Le quotidien nous rattrape mais les choses sont belles et bien différentes désormais. Je retrouve le Sidh, mes filles et mes garçons, parce que les ombres masculines comblent aussi le rang. Nous avons notre petite réputation grâce au travail de tous. Et tu restes officiellement l'agent de sécurité mais tout le monde sait que tu es bien plus. La nuit est venue mordre sur les dernières lueurs du jour depuis quelques heures. Nous sommes dans la période sombre et le soleil est avare ces derniers temps. J'ai troqué la robe pour le jean sombre et un haut de la même opacité. Cheveux attachés en nattes, je t'ai demandé de venir dans mon éternel bureau. Nous rappelant sans doute bien des souvenirs au passage. La porte s'ouvrant sur le massif de ta silhouette. Mon sourire s'affirme dans nos tréfonds, éclair lumineux dans les noirceurs, les billes azurées s'éclairent elles aussi avec intensité. Je me suis retrouvée, dans mes lumières mais aussi dans ces ténèbres que j'ai su apprivoiser. « Tu as tes gants ? » Rangeant les miens dans ma poche arrière et dans l'autre venant glisser un gun. « J'ai une bonne nouvelle. On sort ce soir. » Démarche qui s'applique à rencontrer la tienne avant de te voler un baiser furtif. Ce soir, on va reprendre nos repères, nous lier de nouveau dans les enfers après les envolées célestes.

Chose étrange que de revenir à la "routine"; reprendre ce rôle qui est mien, l'agent de sécurité insensible et froid, celui qu'on attend que je sois. Toi et moi, on sait que depuis quelques temps, tout cela a bien évolué. Sous l'armure de marbre se cache un coeur pourvu de sentiments, d'émotions fortes; à ton égard principalement, et pour la vie aussi, dans un sens plus général. Je ne cherche plus à contenir mes coups d'oeil, ni même ces sourires, plus légers, ceux qui en disent long sur le fond de ma pensée; je porte fièrement l'anneau à mon doigt, symbole de notre union, de ce "nous" que l'on a choisi d'assumer. L'obscurité s'étale sur Boston et je crois savoir que tu as un plan en tête; sans pour autant en connaitre les détails. Tout de noir vêtu, dreads regroupées en une sorte de queue de cheval, je rejoins l'antre de la Reine; prenant malgré tout le temps de toquer à ta porte, comme le ferait un employé lambda. Sourire chaleureux étirant mes lippes, de ce bonheur qu'on a su apprivoiser ensembles; ombres entrelacées pour le pire et désormais, le meilleur. - Je serais mal avisé de les avoir oubliés. phalanges tapotant ma ceinture, à côté de l'étui d'une lame en argent. Curiosité animant mes iris; réprimant un soupir de frustration après ce baiser, fugace; ma main te rattrape dans ton élan et mes lèvres viennent cueillir la peau de ton cou, démon enfin capable d'amour et de passion. - On reprend du service ? le couple des meurtriers, les vengeurs de la nuit. Voilà bien longtemps qu'on a pas oeuvré, main dans la main. - Tu sais que.. Je suis en manque de toi ? et je lâche l'information, comme ça, sans prétendre à changer le programme de la nuit. Voilà un moment qu'on a pas partagé d'instant plus intime; et je ne saurais exprimer l'étendue du manque, sans te parler de mon envie plus profonde, encore secrète. D'autres projets pour un avenir à deux.  

Surprenante légèreté qui vient animer nos moments. Démons aux parures angéliques, nous nous accordons aux rythmes plus légers mais aussi à ceux plus sourds et langoureux, communs de nos enfers. Orbes complices qui viennent détailler les fétiches parés à ta ceinture. Je ressens cette adrénaline légère au cœur de mon sang, de quoi animer le palpitant dans le bon sens de la marche. « Oui. » Les ombres sont de retour sur Boston. Les vents de notre mariage n'ont pas dû s'ébruiter au passage et nous devons faire comprendre que nous restons toujours une menace. Je m'efforce d'oublier cette ombre qui plâne dans nos dos. « L'ex de Perséphone la fait chanter à nouveau. J'ai eu vent de sa présence en ville. On va lui faire passer le message gentiment. » Sourire déployé de gamine. Frêle, innocente. En apparence seulement, car ceux qui me connaissent savent qu'il ne vaut mieux pas déclencher chez moi ce genre de mimique. Je viens te voler un baiser au passage, phalanges masculines qui s'accrochent à ma silhouette pour me retenir un instant, mes paupières abdiquent de leur faiblesse à la marque de tes lèvres dans mon cou. Mes mains s'appliquent à tes épaules, te plaquant furtivement contre le bois de la porte, je souris toujours sachant pertinemment que tu me laisses faire en cet instant, appliquant un nouveau baiser sur tes lèvres, plus langoureux. « Je le sais oui et moi aussi. » On a pas mal été occupés ces derniers temps, à retrouver ce quotidien, à me soigner. « Mais on a du travail à effectuer d'abord. » Souffle suspendu entre nos peaux, il sera bien temps de se retrouver lorsque les besognes seront accomplies, les retrouvailles n'en seront que meilleures.

