La colère me scient littéralement le ventre, fatigue du jet lag en barre sur le front, juste armé de ma fidèle sacoche ayant clairement vécu quinze guerres - au bas mot - je me pointais ce soir chez Carmella, m'acharnant actuellement sur la sonnette de son appartement en sachant que, ce jour de la semaine, généralement elle se trouvait à son appartement. Le dernier message meets envoyé m'avait clairement rendu barjo. Sans quoi je serais probablement pas venu aussi tôt, ni aussi en colère, et encore moins à cette heure tardive de la soirée pour la confronter. Il n'existait que moi, déglingo parmi les déglingos, pour prendre un avion un peu avant la fin du Summer Camp, en ayant pris mes dispositions pour ne pas partir avant une épreuve et ainsi soutenir mon équipe jusqu'au bout, quitte à repartir en catastrophe s'il le fallait. Là, clairement, j'attends, en trépignant du pied droit, la rage me montant au nez comme la moutarde le ferait. J'avoue sans peine ne pas avoir compris cette pique sortie de nulle part, alors que justement, ma collègue et amie ne sait pas par quoi Mia est passée dernièrement, sans que je ne puisse être à son chevet. Non, elle ne savait rien... sans quoi elle n'aurait jamais osé me balancer de telles gentillesses, ou alors clairement, je ne la connais pas aussi bien que je le pensais. Tu as cinq secondes pour t'expliquer sur ce message de merde que tu m'as envoyé sinon je reprends l'avion pour le SC que je balance sans entrer, sans dire bonsoir, aucune politesse ni aucun arrondissement d'angle. Je n'ai même pas envie d'être aimable, je veux comprendre. Je DOIS comprendre. Dans le cas contraire, si je quitte l'immeuble de Carmella sans avoir compris, c'est probablement la dernière fois qu'elle aura de mes nouvelles.

E

ncore une journée de travail intense, pour peu de résultats. Carmella est de plus en plus minée par cette enquête qui ne fait que stagner. Elle ne s’imagine pas devoir raccrocher cette dernière pour deux semaines : vacances qu’on l’oblige à prendre, malgré ce qui se joue en ce moment. Est-ce que sa direction est devenue complètement timbrée ? En même temps, le message a été clair. Si besoin est, ceux se trouvant en congé seront appelés afin de reprendre du service, mais uniquement si autre chose arrive, s’il y a soupçon sur une personne. Dans le cas contraire, elle devra profiter de ses deux semaines en prenant du repos et du temps pour elle, ce qui n’est clairement pas passé pour la brune. Un rictus s’est inscrit sur son visage et elle a rapidement détalé pour rejoindre le bureau de sa supérieure. Elle lui a bien certifié que ses deux semaines, elle doit les prendre, pour lui faire gentiment comprendre que personne n’est indispensable. En rogne, poings serrés, elle a quitté le bureau sans prendre la peine de fermer gentiment la porte, non. Carmella l’a claqué et est retourné au sien, reprenant le dossier depuis le commencement. Mais rien. Toujours rien. Un tueur rôde toujours à Boston et personne n’a la moindre idée de qu’il s’agit et ça, elle ne le supporte pas. Malgré tout, elle est rentrée chez elle plus tôt, puisqu’elle s’est rendue à la réunion de ce soir, pour finalement rentrer chez elle. Chevelure encore trempée - ayant passé un moment sous la douche - c’est dans un pyjama en soie, fin et léger, qu’elle se balade dans son appartement, une boite à pizza placée sur sa table basse. Elle a commencé par le pot de glace Ben & Jerry’s, quand ça s’est mis à sonner. « J’arrive. » Elle prononce dans un soupir, décroisant ses jambes pour se redresser, alors qu’elle ne cesse de geindre, sa dite sonnette, ce qui l’agace au plus haut point. Qui peut être aussi pressé de la voir ? Ou encore de l’irriter ? Elle va bientôt le savoir, puisqu’elle ouvre la porte et sourit dès qu’elle l’aperçoit. Seulement, son visage s’éteint à mesure qu’elle l’écoute et scrute son visage. De quoi parle-t-il ? Bohème est sérieux ? A-t-il pété un boulon ? L’enquêtrice n’y comprend rien, mais elle va promptement mettre les choses au clair avec lui. Froide, elle ouvre davantage sa porte et prononce dans la même aigreur que lui : « Entre. » Pas de scandale dans le couloir, ça non. Elle n’est pas propriétaire et n’a pas envie d’être mise à la porte parce qu’il a décidé de péter une durite devant la porte de son appartement. « Quel est ton problème, au juste ? » Elle l’interroge, bras croisés, après avoir fermé derrière eux, faisant barrage devant l’a dite porte pour qu’il s’abstienne de sortir. Il va parler, oh ça oui ! Elle n’est pas n’importe qui, l’enquêtrice Dabiri.

