Apple dormait. Ca devenait assez rare ces temps-ci, elle ne fermait plus beaucoup l'oeil déjà depuis qu'elle avait retrouvé Solweig, mais encore moins depuis qu'elle savait que je refaisais ma dépression. Je la regardais dormir un moment, un léger sourire aux lèvres. Elle était magnifique. Je finis par me lever, doucement et silencieusement pour ne pas la réveiller : je savais qu'elle avait le sommeil léger. Je m'habillai rapidement, d'un simple jogging et d'un tee-shirt on ne peut plus basique, l'idéal pour m'enfuir sans la réveiller. Je fis un léger détour pour aller regarder Coraleen qui dormait paisiblement, souriant devant sa bouille si attendrissante. Pourtant, j'étais décidé à les laisser.. toutes les deux. J'espérai vraiment qu'elles me pardonneraient un jour pour ça. J'enfilai mes chaussures et quittai l'appartement comme un voleur, y jetant un dernier coup d’œil avant de reprendre la marche à travers Harvard Square jusqu'au pont de Charles River. J'étais resté là, au beau milieu du pont et en pleine nuit, à contempler l'eau en silence. Peut-être dix minutes, ou peut-être trente, j'avais perdu la notion du temps. Mon regard dériva sur l'une des tours du pont à côté de moi et lentement, je m'en approchai, entrant à l'intérieur et grimpant les marches jusqu'à arriver au petit balcon, le cœur battant. La première chose que je fis une fois arrivé en haut, ce fut de regarder en bas. C'était loin. Plus loin que je ne l'avais pensé... assez pour ce que je voulais. Je fermai les yeux en tâchant de calmer mon cœur qui s'emballait, me convaincant que c'était ce que je voulais. Alors je passais une jambe par-dessus la barrière de protection, puis la deuxième, jusqu'à me retrouver suspendu au-dessus du vide. Et je restais là, à fixer l'eau en contrebas, en repensant à tout ce qu'il m'arrivait récemment... ou même, à tout ce qui arrivait, à tout le monde, pas seulement moi. Je repensais à Candice à qui j'avais promis de me battre et qui s'étranglerait sans doute à me voir au bord du gouffre à ce point. J'avais la gorge nouée et mes yeux ne tardèrent pas à s'embuer. Depuis combien de temps j'hésitais comme ça ? C'était pourtant la meilleure chose à faire, bientôt ce calvaire prendrait fin, j'aurais la paix et dans un élan d'égoïsme ultime, je ne demandais rien de plus que le silence le plus complet qui soit... celui qui ne se brise jamais. Je desserrai lentement mes doigts sur la barrière. Finalement, le cauchemar prendrait fin ici.

La nuit était totalement tombée sur Cambridge. J'avais eu besoin de m'changer les idées, de sortir un peu du campus, l'espace de quelques heures. J'avais contacté quelques potes pour s'faire une sortie en ville, une espèce de tournée des bars s'il vous le voulez. J'm'autorisais désormais ce genre d'excès car maintenant, j'buvais pu pour oublier. Je buvais pour m'amuser. J'commençais à vraiment aller mieux, à sourire, rigoler même si j'étais consciente que tout ne pourrait pas s'arranger d'un coup comme ça. Ca allait prendre du temps, je le savais, mais j'vais tout faire pour éviter d'à nouveau me scarifier et d'avoir envie de me suicider, juste pour que les autres puissent avoir le bonheur que je leur souhaitais. Sans moi qui pourrait leur faire du mal. Fallait que j'change radicalement de façon de vivre, m'voyez ? Dans tous les cas, ils avaient tous l'air ravis d'avoir passé une soirée avec une nouvelle personne, la Briony de début d'année, pimpante, joyeuse, prête à faire toutes les conneries du monde sur base d'un pari. C'était passé vite. La plupart était resté encore dans un bar à terminer leur jeu ou chais pas quoi, mais j'avais rapidement décidé de partir, pour essayer de me montrer un peu raisonnable. Ouai, une nouvelle résolution. T'façon, ça tient jamais ce genre de promesses, j'essaie juste quelques jours pour voir ce que ça donne. Une Mather raisonnable. On aura tout vu. Pour rentrer sur le campus, le chemin qui était pour moi le plus rapide était celui par le pont de Charles