Je sais que c'est pas rien, mais je sais aussi que j'ai pas le temps de m'en émouvoir ou de m'en occuper à cet instant, alors que la cible devient notre oppresseur. Je m'en veux d'avoir merdé, d'avoir laissé parler mon impulsivité avant la raison. Ça reste mon défaut principal, les années d'expérience manquent encore à l'appel et je suis douée pour me fourrer dans des sacrés merdiers. Qu'il t'arrive quelque chose, ce serait la pire punition à mes yeux. Et on était pas partis pour tuer ce soir, simplement intimider, torturer tout au plus, mais je crois qu'on va devoir faire avec des morts supplémentaires sur les bras. Si on a le chance, la soirée, fait que commencer... parce qu'après faudra se débarrasser du reste... La colère te gagne aussi, et c'est mieux, ça permet de pas ressentir la douleur, au moins un instant. Je souffle, désormais accroupie près de toi, commençant à me relever pour aller accomplir ce qu'on devra. Tu te relèves, attrapant le corps inerte pour tenter de me protéger. Mes yeux se plissent tant les choses sont rapides. Je vais devoir agir vite et sans trop réfléchir, tout en étant utile.  J'opine de la tête en signe d'entente lorsque tu me dis d'y aller. Courant dans les entrailles de l'appartement morose, j'abats le premier d'une balle en pleine poitrine, comptant sur la chance de ma surprise, alors que l'autre planqué derrière le canapé, érafle la peau de ma cuisse. Obligée de rouler derrière le comptoir de la cuisine, je reprends mon souffle, passe rapidement mes phalanges contre la blessure, constate que ce n'est qu'une entaille, suffisant à teinter mes phalanges d'écarlate. « Putain. » Je suis animée entre la rage et une envie plus sournoise de pleurer tellement je m'en veux de nous avoir fourré là, de te savoir derrière le mur, et encore plus exposé que moi. Je range l'arme, m'apprêtant à prendre ma lame qui me sera plus utile, lorsque je sens une poigne d'outre tombe venir agripper ma chevelure. Je pensais qu'un seul était encore debout mais apparemment il y en avait un autre de plus...

On a manqué de prudence sur ce coup, et nos volontés communes ont failli voler en éclats. A quelques centimètres de ça, et je partais rejoindre l'enfer, le véritable. Mais je refuse simplement d'abandonner ce combat, et de te laisser seule face à je ne sais combien d'assaillants. Qui sait si ce connard n'a pas alerté sa propre meute, en prévision de notre venue. A ce compte, on pourrait s'être fait avoir comme des bleus. Je souhaite qu'on en ressorte plus fort, avec une expérience supplémentaire; mais pour ça, il faut surtout s'en tirer vivant. J'ignore encore combien ils sont là-dedans, mais je veux jouer la dynamite qui les forcera à sortir la tête, devenant ainsi les cibles de ton courroux. Ca fonctionne; du moins, c'est l'impression que j'en ai. Les balles fusent de tout côté, et je prie intérieurement pour qu'aucune ne vienne te mordre la chair. Le cadavre me ralentit et je peine à m'extraire de son emprise; visage désormais maculé de son sang, traits tirés par la colère, cette émotion primaire et sourde à toute tentative de conversation. Je vais les buter, et ensuite je pourrais tomber. Relevant les yeux, je ne te vois pas dans la pièce et la panique se fraie un passage jusqu'au battant, accélérant sa cadence au point de me mettre, pratiquement, en transe. - Nova ! ai-je crié alors que le monde semble trembler autour de moi. - Alors salope, tu pensais vraiment que j'allais te laisser faire la loi ? et je perçois la voix de cet imbécile, avant même de distinguer ta chevelure, tirée en arrière vers l'entrejambe de l'homme. Je t'ai promis la protection, et je ne compte pas faillir une fois de plus à ma mission. L'amour, au même titre que la haine, donne des ailes. Certaines aptitudes semblent sortir de nulle part, comme dictées par une volonté supérieure. Parce que tout s'est enchaîné, et que je n'ai rien calculé. Ma lame en argent, fièrement disposée dans son étui, glisse entre mes doigts. Le geste est instinctif, ne vise qu'à te libérer de son emprise. Couteau jeté à sa gorge, avec toute la force qu'il me reste. Et j'ai fait mouche. Mes ambrées croisent tes opales, et je peux ainsi t'exprimer à quel point je suis désolé. Sans même savoir s'il reste quelqu'un dans l'appartement, je m'approche en vacillant et pose ma main contre la lame. Pour l'enfoncer dans sa poitrine. Pour terminer mon oeuvre, et laisser le poison courir entre mes phalanges. Il a osé te toucher, c'était de trop. J'extraie le poignard, et investis à nouveau ces chairs. Perfore les organes, brise les os. Je rends son corps méconnaissable. Mes dreads se sont détachées, les voilà désormais maculées de sang, à l'image de mon visage. La douleur regagne mon épaule, et je glisse contre le mur, auprès de ma victime du soir. - Je les tuerai tous, pour toi. je l'avais promis, ce jour-là. Je n'ai pas oublié, la preuve repose à tes pieds. Paupières closes, mon visage s'abaisse naturellement et je crois qu'un court instant, j'ai pensé rejoindre ma mère, quelque part, loin de cette misère.   