Je crois que Carmella aurait pu m'accueillir nue plutôt que dans un pyjama de soie, je ne m'en serais même pas aperçu. Mon esprit bouillonne de rage et l'invitation à entrer ne calme en rien la donne... à plus forte raison lorsque j'aperçois l'inspectrice se placer entre la porte et moi afin qu'aucun repli potentiel ne soit envisageable. Ce qui m'arrive ? Mon sourcil gauche se lève dans un air presque haineux, tant je n'ai pas la maîtrise de mon être. Mia a fait une crise cardiaque la veille, l'opération a été un succès sans plus, et le message de la demoiselle m'a fait carrément péter une durite. Depuis quand tu me culpabilises sur mon taff ? Après tout, il s'agissait bien de cela. Le mot abandon sonne encore dans mon esprit comme un pivert piquerait un arbre de façon répétée. Pourtant, si ma colère est évidente, cette dernière demeure intérieure. Aucun geste de trop, je n'esquisse d'ailleurs aucun pas, que ce soit vers elle ou pour la fuir. Au contraire, je l'imite en plaquant mes bras musclés par les épreuves du Summer Camp contre mon torse, la toisant au passage. Mes prunelles sombres décortiquent la plus petite réaction de sa part, au cas où il me faille répliquer. Probablement me moquerais-je de moi-même si je me voyais ainsi, tel un lion prêt à bondir, alors que la situation ne l'exige pas forcément. Mais mes nerfs sont définitivement en pelote et il n'est pas question de céder du terrain. Quitte à nous lancer dans une énième joute, de regards ou de mots, chose parfaitement habituelle entre nous.

L

a flic ne comprend pas. Quelle mouche a piqué Bohème ? À quoi s’amuse-t-il ? Va-t-il se mettre à rire dans quelques minutes et se moquer d’elle ? Carmella préférait, mais il semble bel et bien sérieux, au vu de son attitude distante et pincée. Quelque chose s’est produit, mais quoi ? Elle n’en a aucune idée, puisqu’il n’a pas parlé de quoi que ce soit de personnel, récemment, dans leur conversation. Alors s’est-il déplacé uniquement pour cela ? La courroucer même s'ils ont discuté de sa visite surprise avec plaisir en échangeant des messages ? Est-ce à cause de cette autre femme dans sa vie, celle avec qui il sort ? Encore une chose qu’elle ne comprend pas la brune. Comment diable peut-il entretenir une relation avec son emploi du temps ? Elle le sait, elle, que c’est tout bonnement impossible. Mais ça, elle se cache bien de le lui dire. Alors sourcils froncés, son regard noir présent dans le sien, elle attend des explications de sa part. « Oui, ce qu’il t’arrive, Bohème. » Elle reprend, sur le même ton, quand, elle est surprise par sa réponse. « Je te culpabilise maintenant, moi ? » Elle en croit à peine ses oreilles. Comment peut-il proférer de telles choses ? À elle ? S’indiquant du doigt, elle se saisit de ses clés, les lui montre afin qu’il note qu’il ne pourra pas partir. Après cela, elle rejoint son salon pour se saisir de son smartphone et lire ce qu’elle a écrit pour qu’il réagisse de la sorte. « Tu ne perds rien pour attendre Chatelain. » Elle est si en colère qu’elle peine à déverrouiller son cellulaire et elle prononce avec fermeté à son intention : « C’est quoi le fichu message qui t’a mis dans cet état ? » Elle en viendrait presque à le pulvériser contre l’un de ses murs, seulement, elle n’aurait pas les moyens de s’en offrir un nouveau. Alors, elle prend sur elle et clôt ses paupières en décomptant à partir de dix, jusqu’à zéro. Quelque chose se cache sous la manière qu’à Bohème de l’agresser depuis qu’elle lui a ouvert sa porte et si ce n’était pas lui, elle aurait fichue la personne dehors en la lui claquant au nez ! *Crétin ! Goujat !* Elle pense. Ses termes s’immiscent entre les chiffres qu’elle prononce intérieurement et une fois arrivée à zéro, elle le rejoint et prononce, mains postées sur ses hanches : « Hé, je t’ai posé une question. » Ses lèvres pleines ne forment plus qu’un trait sur son visage en forme de cœur.

