« J’ai étudié à Columbia. Crois-moi, si sortir dans les bars jusqu’à tard était un crime, ça fait belle lurette que les universités seraient dépeuplées. » Certes, il le précise, et elle devrait s’en trouver soulagée. Mais le Sidh n’est pas un bar ordinaire, il réinvente les façons de faire. Le Sidh cache bien trop de manières qui s’amalgament à la perfection aux Enfers.
L’amérindienne sait bien qu’elle se perd dans son récit. Ca ne fait de sens qu’à moitié et peut-être bien qu’elle fait mieux de s’arrêter. Qu’importe qui l’a fait, elle ne se sent pas prête à montrer un brin de faiblesse, et de se lancer dans une folie vengeresse. Et ce sentiment de soulagement lorsque refait son entrée le personnel soignant. Elle l’observe se relever et aller récupérer les deux gelées commandées. « Alors, dis-moi, tu préfères le goût ‘jaune’, ou le goût ‘rouge’ ? Ou encore… non, non, on ne devrait pas, mais… » Si elle n’a pas tilté lorsqu’il a parlé de ses années à Columbia, elle se laisse surprendre par le tutoiement, par ce semblant de rapprochement. Elle se doute bien que ce n’est pas volontaire, et possiblement le simple résultat du fait qu’elle ne veut pas que ses véritables proches soient là. « …on pourrait aussi les mélanger… » Elle craque un sourire au paraphe de ses dires. A cet air qu’il arbore, celui de la taquinerie, qui vaut ici et maintenant, pour elle, autant que de l’or. « Le rouge… » A peine soufflé. Et souligne, pour dédramatiser. « Je ne suis pas douée pour me mélanger. » Au sens propre comme au figuré. Une novice déjà trop abimée.

Et elle prend le pot entre ses doigts, réticente à l’idée de s’en mettre dans le gosier une cuillérée. « Hum- hum : c’est dé-li-cieux. J’vais devoir passer transmettre toute mon appréciation au chef. » Elle en hausse les sourcils, prenant cette réflexion pour une invitation. Et ramène le couvert jusque sa bouche pour l’accompagner. « Vraiment parfait. » Hyper sucré et qui colle au palais. Elle mâche avec difficulté, s’interrogeant sur le fait qu’elle se devrait d’être désolée de ce silence dans lequel elle peut s’enfermer. Alors lorsqu’il reprend, elle écoute comme une histoire que l’on peut lire aux enfants. « J’ai tellement d’histoires avec du Jell-O… je me souviens d’une fois, je devais avoir 10 ans, et je gardais ma plus grande sœur pour la première fois… » Elle boit ses mots, docile, et elle les imagine en un battement de cils. Elle parvient même à les voir, elle devient spectatrice de leur quasi-déboire. Jusqu’à réussir à transformer dans sa tête la gelée en une mélasse dégueulant de la table à manger. « Ca avait l’air plutôt sympa. » Elle mange, encore une fois, avec la gélatine, elle se bat. L’air dépité, bien qu’elle soit consciente que c’est dans l’optique de lui donner un coup de fouet. « Je n’ai pas de sœur, ni de frère, » elle est unique, et la prunelle des yeux de son père, « je crois que j’aurais apprécié. » Avoir un ou une alliée. Quelqu’un à qui confier ses malheurs, ses secrets. S’épancher sur ce cœur qu’elle a eu de brisé à la fin de l’été. Pleurer sur la balle qui l’a traversé. Sur cette peine qu’elle s’essaie à gérer. « Je ne suis qu’un dommage collatéral. » Minimiser sa personne pour ne pas avoir trop mal. Et pourtant, Dieu sait que la Haiwee, elle n’a pas d’égale.  

