Ce n'était pas volontaire, encore moins fait pour attirer l'attention; j'étais certain, il y a encore une minute, que de pauvres bêtes étaient piégées là-dessous. J'y aurais mis ma main au feu, c'est dire à quel point j'croyais en cette réalité. Trompé par un imaginaire en quête d'évasion, d'une tâche supplémentaire. Au point d'passer pour le mec un peu trop dérangé. Dans mon malheur, j'crois quand même avoir une certaine chance. Sans toi, j'me serais perdu en bas. Sans toi, j'aurais sûrement pas réalisé tout ça; qu'cette histoire, relève seulement du cinéma. Alors, j'prends une seconde pour t'expliquer. La vérité, c'que je refuse d'admettre; ce qui me saute aux yeux aujourd'hui. Ma fuite, d'ma propre vie. Un appartement, que j'trouve juste oppressant. Une absence, du genre à vous hanter l'esprit; à vous rendre malade et à vous clouer au lit. C'est compliqué, sans Tanwen. Et tu comprends. Presque. Je m'en contenterais, pour l'moment. C'est déjà pas mal que tu écoutes, vois-tu.

L'épistaxis est maîtrisé, mais j'ai encore l'mouchoir plaqué sur le nez. Notre rencontre est plutôt atypique, et j'commence seulement à percuter; à quel point tout cela doit t'sembler étrange. J'avais probablement l'air déphasé, et c'est sûrement l'adjectif qui me correspondait l'mieux, à ton arrivée. J'attends la fin de ta phrase, déjà prêt à rajouter - descendre ? Non. - puisque j'ai bien compris, qu'en dessous, il n'y a rien pour nous. Pas l'moindre canard. Peut-être des rats, mais surtout des eaux usées. Rien d'glamour, rien qui ne fasse rêver. Alors, lorsque tu prononces le mot "café", qu'tu en reviens à ma proposition, j'en relève un air surpris. J'ai ce sourire, j'avoue, mince mais suffisamment dessiné, pour qu'tu le remarques. Et quelque part, j'imagine aussi, que j'en retrouve un certain éclat; une volonté, comme un second souffle. " Ce serait un plaisir.. Taylor. " j'me suis calmé, j'essaie aussi de te prouver, que mon esprit est revenu, ici, dans notre réalité. A ma manière, j'espère que tu comprends, que ton geste me touche. Parce que j'ai conscience, que l'être humain moyen, aurait sûrement pris la fuite depuis un moment. Alors, ma main agrippe l'rebord de la plaque, et la repousse dans son emplacement. Que personne n'y tombe par mégarde, et surtout pas moi. Surtout pas nous. Je me relève péniblement, et j'en viens à tendre une main dans ta direction. " Puis-je vous inviter ? Pour m'excuser, dans un premier temps. " ça fait bien longtemps, que les gestes de c'genre ont disparu d'mon quotidien. Pourtant, me voilà. Debout, bien que blessé, comme dit l'poème. Tu m'as offert un répit, et j'suis pas prêt d'oublier.  

C'est, quand même, un jour de chance pour moi. Qu'une personne se soit arrêtée, rien qu'ça. Qu'on n'me prenne pas totalement pour dingue, après une histoire de canards, qui n'existent pas. J'étais, il y a encore une minute, totalement désorienté; dans un flou quasi-complet, à m'demander comment j'avais fait pour tomber aussi bas. Vois-tu, la véritable déchéance ne s'opère pas en un jour; c'est le fruit de longues semaines de souffrances. Ce soir, j'en avais, sans conteste, réellement marre. D'être pris pour l'roi des cons par ce type, ce meurtrier; piste que j'remonte tout en ayant l'impression, d'être toujours plus distancé. On m'a pris c'que j'avais de plus cher; l'amour, et pour pallier à cette colère, j'dois me venger.

Mais j'accepte, pour aujourd'hui, une trève; un instant de paix. Un calme avant la tempête. Elle gronde déjà, à mes oreilles, dans le myocarde; véritable poison capable de corrompre un homme. Ton sourire vient battre cette volonté; faire oublier, l'temps d'un instant, qu'une plus sombre idée teinte mon tableau, du pompier parfait. Alors j'avoue, que j'comprends ta méfiance, l'idée que j'puisse être un psychopathe déguisé; après tout, qu'est-ce qui différencie réellement l'vengeur de l'assassin ? T'as raison, Taylor, de n'pas faire confiance; l'humain est un enfoiré qui cache bien son jeu. Une seconde durant, j'ai l'impression d'te faire réellement peur; ce qui, au regard du contexte, reste totalement compréhensible. Mais non, je n'mords pas; ma main tendue n'attend rien d'plus qu'une simple poignée, une légère assistance pour te relever. " De cette entrée en matière, pour le moins.. Chaotique. " et j'en relâche un sourire, presque amusé. C'est un poil ironique, que de t'offrir un café, après cette histoire, clairement dérangée. " Mmh.. " j'en reste songeur, à chercher l'intérêt d'suivre un inconnu au café, plutôt que d'rentrer auprès de ton aimé. Dans l'cas inverse, jamais je n'aurais hésité. T'as pas idée de c'que je pourrais donner, pour la revoir, Elle. J'en porte, finalement, ma main à ma ceinture, trousseau d'clefs apparent, que je détache et porte en évidence, devant ton regard. " Proposez lui d'venir. Ou.. Prenez l'volant. " preuve de ma bonne volonté; preuve que, surtout, je n'souhaite pas t'effrayer. Deux options, pour te laisser l'avantage, sur la prochaine situation. " C'est vous qui décidez, Taylor. Restez l'maître de votre destin. " petite référence à Invictus, mon goût prononcé pour la poésie. Trousseau que j'pose directement entre tes mains, t'adressant un sourire sincère au passage, me dirigeant ensuite vers la voiture. Proposition plutôt honnête, à c'qu'il me semble.