Cette fois, c'est davantage Carmella qui s'agite. La menace qui plane au-dessus de moi ne me fait pas flancher le moins du monde, et pour cause : je réagis encore mieux sous l'effet de la pression. Mes pupilles sombres décortiquent chacun de ses gestes, un véritable langage non-verbal qui se joue devant elles. Tu crois que ta menace m'effraie, Dabiri ? Des mots comme ceux-ci, j'en bouffe une centaine au petit-déj que je la défie sciemment, et pour cause : je déteste être menacé après que l'on ait remis en question ma dévotion à mon job. Mais lui avouer d'entrée de jeu serait une lourde perte dans la joute verbale qui nous oppose. Alors qu'elle me met son smartphone sous le nez, mon visage est toujours impénétrable. Parce qu'en prime tu ne sais plus lire ? Okay, not fair. Mais elle l'a cherché. Peut-être que Carmella sait mieux que quiconque à Boston qu'il ne faut pas me chercher, même en surface. Oh mille excuses, je ne savais pas que ton temps était compté puisque tu semblais tant m'attendre... Mon sourcil se lève sous la maigre surprise. Peut-être suis-je telle une mangouste face à un serpent, prêt à le becter au moindre signe de faiblesse... du moins je donne le change en attendant d'être certain qu'elle soit attentive aux vraies raisons.

L'

enquêtrice ne fait que bouillir encore et toujours alors qu’elle cherche la raison pour laquelle il se comporte ainsi avec elle. Depuis quand Bohème est devenu aussi froid, pour ne pas utiliser le terme "glacial" avec elle ? Carmella ne reconnait pas l’homme qui se tient devant elle, bras croisés, qui scrute le moindre de ses mouvements. Elle vacille, la brune qui sent sans cœur faillir à mesure ou les secondes s’égrainent. « Menace ? » Elle en affiche une moue dubitative. « Tout bonnement parce que j’ai prononcé que tu ne perdais rien pour attendre ? Je ne sais pas quel est ton problème, mais à l’évidence, il est grave pour que tu sois ainsi. » Elle aimerait qu’il se confie à elle, non, elle le désire sincèrement, seulement, celui qui se tient là, debout, dans son salon, elle ne sait de qu’il s’agit. « Pardon ? » Son téléphone présent sous son nez (à lui), Carme se trouve dans un état de colère sans nom. Elle tremble de tout son être tandis qu’il ne fait que la chercher et la blesser, au vu de sa dernière pique lancée, tout droit dans son cœur. « Bohème… » Elle prononce, voix tremblotante, tandis que ses prunelles se chargent de larmes. « Soit tu changes immédiatement de ton avec moi, soit tu passes cette porte et jamais plus, tu ne remets un pied ici. Jamais plus tu n’oseras me regarder droit dans les yeux, suis-je claire ? » Elle le pointe du doigt, se moque des larmes prêtes à se déverser sur ses joues puis, elle lui jette les clés de son appartement, afin qu’il prenne sa décision. « Soit tu pars, soit tu t’expliques. Mais jamais plus, tu ne me parles ainsi pour me blesser. » Oui, elle l’attendait avec impatience. Carmella ne faisait que de songer à cela : leurs retrouvailles. Seulement, si elle avait su, elle se serait abstenue d’ouvrir sa porte. Car à présent, c’est avec le cœur lourd qu’elle patiente comme elle peut, ne comprenant elle-même la raison pour laquelle elle éprouve toutes ses émotions, qu’elle ne comprend plus depuis bien longtemps.

