Je n’y avais pas cru, parce que c’est le genre de sujet sur lequel on se contente de blaguer. C’est une possibilité que j’utilise pour l’emmerder. Mais c’est le style de problème qui se règle rapidement, dans l’intimité, à l’aide d’une intervention ou bien d’un cachet. Une véritable connerie, voilà ce que je me dis en me dirigeant vers le bâtiment d’archéologie. Sheng ne peut pas être aussi con, je me refuse à le croire, et quand j’ai croisé la brune aux airs de saintes je me suis tout autant refusée à rechercher une quelconque rondeur de son ventre. Excluant le fait qu’un parasite soit en train d’occuper son antre. Seulement j’ai en tête les mots, l’écho de ses derniers textos… Messages qui prennent tout leur sens à présent que la rumeur est venue chatouiller mon esprit de toute son horreur.

Débarquant à coups de talons dans la salle du professeur dont il est l’assistant, c’est en claquant la porte derrière moi que je lui signifie ma présence. « Mon très cher fiancé, » que j’articule après avoir balayé la salle d’un regard pour m’assurer que nos deux silhouettes soient les seules à la combler, fiancé juste parce que je sais combien ça lui plaît, emmerdeuse de l’année, deux-mille vingt quatre ne risque pas de me changer, contrairement à lui, et à la tempête qui va détruire sa vie, « je me suis déplacée exprès pour te souhaiter en personne une bonne année, » même si par sms ça a déjà été fait, « et te dire félicitations. » pour tes prouesses en terme de reproduction.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

J’ai beau lui dire félicitations, j’ai toujours autant du mal à le croire, venant d’elle encore, ce n’est pas étonnant. De la stupidité de l’amérindienne, je n’en ai jamais douté, mais là où je n’arrive pas à comprendre c’est comment lui, il a pu accepter. A quel instant il a décidé que c’était une bonne idée d’avoir un bébé. Il est viscéral, mon besoin de savoir quel est le moment où il est devenu complétement taré. Car je ne peux plus la remettre en question, sa sénilité. « Merci. » Il prononce après avoir relevé les yeux vers moi, enclin à cette fierté qui se pourrait me donner de véritables envies de dégobiller, « Mais je ne les accepte que lorsqu’elles sont sincères. » Néanmoins comment pourrais-je l’être ? Lorsque je vois le traquenard dans lequel il s’est fourré. Pire, il ne dément pas, et c’est ce qui me tanque le plus, je crois.

Exaspérée par sa façon de jongler avec le parchemin qui remplit ses mains, j’en viens à fermer les miennes avec fermeté, tente d’éradiquer mon ressenti en plantant dans mes paumes, mes ongles. Une palliation comme une autre afin de maitriser l’augmentation de mon irritation. Sans parvenir à mettre le doigt sur les définitions de mes véritables sensations. « A quel sujet déjà ? » Ca m’aurait étonnée qu’il l’exprime lui-même à haute voix. Fier mais dégonflé, voilà ma première pensée, avant de me dire que c’est surtout pour me forcer à articuler l’immondice de leur réalité.

Alors ma langue claque contre mon palais, un roulement de tambour qui rythme un suspense souillé, je marque la mesure de cette vérité qui me déplaît, qui fout en l’air mes projets. L’avenir que pour nos intérêts, j’avais tout tracé. Ca fuse dans ma tête tant il me faut tout recalculer. Tellement que je n’avais pas prévu cette possibilité. De tout ce qui pouvait déconner, je n’aurais jamais envisagé que le problème premier serait la conception d’un bébé. Et le visage incliné, mon regard perçant le sien, je déglutis pour m’essayer à ravaler mon aigreur, avant d’articuler ; « Ton erreur. » Celle que ta petite copine fait grandir en son intérieur.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Je réalise qu’en moi, il y a quelque chose qui bouillonne, un sentiment qui me fait penser que ça me touche plus que ce que je ne le dis, et que je déraisonne. Ce n’est pas de la jalousie, qu’on se le dise, mais c’est un ressenti que je n’arrive pas à déterminer, une irritation qui brûle assez. Seulement je ne peux pas me résoudre à songer que quelque part, à bien y chercher, je suis… blessée. « Un mal pour un bien, » Tu parles, crétin. Il n’y a dans ce projet que du mal, pas du bien. Et je ne vois même pas comment il peut affirmer avec aplomb une telle connerie. Ce mioche, tout ce qu’il va faire, c’est gâcher leurs foutues vies.