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Si elle n’avait pas été unique, possiblement qu’elle n’aurait pas eu autant de responsabilité, auprès de sa communauté. Peut-être qu’elle aurait eu moins mal à l’idée de partir et de ne pas se retourner. Elle ne serait pas obligée de rentrer. Il y aurait un frère ou une sœur pour la remplacer. Pour pallier la déception de l’enfant qui abandonne les idéaux de ses parents. « Oui, c’était sympa. Mais sur le coup, ça a vraiment été une catastrophe, cette histoire de Jell-O! » Elle n’en doute pas, et en sourit, encore une fois. « Ah! Si tu savais le nombre de fois où j’ai souhaité être un enfant unique! » C’est comme ça, depuis toujours, les personnes veulent toujours le contraire de ce qu’elles possèdent. L’éternel insatisfait. L’être humain dans toute sa complexité. « Pas besoin d’attendre que la petite sœur finisse de pleurer avant de sortir de la maison. Ou de toujours aller voir des films de princesses au cinéma. Je ne sais pas combien de fois j’ai été puni parce que ma plus jeune sœur me balançait pour des trucs que je n’avais jamais fait! » Ce sont des guerres qu’elle ne connaîtra jamais, elle pourrait s’en estimer chanceuse, seulement il y a, dans les yeux de William, une étincelle qui ne trompe pas. « Mais oui, au final, j’ai vraiment beaucoup de chance de les avoir dans ma vie. Même si ça m’a pris un certain temps les apprécier à leur juste valeur… » Une lueur justifiant ces mots-là. Ce qui compte, c’est qu’il le sait, à présent. Le temps nécessaire n’est pas important. Et dans sa bouche elle remet une cuillérée de gelée tandis qu’il reprend. « Je ne vais pas prétendre connaître votre situation. Les histoires familiales, c’est toujours compliqué. » C’est le moins qu’on puisse dire, c’est vrai. « Avec ou sans raisons. Ce dont je suis intimement convaincu par contre, c’est que la vie est un miracle. » Il parle comme un de ces oracles. Pour sur que les siens, ils l’aimeraient plutôt bien. « Jamais un dommage collatéral. » Pourtant, malgré le miracle, elle est bien ici, non, à l’hôpital ? « Les épreuves auxquelles nous faisons face ne sont que la contrepartie du destin qui nous attend. » Le destin… Le destin c’est tout ce qu’elle tente de tenir dans le creux de ses mains. Elle le pensait déjà bien écrit, dans les étoiles, l’univers, et puis… La vie. Boston. Ses amis. La balle. Ce lit. Le destin, il la punie. « Je ne suis pas certain que ma psychologie populaire à deux balles vous soit d’un grand secours… » Elle n’en sait rien, mais dans le fond, qui sait ? Elle a déjà pensé, non, qu’elle aimait sa façon de parler ? Que ça l’apaise, à dire vrai. « Si vous voulez, je peux vous envoyer quelqu’un de plus qualifié par contre. Apparemment, comprendre les méandres de l’esprit humain est une science. » Elle signera par la négative sa proposition, Haiwee, elle n’est pas douée pour faire la conversation. « Non, c’est bon, ne vous inquiétez. » elle souffle, trop polie.

Et le voilà, qui sonne le glas. La fin de l’aparté, en reposant le contenant de la gelée, sur la tablette immaculée. Claquant ses cuisses de ses paumes, elle se voit déjà esseulée de la présence de l’homme. « Allez, je crois avoir suffisamment abusé de votre hospitalité. Qu’est-ce que vous diriez si je vous laissais vous reposer, et que je repassais demain ? » A son tour elle dépose la chose qu’elle n’a, pour sa part, pas terminée, se disant que ce n’est pas grave, qu’elle va avoir le temps, de s’y habituer à ce goût n’étant pas réellement plaisant. En un automatisme, elle tente de lisser à l’aide de ses doigts, le pansement du cathéter implanté dans son autre main, avant de quémander, le ton mutin. « Vous le ferez vraiment ? » Car ce n’est pas grave, si ce n’est pas le cas. Si sa parole il ne la tient pas. Haiwee, elle pense même qu’elle ne lui en voudra. « Je comprends, c’est l’idée de partager encore une fois de la gelée. » Elle taquine, elle essaie. Persuadée qu’elle ne le reverra jamais. La Haiwee, elle est tout sauf rancunière, elle promet qu’elle ne fera pas de manière. « Vous n’êtes pas obligé. » qu’elle précise avant de réaliser, faible de sa crédulité, comme toujours, comme jamais. « Enfin peut-être que si… par rapport à votre métier. » Il y est justement obligé. Néanmoins, elle ignore le pourquoi, parce qu’il a été gentil, parce qu’il a compris, parce qu’il a parlé pour deux, et qu’elle en a eu le cœur moins malheureux, elle s’écoute, elle s’étonne d’articuler le mot « Merci. » d’être venu jusqu’ici. D’avoir pris le temps de mettre un pied dans sa vie.

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Elle n’a jamais aimé les aurevoirs, parce que dans le fond, ça sonne toujours comme un adieu. Et puis, lui, elle est persuadée qu’elle ne le reverra pas, qu’elle ne le connaîtra pas mieux. C’est comme ça, il y a des gens qui viennent dans une vie que pour un temps, et plus court que d’autres parfois. Ce n’est pas grave, elle ne lui en veut pas. Elle le dédouane même en lui disant qu’elle est compréhensive, qu’elle n’a pas le cœur rancunier. En tous les cas, pas assez. « Ce fut un plaisir, mademoiselle Wind River. Tâchez de bien vous reposer. » Elle hoche le visage, approuve en silence. De toutes les manières, dans ce lit, ce n’est pas comme si elle avait pour elle, d’autres possibilités.

