D’une main je tente de dérider mes traits, appuyée contre mon casier, dans les vestiaires après une journée à bosser. En un battement de paupière, je tente d’effacer la perte du jour, osant penser que peut-être, contrairement aux autres, il ne viendra pas me hanter jusqu’au petit jour. C’est douloureux, à chaque fois, que j’ai la sensation que c’est ma faute ou pas. Alors je reste quelques minutes dans cette position avant de me décider à m’animer, parce que je n’ai pas le choix, parce qu’être paralysée, le destin, ça ne le changera pas.

Je retire ma blouse, je récupère mes effets, replace autour de mon cou la bague que Trent m’a offerte en avril dernier, avec sur les lèvres un sourire léger. J’ignore pourquoi je continue de la garder, comme si j’y étais accrochée. Un talisman destiné à me protéger.
A la sortie de l’hôpital, je me précipite dans un taxi, car je suis attendue. Ayant accepté de passer un moment en compagnie de Zack. Et bien que je me sente un brin coupable de ne pas lui avoir envoyé une fleur de la même couleur, je suis impatiente de le retrouver, puisque j’aime passer des moments à ses côtés. Devenu un meilleur ami, un presque frère, une véritable amitié.

Quelques minutes et je me retrouve à sonner à sa porte, qu’il vient ouvrir à la volée. “Merde, euh bienvenue, attends, j’arrive.” Un froncement de sourcils tandis qu’il disparait, je l’imagine à se débattre pour essayer de me materner. “Entre, entre !” Ce que je fais, les lèvres arquées. “Pile à l’heure, dis donc !” Je l’observe mettre la table, et revenir à moi, m’enlaçant si naturellement. « Je suis une femme de paroles. » voyons. Accusant l’impact de sa bouche sur mon front. “Pas trop fatiguée ?” Je grimace plutôt que de directement parler. « Bof. » Y a des journées, comme ça, durant lesquelles je me demande pourquoi je me bats. « J’ai perdu un patient. » Alors je suis surtout fatiguée mentalement. « Mais bref, passons. » Parce que l’ambiance, je vais la casser. « C’est que tu t’es appliqué ! » que je commente en observant ce qu’il a cuisiné. « Merci pour les roses, et… » renfrognée, encore, « désolée pour… » mon côté pudique et le fait que faire les choses correctement, je ne sais jamais.

@Zack Cassidy promis je mettrais ma mise en page plus tard, ce matin je suis flemmarde

La meilleure excuse du monde, oui, comme c’est bien dit. Mais quand même, je n’aime pas vraiment faire attendre mes amis, surtout lorsque je tiens plus que tout à ceux-ci. Et Zack, c’est limpide comme il fait parti de cette catégorie. La certitude se renforce, d’ailleurs, quand il me serre à nouveau dans ses bras, alors que je lui confie que je n’ai pas réussi à exceller, à sauver. Faiblesse qui me fait souvent tanguer. “Ok, mais si tu veux en parler, tu relances et arrêtes le sujet quand tu le souhaites.” L’attention me touche sauf que je ne crois pas que ce soit une bonne idée de ressasser tout ça.

Alors je préfère – et de loin – me concentrer sur ce qu’il a préparé, indéniablement touchée, comme à chaque fois que l’on fait quelque chose pour moi, que ce soit la plus la plus minime du monde, c’est en plein cœur que, toujours, ça me va. “J’essaie ! Tu veux boire quoi ?” Je ne sais pas, de fait, je préfère sourire et prononcer « La même chose que toi. » Que ce soit corsé ou pas, tout m’ira. Et je reviens sur les roses de la Saint Valentin, parce que ça me semble important, ou peut-être que c’est parce que je suis épuisée, tout simplement. “Elles sont avec celles de Raph, regarde. Elles vont tenir un moment, je pense.” Celles de Raph, c’est un sourire franc que ça m’arrache. Ravie que cela se passe si bien entre eux, de le savoir heureux. “Tu peux rester dans la chambre d’amis après si tu es trop fatiguée pour rentrer. Ta journée a été assez éprouvante comme ça.” Il propose si bien qu’il disparaît dans la cuisine, et revient quelques secondes après, les boissons alcoolisées entre ses doigts, tandis que pour ma part, je prends place à table, fais comme chez moi. « Mon dieu, » que je soupire en portant mon verre à mes lèvres, bois une gorgée, et je finis par lui lancer, dépitée, « t’es sur que t’es casé ? » parce que les hommes comme lui, bon sang, aussi attentionné, il y en a pas des milliers, alors oui, je trouve ça horrible qu’il soit en couple, injustice. « Bon, j’ai pas les attributs de Raphaël, mais on aurait pu s’arranger. » A peu près.

