Je reste intimement convaincue que je n’ai rien fait, ou à la rigueur, être au bon endroit, au bon moment. Avoir posé une ou deux questions, ce n’était pas vraiment un secours imposant. Alors même s’il sourit, et qu’il vient me souffler que « Non, ce n'est pas mon genre. » mentalement, je lui répète que je n’ai pas encore le super pouvoir d’effectuer pour lui, le tri dans sa tête. Je n’en suis pas encore au point de dire les choses en boucle en étant bornée, et préfère le laisser reprendre le cours de notre conversation. « Je sais. » Au moins, ça c’est un bon point, le fait qu’il le sait. « Mais ta façon d'approcher le problème est intéressante, » ce n’est pas ma façon, mais celle de Jasper, tu vois, trop de crédits me sont accordés, je ne fais que réitérer ce que lui, avec moi, avait fait, « et ça fait toujours du bien de confronter sa méthode aux milliers d'autres qui existent, surtout quand on est bloqué sur une question existentielle. » Mais rien n’est définitif, persuadée qu’il est en droit de changer en cours de route si jamais ça ne lui convient pas, après tout, pour entreprendre des études de médecine, il faut avoir du temps devant soi. La route est longue tout aussi que son combat. « Tu m'aides plus que tu ne le réalises. » Un sourire gêné lui est accordé, un hochement de tête aussi, signifiant que ça ne servirait à rien de continuer, je le vois, que comme moi, il a ce côté, un tantinet, borné. « Je pensais pas qu'en médecine les gens pouvaient être aussi sympathique que toi. T'es un ovni c'est ça? » Je me mets à rire spontanément quand il paraphe ses pensées de cette façon-là. C’est vrai, c’est connu. Immuable à souhait que les internes, les futurs chirurgiens se font des guerres pour toujours terminer sur les listes de l’élite. De ceux qui vont révolutionner le monde, la santé, et surtout sauver l’humanité. J’en termine mon café, en secouant le visage, et puis lui glisser, comme on le fait avec une confidence, amusé. « C’est parce que je suis la meilleure. » De ma promo, personne n’est à la hauteur. « On n’a pas de raison d’écraser les autres lorsqu’on est au sommet. » Lorsque c’est déjà fait. J’en hausse les épaules, repose mon café, l’ambition et la prétention transpirant mes gestes, de ces traits de caractère, dans cet hôpital, jamais je ne m’en déleste. « N’hésites pas. » Si t’as encore besoin de moi, je lance tout en me relevant, prête à aller checker les dossiers de mes patients.  

 

HARLEY-