D’une œillade, elle l’observe se diriger vers la sortie, pensant que c’est la dernière fois qu’elle le voit de sa vie, mais avant de disparaître, il prend le temps de se retourner, et lui dit ; « Oh, si jamais les enquêteurs du service de police de Boston débarquent après moi, n’ayez pas peur. Ils savent déjà, à propos du Sidh… » Accompagné d’un clin d’œil signe d’une complicité, alors que son sang ne fait qu’un tour et en vient à se glacer. Savoir pour le Sidh, signifie qu’ils vont chercher, et quoi qu’il ait pu faire, elle se refuse à mettre Dutch en danger. Parce qu’il est son phare dans la nuit, un pilier dans sa vie depuis qu’elle est ici. Elle ne veut pas qu’il ait des ennuis. Parce qu’il est comme un frère, plus qu’un ami, même si… Même s’il se pourrait que toute cette histoire soit à cause de lui.

Alors elle n’est pas calme, sa nuit. En plus des douleurs, elle est hantée. Elle revoit des flashs, elle s’entend crier. Elle a envie de s’enfuir, elle en a du mal à respirer. Et lorsqu’elle tourne dans un sens, elle a cette sensation que les points vont céder. Que tout ne tient qu’à un fil, qu’elle est cette funambule qui a oublié comment se trouve le bon équilibre. Entre les rêves et les cauchemars, elle vacille.

Mais le soleil a fini par se lever, chassant les images l’ayant attaqué une fois dans le noir complet, et elle s’est tout de même décidée à contacter ses amis pour les prévenir au sujet de son état de santé. Elle n’aime pas se plaindre, la Haiwee, alors elle a même tenté de minimiser. Bercée par le bruit de la machine à laquelle elle est branchée, n’entend pratiquement pas lorsqu’on frappe à sa porte, et se laisse surprendre par le visage qu’elle voit. « Mademoiselle Wind River ? Vous allez bien ? C’est Will Bennett. J’ai une surprise pour vous… » Alors ses paupières, elle va les fermer et les ouvrir plusieurs fois, comme pour s’assurer de ce qu’elle voit, tandis qu’il disparaît pour mieux revenir. Et face au chariot qu’il pousse à l’intérieur de la chambre, elle ose un « Mais… » d’incompréhension. A se demander presque le pourquoi du comment, la véritable raison. « Il va falloir que vous m’aidiez à trouver de la place pour tout ça! Mais avant… » Elle l’observe poser la peluche en forme de panda, la Haiwee en reste totalement sans voix. Et ses prunelles glissent finalement sur ce qu’il dépose sur la table destinée à recevoir les plateaux de nourritures aseptisés. « J’ai vachement progressé culinairement parlant depuis mes dix ans. Mes amis m’appellent maintenant le roi de la gelée, et ceci est mon chef d’œuvre! Du Jell-O frais du jour, à la lime, recouvert de crème fouetté et saupoudré de Lucky Charms. Si ça ça vous laisse indifférente, nous n’avons plus rien à nous dire… » Ce sont les coupes à présent qu’elle se permet de regarder. « Buone Appétite, » et là, juste là, alors qu’elle pensait qu’elle ne le ferait pas avant longtemps, elle se met à rire, sans même parvenir à le contrôler.

En quelques sursauts amusée, elle se calme, et parvient même à articuler. « Je vous ai inspiré autant de pitié ? » oui, elle avoue mettre volontairement de côté ce qu’il vient de prononcer. Elle désigne de ses doigts tout ce qu’il a pu apporter jusqu’ici, et elle n’ose pas lui dire que ça la touche, en profondeur, quelque part en plein cœur, qu’il ait fait ça. Alors elle attrape le récipient, même si elle n’a pas très faim pour le moment. « Il me semble que nous pouvons encore nous parler. » Pour le fait que ça ne la laisse pas indifférente, qu’il soit là, qu’il ait pris ce temps dans sa journée, alors qu’elle ne le mérite pas. « Merci, » qu’elle ose au moment où son index entre en contact avec la crème fouetté. Ramassant la chantilly avec ce dernier avant de l’apporter à ses lèvres et exagérer. « Délicieux. » Elle l’apprécie, ce jeu. Celui de ce semblant d’amitié, comme s’ils se connaissaient. Comme s’il n’était pas venu ici, de prime abord, afin d’enquêter. « Vous ne travaillez pas ? » Ou peut-être qu’il le fait, justement, en se trouvant là. Et elle se taira sur le fait que ça la peine de songer que cela pourrait être réellement le cas.

