Je n'ai jamais conduit aussi vite. Et malgré mon ordre que tu restes éveillé, tu ne tardes pas à sombrer dans l'inconscience. Je tente de ne pas paniquer, même si honnêtement l'envie de pleurer et de me rouler dans un coin m'effleure. Mais je dois tenir et garder la tête froide. Seule, je ne parviendrai pas à te donner les soins nécessaires et aller vers l'hôpital nous grillerait aussitôt. J'explique rapidement à Albus ta blessure, de façon à ce qu'ils puissent nous rejoindre avec le bon matériel. Je pense faire la route comme un pantin, enchaînant les rues, les intersections à allure rapide sans pour autant avoir une conduite en dehors des règles et qui attirent trop l'attention. Je ne sais même pas si tu es mort ou vivant mais le fait est que je parviens à notre refuge. Que les filles m'aident à te monter là haut et tu en aurais sans doute ri de nous voir galérer de la sorte, mais tu sais aussi comme la solidarité peut être forte à ces occasions. Albus se pointe aussitôt et me rassure rapidement. Tu as perdu beaucoup de sang, et tu mettras un peu de temps à récupérer, mais il parvient à faire le nécessaire et te remettre sur pied rapidement. Pansement qu'il faudra changer régulièrement et du calme. Surtout du calme. Je regrette qu'on ne possède pas d'habitation à cet instant... Il repart finalement, me demandant de te surveiller, et crois-moi, je ne te lâche pas d'un centimètre même pour m'alimenter ou pisser. Ma main dans la tienne, je me berce de son souffle alors que la nuit vient parer ma veille. Que tu me reviennes, c'est tout ce qui compte. Pour les conséquences, je ne les mesure pas encore, mais je veux y croire. On s'en est sortis. Et Perséphone nous en doit une.

C'était simplement noir cette fois. Pas de rêve, pas d'image déformée ou de réalité fondée dans le subconscient. Rien du tout. Juste un écran noir, un rien pathétique qui viendrait presque briser le mythe de "l'après", la mort et ces secrets. J'ignore combien de temps je suis resté inconscient. A mon sens, tout s'est joué en un battement de cils. La portière de la voiture, ouverte; le noir, puis la suite. Qu'il se soit passé un jour, une semaine ou une année; ma perception de la temporalité est bien trop abîmée pour que cela change quelque chose. J'ouvre les yeux, et c'est tout ce qui compte. L'inspiration est brutale, profonde et douloureuse; comme un nouveau-né à la naissance, lorsque les poumons découvrent le cycle respiratoire. Je renais à ton côté, car c'est bien ta main que je sens contre la mienne. Sans avoir besoin de découvrir ton visage, je reconnais la douceur de ta peau, et cette alchimie naturellement présente entre nos corps. La douleur me perfore l'épaule et je me souviens à la seconde suivante. L'appartement, le sang et les flammes. La petite fille et sa mère, les patrouilles de police sur le parking. Nous sommes vivants. Tu es là, près de moi. Le corps se détend naturellement et la morphine me renvoie dans les plus hautes sphères. Loin de me douter que nos actes risquent de nous coûter cher à l'avenir. A cet instant, il n'y a que toi et moi. Pas intouchables certes, mais ensembles et c'est là le plus important.