@Zack Cassidy CHUUUUUUUUUUUUUUUUUT JE VAIS TENIR MA PROMESSE UN JOUUUUUUUUUUUUUUUUUUR

Les mots, ils sont plus forts que moi, parce que oui, je me dois d’avouer que ça fait un bail en fait, qu’on ne s’est pas préoccupé que moi. Un réel intérêt démontré, sans faux semblant, sans chose cachée, juste de l’affection pure et simple illustrée. A trop vouloir être indépendante, me protéger et m’empêcher de souffrir, je crois que j’ai oublié ce que ça fait. “Certain, ne sois pas trop déçue.” Non, pas vraiment déçue, parce qu’entre nous il n’y a qu’une affection amicale qui dure depuis des années. “Mais je ne suis pas avec Raph pour ses “attributs” comme tu dis, même si j’aime beaucoup ce qu’il fait avec.” J’en ferme les yeux en grimaçant, ne pouvant pas me retenir de préciser en rigolant « Arrêtes, je ne veux pas imaginer. » Pas homophobe pour un sou, mais c’est le principe de songer à lui dans cette position-là, parce que c’est comme un frère que je le vois. Et on imagine jamais les membres de sa famille en train de bais... quoi. “mais même si j’étais célibataire, Zélie serait capable de revenir des morts pour me taper si j’osais te toucher”. Un sourire contrit se glisse sur mes lèvres à son évocation, et persuadée que Zack a profondément raison.

Avant qu’il ne disparaisse pour revenir directement avec deux bières dans ses mains, continuant, de la conversation, le chemin, “J’étais étonné que tu insistes pour qu’on se voit, même aussi tard.” En haussant les épaules, j’ose poursuivre moi aussi, sur un ton déconnant, « Je suis une femme pleine de surprises. » et l’observe me rejoindre en arquant une nouvelle fois mes lèvres, “Ca me fait plaisir mais je m’attendais à ce que tu sois bien trop KO après ta garde, pour être honnête.” J’aurais pu rentrer, c’est vrai, et puis je le suis ko, mais je me laisse porter, et puisqu’on parlait et qu’on ne s’était pas vu depuis quelques temps, autant foncer. “Ha, attends, j’ai du parmesan aussi.” Mais cet homme ne s’arrête jamais ! Parce qu’il repart aussitôt et du coup, je ne touche pas à mon assiette. Armé du fromage cité, il revient et commence à me servir, bienveillant. “Tu me dis stop ?” Quelques secondes avant que ma main n’arrête la sienne, amusée. « C’est bon, c’est parfait. » Et dans ces mots, je le jure, j’y mets toute ma sincérité. « Tu sais, je suis toujours plus ou moins fatiguée. » Dans le fond, c’est mon état normal, et ce depuis bien des années. La médecine, ça nous apprend à survivre sans les heures de sommeil nécessaires, pas vrai ? « Je me suis dit que je passerai un meilleur moment avec toi que toute seule chez moi. » J’incline le visage, attrape la fourchette, « Ou avec mon colocataire, qui doit possiblement dormir de toute façon. » et la porte à ma bouche, exultant un soupir après avoir mâché. « C’est super bon ! » spontané, et honnête. « Bref, » pas pour son plat, mais le fait que je suis seule quoi, « tout va bien ? J’ai loupé quoi ? » dans sa vie, pas assez présente, à regret, malgré moi.

@Zack Cassidy

“C’est toi qui a lancé le sujet, ma chérie. Assume.” Non, non, je n’assume pas. Je veux juste virer ses visions de mon esprit, parce que clairement, ce n’est pas le genre de films mentaux faits pour moi. Alors je me contente de secouer le visage, riant de moitié, clairement amusée. La discussion se poursuivant sur le même type de légèreté. J’ai beau avoir eu une longue journée, je me dois d’avouer que ça possède ce côté rassurant que de me retrouver en compagnie de quelqu’un que j’apprécie. “Je ne te le fais pas dire. Mais j’aime bien ce genre de surprises.” Puis j’ajouterai bien que moi aussi, je les aime bien, parce qu’il m’a invité et que je ne l’aurais, de base, pas vraiment envisagé. Après tout, il est vrai que nos chemins s’entrelacent et s’éloignent à la fois, c’est le lot de la vie, c’est comme ça.

