Voilà des heures que j'y pensais. Que je faisais tout pour penser à autre chose, pour essayer d'être désinvolte. Mais mon esprit ne cessait d'y revenir, à tel point que j'avais réellement l'impression de devenir fou. Mon corps m'échappant au de plus en plus au fil des minutes, rendant la tentation de plus en plus grande. J'avais tellement envie de la prendre, cette dose. Graal que j'évitais depuis deux mois maintenant. Deux mois d'abstinence, deux mois sans craquer. A tel point que je m'étais presque convaincu que çe ne me faisait plus ni chaud ni froid. Erreur. C'est décontenancé que j'avais laissé mon manager glisser le pochon dans ma main, un peu plus tôt dans la journée, au détour d'une discussion sur mes projets professionnels en cours. Regard avoisinant celui d'un enfant perdu quand il m'avait fait un clin d'oeil, avant de s'éclipser. Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis et pourtant, c'était comme si le monde c'était arrêté de tourner. Gorge sèche, bouche pâteuse, je sentais que j'étais sur le point de craquer. Vraiment. Alors j'avais pris mon téléphone, commençant à chercher le nom de mon meilleur ami dans mon répertoire... avant de me raviser. Je ne pouvais pas appeler DJ. Pas après tout ce qu'il c'était passé dernièrement. Sentant la panique me gagner de plus en plus, j'essayais de garder mon sang froid. Et sans vraiment réfléchir, j'avais envoyé ce SOS à Maze. A présent sur le balcon donnant sur ma chambre à coucher, je ne bougeais plus. Assis par terre, dos contre la baie vitrée, visage enfouit entre les genoux. J'attendais. J'attendais qu'on me libère de cette merde, qu'on s'en débarrasse à ma place, avant de faire une connerie.

Je l’avais encore mauvaise de la veille, alors quand j’avais vu ton nom s’afficher sur mon écran, j’avais soupiré, me retournant dans mon lit, pour ne plus être tenté de l’ouvrir. Crevant d’envie de lire ton message, je tenais à peine quelques secondes avant de me retourner pour attraper mon téléphone. Je plaisantais rapidement, essayant de plus m’en vouloir, de ne plus t’en vouloir. Mais il avait suffi que d’un seul et unique sms pour que je comprenne que tes mots étaient peut-être faibles face à ta situation. Je me redressais rapidement, enfilais la première chose qui me passait sous la main, tout en essayant de te répondre, pour prendre la route jusqu’à ton appartement. Je n’avais jamais conduit aussi vite et sachant que j’étais loin d’être très à l’aise au volant, je prenais des risques insensés. En quelques minutes, j’étais en bas de ton immeuble et je montais les escaliers deux par deux, jusqu’à ouvrir ta porte d’entrée sans frapper. — Zayn ? Que je disais en refermant la porte pour ne pas laisser ton chat s’échapper. — Zayn ? Et je passais ma tête à travers toutes les portes jusqu’à te trouver. Je laissais tomber mon sac, mes clés et mon téléphone par terre pour me mettre à ta hauteur et glisser ma main dans la tienne. — J’suis là. Que je soufflais doucement. — Tu n'as plus rien à craindre.

Je n'aurais su dire combien de temps je restais comme ça. Sans bouger d'un pouce, osant tout juste respirer. Ayant bien trop peur que le moindre changement ne soit l'élément déclencheur qui me fasse me relever, traverser ma chambre pour aller à la cuisine. Ouvrir le pochon posé sur le plan de travail. Aligner un rail avec l'un de mes couteaux, attraper une paille dans mon placard. Et le sniffer. Mon cerveau connaissait les étapes, les avait déjà détaillées milles fois sans que je ne puisse l'en empêcher. Et ça tournait en boucle dans ma tête, encore et encore. Pourtant je m'en sortais bien jusque là. Je n'y pensais même pas ! Alors pourquoi ?
Soudain, j'entendis le bruit de la porte d'entrée et rapidement, la voix de Maze. Le soulagement gagna tous mes pores, me fit sortir de ma torpeur. — Ici répondis-je d'une voix qui me paraissait étrange.  La seconde suivante je sentais sa main sur la mienne, me faisant relever mon visage vers le sien. Je reprenais mes esprits, la tension pourtant toujours présente jusque dans ma gorge. Non je n'avais plus rien à craindre. Car je savais que je ne prendrais pas ce rail devant elle. J'inspirai, longuement. Expirais ensuite. Laissais ma tête basculer vers l'arrière, s'adossant à la baie vitrée. — Elle est sur le plan de travail. A la cuisine dis-je d'une voix déjà plus détendue.

