tu as mal. vraiment mal. tu as ce feu qui brûle intérieurement, l'impression que tu vas exploser à tout moment. envie de voir personne. envie de croiser personne. tu sors de la fac, après ses messages. tellement énervé que tu éclates ton téléphone au sol. ta tête qui va guider tes pas jusqu'à ce bar. il est tôt, mais rien à foutre. boire pour oublier, c'est tout toi ça. et tu fais pas semblant. tu poses ton cul sur le tabouret, devant le bar. tu sais très bien que t'es pas ici pour faire semblant. tu commandes une bouteille, de la vodka, le sang russe qui remonte. un. deux. trois. quatre. tu enchaînes les shooters. tu vas mal finir, c'est certain, mais ça, tu n'as pas envie d'y penser. juste de te détruire la tête et penser à autre chose. mais penser à autre chose, c'est impossible.

J'ai fais un premier bar, puis un second, et un troisième, et j'ai réalisé que ça ne fonctionnerait pas si je frappe à toutes les portes, alors depuis ma voiture, j'ai appelé. J'ai demandé s'il y avait un homme, brun, assez grand, qui s'enfilait probablement des shots depuis un moment déjà. Beaucoup répondent à cette description, forcément, alors j'ai précisé vodka et accent russe, au final, en appelant, je n'utilisais que ces deux descriptifs, avant de confirmer avec le reste. Après beaucoup trop d'appel, j'ai le bar, la localisation, et je prends la voiture pour y aller. J'ai merdé, Alek. J'ai pas posé de questions, j'ai attaqué. Mon manque de confiance en moi a oublié tout le reste, et j'ai pensé que tu n'avais pas été honnête. J'ai été bête, je m'en suis rendue compte après tes réponses. Je me suis sentie nulle, vraiment nulle. Tu avais tes raisons, et j'aurais dû les demander. J'entre dans le bar, te voir au loin et avance, repoussant la bouteille vers derrière moi, retirant le verre de shot. "Alek.." j'attrape sa main, j'essaie ; "j'ai été bête.. viens on rentre." je te laisse pas là, surtout pas.

les mauvaises habitudes qui reviennent. des habitudes que tu avais laissé en arrivant ici, à boston. mais quand t'es comme ça, c'est difficile. tu redeviens rapidement le petit con de moscou. mais c'est peut-être l'alcool qui ne t'aide pas. surtout celui-ci. deux shots de plus, pour la forme, tu commences vraiment à te sentir partir dans un autre état. "... j'ai peut-être pas le droit de connaître la vie de couple." c'est marrant, mais après quelques verres, les barmans se transforment si vite en psy. tu parles avec lui, il doit sûrement faire mine de t'écouter. un shot de plus. et elle arrive. tu tournes la tête. aucun sourire. rien. encore moins quand elle écarte la bouteille. mais comment est-ce qu'elle t'as trouvé. "on ?" mais tu devrais éviter de trop parler, surtout dans cet état. et tu lâches sa main. "tu veux quoi ?" c'est un peu froid ça, alek. même le barman s'écarte, pour ne pas subir ça. heureusement que le bar est presque vide. "encore envie de me faire des reproches peut-être ?"

"on ?" il a toutes les raisons du monde de m'en vouloir, de lâcher ma main, de douter de ce 'on' que je lui offre. Je sais que j'ai parlé trop vite, me suis énervée trop vite, mais j'ai ce caractère, le sang chaud qui ne fait qu'un tour, la femme qui attaque avant même de comprendre réellement le problème. C'est pas la dernière fois que ça arrive, mais il est rare que je reconnaisse mes tords. Rare, alors profites d'aujourd'hui. "tu veux quoi ?" je soupire et tire sur son bras ; "qu'on rentre, lève toi." et je tire encore pour qu'il se lève et qu'on y aille. "encore envie de me faire des reproches peut-être ?" je soupire ; "mais non putain, j'veux qu'on aille chez toi ou chez moi, j'm'en fous, que tu désaoules, et que j'puisse m'excuser quand tu sera sobre et enclin à m'écouter." je le lâche, soupire et le regarde ; "tu viens alors ?" oui, j'ai merdé. Et oui, j'ai très peu de patience, aussi.

et maintenant, tu fais quoi ? t'es dans cette position, vraiment très délicate. inconfortable. tu sais très bien qu'il n'y a que deux solutions au problème. rester ici, laissant empirer les choses en continuant de de broyer du noir. ou alors, partir avec elle, écouter ce qu'elle veut te dire. tu sais très bien que normalement, tu ne te poserai même pas la question. pourtant, sur l'instant, tu hésites. "qu'on rentre..." et tu peux l'entendre, à sa voix, qu'elle insiste. qu'elle ne vas pas te laisser ici. mais surtout, qu'elle ne risque pas d'avoir la patience de jouer à ça. tu sors un billet de ta poche, que tu poses sur le bar. surement bien trop, mais peu importe, ce n'est pas important. "très bien..." en te levant, manquant presque de tomber, quand t'es sur tes pieds. "vraiment hâte d'entendre ce que tu vas dire." pas vraiment, mais tu veux pas faire de scène ici, c'est pas l'endroit. et en te dirigeant vers la porte, tu en profites pour enlever sa main ton bras et passer devant.

