas qu'il avait à prouver quoique ce soit à cette femme, mais elle va sans doute s'imaginer le contraire et se dire qu'elle a piqué son orgueil et qu'il va tout faire pour lui donner tort. Elle peut bien croire ce qu'elle veut, Alejandro quant à lui connait bien ses arrières-pensées. Autant jouer du fait qu'elle le sous-estime, non?

« Ce n’est pas un jugement mais une constatation, ça ne veut pas dire que j’ai raison, libre à toi de me montrer que j'ai tort justement » mit-elle en avant car là était toute la complexité de Bambi… elle possédait toujours le dernier mot non sans tourner chaque situation à son avantage. On la prenait souvent pour une blondinette gourde et sans intelligence, alors qu’elle restait une reine de l’illusion. On ne la connaissait jamais vraiment et peut-être était-ce bien mieux comme cela. « Serait-ce que tu es joueur ? » demanda-t-elle sans moquerie ni méchanceté, mue par un véritable intérêt contrairement aux apparences. Il n’y avait pas de manipulation dans ses propos, juste un désir de connaître quelqu’un lui paraissant trop sage… sans doute ne s’y prenait-elle pas de la meilleure des façons mais ça ne voulait pas dire que ses intentions s’avérait mauvaises. Ceci dit Bambi ne prit par pour autant une confiance immodérée et demeura méfiante, comme à chaque fois que quelque chose lui paraissait trop beau pour être vrai. Elle demeura dans la même position, sans le lâcher des yeux, laissant planer un léger silence entre eux avant de reprendre, avec de nombreuses précautions au passage : « A quand date la dernière fois où tu t’es vraiment marré avec quelque chose et serais-tu prêt justement à te lâcher ? Je ne t’ai jamais vu à une soirée étudiante alors soit tu te planques, ce qui est possible, soit tu n’y vas pas. Dans un cas comme dans l’autre tu pourrais avoir besoin d’un guide. »

Lui montrer qu'elle avait tord... Elle voulait une démonstration? Amusant ça. Par contre, il eut un peu peur d'être démasqué lorsque la blondinette lui demandait s'il était joueur. Il garda un air sérieux, compte tenu qu'avant, elle l'avait encore reprise, visiblement le genre de germaine qui veut toujours avoir le dernier mot. Très bien, de son côté, il préférait encore jouer les gentleman et laisser les derniers mots à la demoiselle.

-Non, moi, je suis sec comme mes bouquins.

Lâchait-il avec un air amusé. Alejandro n'est pas du tout joueur. Suivait alors une succession de question. En temps normal, il déteste être interrogé de la sorte. Alejandro retient sans doute de son grand-père, Amancio, qui a donné en tout et pour tout 5 entrevues dans toute sa vie et qui est un homme reconnu pour son caractère secret. Pas étonnant qu'il ignorait donc les questions, après avoir écouté avec un certain stoïcisme.

-Et je suppose que tu te proposes pour être ce guide?

À cette réponse, il ne se montrait pas impassible, mais plutôt comme intéressé. Oh, elle lui offrait de devenir un guide pour faire la fête sur Harvard et de profiter de autre chose que de la lumière de la bibliothèque. De l'autre côté, il est au campus depuis peu de temps tout de même, il prépare son intégration à la maison Eliot, mais en savoir un peu plus peut toujours être utile. Cette Bambi lui sera sans doute utile alors. Le jour où elle ne le sera plus, on verra ce qu'on fera.

Bambi émit un bref soupir car il semblait avant tout être le genre de type incapable de passer outre une erreur. Ne lui a-t-on donc jamais appris que l’erreur est humaine et que pour une bévue aussi peu importante que celle-ci, des excuses peuvent suffire ? Après tout, elle était bien parvenu au miracle de se calmer, elle, la colérique par excellence qui avait besoin de boxer plusieurs fois par jour afin d’éviter tout pétage de câble intempestif ! Il pouvait donc passer outre « l’insulte », qui aux yeux de Bambi n’en n’était pas une, à moins qu’il ne soit stupide mais elle ne le lui souhaitait en aucune manière. v« Et moi un béni oui-oui, on est donc fait pour s’entendre ! »[/color][/b] ironisa-t-elle, refusant par principe de rentrer dans son jeu de provocation, car à son sens il s’agissait avant tout de ça. « Je me propose cependant en guide, pourquoi pas » reprit-elle d’une voix relativement neutre et sérieuse. Qui de mieux qu’un membre de la Mather House pour se faire ? Bambi était connue des organisateurs de toutes les fêtes en vogue du campus, c’était donc la personne à suivre au moins pour cela, mais Alejandro n’était sûrement pas au parfum de son pédigrée en la matière. « Si tu es intéressé à ce que je te présente les bonnes personnes et à assister aux meilleures fêtes bien évidemment. »