Après la lourde conversation qu'ils avaient eue, Joyce et Ji-hun ne s'étaient pas revus. Le brun avait demandé du temps pour digérer l'information qu'elle lui avait confiée, mais avait promis de la recontacter une fois qu'il serait prêt. Il avait pleuré comme jamais encore il ne l'avait fait, profitant de l'absence de l'ami chez qui il dormait pour évacuer tout ce qu'il avait réussi à garder durant le trajet. Les nuits suivantes avaient été agitées, et il aurait préféré souffrir des souvenirs de sa vie passée plutôt que des images de son ex-copine entrain de tromper tout ce qu'il avait pu lui donner. Ça avait été compliqué d'accepter de s'être fait berner, la sensation désagréable que rien n'avait compté, petite voix qui lui rappelait qu'elle avait mis moins de semaines à l'oublier dans les bras d'un autre quand, des mois durant, elle avait été peinée par le départ de son militaire malgré toutes ses fautes. Il lui avait fallu deux semaines pour apaiser la douleur qu'il ressentait, mais le message envoyé ne voulait pas dire qu'il lui avait pardonné – probablement qu'il ne pourra jamais l'excuser. Il avait hésité, mais au final avait appuyé sur le bouton pour l'inviter à se retrouver pour les festivités.
Ça avait été une promesse qu'ils s'étaient faite plus d'un an auparavant, avant même qu'ils ne deviennent de simples – et bons – amants, sur un bateau en plein milieu de l'océan ; ça avait été écrit sur les lattes d'un lit, dans la cabine où elle avait très souvent dormi. Ji-hun sauta alors du bus qu'il avait pris, à presque une heure de l'après-midi. Il allait donc la faire patienter quelques minutes avant d'arriver, le temps de remonter l'allée principale et de bifurquer pour la quitter. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais il s'était occupé toute la matinée pour être certain de ne pas annuler, car il ne fallait pas se leurrer, malgré le sourire qu'il affichait, il en était encore un brin perturbé. Mais la veille il avait retrouvé Lilia, et l'annonce que ses parents ne viendraient pas lui donna assez de courage pour affronter ça. Il se devait d'être présent parce qu'il se doutait que ça n'allait pas. Qu'importait ce qui se passait, et comment leur histoire s'était terminée, Joyce et lui c'était un peu pour la vie, et tant pis pour les « on dit ». Il avança à grandes enjambées, jusqu'à voir la longue file d'attente de clients qui attendaient, et la doctorante qui se tenait tout près.
Je ne suis pas à l'heure, désolé, fit-il en arrivant à ses côtés, tu aurais pu entrer et t'installer, j'avais réservé. Elle n'aurait eu qu'à annoncer son nom au comptoir, aurait été invitée ensuite à s'asseoir. Il lui fit signe de le suivre à l'intérieur du restaurant, glissa la vitre et salua les employés en s'inclinant. C'était comme passer la porte d'un monde différent, il y avait bien plus d'asiatiques que de gens d'autres continents. Établissement familial, les serveurs parlaient dans la langue natale de leurs parents – Ji-hun fit de même, bien évidemment. Quelques phrases rapidement échangées, et ils furent conduits sur l'un des bancs disposés dans la salle où l'on déjeunait, d'autres personnes étaient déjà assises sur celui qu'on leur présentait. Mets-toi ici, je vais me mettre en face, ce sera plus simple pour parler, lui indiqua-t-il de se placer près d'une femme âgée qui ne parlait certainement pas un mot d'anglais. Un verre d'eau leur fut rapidement apporté, Ji-hun lâcha un remerciement avant de la regarder : alors, tu t'es rendue au labo ce matin finalement ? Quelques jours plus tôt, elle ne savait pas encore comment elle allait s'organiser pour travailler.
@Joyce Millett
(Ji-hun Hwang)