Tu as su m'élever au delà des ténèbres les plus obscures, là où ma lumière s'est révélée. J'ai conscience de t'être éternellement redevable; pour cette vie et toutes celles qui pourraient venir, ensuite. Désormais, la violence n'est plus seule maîtresse de mes actes; l'amour y joue sa puissante partition, et je n'en ressors que plus fort. Cela dit, le pouvoir assassin navigue encore dans mes veines, ne demande qu'à éclater, lorsque la nuit tombe, à ton côté. Une sortie, comme pour se remettre en selle. Je n'oublie pas, que nous nous sommes également trouvés par ce biai, que notre amour s'est révélé là, au coeur d'une nuit macabre. - Ah Perséphone, belle Perséphone.. Dois-je en conclure qu'on ne tuera point, cette fois ? j'avoue, je prends un malin plaisir à évoquer ce nom, son souvenir; cette fille qui m'avait de l'oeil, pour mon premier passage entre ces murs. Rictus joueur, de ces notes plus légères qui nous animent à présent. Surpris à l'idée de ne pas ôter la vie; de n'être que le messager d'un sombre avertissement. J'étais prêt à plus, mais je me contenterais volontiers de faire craquer les os. Baiser volé, tendre vengeance que j'applique là, dans le sillage de la carotide; jeu renversé contre la porte, à ton avantage, pour mon plus grand plaisir. A la fougue de nos lèvres scellées, cette fois. Mon visage s'incline devant le tien, index détaillant un instant la courbe de ta mâchoire; de ces gestes me rappelant la séduction de nos débuts. - Tout ce que tu voudras. rien que je ne puisse te refuser, tu le sais. Lippes déposées contre la douceur de ton front, comme pour te dire que je t'aime; que malgré nos compétences en la matière, j'apprends désormais à redouter le pire: te perdre. - Je te suis; mes mains sont les tiennes. deux instruments placés sous ta seule volonté, une confiance que je t'accorde pleinement, sans me poser la moindre question.  

Si les âmes s'unissent à la lumière, elles peuvent aussi s'entrelacer dans les enfers. C'est dans nos ténèbres que la résonnance avait su naître. Un mal expiant par nos phalanges, la surdité infâme d'une colère inexorable, vorace. Si l'amour a su apaiser les maux, il a aussi insufflé la force de poursuivre, et ceci en dépit des frontières communément admises par le monde. Le bien. Le mal. Point de ces notions chez nous, nous œuvrons pour nos propres survies, nos propres lignes. Désormais entremêlées qu'importe que la destinée nous incline en faveur de la face claire ou de celle bien plus sombre. Rictus sarcastique qui s'éprend de mes lippes. Perséphone a ce pouvoir sur le monde, comme chacune de mes recrues. Elles ensorcellent l'anonyme à leur façon, happant la vulnérabilité de l'âme mais aussi parfois les folies. Son ex n'avait jamais su stopper et mes précédents avertissements l'avaient arrêté un temps, ne l'empêchant pourtant pas de renouveler. Ce pauvre Diable n'avait pas encore eu à faire avec moi en personne. « Simplement si il est sage. Autrement, les enfers célèbreront un nouvel arrivant dès ce soir. » Mes billes s'affirment de cette lueur douce et froide, prendre la vie ne m'émeut plus vraiment, tout juste la froideur du geste vient exacerber la chaleur de mon sang, mon corps accueillant avec une joie malsaine l'adrénaline que provoque le courroux d'un meurtre. Pour l'heure, c'est un autre genre de désir qui semble te hanter Shayn et j'en joue, gamine toujours, mais sachant rester raisonnable encore. Mes ivoires s'appliquent à l'inférieure lorsque le massif de ton corps résonne contre le bois de la porte. « Voilà qui me plaît. » Paupières qui s'abaissent dans une mimique de jeune femme romantique. « En route. » Les phalanges délaissent avec regret la peau plus sombre, tout juste dans la furtivité de mon élan, mes saphirs qui viennent s'accrocher à tes ambrées, comme lorsque le corps s'apprête à sauter dans le vide. La démarche s'initie, familière et féline, au gré des couloirs puis des marches, en mouvements, mes phalanges s'habillent d'un cuir ganté, quelques instructions laissées aux alliés, avant que la rue ne nous cueille, sombre et glacée. J'avance vers une voiture anonyme que je viens déverrouiller du boitier, te balançant la clé. Je programme mon téléphone en gps pour Bismark Street dans le quartier de Mattapan, histoire de nous rapprocher de l'immeuble dans lequel ce crétin se cache, ou du moins pense se cacher du monde. Ma paume se posant sur ton genou, je m'égare sur ton profil quelques instants avant d'embrasser la tiédeur de ton cou. « Voilà longtemps que nous n'avions pas fait ça. » Et mon sourire vaut tous les dates possibles et imaginables.

