(mayn) walking out of time

Je me sentais serein, soulagé. Profitais de cet instant suspendu où tout le reste semblait d'un coup si dérisoire. Maze prononçait ces mots incroyables, relevait son regard vers moi et j'y plongeais tout entier, ressentant à nouveau cette force au fond de moi. Si elle savait... si elle savait ce qu'elle déclenchait chez moi. Combien elle me faisait me sentir vivant lorsqu'elle me regardait ainsi, quand elle déclenchait toutes ces émotions en moi. Je me laissais aller à embrasser son front et j'aurais presque pu oublier à cet instant que je n'étais peut-être pas censé le faire. Mais la suite de la conversation nous amenait forcément à nous détacher, la colère vibrant au fond du regard de la jeune femme en apprenant ce que Frank avait fait. Je venais la rejoindre sur mon lit, ma passant une main sur la nuque. — Je ne sais pas... Peut-être qu'au fond, je m'étais toujours refusé de le voir ainsi. Préférant me dire que sans sa dope, je n'aurais probablement pas tenu le coup. — S'il ne m'avait rien donné, je me serais effondré. Avec le succès du livre... c'était un véritable marathon. Marathon dont je n'avais au final que des souvenirs assez flous. Je me pinçai les lèvres en entendant ses mots parce que, au fond... je savais qu'elle avait raison. Que tout ça n'était pas sain. — Non, je... il a toujours été là, depuis le décès de Charlie soupirai-je avec peu de conviction. Là pour me mettre la pression, me parler d'argent. Me filer ma dope et me traîner là où il voulait que j'aille. — Je vais lui parler.

Si j’étais certaine de quelque chose malgré toutes mes remises en question, c’était cette bulle de bien-être qui m’enveloppait quand nous étions ensemble. Malgré la terrible épreuve à laquelle tu avais dû faire face, ta force d’esprit l’avait emporté. On se parlait avec les yeux, au moins autant qu’avec les mots, si ce n’était plus. Lié, on l’était, c'était indéniable, malgré les nombreux virages qu’avait pris notre relation. Je me détachais de toi, accusant le coup de tes révélations. Franck. Franck qui n’avait eu aucun scrupule à te faire tomber dans la drogue. Aucune raison n’était valable à mes yeux. J’étais intransigeante quand il s’agissait des addictions. — Mais avec du recul, est-ce que tu es certain que c’était nécessaire ? Rien ni personne ne t’en aurais voulu de prendre du temps pour te remettre de la perte de Charlie. Encore moins les personnes qui soutenaient ton travail. — Mais… Quelqu’un qui est là pour toi, t’aide, t’écoute, mais ne te donne pas de la drogue pour s’assurer de la bonne promotion de ton livre ? Tournant le visage vers toi, j’essayais de comprendre ou de te faire comprendre l’importance de l’entourage dans une situation comme celle-ci. — Tu aimerais lui dire quoi ? Parce que je connais pleins de petit nom d’oiseaux que je pourrais lui balancer à la figure si tu veux ? Je souriais, hésitant un instant avant de poser ma paume sur ta cuisse. — Réfléchie quand même à ce que je viens de te dire, il y a beaucoup d’agents qui seraient certainement honorés de te représenter.

Comment les choses se seraient-elles passées, si je n'avais pas sombré dans la drogue ? Aurais-je réussi à garder la face ? A sauver les apparences comme je l'avais fait ? Probablement pas. Je me serai effondré. Déjà que je m'étais effondré avec ça... DJ et Brin pour seuls témoins de ma descente aux enfers. Mais aurait-ce été si grave comme semblait le supposer Maze ? N'avais-je tout simplement pas besoin... de temps ? — Je ne sais pas... probablement pas avouai-je en relevant mon regard vers elle. Et ça me faisait quelque chose d'en prendre soudainement conscience. Tout un tas de souvenirs me revenaient soudain en mémoire. Des paroles, des gestes de Frank. Cette compassion teintée de course au profit. Jusqu'à cette remarque sur Maze à la soirée de lancement de l'édition collector de mon livre. Rien que d'y penser je déglutissais sèchement, baissant les yeux. Mais le sourire revenait vite face aux sous entendus de la jeune femme. — J'suis certain que tu peux faire preuve d'une grande créativité pour ça aussi répondis-je, sourire en coin sur les lèvres. Mon regard glissait jusqu'à sa main posée sur ma cuisse et naturellement, mes doigts venaient chercher les siens, les entremêlant dans une étreinte. — Je ne serai pas aussi optimiste. Je suis quand même un sacré boulet répondis-je en riant légèrement. — Qui voudrait d'un écrivain qui n'écrit pas ?

Je pensais forcément au pire. Comment avais-tu supporté qu’un homme de la trempe de ton agent t’accompagne durant toutes ces années ? Je n’étais personne pour juger ton deuil et la manière dont tu l’avais fait ou que tu avais tenté de le faire, parce que j’étais bien placée pour savoir que c’était compliqué. Il fallait accepter de passer le restant de sa vie, loin de l’être à qui vous aviez tout confié. Charlie pour toi. Leroy pour moi et quand bien même nos relations étaient différentes, j’avais dû m’avouer l’amour que je lui portais et y renoncer. — Tu ne pourras jamais récrire l’histoire, elle appartient à ton passé. Fixant le regard dans le tien, je prenais un ton légèrement en dessous et je chuchotais presque : — Mais tu peux décider de ce que tu désires pour l’avenir. Et tu méritais quelqu’un qui croyait en l’homme incroyable que tu es, sans te pousser à replonger pour te faire écrire. Je souriais, secouant positivement la tête. — Il parait que j’ai énormément de charisme quand j’suis énervée. Parce que je ne me laissais pas atteindre. Pas même par celles et ceux qui se croyaient supérieurs. J’avais ma place dans ce monde, avec mes qualités et mes défauts, mais je me défendais coûte que coûte. — Quelqu’un qui aura su reconnaître au travers de ta plume que tu as beaucoup plus de chose à raconter et qui saura faire preuve de patience. Les plus beaux monuments ne se sont pas construits en un jour, jusqu’à preuve de contraire. Je resserrais doucement mes doigts autour des tiens. — Commence par croire de nouveau en toi.

Tout à coup, je réalisais cette emprise que mon agent avait sur moi et... ça me dégoûtait. Comme si jusqu'à présent, j'étais parvenu à lui trouver des excuses, à me dire qu'au fond il pensait à moi, à ma carrière. Mais peut-être que cet évènement était celui de trop. Celui qui me faisait ouvrir les yeux, notamment grâce à Maze. Si je n'avais pas eu le courage de résister et de l'appeler... je serais probablement stone, sur ce même lit, déjà en train de penser à ma prochaine défonce. Même si ma consommation avait été ponctuelle, l'addiction était bien là, quoi que j'ai pu en penser. Et tout arrêter du jour au lendemain n'avait pas été aussi facile que ce que j'avais cru. Frank aurait dû me soutenir dans cette démarche.. alors pourquoi prenait-il le risque de m'enfoncer encore un peu plus ? Comme souvent, les paroles de Maze me faisaient du bien... pansaient mes plaies et me donnaient foi en l'avenir, juste au moment où je me sentais sur le point de flancher. J'abandonnais ma retenue de ces dernières semaines, me sentais apaisé quand ses doigts me rendaient naturellement mon étreinte. — Merci. Je sais que toi tu crois en moi, c'est déjà beaucoup répondis-je en trouvant son regard. De ces regards qui se passent de mots. — Tu ne voudrais pas... rester ce soir ? demandais-je avec une petite moue en me rappelant que j'avais refusé de dormir avec elle la veille.