L'hôpital, ici tout était nouveau, tout blanc. Il n'y avait pas vraiment de place pour toutes les pensées qui assaillirent Alarick en temps normal, et il aimait ça. Il y avait tellement à apprendre de ce stage à l'hôpital tant sur la médecine que pour tout les autres domaines. Pour Al' c'était une autre opportunité de grandir en tant qu'individu, de connaître des nouvelles personnes avec des chemins de vies différents qui s'étaient pourtant retrouvé tous dans ce même endroits, docteurs ou patients. Personne ne pourrait jamais lui enlever sa curiosité pour le genre humain, c'était sûrement pour ça qu'il avait décidé de faire médecine, un goût pour les autres, mais surtout pour les aider quand ils en avaient le plus besoin. Cela ne faisait pas longtemps qu'il était en stage à l'hopital, et il n'était qu'en seconde année de médecine, alors forcément pour lui, tout ceci était un peu comme un honneur, une motivation de plus pour être un bon étudiant, et être certain que tout ceci était un projet de vie sérieux. Posé dans cette salle de repos, il relisait ses notes personnelles, des petits conseils, des petites informations. En soit, rien de très important, mais ça lui permettait de pas avoir l'impression de "ne rien faire". Perdu dans son petit monde, comme la jeune femme dans la pièce était perdue dans le sien, il ne la calculait pas vraiment. Jusqu'à ce qu'elle lui parle directement. Comment il savait ça ? Parce qu'elle le regardait et qu'il sentit le poids de son regard sur lui. Il afficha son petit sourire professionnel en lui répondant « Oui merci. » Est-ce qu'il se souvenait de son prénom ? Non. Il essayait pendant ce silence tandis qu'elle lui déposa la tasse sur la table, mais rien. Il y avait beaucoup de gens, et son cerveau préférait vraiment retenir les informations médicales que les prénoms ou les noms et sûrement qu'il n'était pas suffisamment connecté pour trouver son nom sur sa blouse si c'était le cas. Il esquissa un léger sourire à sa question. « Le 4ème en réalité. » Il comprenait tout à fait que les stagiaires ici venaient et s'en allaient et que personnes ne les calculaient vraiment. Il y avait un taff monstre, tout était compétitif même entre médecins parfois, et les stagiaires il y en avait à l'appel, alors forcément, il comprenait tout à fait, comme c'était facile de comprendre que le cerveau de l'anglais n'assimilait plus les dénominations des personnes avec qui il passait ses journées. Question de survie, et de priorités. Il haussa les épaules, ramassant la tasse de café chaude, qu'il serra entre ses mains comme une tentative étrange de se réchauffé dans une enceinte où il ne faisait absolument pas froid. « Comme tout le monde je dirais. Beaucoup d'informations, peu de temps. C'est intéressant cela dit. » Il marqua une pause, avant de décidé que partageant ce moment de calme, et d'intimité, il pourrait peut être se risqué à une question toute à fait personnelle. « Au fait, comment t'as su en quoi tu voulais te spécialisé ? T'es spécialisé non? » En vrai, c'était la question qui lui brûlait le cerveau depuis le premier jour de médecine. Et il n'avait aucune réponse, bien que le temps était loin de pressé, Alarick aurait aimé être sûr de son chemin pour réellement se jeter à corps perdu dans son avenir.