Faut avouer qu'tu dois être un peu dérangée, toi aussi, pour t'arrêter auprès d'un type qui entend des drôles de bruits. Ou alors, t'es simplement plus humaine, qu'la moyenne syndicale sur la planète. J'sais pas encore, mais j'opte quand même pour la deuxième option. C'est c'que tu dégages, et c'est probablement aussi pour ça, que j'reste persuadé d'avoir d'la chance, dans mon malheur. Sur des milliards d'êtres humains, fallait qu'ce soit toi. Non, cette fois, j'veux pas croire au simple hasard. " On en revient à c'que je disais.. C'est un plaisir. " quand bien même c'est chaotique, décalé, foutrement désordonné. J'apprécie l'changement, j'apprécie surtout la spontanéité de l'instant. C'est agréable, surtout quand tu parles comme ça. J'me sens presque normal, redevenu homme sous ton regard.

Cela dit, j'comprends l'inquiétude, ce sentiment d'incertitude, à l'idée d'suivre un inconnu jusqu'au café. J'imagine qu'à ta place, en échangeant les rôles, j'aurais peut-être fait la même. Sortir la carte du conjoint, la personne qui attend sagement l'retour de l'autre; celle qui devrait s'inquiéter si tu venais à n'pas rentrer. Ne t'inquiètes pas Taylor, j'ai pas l'intention de t'kidnapper. S'il est vrai qu'j'ai parfois des drôles d'idées; enlever une femme n'en fait pas partie. Surtout pas la belle venue m'sauver. T'as pas l'air vraiment à l'aise, qu'ce soit avec ton histoire de copain, ou avec les clefs d'voiture dans la main. Au point de m'arrêter, d'me forcer à les reprendre. Merde, pour une personne méfiante; surprenant. " Alors marchons. " dis-je, étirant un autre sourire. J'en oublie presque le reste; les responsabilités, ma tenue d'pompier. Honnêtement, j'me fiche de tout, j'ai juste envie d'profiter du moment. Vivre simplement. T'es de bonne compagnie Taylor, même si on fait pas grand chose, à première vue. " Prenez ça, ce n'est pas mon cas. " je parle évidemment, du froid. " Toute protestation est et restera inutile. J'suis borné. " j'préfère préciser, avant d'enlever ma polaire floquée des insignes du métier; ouvrant ces pans pour mieux couvrir tes épaules. C'est pas grand chose, mais ça vaut mieux qu'des discours inutiles. " J'ai toujours un couteau sur moi.. Vous voulez le récupérer ? " c'est un truc de pompier, une habitude des feux d'forêts; mon outil pour manger. " Juste.. Au cas où ? " pour reprendre tes mots, voilà tout. J'en tapote l'étui, accroché à ma ceinture; j'préfère être complètement honnête, pour éviter les mauvaises surprises.  

C'est complexe, sans doute, d'opter pour la confiance, avec un inconnu chelou. Moi l'premier, j'irais pas fermer les yeux avec un type qui, deux minutes plus tôt, envisageait d'plonger dans les égouts. Jamais je n'voudrais te faire de mal, ni même tenter quoi qu'ce soit à ton égard. Seulement, dans un monde aussi bancal, ma parole d'homme, clairement, elle vaut que dalle. J'imagine qu'à notre façon, on tente de croire l'autre. Tu vois, j'mise tout sur l'honnêteté, j'suis prêt à te donner l'ensemble d'mes gadgets, pour garantir ton unique sécurité. Je sais pas pourquoi j'prends ça à coeur, pourquoi ta confiance m'semble plus importante qu'le reste; peut-être parce que justement, toi, au contraire d'un millier d'autres, t'es venue. Jusqu'à moi. Ma veste sur tes épaules, ce n'est qu'une façon déguisée, d'en venir à te remercier. C'est un p'tit geste, pratiquement anodin, rien qui n'vaille la peine d'en faire une histoire. Pour autant, j'ai cet étrange sentiment, celui qui m'dit de faire attention; que chaque manoeuvre compte, même lorsque la portée finale, à mes yeux semble dérisoire. " C'est juste. " ai-je approuvé, conscient qu'il ne s'agit la, que d'une forme de vérité. " Placer l'espoir pour l'humanité, en un type qui voulait descendre dans les égouts.. Mmh.. Certaine de votre choix ? " j'avoue, je m'en amuse; au fond, j'trouve ça surtout ironique. Faudrait être désespéré, pour m'confier les rênes d'une civilisation; pour croire qu'en moi, la bonté humaine peut s'incarner.

