réagir comme ça, c'était super la pire des idées. le pire, c'est que tu avais changé, depuis ton arrivé ici. en bien. en mieux. laisser les démons en russie, pour commencer quelque chose de nouveau. mais les démons, ils reviennent si vite, sans avoir le contrôle. "ma copine qui semble pas vraiment me faire confiance." parce que tu restes juste bloqué sur les messages que tu as reçu un peu plus tôt. c'est idiot, il faut passer à autre chose à un moment. ou du moins, avoir une conversation, pour s'expliquer. mais dans ton état actuel, c'est juste pas possible. et y'a ce moment qui suit, ou tu plonges dans le sommeil, sentant la couverture qui se pose sur toi. c'est peut-être pas plus mal, au moins, tu vas pas ouvrir ta bouche pour dire des choses que tu peux regretter. c'est mieux d'attendre que tu sois réveillé pour avoir une conversation un tant soit peu constructive.

Il fait une remarque comme quoi je ne lui fais pas confiance, et je soupire. Bien sûr que non, je ne lui fais pas confiance, pas entièrement, bien sûr. Pire que tout, je ne me fais pas confiance. Pas du tout, absolument pas. S’il savait que c’est bien plus profond. Je ne me fais pas confiance, Alek. Je me compare, tout le temps, à tout, tout le monde. Autour de moi, proche de moi, loin de moi. A mes amies, aux tiennes. Je me compare, je ne me trouve pas spécialement plus jolie que ça. Il m’arrive d’avoir des surplus de confiance en moi, j’ai des hauts, j’ai des bas, mais sur un entier, c’est pas ça. Si demain tu croises une fille plus jolie ? Plus drôle ? Avec qui ça colle mieux ? Je sais que je ne le contrôle pas mais je sais aussi que c’est une possibilité. Je mets la couverture sur lui, et attrape un livre dans mon sac, m’installant pas loin en lisant, attendant sagement qu’il se réveille.

-trois heures plus tard-

un réveil en sursaut. ce cauchemar qui est venu te prendre, durant ton sommeil. flash de l'accident, qui continue de te hanter. les yeux ouverts, tu regardes autour de toi, te redresses dans le canapé. un énorme mal de crâne qui s'installe directement, sans te demander quoi que ce soit. et c'est loin d'être agréable. tu es con, tu le sais ça alek ? tu passes tes mains sur ton visage, secoues la tête. et tu regardes de l'autre côté du canapé. tu la regardes, elle. "désolé..." tu ne sais pas quoi dire de plus. déjà parce que tu n'aurais pas dû réagir comme ça, mais surtout, parce que tu commences à te souvenir de ce que tu as dit. "j'suis vraiment une merde." tu t'en veux, tu commences à culpabiliser. tu ne peux pas revenir en arrière, même si tu voudrais, pour te comporter d'une autre façon. et difficile de rester concentré, avec ta tête, qui est prête à exploser. "et j'ai besoin d'un cachet..." et d'un repas. et d'un douche. mais avant tout, de te faire pardonner. car c'est le plus important.

Après une heure et demi, je me suis levée et j'ai préparée un petit repas. Je lui ai mis une assiette de côté et j'ai grignoté. J'ai posé l'assiette dans le micro-ondes pour quand il se réveillerait et à côté de lui, j'ai mis un verre d'eau et un aspirine. Je sais que ça peut être utile. Je me remets à ma place, reprends mon livre et me concentre dessus, jetant parfois des coups d'œil sur lui. Entre deux chapitres, il sursaute et je me redresse, "désolé..." je secoue la tête ; "C'est rien." je me redresse et tends la main vers lui, attrapant ses doigts. "j'suis vraiment une merde." je secoue la tête, "Non, du tout." t'as eu un moment de faiblesse, ça arrive à tous. Je resserre ses doigts entre les miens. "et j'ai besoin d'un cachet..." je lance les yeux sur la table basse en face de lui ; "Juste là." je le regarde avec tendresse, lui offre un sourire ; "T'as une assiette dans le micro-onde, si t'as faim. Rien qui risque de te faire vomir, t'en fais pas."

sa main, qui attrape la tienne. pourquoi, comment. c'est les deux mots qui te restent en tête. tu n'as pas vraiment fait ce qu'il fallait aujourd'hui et pourtant elle est ici, avec toi. tu regardes devant toi, sur la table. un verre d'eau, un médicament, c'est exactement ce qu'il te faut, que tu viens prendre tout de suite. "merci." tu viens te reposer dans le canapé, mais cette fois-ci, juste à côté d'elle. "est-ce qu'on peut discuter sans se hurler dessus maintenant ?" et surtout sans dire des choses que tu vas regretter. sans hausser le ton pour un rien. "c'est un peu plus important que de manger pour le moment." même si tu as vraiment faim, ça passe après le fait de régler cette histoire qui n'a pas lieu d'être.

