K. Mira Morterero ✧ Sarah Jeffery

Le jour de ma naissance, je ne m'en souviens pas. Comme bon nombre de gamins, j'en ai même ignoré la date durant les premières années de ma vie. Ce dont je me souviens par contre, c'était de la douce chaleur qui régnait dans notre maison. Ou plutôt dans nos maisons. Que ce soit celle de Calgary ou celle d'El Paso , il y avait toujours une ambiance extraordinaire. J'étais le plus précieux trésor de mes parents, et là où ma mère savait se montrer ferme quand il le fallait, je savais qu'il me suffisait d'aller voir mon père pour qu'il cède au moindre de mes caprices. J'ai eu une enfance plus que privilégiée. Il arrivait parfois que je me retrouve avec des précepteurs, mais mes parents savaient se montrer présents pour moi.

J'ai beaucoup voyagé, j'ai vu de nombreux pays et très curieuse de nature, j'ai adoré tous les découvrir. Que ce soit les paysages, la nourriture, les vêtements, les traditions, les activités propres à chaque pays. Le pays qui m'a le plus marqué, c'est l'Islande. Surtout que j'ai eu la chance de visiter une bonne partie du pays à cheval. Oui, j'ai testé le rassemblement de troupeau en mode cow-boy et j'ai aussi testé un hôpital islandais. Premier bras cassé pendant ce voyage. Mais même à la maison, je trouvais toujours un nouveau truc un peu dingue à faire. Je dois dire que j'ai dû en faire voir de toutes les couleurs à mes parents, mais je ne pense pas avoir été une enfant trop difficile. J'ai toujours eu de très bons résultats scolaires et même plus. Bien que je n'en faisais souvent qu'à ma tête, je ne faisais pas de bêtises catastrophiques.

Je suis fille unique, j'ai donc eu la chance de pouvoir leur accaparer toute leur énergie et toute leur attention. Enfin, fille unique... Presque. Mon père a une autre fille, Nila. Elle est un tout petit peu plus âgée que moi et j'ai cru comprendre qu'il avait quitté la mère de Nila pour épouser ma propre mère. Je les ai vues quelques fois durant mon enfance toutes les deux. Je n'ai jamais compris pourquoi ils tenaient tant à garder le contact parce que d'après moi, les moments que nous passions ensemble étaient loin d'être très agréables. Je sentais toujours le regard plein de mépris que cette bonne femme faisait peser sur moi et sur ma mère. Si bien qu'avec le temps, je faisais en sorte d'esquiver ces rendez-vous quand je le pouvais. Cette demie-soeur, je l'ai donc à peine connue avant Harvard.

Adolescente, je continuais à vivre à 100 à l'heure et comme il me plaisait. Avec le casino de mon père, j'ai vite mis un pied dans le monde de la fête sans que personne ne s'en aperçoive. J'ai perdu ma virginité à 16 ans avec un mec dont j'étais éperdument amoureuse depuis peu. Et cette passion s'en est allée aussi vite qu'elle était venue. Beaucoup d'autres ont suivi derrière. Je suis un vrai cœur d'artichaud. Je me suis investie à fond à chaque fois, et j'ai eu le cœur brisé plus d'une fois. Mais ce n'est pas mon genre de m’apitoyer sur mon sort, je fais toujours en sorte de rebondir quitte à ressauter les pieds joints dans le même piège, de ce côté là, on dirait que je n'apprends pas grand chose.

Et puis, Harvard est arrivée. J'ai retrouvé Nila. Je ne m'y attendais carrément pas, j'avais presque oublié son existence. Mais nous nous sommes donné une chance d'apprendre à nous connaître, en dehors de nos familles, loin des ressentiments de tout le monde. Ça n'a pas été l'amour fou tout de suite. Nous étions trop différentes l'une de l'autre pour ça. Mais petit à petit, notre relation a commencé à évoluer. Je ne dirais pas que nous sommes fusionnelles, parce que visiblement, nous aimons trop nous disputer dès que l'occasion se présente. Mais il paraît que dans beaucoup de familles, c'est aussi ça être sœurs. Je suis tout de même plutôt surprise, elle m'a fait découvrir un autre monde. Loin des strass et des paillettes dans lequel j'ai toujours baigné, mais plein de vie, de challenges et de choses tellement vraies.

J'ai une histoire assez banale en soi, il ne m'est jamais rien arrivé de dramatique et la vie a été plutôt généreuse avec moi pour le moment. Alors je continue de tracer mon chemin. Je compte bien profiter de tout ce qu'elle a à m'offrir et nous verrons bien où tout cela me mène.