On retrouve finalement des activités plus familières; certes, moins lumineuses, mais qu'importe, puisque nous avons choisi d'embrasser le clair obscur. J'apprends désormais autant de ma noirceur, que de nos plus claires nuances; alliant l'expérience d'un passé douteux à un présent empreint du bonheur, le plus pur qui soit. C'est étrange, que d'associer ton bureau à notre chute, et paradoxalement, à notre véritable envol. C'est ici qu'on a compris, toi et moi, que notre union resterait plus forte, quoi qu'il arrive. C'est ici qu'on a choisi de s'aimer, plutôt que de se rejeter. Ce simple versant de porte, contre lequel tu me tiens, est le mur porteur de nos origines. De notre force, révélée au grand jour. Ce soir encore, je t'offre mon corps et mes poings, pourvu que l'on mène cette mission à bien. Protéger tes filles est essentiel, je vois ça comme un gage de fidélité; une véritable marque de respect. Sans pour autant avoir tissé le moindre lien avec elles, je pourrais affirmer que certaines d'entre elles me sont familières. - Après toi. la Reine mène la danse, toujours. Si je suis le fiancé, je n'en reste pas moins, entre ces murs, l'agent de sécurité. Ton homme à tout faire, surtout lorsqu'il s'agit de faire pleuvoir les coups. De retour en extérieur, comme deux démons de minuit; deux êtres qui s'adaptent en permanence aux lueurs de ce monde, pour survivre toujours. Clef de contact attrapée au vol, musculature installée derrière le volant, le moteur vrombit à l'instant où l'étincelle est déclenchée. Phalanges glissées contre les tiennes, mon souffle se réduit à l'état d'un faible soupir, comme pour contenir ces pulsions, et éviter une quelconque distraction. - Tu m'as manqué, Lyra Bain. ma tête se tourne légèrement, et je viens ainsi saluer nos retrouvailles; le retour de nos ténèbres, celles qui nous ont vu naître en duo. Une légère caresse de mon pouce, prisonnier de sa toile de cuir, sur le dos de ta main; avant que les rapports ne s'enclenchent et que je ne suive l'itinéraire indiqué, nous menant ainsi à l'adresse du salopard, notre victime du soir. - Dois-je me faire passer pour le livreur de plats japonais ? vois-tu, je garde le souvenir de cette première nuit de violence, et de cette stupide erreur que j'avais alors commise. Lippes étirées en un sourire complice; j'ai aujourd'hui conscience que chaque détail compte, et je pourrais affirmer que mon jeu d'acteur n'en est que meilleur. A vrai dire, je pense même pouvoir l'exprimer ainsi, et ce, sans véritable prétention; je suis prêt.    

