Les journées se suivent et ne se ressemblent absolument pas, entre les trajets interminables à réaliser en stop, les recherches d’habitations, les nuits de survies, les dollars comptabilisés… Un rythme beaucoup plus effréné que lors des Summer Camp auxquels ils ont déjà participé. Enfin, même s’il y a trois jours de cela, ils ont eu l’occasion de retrouver cette ambiance des précédentes années, avec une nuit dans une grand villa, rassemblant ensemble tous les participants… Cela dit, au moins, elle a su très vite se rassurer sur un point, celui qu’elle ne peut que lui donner, à son partenaire préféré, c’est que ses craintes quant à leur proximité n’étaient pas le moins du monde justifiées. Presque, elle s’en veut d’ailleurs, d’en avoir douté. Il faut dire, pour sa défense, qu’elle tente encore de s’habituer à cette dynamique plus assumée de la relation qui peut les lier… Alors que c’était ce qu’elle attendait depuis quasiment deux années. C’est effrayant de vivre un rêve éveillé.

Tandis qu’elle est assise sur le rebord du bateau de pêche appartenant à la famille qui a bien voulu les accueillir pour cette fin de journée et la nuit dans la foulée, elle l’observe, ce songe réveillé, en train de s’afférer pour leur trouver de quoi pouvoir, ce soir, les sustenter. Un fin sourire dessiné sur ses lèvres, elle se délecte de la musculature de sa silhouette, du moindre de ses mouvements, en toute discrétion pour éviter de mettre mal à l’aise leurs autres coéquipiers présents. Elle n’aurait jamais cru possible le fait d’être capable de l’aimer autant. Mais au bout du monde, perdu en Equateur, il semblerait qu’il sait comment faire battre plus rapidement son cœur.

Puis elle se redresse, la brise faisant valser ses boucles ébènes, jouant les funambules le temps d’avancer de quelques mètres afin de venir se glisser à ses côtés. Taquine lorsque son bras s’accole au sien, qu’elle éprouve une certaine électricité comme à chaque fois que sa peau rencontre celle de son amant, c’est vrai. Ses phalanges s’aventurent à se poser sur la canne qu’il tient toujours des siennes, et elle lui souffle, maligne, « Tu sais qu’on est censé ne rien faire… le jour de son anniversaire. » Une date qu’elle n’oubliera jamais, même lorsqu’ils sont paumés dans un pays étranger.

Un sourire pare les traits de l’amérindienne durant ce laps de temps, une fraction de seconde à peine, où elle attend que son regard rencontre celui de l’étudiant. Ses prunelles se font espiègles lorsqu’elles se plongent dans les siennes, et dans son soupir elle parvient à entendre la surprise autant que l’amusement. Ça lui plaît, Haiwee est incapable de le nier, elle irait même jusqu’à se vanter d’être la seule à pouvoir lui faire cet effet. La seule à tenir autant à lui. A envisager de partager à ses côtés, toute sa vie. Bien sûr, elle ne se risquera pas à le lui souffler, gardant ses sentiments pour elle, de peur de voir leur équilibre s’effriter. Que ce futur ne reste qu’une chimère, une histoire inachevée.

Alors ses lèvres toujours arquées, elle secoue le visage quand elle l’entend articuler, « Ça m’fait oublier. » Forcément en toute logique, elle comprend qu’il parle de la compétition, du fait qu’elle occupe leurs esprits et qu’ils ne voient pas réellement le temps filer. Pourtant, malgré a bonne humeur qui semble ambiante, elle a l’espace d’un instant la sensation qu’il y a une vérité tacite dans les quelques mots qu’il a énoncé. Un détail qui lui laisse une saveur amère dans le fond de la gorge, une chose qu’elle n’a pas encore le goût d’aborder.