Les enfers, nous avons appris à les dompter, mais voilà, ils peuvent encore nous surprendre. Je m'en veux. De nous avoir fourré dans ce merdier. D'avoir sous-estimé la tâche et encore plus l'ennemi. Perséphone m'avait averti mais je pensais son ex plutôt grande gueule et inoffensif. J'ai mené ma petite enquête, pensant que le monde allait tourner à ma façon et qu'il n'aurait pas de compagnie, qu'il serait surpris par notre arrivée. Mais dans ce monde, on ne peut compter sur personne ou quasiment. Les murs ont des oreilles, les communications virtuelles sont des brèches parfaites pour les ennemis potentiels. Saisie par la chevelure, je me débats comme une furie mais le type possède une poigne solide. Je m'apprête à détacher mes cheveux par ma lame lorsque tu interviens. Je voudrais te crier de rester là, de ne pas intervenir, mais je sais qu'exposer ainsi notre faiblesse c'est courir au suicide. Le mec est bientôt hors d'état de nuire, sous l'assaut de ta lame. Tu te révèles épuise par cette lutte, pauvre diable, tandis qu'un sourire tendre accueille mes lippes. Comme une bulle dans le carnage. « Et moi pour toi. » L'inconscience te gagne et je peux pas te secourir immédiatement, pas avant d'en avoir terminé. J'en ai assez. Je me relève. Exposée face à l'appartement. « Allez, montre-toi. C'est toi contre moi. » Et je suis si gracile, si fragile, enfant encore, que la plupart ne se méfient pas. « Je te pensais pas si fort. » voix douce et perdue qui s'écoule dans l'appartement. Le type ne tarde pas à se pointer. Posant le flingue sur ma tempe, la lame sur ma gorge. « Toi tu sais parler. » dis-je avec un frisson qui vient parcourir mon échine. Perséphone aurait vraiment du mieux choisir ses exs. Je lâche ma propre lame. Histoire de jouer cette abdication programmée. « Je comprends pourquoi tu lui as plu à Persé. » sourire lascif alors que mes hanches appuient en contrôle contre le bassin de l'ennemi. Il faut savoir jouer de la faiblesse des hommes. « Laisse-moi te regarder au moins. » Tu pourras pas refuser ce privilège à la poupée que je suis, parce qu'on sait bien les projets que tu nourris à mon égard. Sans doute profiter de mes parcelles avant d'ôter le souffle, parce que vous êtes ainsi faits, n'est-ce pas ? Furtivement, je sens tes paluches s'armer à mes épaules et je sais que c'est le moment. Billes écarquillées malmenant un simulacre de surprise, et un souffle suspendu dans les airs, comme ma silhouette qui se retourne sous ton assaut, alors que je viens cueillir une dernière surprise contre ma poitrine, et la planter droit entre tes cuisses. Votre point faible je ne le connais que trop. Remontant par l'occasion la lame dans le creux de la trachée en le remontant sous la mâchoire, profitant de ta surprise pour agir. « Dommage, t'étais plutôt mignon. » Alors que je te regarde t'effondrer et que le calme revient peu à peu dans l'appartement. Je te regarde quelques secondes avant de revenir vers Shayn, m'assurant que personne d'autre ne soit présent et verrouillant l'appartement. « Shayn, tu m'entends ? » J'espère, parce que porter ta carcasse sera pas une mince affaire, à moins que je fasse venir de l'aide mais la discrétion est suffisamment cramée comme ça. Des voisins ont du appeler les flics qui tarderont pas à se pointer, c'est certitude.

