souvenirs indélébiles qui hantent dès la nuit tombée, dès la solitude retrouvée, dès les pensées libérées. traumatisme masqué par le déni, par l’absence de mots, par cette capacité à enfouir une douleur trop profonde. son absence ancrée en toi, l’être aimé arraché alors que t’y étais déjà attachée. t’as pas voulu l’enlever, cet enfant ; t’as voulu le garder, l’aimer du mieux que tu le pouvais, au côté de ce père qui, tu le sais, l’aurait choyé. mais la vie en a décidé autrement, te privant de cet amour auquel tu t’ouvrais au fil des jours, des semaines et des mois. t’as jamais parlé de ça à personne ; tout du moins, de cette perte. pas même à lui, au père, à harry. et dès qu’il a voulu t’en parler quelques jours plus tôt, tu t’es fermée, le laissant seul face à ça, lui offrant ton ignorance la plus totale, quand bien même t’as eu envie de lui réécrire chaque jour depuis. des coups qui résonnent sur la porte tandis que t’es plongée dans l’écran de ta tv, tu mets ta série sur pause pour pouvoir aller voir qui se tient devant chez toi. l’œil qui se place face au judas pour reconnaître sa silhouette, fronçant tes sourcils aussitôt. quelques secondes de silence que tu laisses s’imposer, prête à tourner les talons pour l’ignorer plus encore, avant de finir pourtant par lui ouvrir. les billes qui se posent sur lui, le détaillent de la tête aux pieds puis s’arrêtent sur cette pizza. « qu’est-ce que tu fous là ? » chez toi, sans prévenir, pour te retrouver dans un ensemble de pyjama en satin.

le caractère est difficile, loin d’être docile, plutôt de celles qui attaquent sans laisser l’opportunité à l’autre de le faire en premier. et, souvent, t’attaques sans raison ; les mots sont tranchants, la langue est aiguisée, vipère qui plante ses crocs empoisonnés pour conserver cette épaisse carapace qu’elle s’est forgée. l’ami planté face à toi, ce père qui n’en sera finalement pas un grâce à toi, le désagréable qui revient de plein fouet dès que tes pulpeuses s’écartent pour articuler. « cool. » tu trouves pas ça cool, non. t’es froide, distante au possible, t’aurais envie de lui claquer la porte au nez mais, dans le fond, tu l’apprécies trop pour le faire. la silhouette qui s’écarte de la porte pour le laisser entrer, un signe de tête pour l’inviter à se dépêcher avant que tu changes d’avis. la porte que tu refermes derrière lui, les bras que tu croises aussitôt sous ta poitrine. « pourquoi t’es venu ? » plantée face à lui comme un piquet, sans mouvement de recul ou de rapprochement de ta part. t’attends. t’attends qu’il agisse, t’attends qu’il brise cette carapace comme il avait su le faire par le passé.

t’aurais envie de le foutre dehors, de lui claquer la porte au nez, de le renvoyer d’où il vient ; mais peut-être que dans le fond, t’as besoin de ça, de lui, de ce qu’il veut faire. il a probablement raison : vous irez pas mieux tant que vous en parlerez pas. mais t’es pas certaine d’être prête, d’avoir l’envie, la force, les épaules pour. est-ce que c’est vraiment le bon moment ? la bouche fermée, pas un mot n’en sort, pas un son ; jusqu’à ce qu’il se rapproche de toi pour t’entourer de ses bras. les sourcils se froncent, le grognement caresse ta gorge ; là encore ta tête te crie de le repousser. pourtant, ton cœur, lui, il te crie de rester. de le laisser faire, de le laisser prendre soin de toi à sa manière. alors tu te relâches, te calant un peu plus contre lui jusqu’à déposer ta joue contre son torse. peut-être qu’il est temps de baisser les armes. peut-être qu’il a raison. « j’ai jamais arrêté d’y penser. » que tu murmures finalement, l’aveu douloureux qui traverse la barrière de tes lèvres.

part de sensibilité au fond de toi que tu recouvres systématiquement de toutes les manières possibles et imaginables, t’as toujours refusé de baisser tes armes, sauf en certaines compagnies. et harry en fait partie. parce que dans le cas contraire, tu l’aurais même pas informé autrefois de cette grossesse ; t’en aurais fait ce que bon t’en semblait. la joue posée contre son torse, sa main dans tes cheveux qui apaise étrangement ton cœur supposément fait de pierre. il t’avoue à son tour qu’il y pense chaque jour et t’ajoutes rien, pas un mot ; simplement tes yeux qui se ferment douloureusement à cette seule pensée. tu soupires quand il te dit qu’il est là, qu’il va pas t’abandonner. « tu devrais. » parce que toi tu l’as laissé ; tu lui as tourné le dos, vous laissant tous les deux seuls face à ça. « j’l’ai fait, moi. j’t’ai laissé. » et peut-être qu’au fond, tu t’en veux un peu.

si on t’avait dit autrefois que tu tomberais enceinte aussi jeune et que tu voudrais le garder, ce bébé, t’aurais certainement ri au nez de ceux qui auraient tenu de tels propos ; parce que, bien que tu t’imaginais devenir mère, tu l’imaginais pas de cette manière. pas aussi tôt, pas avant la fin de tes études, pas avant d’avoir une belle carrière. pourtant, le destin en avait décidé autrement et t’avais fini par t’y attacher, à ce petit être qui grandissait en toi. avant que la vie n’en fasse à nouveau qu’à sa tête, de l’arrachant une fois les liens tissés et bien ancrés en toi. le corps se décolle de celui d’harry quand t’avoues qu’il devrait te laisser comme tu l’as fait toi-même lorsque c’est arrivé. et il insiste, te dit qu’il t’en veut pas, qu’il sera là. un « mh. » prononcé vaguement alors que tu te recules un peu plus, soupirant comme si tu ressentais tout le poids du monde sur tes épaules. « j’l’aimais. plus que tout. » et certainement que lui aussi.