Okay ta façon de dire que je suis horriblement vieux jeu...
Je t'avoue qu'une part de moi te comprends, car je n'ai jamais été aussi heureux de toute ma vie et j'ai sans arrêt peur qu'il lui arrive quelque chose. Mais une autre retient ceci : tu n'as jamais été si heureux. Pourquoi ne pas faire un jour à la fois, et profiter ? Je sais, c'est plus facile à dire qu'à faire... si tu es heureux je suis certain qu'elle l'est aussi. Alors tiens fortement sa main... et ne la lâche pas.

Bien sûr que non. Pas horriblement vieux jeu. Mais en même temps, tu es un Grimaldi, j'oublie à qui je parle. Je suis vieux jeu, pas toi. Tu es trop jeune pour être vieux jeu. Disons seulement que tu n'as pas la même pratique pour séduire les femmes, mais Gauthier n'a pas ton âge non plus, ce n'est pas évident. Est-ce que tu me comprends ou je m'enfonce ?
C'est vrai. Mais que ferais-je lorsqu'elle ne sera plus là ? J'ai peur, Hélios. Même si je ne le lui souffle pas. Chaque jour, j'ai cette pensée qui m'accable : et si sa pathologie s'aggravait et que je la perdais ?

Non tu ne t'enfonces pas Mais tu sais, je paierais cher pour avoir un nom passe-partout. Cela m'éviterait bien des obligations...
Je ne peux pas te dire que je comprends car je ne suis pas dans ta situation... mais j'ai foi en la médecine et la recherche. Je suis certain qu'à un moment donné, il y aura une vraie avancée. En attendant, entoure-là de tout l'amour du monde ! Donne-lui une raison de vivre et de s'accrocher.

Comme Bergmann ?
Penses-tu la même chose dans ton cas, Hélios ? Qu'un jour, tu pourras voir nouveau le visage de celle que tu aimes ? Ce n'est pas un manque de foi en la médecine, c'est être lucide. Je ne souhaite pas te blesser avec ma question, seulement, même si je suis heureux à ses côtés, plus que comblée également, je n'ai pas le droit d'oublier. Elle est souffrante, mourante et... Je sais que je serais brisé. Je le suis déjà chaque fois qu'elle tousse beaucoup trop fort. Chaque fois ou elle cache que ça ne va pas, mais que je le remarque à force de détailler ses traits. Je connais chacune de ses respirations lorsqu'elle va bien et ne dors de la nuit lorsque ça ne va pas et que je suis à ses côtés. Je tiens à elle. Je l'aime, d'ailleurs. Seulement est-ce une vie de vivre ainsi, en sachant que le couperet va nous tomber dessus ?

Tu ne m'as pas blessé Clive ! C'était surtout ma façon de dire que je te soutiens, même si nos situations ne sont pas les mêmes. Je connais la souffrance, je connais la crainte. Je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un de proche. J'imagine que lorsque l'on s'autorise à aimer, on s'offre un aller sans retour vers la frayeur. Celle de perdre l'être aimé... mais ne pas vivre ces moments de bonheur parce que l'on craint de perdre cet être si important, est-ce juste ?
Tu penses qu'elle ne s'inquièterait pas lorsque vous parlerez des balles que tu t'es prises ? Vous avez tous les deux des craintes. Peut-être qu'en parler ensemble serait un début de piste ?
Je suis ému de lire que tu l'aimes. Vraiment.

Écrirais-tu ainsi, si tu n'avais pas Mina a tes côtés ? T'aimant plus que de raison ? Je ne sais pas si cela en vaut le coup, parce qu'on termine briser. Je le serais lorsque... Elle partira avant moi, alors que j'ai 43 ans et elle... Ce n'est pas si simple. Je ne pourrais pas me reconstruire par la suite. J'ai déjà bien du mal à cause de mon divorce sans amour alors, imagine en aimant une personne. Ai-je peur ? Oui, je meurs de peur. Je suis pétrifié. Oui, je suis heureux avec elle, mais sa maladie... Je crains de perdre pied. De ne pas être à la hauteur afin de la soutenir.
Jamais je ne lui ai parlé des balles... Ni même évoqué la fusillade. Je ne le ferai pas. Et je suis incapable de lui parler de mes craintes, je n'en suis pas capable. Même si je l'aime. Je pourrais profiter, en ne ressentant rien. Juste me laisser porter, mais ce n'est pas le cas. Je l'aime. Alors, je ne peux pas tout balayer de côté parce que je l'aime. C'est tout mettre sous le tapis, jusqu'au moment fatidique ou ça ressortira. Qui sera là pour moi, à ce moment-là ? Tu vas me répondre que tu seras présent, certes, mais ce ne sera pas ce que je désirai. Ce sera elle et tu ne pourras pas me la ramener.