Il délaisse finalement ses occupations, pose, enfin, sur ma personne, toute son attention ; Cela dit, vu ce qu’il ose me balancer, il aurait clairement mieux fait d’en rester à ses foutus papiers. « T’aurais dû peut-être garder le tien, » Le rapport avec le mien ? A mon humble avis, il n’y en a aucun. C’est une attaque gratuite, une piqûre de rappel de cet avortement qu’il ne me laisse pas tirer un trait. Le visage incliné tandis qu’il s’assoit, je ne rétorque pas, malgré mon envie de le baffer, les paupières froncées pour mieux le sonder, je préfère lui montrer que ça ne m’atteint pas. Que cette remémoration, d’être, n’avait aucune raison. « Tu peux toujours tenter de te consoler en te disant que je ne le reconnaitrais peut-être pas. » Mais si, il y a quelques années, j’aurais pu le croire parce que je le croyais fait dans le même bois que moi. Si la possibilité qu’il le fasse aurait pu me plaire, me charmer, imaginer la Haiwee blessée dans les profondeurs de son être de savoir son enfant bâtard et renié… Aussi fort que ça me débecte, je sais à présent qu’il ne le fera pas. Qu’il n’en serait pas capable, faute de … l’aimer. L’aigreur dans ma bouche, je n’arrive pas à l’avaler, tout comme ma répartie, elle est bloquée. « Comment… T’as encore des contacts avec lui ? » Et parce qu’il a parlé de ce qu’il s’est passé pour moi il y a deux ans, j’ai conscience de qui est le lui auquel il fait référence. Plus stupide qu’il ne l’a jamais été, ma parole que sa relation avec Haiwee l’a atrophié. « T’es au courant que je côtoie d’autres personnes de l’université ? » Même si on ne peut pas réellement parler pour toutes d’amitié, et que j’aime ma solitude, qu’en règle quasiment générale, les gens me font chier… Il n’empêche que je suis entourée. Mais des contacts avec lui, non, je n’en ai plus depuis longtemps. « Et j’étais Adams, il y a encore deux ans. » En clair, je connais des gens. Je sais, très surprenant. « J’arrive pas à… » Wendy Witter à la limite d’être sans voix, « à quel moment t’es devenu aussi stupide, putain ? » Au point d’accepter d’avoir un gamin.

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Les sourcils arqués le temps qu’il se pense avoir l’autorité nécessaire pour me donner le droit de rester. Arrête de jouer les guignols, ça ne te va pas. Mais il y a une vérité cuisante au milieu de tout ça. L’aigreur que ça me laisse de m’être autant plantée sur toi. Je continuais à croire qu’elle n’était qu’une lubie et que nous étions faits du même bois. Et parce que mes ongles sont visiblement méprisés, je croise sur ma poitrine, mes bras.

Avant que ne s’en suive la conversation et que je l’attaque d’une question. Sachant parfaitement que peu importe sa justification, je le trouverai, à la fin, toujours aussi con. Mes prunelles, mauvaises, aimantées par le stylo qu’il vient de prendre entre ses doigts, j’ai des envies de le péter, et ce manque de self control, ça me débecte tant ça ne me ressemble pas. « J’ai bien tenté. » Vraiment ? Je l’ai connu avec plus d’arguments, « Mais contrairement à toi, elle, elle en voulait. » Il n’y a pas de quoi en retirer une quelconque fierté, tout ce que sa phrase me dit ou me prouve, c’est la flagrante débilité dont peut faire preuve Haiwee. La naïveté de la brune à croire sans vergogne que leur avenir, c’est à deux qu’il va se tracer. Pas à moi, Sheng, s’il te plaît. Les illusions, il faut arrêter de les cultiver. Il va piquer, le retour à la réalité.