River. j'voulais éviter les quartiers louches aussi, ça serait pas mal. Autant ne pas avoir de mauvaises rencontres hein. Je m'étais mise sur l'un des côtés du pont, celui des tours. J'appréciais vraiment le style de ces dernières et n'hésitais jamais à m'arrêter devant. Sauf que cette fois.. c'était carrément différent. Comme à chaque fois, j'avais levé mon nez vers le haut de ces tours, m'attendant à rien voir de particulier, ou alors un ou deux oiseaux. Mais là.. Je m'étais stoppée directement pour tenter de mieux discerner la forme que j'aperçevais en haut d'une tour. Après quelques secondes, c'était juste carrément évident qu'un homme était en haut.. A regarder l'étendue de l'eau, se tenant à rambarde, prêt à s'jeter. Mon coeur se pinça, mon ventre se serra et je porta ma main devant ma bouche, dans un geste de terreur. Des images de la saint valentin avec Keyla me revenaient à l'esprit, elle sur son lit d'hôpital. Puis, plus récemment, mes idées noires.. comment se suicider le plus rapidement possible, pour arrêter d'avoir ces putains de voix dans la tête qui vous disent que vous servez à rien, que rien ne pourra s'arranger. J'pouvais pas laisser cet homme seul, j'devais l'aider, j'devais essayer de le convaincre qu'il y a toujours moyen d'arranger les choses, que totu s'améliore. Keyla avait réussi. Tout le monde le pouvait. Je me mis à courir vers l'entrée de la tour et monter tous les escaliers nécessaire pour arriver au même étage que lui.. Je m'approcha doucement de la barrière. Faites pas ça.. Qu'est-ce que j'pouvais dire d'autre ? J'devais surtout pas le surprendre. Un geste trop précipité et cet inconnu ne sera pu de ce monde. Et ça, c'était vraiment la dernière chose que j'voulais.. fallait que j'l'aide, qu'importe son nom, son âge, ses origines.

Ils m'en voudraient, tous, j'en étais certain... Je laissais des gens derrière moi, Apple serait veuve et Coraleen orpheline de père. Je déglutis péniblement, la tête me tournait, mais tout ça allait bientôt s'arrêter, j'aurais bientôt fini de me torturer et de constamment tout faire de travers, blesser mon entourage et être incapable de les aider. Ils m'oublieraient, parce que le temps le permet, ils passeraient tous à autre chose et j'aurais fait ce qu'il y avait de mieux à faire finalement, plutôt que m'obstiner à me battre et à vivre alors que je n'apportais rien de bon ici. Je pris une grande inspiration et desserrai mes doigts, mais une voix derrière moi me stoppa net dans mon élan. Je refermai vivement les poings sur la rambarde pour m'empêcher de partir en avant, mon cœur battait la chamade. Pourquoi fallait-il que quelqu'un soit intervenu ? J'aurais pas dû être si long. Mais encore une fois je ne pouvais pas faire les choses bien, il fallait forcément que quelqu'un d'autre soit impliqué. Je sentis mon coeur se serrer et me faire mal alors que je tournais doucement la tête vers Briony, fixant son visage un instant. Bien sûr, je la connaissais, forcément... Pourquoi t'es là Briony ? Pourquoi t'as toujours l'air de veiller sur moi, pourquoi t'es toujours là quand j'le veux pas ? Y a deux jours, je l'avais emmenée faire un tour en moto, dans ma tête c'était une forme d'adieu, la dernière fois qu'on se voyait mais le destin en avait décidé autrement. Pourquoi pas ? demandais-je d'une voix brisée en reportant mon attention sur l'eau en contrebas. La dernière fois qu'on s'était vus, je souriais. J'aurais vraiment aimé que ce soit la dernière image qu'elle aurait eue de moi, et non pas l'actuelle. Ma respiration s'accélérait doucement, je craignais qu'elle ne compromette mes plans alors que j'étais si décidé à le faire. Va-t-en, t'as rien à faire ici. Je n'avais pas la moindre idée de ce que je devais faire, sachant pertinemment qu'elle essaierait de me convaincre de ne pas sauter. Mon cœur battait à tout rompre, j'avais chaud et le vent me paraissait glacé, pourtant il n'en était rien. J'avais juste envie d'en finir, à croire que je n'en avais pas le droit.