Honnêtement, on aurait pu s'perdre en marchant, que j'aurais rien remarqué; mais on arrive à l'entrée, d'un restaurant que j'croyais disparu, depuis l'temps. Un géant d'la restauration, au même titre que Starbucks. Et j'crois que pour un café, ce sera suffisant; d'autant qu'il s'agit, parait-t-il, d'une de leurs spécialités. Tu l'as dit Taylor, on fera pas mieux pour une fin d'journée. " Après vous. " et j'ouvre la porte, t'invitant à passer, à retrouver la chaleur d'un espace intérieur. J'sais pas s'il est simplement trop tôt, ou juste trop tard, mais l'espace est quasiment vide. Une table, à proximité de la surface vitrée; qu'on puisse voir le monde, le temps, devant nos yeux défiler. " Est-ce que ça vous dirait, qu'on reparte de zéro ? Qu'on oublie la partie.. Incensée ? " qu'on fasse comme si on venait tout juste de se rencontrer; ici, en plein café. " Je n'tiens pas vraiment à être surnommé "le type des égouts", c'est pour ça. " j'aimerais qu'tu retiennes autre chose, de moi. Bon, j'avoue que sur ce coup, mon humour décline fortement; j'suis à la rue, pour à peu près tout, et j'peux pas faire autrement. J'en esquisse, tout d'même, un mince sourire; mes proches pourraient te l'dire, s'ils nous voyaient, j'suis un peu particulier, mais j'ai bon fond. A c'qu'il parait.   

J'vais prendre ça comme un oui, cette invitation à m'asseoir, à te laisser gérer; après tout, il ne s'agit que d'un café. Personnellement, dans mon monde, ça pourrait être une vulgaire lavasse diluée, que je l'accepterai sans même rechigner. Du coup, ça m'va, j'te fais confiance sur ce coup; après tout, pourquoi pas ? Un brin de légèreté, dans cette journée trop longue, épuisante, je n'vais pas refuser. Mais tu sais Taylor, t'as pas b'soin de jouer à c'jeu, à faire comme si on était proches; j'suis pas dupe, certainement pas né d'la dernière pluie, et j'sais que t'as aucune raison d'être ne serait-ce que sympathique avec moi. Le monde ne fonctionne pas ainsi, j'ai assez d'recul pour en être conscient. Je cherche pas la pitié, ni le sourire, ni la bonté; ni quoi qu'ce soit en fait. J'fais simplement mon truc, de mon côté; comme je l'entends, l'authenticité, c'est ma valeur de coeur.

Installé à la table, j'refais la journée dans ma tête; j'ai le don, sans doute, pour chercher la p'tite bête, à m'demander ce qui ne tourne pas rond dans ma vie. J'en ai simplement marre, d'être la cible d'un tocard ridicule; d'être sur le qui-vive, en sachant qu'un autre accident s'prépare, et que j'ai aucun contrôle là-dessus, pour empêcher l'inévitable. Perdu quelque part, entre songes et pensées trop profondes, j'reviens rapidement dans l'monde des vivants, lorsque tu m'rejoins pour un face à face particulier. " Caramel, sans doute. Merci. " j'suis une brute, je n'aurais peut-être capté la différence qu'après l'avoir vidé. Sourcil relevé, tu m'sors de ces noms de patisserie; appelle donc ça des donuts, tout simplement. Mr happy. J'avoue, j'trouve ça.. Drôle ? Ironique ? J'sais pas si c'est le nom en lui-même, ou le smiley dessiné en surface, mais j'en pousse un soupir, amusé. Celle la, je m'en souviendrais. " T'es fière de toi, j'imagine ? " t'as gagné, j'ai eu le smile aux lèvres; le véritable, pas un faux semblant pour t'faire plaisir. J'trouve ça - honnêtement - très con, mais plutôt bien trouvé. " Pas mal. " parce qu'il m'en faut beaucoup, pour que j'abaisse les frontières de l'égo. Parce que j'veux pas montrer que tu m'as piqué, sincèrement. J'espère qu'tu le verras, que tu sauras comprendre, même si réussir à lire entre mes lignes, c'est pas forcément gagné. " Tu as toute mon attention, et ça arrive pas souvent. Je t'en prie, dis moi tout. " parce qu'on est plus à ça près, pas vrai ? Après c'qu'on vient de vivre, de partager; après les aventures d'mon passé, j'suis libre de croire que rien n'saurait être trop bizarre.