Alarick avait souvent ce flegme anglais d’avoir l’air blasé ou imperturbable alors que ce n’était pas vraiment le cas, mais c’était seulement un air. Pour lui, pendant ses quatre jours tout était intéressant, de ce qu’ils apprenaient sur la médecine, des relations médecins-patients et leurs multitudes de conjugaisons, jusqu’à simplement des conversations avec des personnes ayant plus d’expériences tant de vies que de médecines comme c’était le cas en cet instant avec Taylor. On pourrait arguer de l’adjectif utilisé par le jeune homme, mais il était comme ça, assez mesuré dans ses paroles en règles générales. Il était à peu près sûr qu’il voulait faire ça le reste de sa vie, mais c’était les détails qui manquaient et sur lesquelles il obsessait bêtement. Quand il lui posa la seule question obsédante et qu’elle se mit à rire, pendant un quart de seconde il se demanda s’il ne s’était pas trompé d’interlocuteur. Peut être qu’elle n’était pas médecin et qu’il confondait avec quelqu’un d’autres ? Peut être qu’il était stupide de se demander maintenant le chemin qu’il voudrait suivre plus tard ? Littéralement une tonne de questions et une mini-crise cardiaque traversèrent son corps à l’entendre rigoler de la sorte. Aussi quand elle calma les rires et qu’elle commença à lui répondre, Alarick se détendit un peu, relâchant la tension qui avait soudain envahis son corps entier. Il jura qu’il avait même soupiré comme si son corps avait oublié de respirer pendant ces longues secondes de rigolade imprévue. Il hocha la tête quand elle l’informa qu’elle était en chirurgie générale. Très bon choix pour voir et toucher un maximum d’organes différents… Pourtant dans son indécision, étrangement ça n’en faisait pas parti. « Intéressant » On pouvait dire que c’était le mot qui le caractérisait lui et son état d’esprit aujourd’hui. Il laissa un sourire se frayer un chemin sur son visage quand il l’entendit lui avouer que ça avait été un choix difficile pour elle. Ouf, au moins il n’était pas le seul qui n’arrivait pas à se décider. « Alors pourquoi la chirurgie générale ? » Peut être qu’en apprendre plus sur elle, sur sa façon de se décider l’aiderait à mieux se comprendre ? Peut être qu’Alarick s’appropriait un peu trop les expériences des autres parfois. « Oui, c’est la seule chose dont je suis sûr. Le reste… » Il planta ses yeux vert émeraude dans ses homologues en ajoutant. « Pour le reste, j’hésite entre quelques spécialités comme : Trauma, Esthétique, Pédiatrique…. Des trucs qu’on rien à voir les uns avec les autres. » Et ce fut à son tour de lâcher un petit rire, plus nerveux qu’autre chose en réalité. Parler de ça c’était un peu comme parler de qui il était, puisque ça le touchait de près.

Il y avait des moments décisifs dans la vie qui se jouait sans qu’on s’en rende compte, mais qui impactaient toute la suite, et ce n’était qu’en regardant dans le rétroviseur qu’on finissait par les identifiés. Pourtant, Alarick avait cette impression d’être justement en train d’en vivre un. Parce qu’il parlait de l’avenir avec cette jeune femme, parce qu’elle l’aidait bien plus qu’elle ne le pensait, et que l’épais brouillard se transformait, petit à petit au fur et à mesure des jours de stages à l’hôpital, en brume. Il y avait encore une personne à qui il voudrait demander de l’aider à voir plus clair, mais il était fort à parier que Leo ne voudrait pas entendre parler de son questionnement, pas plus qu’il ne voudrait entendre parler de lui tout court. Et voilà, quelques secondes de silence et la première personne qui croisait dans son esprit c’était son ex. Il enfoui son soupire dans sa tasse à café, se giflant mentalement d’être aussi… Puéril. Entendre la voix de Taylor le ramena à la réalité qu’ils vivaient ensemble dans la salle de pause, chassant ses pensées qu’il qualifierait de puérils. La raison de la jeune femme faisait sens et était tout à fait raisonnable et réfléchit. Il sourit à la jeune femme pour sa réponse pour le remercier des informations qu’elle venait de donner sur elle. Quand elle lui parla d’un petit exercice, inconsciemment Alarick se redressait dans son fauteuil bien qu’il se tenait déjà droit comme un i, ne se sentant pas spécialement encore à l’aise à l’hôpital pour se laisser s’avachir où que ce soit. La peur de se mettre trop confortable dans un endroit où il n’aurait pas dû se trouver sûrement. A la question de la jeune femme, la seule chose qui franchie ses lèvres fut « Neuro ! » et le regard de Alarick s’assombrit un peu. Même son cerveau n’arrivait pas à se mettre d’accord avec lui-même. « T’en conclus quoi ? » Parce que lui ne savait quoi en penser, et à force ça l’agaçait gentiment. Il essayait de relativiser en se disant qu’il avait encore du temps pour se décider.