Damn, la honte. Tu parles d'un rempart pour te protéger. Je pensais être devenu meilleur, avec le temps et l'entraînement; avec le recul et une meilleure connaissance de ma propre personne, pourtant je termine là, sur le cul. Les forces me quittent et j'ai seulement conscience d'en avoir mis un hors d'état de nuire. Je ne peux que prier pour la suite, et pour toi surtout. A partir de là, c'est un flou total. La violence se mêle aux images qui défilent devant mes yeux, tout comme une voix, familière et féminine. Une voix qui m'est pratiquement inconnue, et que je connais paradoxalement par coeur. Maman. Suis-je mort ? Sur le point de mourir ? Ou n'est-ce qu'une vulgaire illusion, la piètre invention de mon subconscient ? Son visage m'apparait soudain, lumineux; ivoires dévoilées en un sourire radieux, puis sa main caresse tendrement ma joue et.. Réveil. La douleur traverse mon épaule à l'image d'une puissante décharge électrique, me fait grimacer et m'impose ce spasme, nécessaire pour que mon corps se remette en état de marche. - Mam.. le réflexe du petit garçon apeuré, et la demande instinctive qui va avec. Rassuré dans mon élan, lorsque tes opales cueillent mes ambrées; que je comprends ma position, vivant et toujours à ton côté. - Lyra ! Faut.. Qu'on dégage d'ici. et tu le sais même mieux que moi, on risque gros à rester plantés là. La mort s'est invitée dans l'appartement, tout autour de nous; je repose d'ailleurs dans le sang, au milieu de ces cadavres aux plaies béantes. Impossible de plaider la légitime défense quand on observe de plus près l'état des blessures. - T'as une issue ? je ne t'imagine pas venir sans plan de secours, je te connais trop bien pour ça. Et j'ignore si je suis victime d'acouphènes, ou si je perçois simplement la réalité, mais je reste persuadé que des sirènes hurlent au loin.   

Je nous ai foutu dans la merde et bien comme il faut. Petite fille impossible de voir l'échiquier dans toute sa splendeur, je n'ai pas anticipé certaines choses, ce qui fait qu'on se retrouve dans un pétrin sans nom. Accroupie, face à toi, ma main tapote ton visage, inquiète, il ne manquerait plus que tu ne reviennes pas à toi, mais si il faut, je te sortirai à la force de mes bras. L'adrénaline donne des ailes. Mais tu reviens finalement, sourire doux qui vient se poser sur mes lèvres. « Dakota devra attendre, tu restes avec moi. Et elle n'accueillera que nous. » Pas l'un sans l'autre. Je traverserai les enfers pour te récupérer si il faut. Mais ton souffle restera tant que tu seras à mes côtés. Les sirènes retentissent et pour la première fois, j'ai peur. Vraiment peur. « Merde. » Je dois trouver une issue. Bien sûr j'ai étudié quelques possibilités. Je ne suis pas inconsciente à ce point. « Attends. » Mes yeux parcourent l'appartement, rapidement, du mieux que je peux. Je ramasse les quelques preuves. Voyant une bouteille d'alcool et un verre à ses côtés, je le remplis fébrilement, avant de le jeter au pied de la table basse, prenant soin que l'alcool se répande sur la base des rideaux. Mégot récupéré dans le cendrier, je laisse le tissu s'embraser à la flamme de mon briquet, et j'y jette le mégot que j'ai de nouveau cramé. Les flammes ne tardent pas à dévorer le tissu. En courant, je retourne dans l'entrée et tracte le corps du couloir à l'intérieur, laisser la porte ouverte est le mieux pour espérer que les flammes viennent entamer le couloir, tant pis pour les voisins... « Viens ! » Prenant ton bras, je viens le passer sur mes épaules. « Shayn, c'est maintenant tu dois tout donner. » Tu devras marcher, m'aider à fuir. Et nous voici dans le couloir, au lieu de prendre le couloir vers l'entrée, je prends le chemin opposé, menant à l'escalier de secours. « Les toits toujours. » Le seul royaume que je possède ici à Boston. « On va longer le bâtiment et descendre par l'autre issue quand ils seront entrés. » C'est risqué mais la seule solution que pour le moment, je trouve. J'espère qu'ils ne savent pas qui rechercher.