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Alors les voilà, tous les deux, dans cette chambre d’hôpital aseptisée, à manger de la gelée, et elle mentirait, la Haiwee, si elle devait préciser que ce moment n’a pas le don de l’étonner. « Je travaille toujours, mademoiselle Wind River. » Ah. Du coup, elle accepte, d’un hochement de tête. « C’est à la fois un choix et un grand privilège. » Elle en arque un sourcil, sans trop entendre le sens de ses mots. A la fois, elle les trouve tout de même beaux. « Je consacre ma vie à essayer d’aider et de protéger les gens. » Elle en mord sa lèvre inférieure de ses dents. « Contre l’avarice, la jalousie, la colère et la haine. » Défenseur des peines. « Eux ne s’arrêtent jamais. » Elle ne se perdra pas à le contredire, bien qu’elle aimerait que n’existe pas le pire. « Moi non plus. » Approbation encore une fois, c’est donc un tantinet pour le travail qu’il est là. « D’ailleurs, après vos études, vous risquez fort de vous retrouver dans une situation similaire. » Le semblable de leur caractère. « Pour une femme passionnée et engagée, il devient rapidement difficile de tracer une ligne nette entre vie personnelle et vie politique. » Et là, juste là, elle s’interroge pour connaître la place de cette ligne dans cette pièce. Est-elle véritablement nette ? Mais ça la soulage, et rend à cet aparté, sa légèreté. « Hmmm. C’est fameux ! La gloutonnerie, ce n’est absolument pas mon champ d’expertise par contre, alors si tu en reveux, fais comme chez toi. » Muette qui continue de manger, tandis que lui semble prendre place afin de rester. Elle ne sait qu’en penser. De toutes les façons, ce n’est pas comme si elle avait un autre évènement à vivre aujourd’hui.

La faiblesse d’un soupir, elle ne prend pas le temps de lui répondre, parce qu’elle a eu hier le loisir, de constater qu’il est plus doué qu’elle pour ce qui est de discourir. « Je me permets quand même de vous corriger : aucune pitié. Est-ce que t’es ici par pitié, PanPan ? » Et parce qu’elle aime la saveur de son aucune pitié, elle se met à sourire, volontiers. Secouant son visage par la négative et se permettant de répéter, d'un ton satisfait. « Aucune pitié. » alors c’est qu’il y a de l’envie, d’être avec elle, cachée. « Votre histoire touche beaucoup de gens, Haiwee. » Elle n’est pas certaine de ce qu’il avance, parce que d’être un grain de sable, elle en a conscience. « Ils veulent que vous sachiez qu’ils sont un peu avec vous dans cette épreuve. » Et sur les lignes de son visage, Haiwee, elle tente d’en lire le mensonge, le mirage. « Je n’ai pas conservé les noms, alors je ne peux malheureusement pas vous dire qui sont les plantes vertes. Ou qui vous a envoyé Dora. Mais une chose est certaine – ils sont très nombreux à avoir hâte de vous voir sortir d’ici. » Néanmoins, bien qu’elle veuille lui répondre, elle se laisse surprendre par le retrait de ses chaussures ainsi que son installation, et sa manière de poursuivre l’air détaché, enclin à la normalité. « Alors, comment allez-vous aujourd’hui ? Les gens du service de police n’ont pas été trop brusques ? » Ses iris, ils détaillent avec lenteur, glissent sur ses pieds, remontent sur ses jambes, l’expression carrément amusée. Elle met volontairement sa question de côté, aux oubliettes pour ne pas remuer un couteau dans sa plaie. « C’est moche, vous savez. » Elle prend une cuillère, aplanissant de sa langue la texture de la gelée contre la paroi de son palais, le défiant d’un regard de biais, les prunelles finalement, dans les siennes, fixées. « De me mentir. » Elle pourrait d’ailleurs feindre la tristesse de la fille éplorée, de celle qui vient de vivre un évènement compliqué. « Je sais que les personnes, elles se comptent sur les doigts d’une seule main. » Ou des deux, peut-être, mais rien de plus, car c’est déjà assez moins. « Cela dit, » encore une cuillérée de ce qu’il lui a apporté, elle tapote même ses lèvres du bout de son couvert, pour feindre une réflexion, « vous êtes ici, » très tôt, trop tôt ; « j’en déduis que vous êtes touché ? » Présomptueuse, de toute cette candeur qui lui manque parfois, elle ose faut de la fatigue et des médicaments qui sont brassés en son sang. « Touché, tout en travaillant. » Maligne, plaisantant. Et perdre cette simplicité en abdiquant, « J’étais un peu trop médicamentée. » Lorsqu’ils sont venus, à l’interroger, ils n’ont rien gagné, et elle, elle n’a pas plus perdu.  