Les décisions, les goûts et les couleurs changeaient au fur à mesure qu'on vieillisse. Une décision jugée bonne à un moment donnée, peut se révéler être la plus grosse erreur qu'on aurait pu faire le lendemain, et de ce côté là Alarick était un sacré connaisseur. Forcément il ne prendrait pas une décision aussi importante sur un coup de tête, ou suivant l'avis d'une seule personne qui ne le connaissait pas vraiment. Mais comme tout dans sa vie, les avis des autres, les opinions des autres avaient une importance pour lui, lui permettant de continuer son questionnement, de s'ouvrir des possibilités auxquelles il n'avait même pas prêter attention jusque là. C'était exactement comme ça qu'il prenait ce moment privilégié avec Taylor, des informations sur elle, sur sa façon d'aborder les choses et de prendre une décision, une nouvelle façon de voir le problème. Comme un ordinateur qui prend en compte des milliers d'informations avant de déclarer qui serait le vainqueur. Il était certain que Alarick ne prendrait pas une décision avant d'avoir posé la question à Leopold, même si celui-ci répondrait sûrement d'aller en enfer, et qu'il aurait bien raison. Sa grimace se détendit quand elle commença à rigoler en lui disant que c'était foutu. « Cas désespéré, je sais. » Il partagea son rire, hochant la tête à ses propos suivant, beaucoup plus détendu maintenant qu'au début. « J'imagine que le temps nous le dira. » Il lui adressa un sourire sincère en ajoutant. «  Merci pour tes informations précieuses. Vraiment. Tu n'étais pas obligé, j'apprécie, sincèrement. » Et tout ce qui franchissait le seuil de ses lèvres étaient sincère.

Se questionner sur son avenir, quoi de plus banale? A un moment ou un autre, on s'est tous demandé ce qu'on deviendrait, ce qu'on voudrait tenter. Jamais Alarick n'aurait cru prononcer "docteur" jusqu'à pas longtemps. Alors forcément, la spécialité était une nouvelle chose sur laquelle s’interroger surtout quand on est comme l'anglais, incapable de vraiment prendre une décision importante sans peser le pour, le contre, de prendre en compte tous les avis, et les informations des autres pour enfin pour se décider. Alors forcément quand il remercie Taylor, elle lui assure qu'elle n'a pas fait grand chose, et qu'il lui donnait trop de crédit. Il lui adressa un doux sourire. « Non, ce n'est pas mon genre. » Il n'attendait rien de cette pause à la base, mais il était content d'être venu faire cette pause, d'avoir pu prendre le temps de parler un peu plus à Taylor, et surtout de son aide dans son questionnement. En réalité, Taylor semblait être une personne agréable et sympathique, et il prit soin de le noter dans un coin de sa tête, au cas où un jour il aurait à nouveau besoin d'un avis extérieur, ou d'une aide. « Je sais. Mais ta façon d'approcher le problème est intéressante, et ça fait toujours du bien de confronter sa méthode aux milliers d'autres qui existent, surtout quand on est bloqué sur une question existentiel. Tu m'aides plus que tu ne le réalises. » Il esquissa un sourire avant d'ajouter « Je pensais pas qu'en médecine les gens pouvaient être aussi sympathique que toi. T'es un ovni c'est ça? » Alarick rigolait, mais c'est vrai qu'on imagine souvent la médecine comme des études et un milieu où les gens se tirent dans les pattes plus qu'autre chose en général. A croire que les clichés on la vit dure en ce moment.