Il hésite, je le vois dans son regard. Je comprends, je l'ai mérité, en quelque sorte. "qu'on rentre..." Oui, qu'on rentre. J'attendrais même que tu sois moins saoul, probablement en révisant mes cours en attendant que ton niveau d'alcool retombe. "très bien..." il titube un peu et j'essaie de le rattraper, faisant un signe au barman que ça va. "vraiment hâte d'entendre ce que tu vas dire." ouais, moi aussi, mais j'ai surtout hâte que tu sois moins alcoolisé. Il lâche mon bras, ou me fait lâcher le sien plutôt, et prends les devants, avançant bien avant moi. Je l'ai mérité. J'accepte. Sauf qu'à un moment, je m'arrête et soupire, un léger sourire amusée aux lèvres ; "Alek ?" et je montre l'autre côté ; "Je me suis garée de ce côté." demi-tour moussaillon, tu t'es trompé d'endroit.

maintenant que t'es debout, tu peux le sentir. l'effet de l'alcool. bien plus qu'avant. l'impression que ton crâne va exploser à tout moment. cette difficulté à te déplacer, à marcher droit. la porte se ferme, tu ne regardes même pas derrière toi et avances sur le trottoir. jusqu'à entendre sa voix qui t'interpelle. "quoi ?" et la, t'as l'air con. mais heureusement, tu ne t'en rends même pas compte. "ouais d'accord..." tu fais demi-tour, prend appui sur le mur, pour éviter de tomber, pour te diriger vers la voiture, ouvrir la porte et t'installer dedans. tu tournes la tête, pour regarder vers l'extérieur, tout en restant silencieux. parce que vraiment, t'as pas envie de parler pour le moment.

Il ne veut pas de mon aide, très bien, pas d’aide. Je le laisse marcher tout seul, il se trompe, alors je lui montre la voiture. Je conduis dans le silence, lui lançant des regards de temps en temps sur le chemin. Je décide qu’on aille chez lui, parce que j’ai la voiture et que ce sera plus simple pour moi de rentrer ensuite, et qu’au moins, il se sentira sur un terrain qui lui appartient. Il va avoir besoin de repos avec tout ce qu’il a bu. On arrive jusqu'à son appartement, je me gare et on monte. Une fois dans l’appartement, non sans problème pour ouvrir la porte, je propose: "Tu veux un peu d’eau ?” quelque chose pour aider à rafraîchir la viande que tu es ; “Je commande un truc à manger ? T’as faim ?”  

la voiture et l'alcool, ça fait pas bon ménage. tu sens que ça tourne, à l'intérieur et c'est pas vraiment un plaisir. mais tu tiens bon, jusqu'à arriver devant chez toi. elle semble vouloir te suivre, tu sais très bien qu'elle ne va pas lâcher l'affaire. des difficultés pour arriver jusqu'à la porte, un long moment pour trouver la clé et pour ouvrir. mais tu es finalement à l'intérieur. instinctivement, c'est le canapé qui te fait de l'œil, tu tombes dedans, dans un position plus qu'approximative, loin d'être confortable. mais tu ne t'en rends même pas compte. "non j'veux rien." toujours aussi froid. toujours aussi con. "tu parles vraiment comme si tout allait bien..." peut-être que c'est sa façon de vouloir passer à autre chose. mais pour toi, dans ton état, ça ne passe pas. tu sens la fatigue qui monte, tes yeux qui cherchent à se fermer. c'est pas une mauvaise chose, vu ton état.

Il a toute les raisons d'être froid. Il a toutes les raisons du monde de m'en vouloir, d'avoir été boire. J'ai encore du mal avec cette dernière partie, parce que chez moi on s'engueule fort et on s'engueule à deux. Chez lui, on s'engueule fort puis on boit. Pourquoi pas. Du moment qu'il ne conduit pas derrière. "non j'veux rien." très bien. Je range mon téléphone, m'assois à l'autre bout du canapé. "tu parles vraiment comme si tout allait bien..." je secoue la tête ; "Je parle comme ta copine, qui attends que ton niveau d'alcool descende." parce que j'ai pas envie d'être coupé par un vomi, tu vois. Je soupire, me lève et vais jusqu'à sa chambre où je cherche une couverture pour lui. Il a pas de plaid. Pas étonnant, c'est encore neuf ici. Je prends la couverture de son lit et lui met dessus, et je vais chercher un saladier dans sa cuisine pour le poser pas très loin au cas où.