Je ne me rends plus vraiment compte, du danger ou des risques encourus; à cet instant, soulagement et douleurs se mêlent en moi, paralysant l'épaule mais activant fortement le battant. Sourire déployé sur mes lippes, sans doute un brin stupide mais qu'importe, tu es vivante et c'était bien là ma seule préoccupation, avant de perdre connaissance. - Nous, toujours. cela va de soit, jamais l'un sans l'autre. Tu braverais les flammes pour moi, et j'en ferais de même, sois-en certaine. Sirènes au loin, et la musculature amorce un mouvement; peut-être une lueur de panique animant inconsciemment les chairs, la peur d'être à nouveau enfermé, de retrouver les barreaux et pas seulement au sens figuré cette fois. - Fais chier. la frustration, le sentiment du travail mal accompli, la peur pour toi par dessus tout; qu'il t'arrives quelque chose, je ne le permettrais pas. Tu t'actives de ton côté, à faire disparaître cette merde largement éparpillée, et je parviens enfin à revenir sur les rotules; épuisé peut-être, mais guidé par le besoin de liberté. Une étincelle, puis la flamme; pyromane improvisée pour détruire les preuves et l'appartement en lui-même, réduire les indices en cendres et nous permettre de filer. - Allons-y. la peine est sourde mais ma volonté est tenace, grimace étirée lorsque mon épaule se retrouve sollicitée, la stature se relève enfin et nous pouvons avancer vers la sortie. Le plan de secours se dévoile, par les toits; et j'aurais dû m'en douter, n'est-ce pas. - Reine des hauteurs. ai-je murmuré, esquissant l'ombre d'un sourire amusé. Je vacille sans doute, mais l'adrénaline me porte, au moins autant que l'amour, détermination commune à ne pas faillir. Nous devons presser le mouvement; il y a de ces signes qui ne trompent pas, l'ambiance devenue lourde et dans les escaliers, au loin, des bruits de pas. L'avantage avec le feu, et l'insalubrité des lieux, c'est que les flammes se propagent rapidement, épousent sans mal les formes de l'environnement. - J'ai froid. ma bouche semble murmurer d'elle-même, dire tout haut ce que je ressens tout bas. C'est la perte de sang, je crois. Mais j'ai confiance, et j'arrive à caler mes mouvements sur les tiens, priant seulement pour que la délivrance ne soit plus très loin.    