Cet homme avait sûrement une famille, des amis, des gens qui l'aimaient, pour qui il comptait. Il pouvait pas les abandonner comme ça, en décidant de mettre fin à ses jours de cette manière, aussi égoïste. Ca ne ferait que plus de mal à son entourage et maintenant que j'avais réussi à passer outre mes pulsions suicidaires, je me rendais compte que j'avais failli la faire cette putain de connerie.. Que j'aurai détruit et fais du mal à tous ceux qui comptent pour moi. On croit toujours qu'en mourant, tout irait mieux, tout s'arrangera, que le monde tournera toujours comme avant. Mais c'est faux. Les conséquences sont plus que réelles et insupportables. J'venais d'essayer d'interpeller le jeune homme, espérant qu'il puisse m'entendre, pas encore trop enfermé dans sa bulle. Est-ce que ça faisait longtemps qu'il était là ? Qu'il regardait l'eau ? Est-ce qu'il repensait à toute sa vie ? A ses erreurs ? Aux bons moments qu'il a vécu ? Quand il tourna son regard vers moi, que j'croisa ses yeux.. j'eus l'impression que tout allait s'écrouler, que mes genoux allaient me lâcher. Je le connaissais. C'était pas un inconnu, pu maintenant. Mon coeur battait de plus en plus fort dans ma poitrine et m'faisait mal. Andy. Pourquoi.. ? Il avait l'air tellement bien dans sa peau, tellement.. heureux ? J'en sais rien. Pourtant, y a deux jours encore, il m'souriait. C'est si facile de cacher ses émotions.. Puis qui j'étais pour qu'il m'confie qu'il allait mal hein ? J'supportais pas l'idée qu'il veuille mettre fin à ses jours comme ça. C'était pas mon meilleur ami certes, mais maintenant c'était pu mon ennemi non plus. Malgré tout ce qu'il m'avait fait, les crasses, malgré le fait que ce soit l'enfoiré de base à Harvard, je m'étais attachée à lui et c'était vraiment dur de s'en rendre compte, maintenant, alors qu'il était aux portes de la Mort littéralement. Pourquoi pas ? J'étais comme pétrifiée face à cette vision d'un Andy, prêt à s'jeter dans le vide. Il était juste évident que l'impact le tuerait sur le coup et qu'il y aurait pas de seconde chance. J'pouvais pas le laisser faire. Pour Apple. Pour Coraleen. Pour Anya et Esteban, les Eliots, tous les gens qui l'aimaient. Va-t-en, t'as rien à faire ici. Dire qu'il y a un an encore j'aurai voulu l'tuer de mes propres mains. C'est d'une ironie cette situation. J'entendais dans sa voix les sanglots et ça m'faisait encore plus mal. Toi aussi t'as rien à faire ici. Tu devrais être avec ta famille. Je m'approcha doucement encore un peu plus. Fallait pas que j'perde son attention, c'était essentiel. Tu sais que t'as pas de seconde chance après avoir lâché la barrière.. ? C'pu un jeu..