Aucun signe de violence physique, rien ne trahit mon expression du moment. Je voudrais disparaître, que cet entretien n'ait jamais eu lieu, et mieux encore, que l'ultimatum n'ait pas été prononcé. Carmella est aussi vive et tumultueuse que je peux l'être, mais je ne suis pas certain d'un jour prononcer ces paroles. Mettre quelqu'un au pied du mur, sans possibilité de retour. Plus jamais je n'oserais te regarder dans les yeux ? Parce que maintenant tu es capable de commander à mon esprit pour que je ne te regarde pas ? La formule est culottée... Probablement cet égo qui me joue souvent des tours s'est trouvé piqué au vif par une formule non pas seulement osée, mais fausse. Si l'envie m'en prend, il n'est pas question que mes pupilles sombres ne regardent plus jamais dans sa direction. Voilà l'épine : nous regardons à l'unisson, mais l'horizon que nous visons semble flou, et différent. Un soupir s'échappe alors que j'ose faire plusieurs pas vers la demoiselle, brisant ainsi cette distance physique entre nous. Tu ne m'as pas dit que je ne perdais rien pour attendre. Tes mots, et je te cite, ont été "toi aussi tu m'abandonnes". Je n'ai rien inventé ni exagéré. Ma voix se fait murmure alors qu'elle se brise. Mes iris se mettent à briller dans un éclat que personne ne me connaît. Un mélange savant de colère, de tristesse et de désespoir. Comment suis-je censé réagir, dis-moi, lorsque je viens de raccrocher un toubib de l'hôpital pour m'entendre dire que Mina a fait un arrêt cardiaque, qu'elle est envoyée sur le billard et qu'il y a très peu de chances qu'elle s'en sorte, en même temps que le message que je viens de citer ? Dis-moi, Carmella, toi qui aimes tant ordonner les choses, aurais-tu réagi avec un smiley moqueur ? Ou par une boutade ? Ou bien n'aurais-tu rien répondu ? Je déglutis avec difficulté alors que mon souffle se fait court, et que plusieurs larmes s'écrasent, furieuses, sur mes joues hâlées et froides. Cet échange n'a duré que quelques secondes que je m'efface déjà de quelques pas. Mais tu as raison sur un point : ma rage n'a sûrement pas lieu d'être, aussi je disparais car tel est ton souhait. Je hoche la tête en signe de salutations polies et m'empare de la poignée de la porte afin de la refermer derrière moi. Sans violence. Sans précipitation. Ce n'est qu'une fois dans le couloir que je m'occupe de dévaler les marches quatre à quatre, suffoquant. Mes mains tremblent déjà pour me signifier que mon corps est à la limite. Guidé par cette résonance du glas de mon propre désespoir, je suis incapable de passer la porte de l'immeuble. Je me retrouve immobilisé, à fixer cette dernière tel un forcené. En vérité, je clos bientôt mes paupières où des larmes perlent encore, me concentrant sur ma respiration en espérant soigner cette crise qui commence à s'infiltrer par tous les pores de ma peau.

L

a tension est on ne peut plus palpable dans la pièce. Carmella est en bord de la crise de nerf, à ne rien comprendre au comportement de Bohème. Pourtant, elle n’est pas du genre à agir de cette façon. Elle est comme piquée, par ce qui se passe. Dépasser également, dérouter et perdue. Mais ce qui la blesse est la manière dont le brun s’en est pris à elle, sans de réelle raison, à son sens, puisqu’il n’explique rien. Alors, elle est prête à imploser. Son téléphone aurait déjà dû trouver l’un des murs, mais elle se contient, comme elle le peut du moins. Seulement, il ne peut continuer à lui parler de la sorte, ainsi, elle le prévient et à sa réponse, un sourire amer se dessine sur son visage en forme de cœur. « Penses-tu que je te laisserais de nouveau me regarder droit dans les yeux, Bohème ? » S’il peut la blesser, alors, elle aussi, en fera de même. Pourquoi devrait-elle être la seule à souffrir dans l’histoire ? « Je t’ai écrit que tu m’abandonnais et c’est pour ça, que tu es venu ici ? En frappant pour me dire que je n’avais que cinq secondes afin de m’expliquer où tu me rayais de ta vie, c’est ça ? » Sa voix monte dans les aigus, tant sa colère gronde. « Te rends-tu compte, Bohème ? » Sa question est on ne peut plus sérieuse, seulement, il réduit la distance qui les sépare et elle se protège d’une main, la plaçant sur son coude, un bras ballant tandis que l’autre protège sa poitrine. Le fait est qu’elle ne s’attendait en rien à ce qu’il lui confesse et Carmella se retrouve totalement perdue. Comment pouvait-elle se douter de ce qu’il se passait ? Serait-elle devenue devin du jour au lendemain ? Bohème lui connait des dons dont elle-même n’a absolument pas connaissance ? Et pourquoi est-ce qu’il ne lui a rien dit au sujet de sa sœur ? Sur quoi donc est basée leur relation, leur amitié ? Pas grand-chose, à l’évidence, puisqu’elle n’a rien su jusqu’à cet instant. *Mais sa petite copine du moment doit le savoir, elle.* L’enquêtrice songe alors, comme il n’a pas perdu de temps pour avoir une sorte de flirt de vacances. Elle le lui mettrait bien dans les dents, seulement, Carme en est pour le moment incapable. Elle vacille intérieurement, se demandant si elle doit être le plus peinée et blesser du fait qu’il ne lui ait rien dit ou qu’il soit venu frapper chez elle afin de se défouler. Ne prononçant donc pas le moindre mot, elle laisse son regard ancrer dans le sien, tandis que des larmes roulent sur ses joues. Carmella aimerait le prendre dans ses bras, lui dire que tout ira bien, mais peut-elle seulement se le permettre ? Non. Elle n’en a pas le droit. Cependant, quand il s’en va, énonce qu’il va disparaître, car c’est son souhait, elle se sent de plus en plus ébranler. « Bohème. » Elle prononce soudainement, quand son regard croise sa porte à présent fermer. Sans même y réfléchir, elle enfile une paire de basket et dévale les escaliers, cheveux encore trempés, en pyjama, afin de le retrouver. Heureusement, elle n’a pas quitté l’immeuble, puisqu’il se trouve dans le couloir, devant la dernière porte avant la liberté. La fraîcheur de la nuit ou encore, son obscurité. « Comment voulais-tu que je sache pour ta sœur, Bohème ? » Elle lui demande alors, tandis qu’il lui fait toujours dos. « Je suis devenue devin pendant les vacances, c’est ça ? Et toi seul en a connaissance ? » Elle ne peut s’empêcher de lui hurler dessus. Après tout, elle est très en colère contre lui, ainsi que blesser. « Aller, viens. » Elle prononce après avoir fait le tour, afin qu’ils soient en face l’un de l’autre. « Je ne veux pas attraper du mal ici. Remonte, avec moi. Aller. » La brune ne sait pas comment s’y prendre, mais son ton s’est adouci. Elle hésite à lui tendre la main, mais cela l’impliquerait bien trop et elle ne s’en sent pas capable. La dernière fois, elle a tant perdu… Peut-elle se permettre de s’engager à nouveau auprès d’une personne qui peut disparaître de son existence ? D’autant qu’il l’en a menacé lorsqu’elle lui a ouvert la porte. « S’il te plaît, Bohème. » Elle pousse un soupir et ajoute : « Si tu ne bouges pas, je te fais remonter à coups de pied dans le derrière. » Sa manière à elle de lui faire comprendre comme elle tient à lui ou encore, son désir de ne pas le laisser ainsi, dans cet état, seul.