C'est la force d'un sourire que je t'envoie lorsque tu confirmes ce Nous qui éclipsera le Je lorsqu'il sera question de passer à l'autre monde. Je dois trouver un plan pour nous enfuir, et rapide. Gamine enflammée, entêtée dans ses destructions et dans ses volontés d'avenir, je nous veux libre et pas à l'ombre de barreaux qui viendraient nous séparer. Il y a encore de ça quelques années, je m'en serais moquée, mais pas maintenant. Alors l'appart crame comme une allumette, les logements sociaux sont rarement isolés par de précieux matériaux. Et c'est l'ironie qui teinte mes pensées de meurtrière lorsque j'espère que les flammes ne feront pas de victimes supplémentaires. Paradoxe véritable mais justifiée quelque part, un travail, reste un travail. Et voici, que j'aide à hisser ta lourde silhouette sur les hauteurs. « Elles n'ont pas de secrets pour moi. » Clin d'oeil juvénile, presque ridicule dans la lourdeur de l'instant, mais de quoi oublier quelques secondes, le merdier dans lequel on s'est mis. J'entends les pas qui résonnent, les secours qui se pointent et la police devra appeler du renfort, parce qu'à ce que je sache, ils savent pas éteindre les flammes. T'as froid. « Merde. » Je te secoue un peu, rien de tendre, rien de doux, mais c'est pourtant l'amour qui anime mon geste. « reste avec moi. » Encore quelques minutes et on pourra se tirer de là. Traversant le toit, on gagne l'autre extrémité et je sais même pas comment en vérité, mais on y parvient. « allez Shayn, on y est presque. » escaliers qu'on vient descendre désormais pour gagner le hall voisin. « Prends l'air le plus naturel possible. » Je pourrais te laisser et aller chercher la caisse mais j'ai peur que tu sombres dans l'inconscience. Mon cœur bat la chamade, mes tempes résonnent alors que les méninges turbinent, y'a plusieurs patrouilles désormais sur le parking et je vois pas comment on pourra se barrer de là sans attirer l'attention...

La confiance aveugle, démarche assurée de celui qui se contente de te suivre péniblement. Je le ferais les yeux fermés si nécessaire, ça en dit long sur ce Nous qu'on s'efforce de préserver maintenant. J'ai conscience du risque, et de la peine encourue si on nous met la main dessus. Avec nos blessures, les liens seraient vite faits. Nos âmes, rapidement guidées à l'abri de ces murs gris, derrière les barbelés et barreaux. Je t'aimerais où que l'on soit. Unis, ou séparés. Ton issue de secours est propre à ta personnalité, à tes manières et j'en arrache un sourire, stupide si l'on s'attarde sur la situation dans sa globalité. Mais c'est là notre force Lyra, soyons notre propre lumière, quand le monde autour de nous se décide à virer au noir complet. Les forces me quittent peu à peu, mais ton geste incite l'adrénaline à poursuivre son oeuvre, alimentant encore l'organisme en espérant que cela soit suffisant pour nous permettre de filer. Question de secondes j'imagine. Mon esprit commence à rêver, étrange non ? Un verre d'eau, et une couette réchauffée. - Je suis là, je suis là.. ai-je soufflé, dans un murmure ou dans un cri, je ne saurais le dire. J'ai la gorge sèche, la bouche pâteuse. Et je veux un verre d'eau. Tout en étant conscient que quelque chose de plus important se joue, ici et maintenant. Je suis dysfonctionnel. Incapable de dire comment on est passés de l'autre côté, je ne me souviens même pas avoir bougé. Tu mènes la danse et mon corps se contente de copier la démarche. - Ils verront pas que j'suis pâle comme un cul. et j'en lâche un rire, inapproprié sans doute. Un black au clair de lune, personne fera attention. C'est ironique. Mes phalanges, pourtant glacées, viennent se lier aux tiennes alors que je tente un effort supplémentaire pour me redresser, afficher une stature convenable. - Pour une soirée romantique, on a la haie d'honneur. Magnifique. mes réflexions n'ont rien de censé, mais je dois vendre mon jeu. Avancer au milieu des anges de Boston en nous faisant passer pour deux citoyens, surpris par les flammes. On aura de la chance, s'ils ne remarquent pas l'état de nos tenues. - Tu remercieras Perséphone, pour le pudding à l'arsenic. le gâteau empoisonné, la surprise explosive. Elle me doit une blessure par balle, avec ces fréquentations douteuses.     