Briony. Et elle, qu'est-ce qu'elle ressentirait si je sautais ? Si je venais à disparaître ? Elle serait probablement triste, triste pour Apple et Coraleen. Déçue, comme beaucoup. Et puis elle arrêterait d'y penser, comme beaucoup de gens avaient déjà cessé de penser à Solweig.... si vite, tellement vite, l'être humaine avait cette faculté d'oublier rapidement ce qui lui fait mal apparemment, j'aurais aimé en être capable également mais c'était impossible, je restais bloqué sur toute cette souffrance accumulée, sur tous ces obstacles empilés qui aujourd'hui me paraissaient insurmontables, parce que j'avais trébuché encore et encore dans la vie et que si je ne mettais pas fin à ce carnage tout de suite, ça ne s'arrêterait pas. Je reportai à nouveau mon regard sur elle en l'entendant reprendre la parole. Ma famille ? Les Evers ? Les McDougall ? Les Eliots ? Apple et Coraleen ? J'eus un léger rire emprunt d'amertume, regardant de nouveau le sol. Quelle famille ? Celle que j'arrête pas de décevoir ? Celle que j'fais souffrir ? Celle qui m'a abandonné ou celle qui m'a acheté ? Je sentis les larmes me monter à nouveau aux yeux, mon regard parcourant la rivière loin sous mes pieds alors que l'envie de me jeter dedans était plus présente que jamais. D'une main je vins essuyer mes joues et me rattrapai à la rambarde en reniflant légèrement. Je sais que c'est pas un jeu... Mais c'est c'que j'veux Briony, respecte-le. Je relevai les yeux vers elle, la suppliant du regard. Comment je pouvais lui demander de rebrousser chemin et faire comme si elle ne m'avait jamais vu ? Je l'ignorais, je savais pourtant que c'était impossible mais je n'en pouvais tellement plus, je voulais que tout s'arrête et remettre ça à plus tard, je n'en avais pas envie... Je n'avais plus la force de rien. Toute manière... On m'oubliera vite... Je sentis ma gorge se nouer en repensant à Esteban et Anya, puis Apple. C'était douloureux de penser qu'ils pouvaient me remplacer si je sautais, mais finalement, c'était le mieux pour tout le monde.

Apple m'avait un peu expliqué la dernière fois qu'on s'était vues qu'Andy n'allait pas forcément bien mais.. j'sais pas, j'y croyais pas trop. Il m'avait déjà raconté ce qui s'était passé pour lui à la même période l'année dernière, certes, mais j'pensais.. qu'il était fort ? Qu'il arriverait à aller de l'avant, à penser à ses proches.. j'sais pas ce que j'pensais en fait. Andy était un être humain comme les autres après tout. Qui avait eu son lot d'épreuves. Ptete plus que les autres je suppose.. J'étais mal et j'm'étonnais encore de ne pas trembler tout en le regardant. Qu'est-ce qui allait s'passer si il sautait maintenant, sans prévenir ? J'pouvais pas. J'allais pas m'en remettre. Assister aux dernières secondes d'une personne.. Nan sérieux, j'peux pas, il a pas le droit de faire ça, d'abandonner. De laisser tomber. Pile quand on commençait à bien s'entendre quoi. C'pas juste. J'avais bien trop d'amis qui étaient morts récemment, un de plus j'pourrais vraiment pas..Quelle famille ? Celle que j'arrête pas de décevoir ? Celle que j'fais souffrir ? Celle qui m'a abandonné ou celle qui m'a acheté ? Je ferma les yeux quelques instants, soupirant. J'commençais à avoir les larmes aux yeux. J'ressentais tellement sa douleur, dans mon coeur, dans mon ventre. Il avait vraiment pas eu une vie familiale facile. Comme quoi, l'argent ne fait pas tout.. Je sais que c'est pas un jeu... Mais c'est c'que j'veux Briony, respecte-le. Son regard suppliant c'était la pire des tortures. Il voulait l'faire. Il voulait tout stopper maintenant. Arrêter de respirer. D'espérer une meilleure vie. Il renonçait aux petits plaisirs de la vie, il gâchait tout ce qu'il avait construit. Il lâchait prise. J'pouvais pas me détacher de son regard tellement la douleur qu'on pouvait y voir m'faisait mal. J'voulais l'prendre contre moi, lui dire que tout allait bien s'passer. Mais j'pouvais pas. Il était de l'autre côté de la barrière, prêt à s'jeter. Déjà que j'avais eu peur quand il s'était essuyé la joue, j'vais pas tenter le diable. Toute manière... On m'oubliera vite... J'commença à secouer la tête négativement. Non, c'est faux, arrêtes de dire ça. Je me mordais la lèvre, fixant un point dans le vide une seconde avant de porter mon attention à nouveau sur Andy. Personne ne pourra t'oublier. Si jamais tu pars, tu vas laisser des tas de gens en deuil, même ceux dont tu ne douterais même pas j'en suis sûre. J'peux pas t'laisser faire ça Andy, trop de personnes t'aiment.. Bats toi. Encore. Laisses pas tomber. S'il te plaît..