Perdue dans mes pensées quelques secondes, alors que je commence mon assiette, je reste étonnée quand il vient me questionner. “Comment ça se passe avec Trent ? Ca ne doit pas être facile de continuer à vivre avec son ex.” A deux doigts de m’étouffer. Trent, mon ex, c’est vrai. Zack fait partie de ceux qui ne savent pas. Mon colocataire cité n’est pas celui qu’il croit. Alors j’avale avec difficulté ma bouchée. « Et bien, Trent a été muté. » Pour ne pas dire mis au placard pour un temps indéterminé. « Au début ça a été compliqué, » de vivre dans le silence, de ne plus dealer avec son excentricité. « de revivre seule, je veux dire. » Parce que oui, je m’étais habituée à sa présence. Ridicule quand on sait combien j’aimais, avant lui, mon indépendance. « Mais j’ai un nouveau colocataire du coup, un ami à lui. » A avoir une grande baraque, autant la partager.

Tapotant mes lèvres avec la fourchette, lui renvoyant la balle pour aborder de son quotidien, le sujet, je le sens en pleine réflexion avant qu’il ne se décide à me parler. “Pas grand chose, tu sais. On trouve notre routine avec Raphaël, et c’est quand même quelques ajustements. Agréables, mais ça demande un peu d’organisation entre le boulot, les potes et lui.” Je hoche le visage positivement, ça semble logique, et aussi galvanisant. Une vie à deux qui s’écrit progressivement. “J’essaie de passer pas mal de temps avec mon père aussi, mais il est plus occupé que je ne le pensais.” A son expression qui se ferme, je me doute que les occupations ne sont pas plaisantes, mais quand je m’apprête à lui demander de détailler, il me passe la main, encore ; “Mais parlons de toi, plutôt.” Moi… Moi c’est dans le travail que je me noie ? Je recherche rapidement ce qu’il ne sait pas. « Je t’ai dit que j’avais revu Joshua ? » Que ça a été douloureux et apaisant à la fois. De vivre une réelle conclusion entre lui et moi. D’avoir la possibilité de tourner la page, quelque chose comme ça.

@Zack Cassidy J'étais en train de me dire "mais... j'ai pas de mise en page pour ce sujet ?" UN JOUR, je le jure, UN JOUR

Les aléas de ma vie sentimentale, je crois bien qu’on pourrait en faire un bouquin, et le pire, c’est que je pense que ce livre ne serait pas très bien. “Ah bon, qui c’est ?” La surprise qui se trouve dans le ton de sa voix prouve combien j’oublier de donner des nouvelles, de parler de moi. “Tu n’as pas envie de retrouver un vrai chez toi ?” En un sens, oui, quelques fois, mais ça me file des angoisses en même temps… « Un ami d’enfance à Trent, en fait. » Un homme taciturne, droit et avec lequel je me chamaille un peu, parce que ça fait la beauté de toutes les relations, n’est-ce pas ? « Il est flic, il est sympa. » Il comble le silence, il complète à sa manière mon existence.

Jusqu’à en venir à parler de Joshua, car il en a été un chapitre important de mon personnel roman. “Non, pas du tout. Il est de retour ?” J’en hoche le visage positivement, j’en ai été la première surprise… “Tu ne comptes pas lui laisser une nouvelle chance, pas vrai ?” Les sourcils instinctivement je ne saurais dire si elle me touche ou si elle m’interpelle sa façon de réagir face à ce fait. Dans le fond, je le sais que ce n’est que dans le but de me protéger. Je ne m’attendais tout simplement pas à autant de vigueur, à dire vrai. “Pardon. Je me souviens juste comme tu étais malheureuse et je n’ai pas envie que tu subisses ça à nouveau.” Un fin sourire vient derechef parer mes traits. « Je crois… » je commence en me souvenant de l’ombre que j’étais après ce fameux douze février de l’année passée. « Je crois que le revoir m’a fait comprendre qu’on n’attendait pas les mêmes choses de la vie. » Bien que je l’aie aimé, profondément à la vérité. « Que j’ai tourné la page, aussi. » Compliqué de l’admettre, mais c’est le cas, « Même s’il m’a dit qu’il m’aime depuis six ans et que je lui manquais. » J’essaie la nonchalance, je tente de me dire que ça ne m’a rien fait. Au contraire, mes émotions enclines à la dualité. « Tu vois, c’est pour ça que j’aimais que Trent soit mon bouclier. » Au moins, pour la souffrance, du militaire comme la mienne, j’avais une excuse toute trouvée, sans réaliser que j’ai – probablement – trop vite parlé.

@Zack Cassidy