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Ses iris sont posés sur lui, à le détailler, à noter dans son esprit tout ce qu’elle peut penser de lui. Elle ne voit pas de négatif, jusqu’ici, et alors qu’elle devrait peut-être apprendre à se méfier, surtout après ce qui lui est arrivé. A croire que la balle ne l’a pas totalement changée. A avoir foi indéniablement, en l’humanité. « On dirait que vous lisez en moi comme dans un livre ouvert, mademoiselle Wind River. » Elle est plutôt contente de constater qu’elle n’a pas tout à fait perdu ses facultés à ressentir les personnes à ses côtés. « Touché tout en travaillant, mais sans aucune pitié. » Elle l’apprécie, ce résumé, si bien qu’au sourire de son accompagnant, elle répond du sien, « Pour un peu, j’en remercierais presque le tireur de m’avoir permis de faire votre connaissance. » prête à lui préciser qu’elle aussi, elle l’aime bien. Et mâchant la texture de la gelée qu’elle n’a toujours pas terminé, elle rigole la bouche pleine, tapotant ses lèvres du bout de la cuillère avant de formuler ; « On ne va peut-être pas abuser. » Car elle aime à penser que le destin les aurait réunis dans tous les cas, même si c’était écrit, cette rencontre au goût d’inédit.

Puis il se redresse, attrape le pot de la plante entre ses doigts, explique ses mouvements à l’aide de sa voix. « Maintenant que vous savez que tout cela vient de moi, vous n’avez malheureusement plus le choix de les adorer. Politesse oblige. » Elle opine, un tantinet, amusée, avant de lui désigner une commode à l’opposé, où se trouve les vestiges de temps pas si anciens que cela, un téléphone fixe raccordé au mur, qu’elle n’a jamais utilisé. « Par contre, je crois que vous sous-estimez vraiment l’impact de votre situation. » il reprend après avoir posé le pot, « Votre histoire commence déjà à circuler dans certains médias et à être reprise par différentes communautés autochtones. » Instinctivement, elle l’observe durement, partagée entre deux émotions contraires, « Vous devenez tranquillement un symbole de plus des tensions qui habitent l’Amérique depuis ses commencements… » Celle d’être effrayée, à l’idée qu’on lui demande de rentrer, mais aussi inspirée de penser que son histoire pourrait aider. « Vous saviez que le FBI ne tient pas les comptes sur les disparitions et agressions sur les femmes amérindiennes ? » elle lui demande, presque malgré elle. L’information enfant, elle l’ignorait, à présent c’est différent, bien que les injustices, elle n’est pas du genre à les hurler. Elle préfère se dire que si elle réussit, elle aidera à les réparer. « Vous allez vous en soucier, un temps. » Et il oubliera, comme le reste du monde. Et pour ce qui est de son cas, étant donné que cela touche quelqu’un qui compte pour elle, elle ne lui en voudra pas. Aimerait même qu’il ait déjà omit cette balle-là. « Je ne vous ai pas demandé, mais attendez-vous de la visite aujourd’hui ? » elle sort des méandres de son propre esprit, « N’hésitez pas à me dire quand vous aimeriez que je vous laisse. » Elle esquisse un sourire bienveillante accompagnée de délicatesse, « J’ai déjà noté dans mon rapport que vous étiez un peu trop médicamentée pour contribuer significativement à l’avancement du cas pour aujourd’hui. » Ose souffler face à cet aveu, « C’est gentil. » de faire ça pour elle, de lui donner cette sensation que l’on attend de sa part rien de trop réel. Alors elle fait mine de réfléchir, une fois encore, sa lèvre inférieure, elle la mord. Grimace de moitié, son faciès chiffonné. « Vous savez ce qu’on va faire ? » Parce que oui, elle attend de la visite, aujourd’hui, seulement elle n’a pas encore l’envie de se passer de lui, « On va terminer notre gelée, » Faussement autoritaire, la Haiwee, « et savourer le silence. » De l’un de l’autre la présence. Parce que c’est comme ça que l’on sait que deux personnes peuvent s’apprécier. Quand on peut se taire tout à fait, et apprécier la tranquillité. « Après, je te libèrerai. » Une Colombe qui se donne le rôle d’ouvrir la porte aux oiseaux, d’aspirer à voir l’univers devenir plus beau.


HJ; Ce coup ci tu peux clôturer, je pense

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