Ca m’arrache un rictus et pourtant je tente réellement de me retenir de rire. J’oscille entre le fait d’être estomaquée ou bien atterrée. Et ne comprends toujours pas comment ils ont pu acter que c’était une bonne idée. Et peut-être que ça ne me regarde pas, mais faute de notre proximité, ce droit de jugement, je me l’octroie. « Garantis-moi qu'il n'était pas de moi. » Un soupir d’étonnement s’extirpe de mes lèvres, écœurée par la tournure de la discussion. Mon utérus n’était pas au programme, est-ce que c’est nécessaire que je lui rappelle ? Cela dit… Suspicieuse, mon regard va chercher le sien en une tentative de sonder le fond de ses réflexions. Le pourquoi du comment, et lui balance, « Ca changerait quelque chose maintenant ? » Que ce soit le sien ou celui d’un autre, ma décision aurait été la même. Je ne voulais et ne désire toujours pas d’enfant. Estime que j’ai, devant moi, encore beaucoup de temps. Mais forcément, ce chemin, je suis obligée de l’emprunter. « C’est quoi l’idée ? » Le but de ce questionnement, « Me dire que t’aurais voulu un grand frère pour ton bâtard ? » Mais il peut être rassuré, un simple calcul des mois et des semaines aurait pu le tranquilliser, cette chose n’était pas de lui. Roulant des yeux, j’exècre m’entendre lui préciser, « T’as loupé l’éducation sexuelle ? On a couché ensemble en octobre, Sheng. » Et je me suis débarrassée de mon problème en mars. Cinq mois, c’est trop pour ça. Malgré mon exaspération, mes lèvres s’arquent en un sourire… « Et l’été suivant. » Elle le sait, ça, la mère de ton futur enfant ?

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Notre conversation est une véritable mascarade, presque j’ai la sensation d’avoir été téléportée dans une autre dimension. A la continuité de la grossesse d’Haiwee, je n’arrive pas à trouver de raison. Tout comme l’évocation du fœtus dont je me suis délestée il y a plusieurs années. « Il ne sera un bâtard que si je ne le reconnais pas. Chose qui ne se discute pas. » Tu ne sais pas où t’as mal, preuve qu’elle t’a détraqué, l’indigène. Qu’elle la mérite, ma haine.

Pourtant je le laisse délirer, croire que reconnaître cet enfant est une bonne idée, choisissant de lui souffler l’évidence des dates et du manque de leur concordance. « Une bonne clinique, le fric, une renommée. Ça suffit pour tout faire sauter. » Gardes donc toutes ces informations pour Haiwee. Après tout, dans cette pièce, je ne suis pas la seule à être friquée. Puisque cela semble si facile pour lui d’évider un ventre. Mais même s’il est convaincu que je ne suis pas humaine, même moi, je suis incapable d’un acte tel que celui-là. Je l’aurais mis au monde avant de m’en débarrasser, de le faire adopter ; le meurtre n’étant pas dans mes projets, et au bout de quelques mois, c’est un enfant et plus un amas. « Mais j’suis soulagé d’apprendre que mon héritage n’ai pas fini dans un incinérateur, » et après je suis celle qui ne possède pas de cœur.

J’en ai le rire nerveux sur le bord des lèvres, tout en faisant osciller mon visage de gauche à droit le temps que ma langue aille souligner mon inférieure. J’ai l’impression de l’accuser maintenant l’information, son héritier, il est actuellement dans les entrailles d’Haiwee. « Parce que c’est mieux de savoir qu’il va être élevé par des autochtones dans une forêt ? » Railleuse, à ne pas en douter. Vraiment, ça avive ma curiosité, si bien qu’avec dégoût, je grimace quand je lui demande, « Mais tu vois l’avenir comment ? » A cacher ta femme et ton propre enfant ? Suis-je la seule à voir à quel point c’est déconnant ?

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