Bien sûr que j'ai tout préparé pour que ce soit bien. La gueule de bois, c'est jamais une chose très agréable à vivre. "merci." Il prends les médicaments, s'installe plus près de moi. Je ferme alors mon livre et le pose. "est-ce qu'on peut discuter sans se hurler dessus maintenant ?" je souris légèrement ; "ça risque d'empirer ton mal de crâne si on se met à hurler." et c'est la vérité. Je précise quand même que je n'ai jamais hurlé. Râler après mon téléphone, ça oui. "c'est un peu plus important que de manger pour le moment." je prends une inspiration, expire. "Je vais te dire ma version, que tu comprennes d'où ça vient, d'accord ?" je me pince les lèvres ; "Quand j'étais avec Aidan, on sortait pas ou alors très rarement. On se voyait chez lui, chez moi.." j'hausse les épaules ; "Tu vois l'idée quoi. C'était rare quand on se montrait." et derrière il avait champs libre pour faire ce qu'il voulait. soupire ; "Quand j'ai appris que Jake ne le savait pas, ça m'a mise en colère. Si lui le sait pas, alors qui le sait ? Personne ? Ma tête n'a fait qu'un tour et j'ai eu l'impression qu'en fait t'assumais pas ni moi, ni notre relation, et c'est blessant, tu vois ? D'me dire que j'suis là et dans cette relation et que toi, ton frère, la personne la plus proche de toi, ne le saches pas..."  mes yeux se portent sur lui ; "J'ai eu l'impression de revivre ce scénario et je me suis énervée." ensuite tu t'es énervé, et la suite on la connait.

elle a raison, ton crane est déjà sur le point d'exploser. hausser la voix ne risque pas du tout d'aider. c'est déjà assez difficile d'avoir les yeux ouvert. "je t'écoute dans ce cas." parce que tu veux savoir pourquoi, vous en êtes arrivés la. et tu commences à comprendre. elle ne veut pas revivre son passé et c'est normal. mais ce n'est pas du tout ce que tu veux, pour vous. "je ne suis pas du tout comme lui, tu sais. je veux me montrer avec toi. je veux aller partout en ville avec toi. t'avoir à mon bras." et pas comme un objet, loin de la. comme une personne. celle qui te rend heureux. celle avec qui tu veux passer tout ton temps. "jake était le seul à ne pas être au courant et c'est simplement parce qu'on est toujours en froid, lui et moi. je ne me voyais pas débarquer d'un coup et lui dire juste ça, alors que ça fait des jours qu'on ne parle pas." tu t'approches alors d'elle, dans le canapé, et attrapes sa main. "j'assume totalement notre relation sofia. je suis le plus heureux du monde à tes côtés et j'ai de la chance de t'avoir trouvé. alors non, tu vas pas revivre ça, c'est promis." et c'est une promesse que tu comptes bien tenir.

Je lui explique tout ce qu'il s'est passé dans ma tête depuis le début, depuis les échanges de messages. C'est une accumulation de choses, c'est quand j'ai cru que j'étais pas assez bien, qu'il voulait me cacher. J'ai pas envie d'être cachée, sinon je ne serais pas dans cette relation. Je sais qu'il n'est pas comme lui, mais je croyais qu'Aidan n'était pas tout un tas de choses et en fait il a été pire. Je l'écoute, ma tête fait oui. Il a raison, je sais qu'il a raison. Il a un contexte avec Jake et je le sais, ça peut être délicat. Je tire tendrement sur sa main pour l'approcher de moi, et viens me blottir dans ses bras.

c'est bien mieux, comme ambiance. bien plus agréable. le calme, sans se prendre la tête pour quelque chose d'idiot. tu as fait le con, elle a mal réagi, mais c'est rien, et ça risque d'arriver encore dans le futur, c'est comme ça. mais maintenant, de l'avoir contre toi, tes bras qui viennent et passent autour d'elle, c'est ça, le plus important. laisser le reste derrière. "désolé, encore une fois." mais ça c'est toi, tu peux pas t'en empêcher. "c'était pas très mature de ma part de faire tout ça, j'dois le reconnaître maintenant." partir boire d'un coup, comme ça, en pleine journée. tu parles d'une idée à la con.

"désolé, encore une fois." C'est le temps qu'on s'apprivoise, tout ne peut pas toujours être rose. Les relations lisses, parfaites, elles n'existent pas. Il faut que je connaisse tes limites, que tu connaisses les miennes. On apprends, on s'apprends. "c'était pas très mature de ma part de faire tout ça, j'dois le reconnaître maintenant." je fais oui de la tête, hausse les épaules ; "Je vais bientôt avoir mes moments, comme toi. Et tu saura les gérer, comme moi." ça veut pas dire qu'on va mal ensemble. C'est seulement une partie du jeu.

(fin ? )