Oscillant entre le clair et l'obscur, on ignore la nuance de nos attaches, on la sait simplement vraie. Silhouette gracile suivie de la plus massive, c'est une certaine légèreté qui s'imprègne de mes empreintes alors que mes phalanges s'apprêtent à perpétrer de nouvelles infâmies. « Non pas cette fois. » dis-je avec un léger sourire. Point besoin de se cacher puisque c'est notre cible qui le fait. On va simplement lui apprendre que tenter de se terrer est impossible en l'occurrence. Une vaste bâtisse aux murs autrefois blancs se dresse devant nous, le parking est anonyme, banal, presque résidentiel. Les voitures qui prennent place traduisent le modeste des classes qui hantent l'endroit. Une grand-mère promène son chien et nous observe, je lui souris vaguement tandis que mes pas me conduisent vers le hall qui nous intéresse. L'air est humide, poisseux et froid, le ciel bouffé par les substances polluantes et chimiques donnent un gris délavé et fade aux parures nocturnes habituelles. Le tout est plutôt sinistre. Mais pas avec toi. Frêle gamine qui vient faire basculer la porte restée ouverte, trop déglinguée pour encore effectuer son rôle, nos pas résonnent doucement dans la cage d'escalier, quelques relents de tabac, d'herbe et d'urine. « Si romantique. » dis-je d'une voix légère alors qu'un couloir monocorde nous happe. Mes billes détaillent les chiffres, recherchent le bon. « Nous y sommes. » Le plat de ma main repose sur la porte, je semble hésiter, comme en suspens, une petite réflexion s'impose, et je hausse les épaules comme presque déçue d'avoir à opter pour cette solution. « Défonce la porte s'il-te-plaît. » Je me recule et passe ma main dans ma poche arrière, prête à attraper mon flingue. J'aurais aimé une entrée plus discrète mais je suis sûre que ce connard sera pas suffisamment bien élevé pour répondre à la sonnette. Alors. Que l'orage gronde.

Pas nécessaire que de sortir son meilleur jeu d'acteur; et tant mieux finalement, je ne suis plus de ceux qui portent des masques. J'ai enfin accepté mes ombres, ces formes obscures parfaitement complétées par les tiennes. Celles qui, ce soir, sont sur le point de rendre visite à un homme, pour lui faire passer un message. S'attaquer à l'un des notres ne sera jamais sans conséquences. Bâtiment que j'observe un instant, miteux à première vue; de ces espaces anonymes où vivre et mourir se confondent, sans que personne ne remarque la différence. Parfait pour passer inaperçu, également pour se faire fracasser sans espoir d'obtenir une quelconque forme d'aide extérieure. Personne ne volera à son secours. Nous sommes les anges noirs de la nuit, les silhouettes qui font vibrer les murs sur le passage. Si pour certains, cet espace inspire sans doute la peur; pour nous, c'est l'inverse. De ces démons, nous sommes les maîtres; ici, personne ne se risquera à nous défier. - Une sortie normale en amoureux. ai-je complété, fronçant légèrement le nez à la perception des relents de déjections. Pire que miteux, c'est insalubre. Une bâtisse bonne pour la casse; à faire exploser, avant que les murs ne s'écroulent. Je t'observe, si droite et confiante, quelque peu surpris par cette hésitation, quant à la meilleure approche possible. La fermeté de ta paume, ou la violence de mon pied ? - Avec plaisir. un coup d'oeil à l'allure de l'encadrement, rien qui ne me semble si solide; à l'image du reste, tout compte fait. Léger mouvement de recul, et le pied s'abat avec force sous la serrure, explosant le verrou au passage. J'aurais sans doute été fier de moi, si le bois ne s'était pas figé rapidement, retenu par le frottement contre le carrelage, brisé. Porte seulement entrebaîllée, et son métallique qui s'en suit, témoigne d'une présence humaine à l'intérieur, armée d'un fusil, au grand minimum. - Baisse toi ! l'orage gronde, mais pas comme on l'aurait souhaité. Mon bras te ramène avec force sur le côté, t'écarte simplement du cadre, alors qu'une détonation semble faire trembler la structure. Pour notre chance, la porte faisait office d'obstacle, même de son côté. Multiples petits orifices créés dans le bois par l'explosion du projectile, réduit à l'état d'éclats. L'un d'eux semble d'ailleurs m'avoir atteint à l'épaule, puisque mon corps glisse contre le mur, jusqu'à retrouver la crasse du sol.    