Mon cœur s’emballait en montant les escaliers jusqu’à ton étage sans vraiment savoir si je les montais deux par deux, ou trois par trois. Peut-être même que mon cœur n’avait pas ralenti depuis que tu avais posé des mots clairs sur ta situation. Alors automatiquement, j’étais à bout de souffle quand j’arrivais jusqu’à chez-toi, te cherchant partout, avant d’entendre ta voix. Tu étais recroquevillé sur toi-même, contre ta baie vitrée. Tu relevais finalement le visage vers moi, avant de respirer profondément et de laisser reposer ta tête contre le verre. C’était à peine si j’avais pu croiser ton regard. À tes mots, je déposais mes lèvres sur le dos de ta main, murmurant doucement : — J’arrive. Je m’éloignais pour rejoindre la cuisine, attraper le petit pochon que je vidais dans l’évier dans son intégralité, avant de faire couler l’eau. Je revenais à toi, reprenant ma position initiale laissant tomber ma tête sur tes mains, soupirant longuement. — Merci. Que je disais doucement. — Merci de m’avoir appelé et de t’être choisi toi. Relevant finalement le visage pour enfin te regarder, je tendais doucement la main contre ta joue, laissant mon pouce glisser tendrement contre ta pommette. — Comment tu te sens ?

J'avais la certitude au fond que tant que je savais la dose à portée de main, je n'allais pas être tranquille. Que malgré la présence de Maze, mon esprit lui n'allait cesser d'y penser. Penser à l'après, à une fois qu'elle serait partie. Mais à peine avais-je indiqué où la coke se trouvait que Maze s'éclipsait, comprenant immédiatement sans que j'aie à le formuler ce qu'il fallait qu'elle fasse. J'observais ma main un instant, l'humidité des lèvres de Maze encore présente. Touché par son affection, par la loyauté avec laquelle elle s'était précipitée pour venir à mon secours. Une poignée de secondes plus tard et elle revenait déjà, se mettant à nouveau à ma hauteur avant de reposer sa tête sur mes mains. Instinctivement mes doigts se glissaient dans sa chevelure, caressant doucement son crâne en soupirant en même temps qu'elle. Ca y est, c'était fait. Immédiatement je me sentais mieux, un poids en moins sur mes épaules. Evidemment, comme Maze était Maze, c'est elle qui me remerciait. Une petite moue vint étirer mes lèvres. — A quel moment c'est à toi de me remercier ? répondis-je, presque amusé. A nouveau touché par son empathie. Je laissais mon regard rencontrer le sien quand elle se redressait, des papillons dans le ventre quand elle posait sa main contre ma joue. Mon coeur s'emballait face à cette tendresse infinie, la dévorant des yeux. — Soutenu répondis-je avec un petit sourire. Ma main trouvait la sienne contre ma joue et je fermais les yeux un instant, savourant cet instant. L'amenais à mes lèvres en rouvrant les yeux, déposant un léger baiser sur ses doigts. — Merci. Merci mille fois d'être venue dis-je doucement sans lâcher sa main. — J'ai eu peur. De craquer.

Si tu avais su résister à l’envie d’en prendre, tu n’avais pas réussi à t’en débarrasser. Une seule indication de ta part et je m’étais éloignée pour faire le dernier geste jusqu’à la délivrance. Je n’avais qu’une chose en tête, ton bien-être. Qu’importent les distances qui s’étaient imposé face à mon choix, je ne me voyais nulle part ailleurs que près de toi. Je savourais chaque instant interdit, de cette main glissée dans ma chevelure, à nos respirations synchronisées. Je te regardais intriguée, avant de comprendre le sens de ta phrase. — Parce que tu aurais pu craquer et tu as décidé de ne pas le faire. Et j’étais soulagée, que malgré tout ce qu’on avait vécu récemment, tu me portais encore suffisamment d’estime pour m’appeler à l’aide, de me laisser être encore un peu une personne importante pour toi. Je me redressais, retrouvant enfin tes prunelles, pour poser la question qui me brûlait les lèvres. Je souriais à ta réponse, sans cesser de faire preuve de tendresse. Parce que tu étais loin d’être seul, j’étais là et le serais toujours. Je m’émerveillais du soulagement qui dessinait tes traits et me rassurait de la douceur de tes gestes. Parce qu’il était clair que souvent mes pensées divaguaient, jusqu’à me convaincre qu’une part de toi me détestait. Ou peut-être que s'était moi qui me détestais. — Je viendrai mille fois s’il le faut, tu sais ? Retirant ma main, pour saisir la tienne. Je me redressais doucement, t’invitant à me suivre. — Mais tu ne l’as pas fait, tu peux être fier de toi. Et d’un pas hésitant, je m’approchais pour t’étreindre. — Comment tu t’es retrouvé avec ce petit pochon ?

J'aurais pu craquer, oui. Et c'est bien parce que j'avais touché mes limites du doigt que j'avais appelé Maze au secours, Obnubilé par cette poudre blanche que je pensais pourtant avoir domptée. Un jour peut-être arriverais-je totalement à me débarrasser de cette envie, à pouvoir manipuler la drogue sans craindre de la consommer et de retomber dans l'addiction. Mais au fond, une part de moi parvenait tout de même à être fière, à se satisfaire d'avoir tenu bon. — C'est vrai admis-je. Et ça pouvait être une véritable victoire, quand quelques mois auparavant encore je me droguais seul dans l'espoir d'échapper à mes tourments. A présent je profitais de cet instant suspendu, oubliant ces barrières physiques qu'on s'était naturellement imposées ces derniers temps. Le coeur bien trop gonflé par la tendresse et la loyauté de Maze, par l'amour que je lui portais, qui prenait le dessus sur tout le reste. — Oui. Au fond de moi je le sais répondis-je doucement, regard attendri plongeant dans ses prunelles. Puis elle se redressait et je suivais le mouvement, soulagé de constater que ma torpeur s'était bien envolée. — Merci Maze dis-je encore, lui rendant son étreinte en refermant mes bras autour d'elle. La gardant encore un peu contre moi, possessif. Je soupirai légèrement en entendant sa question, ne sachant pas vraiment quoi penser de la situation, au fond. J'étais perdu. — C'est Frank qui me l'a donné. Il est passé tout à l'heure pour le boulot et... voilà répondis-je.