Mon être s'est trouvé dans l'incapacité de répondre aux différentes provocations de l'inspectrice, comme si je quittais la bataille pour la première fois de mon existence. D'ordinaire, j'attaque, je contre, je m'évertue à obtenir le point final si je ne peux obtenir le dernier mot. Face à Carmella, cependant, mes failles semblent revenir à la surface, me rendant suffocant et fragile. Cette fragilité flagrante m'empêche de passer la porte de l'immeuble pour disparaître de l'existence de la jolie brune. Cet état de fait me glace le sang alors que la demoiselle beugle déjà dans l'entrée, cherchant sans doute à me faire réagir. Son avant-dernière phrase m'arrache un petit rire, bien que celui-ci n'ait rien de moqueur ou de sarcastique. Non, Carmella vient de provoquer un vrai rire franc, bien qu'aussi fragile que tout mon être. C'est presque en mode automatique que je reprends la marche, non sans lui avoir pris la main à l'aide d'une délicatesse parfaitement inhabituelle. Délicat, je ne le suis jamais. Avec personne. Du moins personne d'autre que Mina. Ma très chère sœur pour laquelle je n'ai même pas pris l'avion. A la place, je me suis déplacé armé d'une excuse plus fumeuse que jamais. J'en prends conscience alors que j'ouvre et ferme la porte de mon interlocutrice, tout en gardant sa main dans la mienne. L'intimité de l'entrée de son appartement provoque des tremblements que je tente de contrôler depuis que j'ai tenté de filer à l'anglaise, sans pouvoir aller au bout des choses. Je n'ai même pas rejoint Mina. Je ne suis pas allé à l'hôpital, moi qui lui ai promis que je ne l'abandonnerai jamais. Depuis que nos parents m'ont renié et que je galère à lui offrir la vie qu'elle mérite... depuis mes quatorze ans... j'ai toujours accouru dans la seconde dès qu'elle a eu besoin de moi. Mais... pas cette fois. Mon cœur crie cette vérité et mes tremblements sont tellement violents que, craignant de blesser Carmella, je relâche d'un geste tout aussi délicat que les précédents ses doigts. Mes prunelles sombres laissent échapper ce torrent de larmes que je retiens depuis des jours. Cette fragilité glace mon sang et me pousse à tourner simplement le dos à mon interlocutrice,  alors que ma voix s'élève à nouveau dans l'atmosphère, aussi brisée que je le suis. Mais je suis venu te voir. Toi. Comme si tu pouvais me sauver de moi-même... être mon échappée belle. C'est ça. Tu es mon échappée belle. La fin de ma phrase est semblable à un murmure. Pourtant, elle ouvre et rend béantes toutes les failles de mon être.