C'est sans doute l'inconscience qui a parlé, reine qui n'a pas pris soin de prendre garde pour son roi. Te laissant aller au charbon, j'ai pas anticipé que ce connard puisse être armé. Il n'était pas censé nous attendre. Mais peut-être qu'il est simplement sur ses gardes. Je me baisse furtivement lorsque tu me l'ordonnes, me retrouvant déportée sur le côté par ta force, je dégaine ma propre arme, désactive le cran de sécurité et me voilà prête à tirer. Mes yeux observent à toute allure la situation, observant le sang qui vient perler de ton épaule. « Merde. » Mâchoires serrées. Qu'il puisse t'arriver quelque chose, me rendrait folle, c'est aussi là, le risque qu'on prend. Mais je ne dois pas laisser l'inquiétude me gagner. Appuyant sur ta plaie, je comprime pour limiter la perte de fluide. Laissant mes doigts explorer la partie dorsale « Elle a traversé j'ai l'impression. » que je chuchote, tout en t'observant, il est trop tard pour reculer puisque la proie va devenir chasseur et ne tardera pas à sortir de son terrier. Pour l'entrée discrète, on repassera. Quelques détonations plus tard. Je me plaque contre le mur, me contentant de laisser régner le silence. L'homme sort en furie et je n'attends pas moins pour exploser son crâne. « C'est pas lui. » Du ménage, va y en avoir à faire et il n'est pas seul. Je ne sais pas dans quelle galère je nous ai encore fourré. Mais mes opales laissent déjà place au sombre, alors que j'observe le corps inerte s'allonger, je tourne à nouveau mon regard vers le tien et le tableau semblera sans doute étrange à cet instant, colosse assis et poupée porcelaine au visage parsemée de points carmins. Un date très romantique oui. « Je vais entrer. » Parce qu'on n'a pas le choix.

C'est une leçon supplémentaire, comme un rappel à l'ordre. Qu'importe que nous soyons ombres ou démons; face aux balles, nous sommes surtout mortels. L'amour nous a donné des ailes, et la faucheuse a bien failli nous les reprendre. Un excès de confiance peut-être. Tourtereaux ramenés à la triste réalité par la foudre, descendue directement contre mon épaule. Je peine encore à réaliser ce qu'il vient de se passer; organisme gonflé d'adrénaline, presque insensible à la douleur. Seule cette désagréable sensation, incrustée dans la chair, me fait savoir qu'un problème de taille pourrait me guetter. - Ca va, c'est rien. à dire vrai, je l'ignore; seul mon esprit en est convaincu, toujours focalisé sur la tâche à accomplir. Mon regard croise le tien, et je peux y lire cette peur; ce même sentiment, celui que j'ai perçu en te ramenant derrière moi. Que ferais-je si tu dois disparaître ? Tes mains contre la plaie, et la souffrance qui grimpe en flèche, me force à serrer les dents. - Je vais le fumer cet enfoiré. et je retrouve là, ma facette la plus obscure; prêt à en découdre avec ce forcené. Silence et posture allongée que la situation m'impose; poussière s'échappant des murs, en rythme avec les coups de feu, successifs. Parfaitement immobile, cible idéale pour un tireur qui viendrait à sortir de la pièce; ou appât de luxe pour ta gachette, que je sais redoutablement précise. Soudain, du mouvement; je me surprends à ressentir la peur, mêlée à cette confiance aveugle pour toi, ma moitié. Une balle est suffisante pour que l'assaillant s'écroule, crâne teinté d'une ouverture sanglante. - Merde. ils n'étaient pas censés être plusieurs. Drôle de galère dans laquelle on se retrouve fourrés. - Attends. Fais moi confiance sur ce coup. je souffle, aussi silencieusement que possible; incapable de te laisser prendre tous les risques. Et lorsqu'il s'agit de ta protection, j'en oublie le reste. Tirant le corps inerte au plus près, glissant mes bras sous ces épaules pour le soulever, je tente le pari de le mettre à la verticale et de m'en servir comme bouclier, pour accueillir les balles. Autant qu'il serve à quelque chose, même raide. Cela dit, entre le poids mort et les quatre impacts de balles me repoussant en arrière, je finis par perdre l'équilibre, criant simplement à ton intention - maintenant ! puisque notre homme est sorti de sa cachette, il représente une cible de choix pour ton oeil avisé. Alors, tandis que je m'écroule une nouvelle fois, je t'adresse cette petite prière: bute ce salopard et sors nous de là, Lyra.