Les yeux de la jeune femme s'étaient embués à leur tour, elle restait silencieuse en m'écoutant. Ce soir je voyais la Quincy chez elle, plus que n'importe quand. Cette fille émotive et réceptive à ce que je ressentais, dont le cœur battait probablement fort en sachant que ma vie ne tenait plus qu'à un fil et que finalement, tout reposait sur elle à l'instant présent. Le regard qu'elle avait me laissait croire qu'il ne fallait pas que j'abandonne et pourtant, je rejetais cette idée, trop épuisé pour lutter encore. J'étais définitivement trop faible, incapable de supporter la pression que tout le monde mettait sur mes épaules, trop incapable d'aller de l'avant et rendre Apple heureuse comme tout mari devrait le faire. Ce monde m'écoeurait. On souffrait trop pour le peu de bonheur qu'on recevait en retour, et les gens qui arrivaient à aller de l'avant... si peu se retournaient pour tendre la main à ceux qui en avaient besoin. C'était un combat incessant, à celui qui rejetterait le plus la faut sur les autres, les plus faibles se faisaient éliminer les uns après les autres, il y avait eu Solweig, et puis il allait y avoir moi. Je déglutis péniblement, reportant à nouveau mon attention sur Briony à ses paroles alors qu'elle m'implorait de revenir sur ma décision. J'avais la gorge sèche et je restai un moment sans répondre, la fixant, regardant la rivière puis la regardant à nouveau, le ventre serré. J'ai essayé Briony, mais j'fais tout de travers avec les gens que j'aime, je leur fais plus de mal qu'autre chose et... Je me coupai, retirant à nouveau ma main de la barrière pour essuyer mes joues où les larmes se faisaient de plus en plus nombreux. Là, mon pied ripa et je me sentis glisser, mon cœur loupa un battement alors que je plaquais subitement ma main à la barrière pour me rattraper de justesse, les mains moites tant ce glissement m'avait fait peur.