Avec délicatesse, elle s’aventure à forcer les phalanges de son coéquipier à se déplier, pour pouvoir prendre véritablement possession de la cane qui lui sert à pécher. « Heureusement que je suis là, dans ce cas. » que tu m'as, Elle est légèrement orgueilleuse lorsqu’elle le dit, mais elle est assez confiante en elle pour le penser à présent. Elle est chanceuse de l’avoir, certes, si bien que l’inverse est tout aussi vrai. Même s’il ne le prononce pas, jamais, elle est consciente qu’il doit ne serait-ce qu’un peu le penser, sinon, il ne l’accepterait pas à ses côtés. « Mais pour ton cadeau… » attirant complétement son attention avec cette phrase en suspension, elle récupère enfin l’objet qu’il tenait, elle le cale entre ses jambes, son attention fixée sur la surface de l’eau que l’embarcation fait vaciller, « Il te faudra attendre qu’on retourne à l’hôtel. » Parce que pour une soirée romantique ou un moment intime, aujourd’hui, ce n’est pas gagné. « A moins que… » le vice à peine dissimulé dans le ton de sa voix, de lui dire On peut s’exercer à ton, notre, fantasme, elle est à deux doigts. Tandis que dans son for intérieur, il y a, l’envie indéniable de lui demander si ça va. Si lui aussi souhaite que l’été ne se termine pas.

Au-delà de ce qu’elle vient de lui sous-entendre, comme présent un intermède charnel, elle a tout de même prévu quelque chose de plus matériel. Certes, l’attention à laquelle elle a pensé n’est pas énorme, mais puisqu’il possède tout, lui offrir un cadeau reste compliqué, bien qu’elle ne doute pas du fait qu’il appréciera, de toutes les façons, on dit bien que c’est l’intention qui compte, n’est-ce pas ? Enfin, il est resté à l’hôtel qu’ils retrouveront demain, dans tous les cas.
Quelque part, elle tente de se convaincre, car elle appréhende un peu, c’est vrai, parce que les choix de l’amérindienne sont malgré tout toujours plus simples que toutes les affaires luxurieuses qu’il détient. Enfin elle aime aussi se rassurer à penser que c’est justement cette simplicité qui lui plaît, que ça fait partie des raisons pour lesquelles aujourd’hui, c’est elle et pas une autre qui se tient à ses côtés.

Elle se délecte de la teneur de son sourire, lorsqu’il baisse les yeux à la suite de sa proposition détournée, venant commenter ses dires ; « Tu vas leur donner des idées aux jeunes, » elle qui était si prude il y a de ça une année, elle n’aurait jamais cru être de celles qui pourrait inciter à l’immoralité. Ses lèvres légèrement arquées, elle observe l’eau dans laquelle trempe la canne à pêche, amusée mais aussi charmée par le changement qu’il a provoqué, épanouie et ce grâce à lui. « A moi aussi d’ailleurs, » Une révélation qui la satisfait, se souvenant de ce qu’elle avait pu croire au départ, la peur de ne pas pouvoir être assez proche de lui durant ces vacances, être en manque de sa présence. Evidemment, la compétition a crée plusieurs instants de frustration mais à la finalité, elle est persuadée qu’ils n’ont jamais été aussi liés. « Demain, c’est loin, » elle s’en devient faussement innocente afin de le questionner ; « Ah bon tu trouves ? » elle s’amuse, venant légèrement heurter son épaule avec la sienne dans l’unique but de le taquiner. C’est donc dans un murmure qu’elle lui confie, « Il serait peut-être temps de repenser à nos fantasmes dans ce cas. » même s’ils ont flirté avec ceux-là lors du Spring break dernier, elle se remémore parfaitement ce moment d’intimité dans la piscine partagée.

Cela dit, pour le connaître par cœur ou presque, elle fronce une seconde les sourcils, cherchant un petit quelque chose qui saurait retirer du visage de l’étudiant ses airs moroses… Et puis, l’illumination, sachant pertinemment que Sheng ne sait pas résister à une telle tentation, « Mais avant tout, » un sourire gentillet se dessine sur la pulpe de sa bouche, « finalement, il faut que tu me prouves que tu le mérites, » pour la suite elle en rit de moitié, « que tu saurais me nourrir et que tu es un grand guerrier. » plaisantant sur ses propres origines, sur la canne, elle cramponne ses doigts, et sonne le glas, « Le premier qui en pêche trois. » En ses capacités, Haiwee a foi.

(hj ; je suis gentille, je te laisse le droit de tirer en premier le dé )