Ces moments qu'on redoute en pensée et qu'on éloigne d'un mouvement interne, comme si ils ne pouvaient jamais arriver. Ça devient pourtant ma réalité en cet instant, et je ne peux pas y croire, réfrénant une envie puérile de me pincer. Je ne peux pas te perdre, alors sans doute que je te secoue un peu trop fort, tout juste de quoi te faire réagir. Mais suffisamment pour me rassurer. « Reste éveillé. C'est important. » Et je sais que tu auras la force mentale pour le faire. Nous arrivons en bas de l'immeuble et j'aperçois une horde de voitures de police. Heureusement, c'est aussi un peu le chaos, tout un tas de familles évacuent l'immeuble. Je dois repérer un groupe pour qu'on se fraie un chemin dedans... « Ta gueule. » dis-je en restant concentrée avant de passer ma main sur ta joue. « Maintenant. » dis-je alors que je vois une famille avec une horde de gosses. La mère semble seule et dépassée. « Attendez, je vais vous aider. » dis-je avec un grand sourire et mes airs de gamine. Heureusement, j'ai cette tête dont naturellement on ne vient pas se méfier. « Coucou, tu veux que je te prenne dans les bras pour suivre maman ? » dis-je à la petite fille de deux ans, en jouant avec ses boucles métissées. Heureusement, je suis tombée sur une enfant sociable et curieuse. Je la prends dans mes bras tout en suivant d'un sourire la maman. On doit passer inaperçu c'est ma priorité absolue. Elle te regarde, de ces yeux curieux typiques des bambins, capables de fascination pour un nouveau visage. « C'est mon amoureux. Il est un peu fatigué mais gentil. » dis-je à la gamine en tournant mon regard vers toi. « Approche. » que je te dicte de ma voix douce, alors que la petite tend la main vers toi. Que ta silhouette se colle à la mienne pour masquer la blessure alors que dans le troupeau, on attire heureusement pas l'attention. Une fois tout le monde rassemblée, je discute quelques secondes avec la maman avant de lui rendre la petite et de lui faire un bisou sur le front. « On va aller se mettre au chaud dans la voiture. » Et elle me salue, espérant me revoir... Tu ne me reverras jamais. Phalanges accrochées aux tiennes, je passe par l'arrière des troupes et finalement nous rejoignons la caisse. Soulagée quand tu t'installes. « Tu dors pas. Tu dors pas ok ? Je fais au plus vite. » Alertant Albus au passage, mon pied appuie sur la pédale et je dois vite regagner les entrailles du Sidh en espérant qu'il puisse te prendre en charge.

C'est un écho, comme un murmure venant de trop loin. Ta voix. L'ordre donné, que j'aimerais suivre avec la meilleure des volontés. Mais on sait, l'un et l'autre, que le rythme rapide orchestré par le myocarde ne sera bientôt plus suffisant pour me maintenir debout. Je vais chuter, le compte à rebours est déjà en marche. L'horloge suit sa course et j'en perçois l'échéance là, dans ma tête. Comme un sixième sens, cherchant à prévenir l'effondrement imminent. Je parle trop; paradoxalement, mes sens ne réagissent plus assez. Suivant malgré moi ton idée, l'étincelle de génie prête à nous offrir la liberté. Une famille évacuant les lieux, des innocents affectés par notre merdier sans nom. Une petite fille, que je distingue péniblement, main tendue dans ma direction. Ton ordre résonne sourdement, et je te rejoins enfin. Tâchant surtout de ne pas m'écrouler dans tes bras. Vision utopique de cette famille que je rêve de fonder. Je dois jouer le jeu, alors mon bras glisse contre ton dos; cliché d'un couple rassurant l'enfant, aux yeux des autorités. Tu as toujours été douée dans l'improvisation, pour semer le trouble et brouiller les pistes. Je t'admire Lyra, même dans mon état présent. Instant le plus long de ma courte vie. Cette femme me salue, je crois, et je peine ne serait-ce qu'à hocher la tête en retour. Chaque mouvement devient l'effort de trop. Les extrêmités froides, phalanges cyanosées, je ne saurais dire comment j'arrive à la voiture. Délivrance, ou pas. La banquette arrière, sur laquelle je m'écroule simplement. L'adrénaline a fait son temps, et tout semble désormais se calmer. - Juste.. Deux minutes. mais ce n'est plus moi Lyra, c'est seulement l'esprit qui se met en veille. La profonde envie de dormir, plus facile à accepter que de tenter l'impossible, à rester éveillé. Les sens engourdis, le corps relâché; l'ombre rejoint ses ténèbres et les paupières se referment.