J'me bénissais d'être montée ici ce soir, d'avoir regardé comme d'habitude ces fameuses tours et d'avoir surtout discerné la silhouette d'un homme. Andy. Combien de personnes étaient au courant qu'il était faible, qu'il en était arrivé à ce stade ? Est-ce que sa femme ou ses meilleurs amis se préoccupaient assez de lui en ce moment ? Ou bien ils ont cru ses faux sourires, qu'il lançait à qu'il le voulait. J'avais été trop crédule, j'avais pensé qu'il était bien dans sa vie. Mais non. Le suicide de Solweig quelques semaines auparavant devait encore le toucher, j'en étais certaine. On efface pas un deuil comme ça, j'pouvais en témoigner. On arrive plus ou moins à aller de l'avant. Andy avait besoin de soutien. J'aurai jamais cru que j'allais penser ça un jour, mais j'étais prête à être là, pour lui à l'avenir. Q'importe ce que pensaient les autres. J'pouvais pas laisser Andy seul, laisser Apple s'occuper de tout. Quant à Esteban et l'autre pimbêche qui lui sert de meilleure amie, j'sais pas si ils valent le coup donc bon.. Voir des larmes couler en continu sur son visage me faisait un peu plus mal à chaque fois. Je détestais me sentir aussi impuissante qu'en cet instant. J'essayais de l'apaiser, de le ramener à la raison, mais c'était bien plus compliqué que prévu. Il était persuadé qu'il était le Mal, que sans lui, tout le monde irait mieux. C'est faux, c'est faux. J'ai essayé Briony, mais j'fais tout de travers avec les gens que j'aime, je leur fais plus de mal qu'autre chose et... Mon coeur loupa un battement quand je le vis glisser, son pied pendre vers l'eau un instant. J'avais lâché un cri d'effroi avant de commencer à m'précipiter vers lui. J'soupira en le voyant reprendre rapidement son équilibre et retrouva un rythme cardiaque un peu plus normal, du moins le plus normal possible dans cette situation. Je posa ma main sur celle d'Andy maintenant que j'm'étais suffisamment rapprochée de lui. C'est ce que tu crois Andy.. Mais penses à tout le bonheur que tu peux apporter aux gens aussi. On a tous le droit à l'erreur, on a tous le droit d'être humain. Il faut s'reprendre en main. Rappelles toi tous les bons moments que tu as vécu avec tes amis, avec Apple lors de ton mariage, avec Coraleen la première fois qu'elle t'a sourit. Avec tes meilleurs amis quand vous faites les cons, que vous traumatisez les nouveaux sur le campus. Avec les Eliots quand ils ont voulus t'ramener chez eux. Aux Thanksgiving que tu as pu passé en famille. Fallait vraiment que j'continue dans cette direction, sinon j'allais pas réussir à capter son attention. Tu veux pas continuer à vivre ce genre d'instants magiques ? Cette fois, j'avais vraiment ma main complètement sur la sienne, j'pouvais même entendre son souffle de là où j'étais. Puis imagines toi ma vie sans toi maintenant. C'con mais j't'aime bien tu vois ? J'me suis attachée à toi alors que j'te voyais comme un crétin fini. Ce serait idiot que tu t'en ailles maintenant alors qu'on commence tout juste à bien s'entendre nan.. ? dis-je en lui souriant un peu.

L'espace d'un instant, j'avais vraiment cru que j'allais tomber et de toute évidence, je n'étais pas le seul puisque Briony se précipita vers moi en criant. S'il y avait bien une chose que je ne voulais pas, c'était crever sans l'avoir choisi. Si je devais atterrir dans la rivière, c'était parce que j'aurais décidé de sauter, certainement pas parce que j'aurais glissé en plein milieu d'une conversation avec Briony. Mon rythme cardiaque se calma un peu la surprise passée, Briony venait poser sa main sur la mienne alors que je fixais toujours la rivière en bas en l'écoutant parler, les souvenirs de ce dont elle parlait me revenant en mémoire et bien malgré moi, je me laissais convaincre en me souvenant de tous ces délires que j'avais pu avoir avec Esteban et Anya, des quatre cent Eliots sous ma fenêtre à chanter Stay, le regard d'Apple et son sourire quand on prononçait nos vœux de mariage et Coraleen, cette bouille d'ange... Si, j'aimerais vraiment les vivre encore ces instants magiques mais ils me semblaient être à des années lumière désormais. Si, j'aimerais... mais tout ça c'est... j'en ai plus. Même le soir de notre mariage il fallait des catastrophes, Poppy s'est faite renverser et Elia a fait sa fausse couche... même le jour censé être le plus beau de notre vie a été gâché... comme tous les autres. Les larmes se remirent à couler de plus belle mais je ne voulais cette fois plus me risquer à les essuyer de peur de glisser à nouveau. Mon regard dériva doucement vers Briony à ses dernières paroles et je l'observai un instant. Finalement, c'était à peu près la première fois que l'un de nous mettait des mots sur notre relation, c'était la première fois qu'elle me disait m'apprécier et ça me faisait vraiment bizarre, c'était tellement pas ce à quoi on se serait attendu pour l'évolution de notre relation. Je baissai les yeux vers sa main sur la mienne, puis remontai mon regard vers le sien en esquissant un sourire à peine perceptible. J'suis plus un crétin fini alors ?

