ELLIOT MONROE › elijah hewson

ㅤⅠ ⸻ㅤ naissance le seize novembre deux-mille cinq à new york, état de new york. son prénom est elliot. il est le fruit pourri d'un divorce à venir. d'une esclandre sans équivoque. c'est une plaie antéchristique ; les maux d'une famille unie ; et le scandale qui éclabousse les lèvres de ses pairs de son jus sucré rougi. il est le bâtard, le fils et le saint-esprit. parce que la mère en aime un autre ⸻ et elle couvre d'opprobre le blason tâché d'une dynastie. c'est con, quand même, d'être la trace brunie d'une glorieuse hémoglobine.

ㅤⅡ ⸻ㅤ  mais si la nouvelle est une furie, scandaleuse est plus encore la fuite. car si le môme se cramponne contre le cuir d'une pauvre oldsmobile, c'est bien parce que la matrone et l'amant maudit ont quitté la ville pour une existence loin des ouï-dire. monroe, après tout, sonne trop rustre pour ce monde futile. il sent la crasse, le tapage et l'outrage lubrique. trop fruste pour cette bourgeoisie puérile : dans leur nouveau monde, ils réécriront le script du film. leur vie, c'est désormais zabriskie point, la suite.

ㅤⅢ ⸻ㅤ à chicago, monroe entretient avec religiosité le rôle du père, adoubant le fils de sa liturgie bohème, alternative. entre des livres de camus, des romans d’hermann hesse, des posters de godard et des vieux dvds de cassavetes, l’homme moule entre ses mains le premier exemplaire du soulèvement des temps modernes. baigné dans un fervent marxisme, elliot voit ; octobre 1917 ; la guerre du viet nâm ; la libération du cap-vert ; le grand bond de mao et les visions du che lui-même. dans son écrin rouge coco, le garçon est un morceau d’argile qui s’affine comme praxitèle. son enfance se résume en trois mots : cinéma. capital. révolution.

ㅤⅣ ⸻ㅤ car révolté, elliot l'est, avec l'ardeur de la jeunesse et son inébranlable passion. une turbulence très tôt perçue par ses précepteurs les plus éminents : il est le rebelle, ce garçon irritant qui, plein de railleries, se retrouve régulièrement dans les coups fourrés. les rixes. et les incessants larcins qui l'emmènent au mieux chez les pions ⸻ au pire, au poste de police. "mais ce n'est qu'un enfant", qu'on clame alors pour justifier ses querelles ⸻ lui, le chicaneur, qui pinaille pour des broutilles. après tout, c'est une petite frappe comme on en voit peu. le genre qu'on exècre car il est hors de toutes les cases ⸻ hors de toutes les conventions. les monroe ne s'en outragent pas : dans le fond, ils sont fatalement les responsables de cette indigne éducation. mais la sentence, bientôt, tombe : elliot doit consulter un psychologue qui lui servira de référent. puisque cette crise ne peut plus durer, on emploie monsieur garance.

ㅤⅤ ⸻ㅤ avec son air penaud, décontenancé et sa mine déconfite, défaite, monsieur garance, sous ses vitraux glacés de verre, n'arbore qu'avec dépit une expression singulière : celle du sage mis à pied par le plus grand bouffon qu'il connaisse. avec son fatras cacophonique et son si distinct aimant à problèmes, parler franc avec elliot revient souvent à discuter, en fait, avec le dernier des crackheads. lui qui n'a rien à perdre s'attire alors bien des controverses : c'est ce qui, du moins, a été évoqué durant leurs séances hebdomadaires. alors, résultat des comptes, entre deux cachets et un long soupir : on l'a diagnostiqué, sans surprise, hyperactif.

ㅤⅥ ⸻ㅤ pourtant, toutes les bonnes choses ont une fin. à l'année de ses quinze ans, elliot est amené à revenir à new york dans des circonstances inexplicables. selon ses proches, le divorce de sa mère s'est, de fait, conclu par son éviction de chicago pour retourner auprès de son géniteur à manhattan. une sentence justifiée par le laxisme de ses parents face à l'indiscipline du vaurien : lui qui amoncèle les plaintes est une plaie, un tourment, un poids et n'est plus supporté par qui que ce soit dans son exubérance et son intrépidité ⸻ si ce n'est par ses rares prochains. quelques larmes et des bagages plein de regrets auront fait leur travail : monroe fils n'est pas vraiment un émotif, mais il n'empêche que changer de cap craint.

ㅤⅦ ⸻ㅤ car cette nouvelle vie qu'il a ; ce quotidien qui lui échoit ; ce monde si différent qui lui parvient, aux antipodes de ce qu'il connait de l'illinois, ne lui provoque qu'un embarras, qu'un mal, qu'un malaise qu'il ressent depuis trois ans au plus profond de ses viscères comme une incommodante tare : celui de l'étranger invité dans le mauvais gala. elliot peine à se retrouver dans cette existence déchue qui ne lui convient pas, qui ne lui appartient plus et qui, par dessus tout, le repousse et le répugne à la fois. l'impression d'échapper aux pans d'un sort différent lui triture alors le moral : quel aurait été son destin s'il n'avait jamais quitté new york, auprès de cette élite de sourires et de fausseté sénatoriale ? ce si l'obsède et l'obnubile dans ses spirales, mais seul un sentiment domine sur tous les autres : celui de ne pas être à sa place. alors, elliot se soulève, s'insurge et se braque, portant sur ses épaules le blâme de ses déboires. et qu'il déçoit, lui, le rejeton trompeur, sur qui on a misé comme sur le mauvais cheval.

ㅤⅧ ⸻ㅤ or, cette désillusion, monroe l'embrasse. il tire même une certaine suffisance dans l'idée qu'il est une calamité, une déconvenue, un désenchantement et une erreur pour les siens. comme une pestilence, il gangrène alors les autres par ses vices et ses affres. la terreur rouge, le piètre fils, le mauvais cousin. on ne l'invite plus aux fêtes mais volontiers, on en parle. on souligne l'influence du beau-père, la déchéance de la mère et de leurs idées barges. des paroles acides qui trouvent leur réceptacle en la personne d'elliot lorsqu'il annonce prendre un nouveau départ. il souhaite s'émanciper financièrement ; travailler dans un vidéoclub ; subvenir à ses propres besoins. il dit même vouloir tenter harvard : on croit d'abord à une fumisterie ⸻ une vaste blague. après tout, il n'est qu'un fainéant. qu'un raté. qu'un pauvre lézard.

et puis la nouvelle vient.
elliot s'empare du premier vol
et file droit vers cambridge, MA.
ㅤ
ㅤ
ㅤ





+