Il fallait prendre les étapes comme elles arrivaient. Et tu avais eu le bon réflexe en m’appelant moi, ou n’importe qui d’ailleurs. Toute ta vie, tu serais amené d’une manière ou d’une autre à devoir affronter ton addiction. C’était un fait. Et ayant un frère addict à l’alcool, j’étais bien placée pour savoir que même 10 ans après, c’était compliqué. L’addiction nous rongeait l’esprit, nous poussant à croire qu’il y avait des bénéfices à s’auto-détruire. Pourtant ce que moi, je remarquais au contact de mon frère, à ton contact, c’était cette force d’esprit. Vous vous battiez au quotidien, sans qu’aucun de nous ne sache réellement ce que vous viviez vraiment. J’étais admirative. Je t’admirais et j’espérais que tu ne verrais que ça dans le reflet de mes yeux. — Au fond de toi ? Peut-être que j’avais raison et que le même soir ou tu m’avais avoué tes sentiments, une part d’eux s’était transformée en haine ? Mais ce n’était pas le propos. — Ne me remercie pas, je te le répète, mais je serais toujours là. Même si tu venais à préférer une vie sans moi. Même si j’étais encore honteuse et tiraillée par notre fameuse discussion. Je te demandais finalement comment tu avais obtenu ce petit sachet de coke, je reculais finalement ma tête pour t’observer à ta réponse. — Frank ? Ton Frank ? Que je demandais ahurie. — Franck ton agent ? Il ne m’en fallait pas plus pour sentir mon dos se tendre, mes yeux se noircir. — Pourquoi ? Comment ?

— Oui. Comme quelque chose d'ancré, d'inébranlable.. tu vois ? tentai-je d'expliquer. Et c'était bien pour ça que son nom c'était imposé à moi pour cet appel à l'aide. Je savais qu'elle viendrait, qu'importe l'endroit où elle était. Je savais qu'elle ne me jugerait pas, aussi et... c'était probablement ce qui me rassurait le plus dans tout ça. Bercé par cette étreinte, je soupirai à nouveau. Comme si je venais de courir un marathon, et que j'avais enfin cet instant serein où je pouvais tout lâcher. Maze avait le pouvoir de m'apaiser autant que de me transporter. — Moi aussi je serai toujours là. J'espère que tu n'en doute pas soufflai-je doucement. Porté par l'instant, mes lèvres se posaient distraitement sur son front avant de vite revenir sur terre en entendant sa question. J'étais perdu, déstabilisé par le comportement de mon manager. Et au vu de la réaction de Maze, je n'étais pas le seul. — Ouais... répondis-je en croisant son regard qui s'assombrissait, sans pour autant défaire notre étreinte. — Je ne sais pas... pour me faire plaisir, je suppose ? répondis-je, à moitié convaincu. Parce que Frank savait que j'avais arrêté. — C'est lui qui m'a filé ma première dose... à l'époque. Quand je venais de perdre Charlie et qu'au même moment, le succès me tombait dessus sans que je ne sache même plus comment tenir debout.

Je te regardais, ne comprenant pas réellement le sens de ta phrase. Devais-je m’inquiéter ou au contraire me rassurer ? Tu balayais rapidement mes inquiétudes, faisant naître un sourire sincère à la commissure de mes lèvres. Je souhaitais rester l’une des personnes de confiance vers qui tu pouvais te tourner en toute circonstance. Tu me le prouvais ce jour, que malgré les hauts et les bas, notre lien était indéfectible. — Je n’en ai jamais douté une seule seconde. Et ce, depuis notre rencontre des années auparavant. Mon instinct m’avait poussé à te faire confiance, trouvant en toi un confident hors pair. Je soupirais silencieusement à ce baiser plein de tendresse, relavant les yeux vers toi en quête de réponse. À tes révélations, je reculais, me détachant de toi, pour me laisser tomber sur ton lit. — Te faire plaisir ? Je baissais la tête un instant, me focalisant sur les informations dont tu me faisais part. Si t’en étais là aujourd’hui, c’était à cause de lui. — Le profit, avant l’écrivain quoi. Te regardant à nouveau, j’ajoutais : — Il est hors de question que tu continues à travailler avec une personne aussi nocive. Tu t’rends compte quand même, qu’il est prêt à te faire replonger pour te faire écrire un putain de livre ? J’étais choquée du manque de considération dont il faisait preuve. — Tu as déjà pensé à changer d’agent ?