N'empêche, maintenant, j'faisais super gaffe à où il mettait ses pieds. J'voulais pas qu'il tombe, comme ça, sans prévenir. Puis, faut pas rêver. Vous avez vu mon poids plume ? Jamais j'pourrais essayer de le remonter façon Jack avec Rose dans Titanic. Si il lâche prise, c'est foutu pour lui à moins qu'il ait des ressources insoupçonnées d'énergie en lui. J'essayais de le convaincre encore et toujours que la vie méritait d'être vécue, pour tous les petits plaisirs qu'on imagine sans importance jusqu'au jour où on désire la mort. C'est là que ça devient évident qu'on n'est rien sans ses proches, sans son entourage et sans l'amour que tous ces gens nous donnent. Vous imaginez même pas deux secondes la pression que j'ressentais, ni même tous les autres sentiments qui s'battaient en moi. J'avais peur, réellement peur que tout s'arrête maintenant. J'étais triste de le voir dans cet état sans que je m'en sois aperçue une seconde. J'redoutais qu'il décide de sauter sans prévenir. J'avais une boule au ventre depuis talleur qui ne cessait de prendre dans l'ampleur et j'avais mes yeux embués. Du moins, c'est clair que ce n'était pas comme Andy. Encore heureux qu'il ne fasse pu rien pour tenter de les essuyer. Si, j'aimerais... mais tout ça c'est... j'en ai plus. Même le soir de notre mariage il fallait des catastrophes, Poppy s'est faite renverser et Elia a fait sa fausse couche... même le jour censé être le plus beau de notre vie a été gâché... comme tous les autres.J'soupira, serrant un peu plus la main d'Andy dans la mienne. Qu'est-ce que j'pouvais lui dire ? Que pas de bol, il était né sous la mauvaise étoile et que ça allait continuer comme ça ? J'pouvais pas, je renonçais en aucun cas. Mauvais endroit au mauvais moment. C'pas de ta faute si tout ça est arrivé, faut que tu te mettes ça en tête. T’appelleras ça le destin, la malchance, Dieu, j'en sais rien, mais c'pas toi qui dois t'sentir mal parce qu'il leur est arrivé quelque chose. T'es pas à l'origine de tous les malheurs du monde. Fallait que j'arrive à le convaincre que sans lui, tout le monde serait déboussolé. Que plus rien ne serait comme avant et qu'Harvard n'aurait certainement pas la même saveur. Même pour les gens qui pouvaient pas l'voir en peinture. C'est pour ça que j'avais parlé de moi. Parce que j'pouvais pas parler au nom d'Apple, ni de ses meilleurs amis et amis. Et puis, aussi, car ça risquait de le surprendre que j'parle de nous comme ça. Que j'dise ça surtout. Je l'appréciais. Ouai, c'est possible. J'suis plus un crétin fini alors ? Andy s'était une nouvelle fois tourné vers moi et j'avais un pincement au coeur en voyant toutes ses larmes sur ses joues. Faut croire que non. A part si tu continues à vouloir nous laisser.. Mais sinon, non, t'es pas un crétin fini. T'es mieux que ça, j'ai réussi à découvrir un humain derrière ton apparence de crétin. lui dis-je en faisant une petite moue. Certains se diront "qu'est-ce qu'il faut pas faire pour empêcher le suicide de quelqu'un" mais au fond de moi, j'savais que j'étais honnête avec lui là. Weird.