Prendre la décision d’effacer le profil d’une vie qui ne ressemble plus à la mienne. Balayer les anciennes déclarations d’un Gresham à présent futur papa. Eradiquer les souvenirs postés, traduits en quelques photos de cette relation qui m’a mise à mal des le départ. A me fourvoyer, à croire que ce n’était pas si mal. Et à être si peu habituée à l’amour jusqu’à trouver l’absence normale. Alors aujourd’hui, j’ai décidé qu’il était temps d’avancer. Que j’en avais ras le bol, de pleurer. Qu’il était temps pour moi d’apprécier à nouveau la liberté. Enfin, presque liberté. Car de mon doigt je retire ce qui peut me lier à celui chez qui j’ai emménagé. Et je m’en veux, peut-être un peu. Mais la chasteté ne fait pas partie des règles de notre jeu.

Alors la première invitation, je l’ai acceptée. Ayant, tout de même, apprécié ce que j’ai pu apercevoir de lui sur l’application. Et le monde aura certainement le droit de penser que j’ai perdu la raison. Et puisque c’est au goût de la soirée, j’utilise, pour me trouver un chauffeur, une application. N’ayant toujours pas racheté de voiture, et ne me voyant absolument pas emprunter la Mercedes cette fois. Par acquis de conscience, je laisse à Trent un mot, précisant que je rentrerai tard, ou peut-être pas. Et à cette pensée, j’envoie d’ailleurs un message à Mila. Je lui refile l’adresse qu’il m’a lui-même donné, au cas où, pour qu’elle parte à ma recherche demain, car on n’est jamais à l’abris de rien.

Et je m’engouffre finalement dans le taxi, lui donne l’adresse que lui-même m’a donné, pour me laisser conduire l’esprit perdu dans mes pensées. Trop sérieuse, à toujours vouloir contrôler, à pleurer celui qui l’a laissée, à n’être que l’ombre d’elle-même depuis environ huit mois. Et me concentre sur le fait de lâcher prise, d’être femme avant tout autre chose, d’être moi. Quand le véhicule ralentit et que je n’hésite pas. J’en ai envie, je ne le nierai pas. Mes talons me portant jusqu’à la hauteur de son immeuble, j’appuie sur le bouton de l’interphone, déterminée, quand une voix me répond, j’en reste étonnée par le ton. « Bonsoir, vous désirez ? » Bon sang… Je crois que jusque-là, je n’avais pas réalisé où je suis tombée. « Ici Taylor Foster, » à la limite de bégayer, « je viens pour voir, » nom de famille manquant, je me heurte au ridicule l’espace d’un instant, « Lao ? » je suis rouillée, vraiment. « Bien sur, monsieur m’a annoncé attendre une invitée. Dernier étage, s'il vous plaît. » Mhm, parfait ? Quand la porte en clic est déverrouillée. Quelques secondes et me voilà dans l’ascenseur, grimpe jusqu’au dernier. Et quand les battants s’ouvrent face à son entrée, je me permets, un énième message afin d’amorcer, le début de la soirée.     

Quelques secondes seulement, le temps pour moi d’observer le couloir de l’étage, à rester sur le pallier, attendre qu’il vienne m’ouvrir pour obtenir ce que, cette nuit, je suis venue chercher, et ce en toute impunité. Le temps aussi d’envoyer à mon amie, par message, quelques autres conneries. Qui m’arrachent plusieurs sourire, car Mila possède le don d’envisager, toujours le pire. De croire qu’en moi, il n’y a plus rien qui va, depuis que dans l’équation, il n’y a plus de Joshua. Alors que je me sens plus vivante que jamais, ici, là.

Jusqu’à ce que la porte s’ouvre et que par automatisme, je range rapidement mon téléphone. Surprise par le spectacle qui s’offre à mes yeux, lui en une tenue que je ne saurais qualifier, traditionnelle je peux au moins le relever, accompagné par un homme que je ne saurai ager, nos regards viennent finalement à se croiser, c’est plus que moi qu’il est perturbé. Réfléchissant sur le fait que je me suis pourtant annoncé, et qu’il avait précisé que je pouvais arriver à l’heure qui me convenait. Pour le coup, l’adrénaline ressentie à l’idée de le rencontrer, de passer avec lui la nuit est retombée, afin de laisser apparaître sur mon visage quelques stries de contrariété.

Et leurs gestes ne me choquent pas, car il en est de même en Inde, chez moi. Respect démontré alors que parle le plus âgé. « Demain. Encore. » Et s’éloigne après ça. J’en mords ma lèvre, accusant l’impression d’être plongée dans un décor où je serai Geisha, sauf que je suis consentante et qu’il ne me paie pas. J’en sors de mes pensées quant une fois son aîné partie, il m’invite d’un ; « Rentre. J't'en prie. » Oui, mais voilà, je suis légèrement refroidie. Je m’interroge même pour savoir ce que je fiche ici. Mais portée par la force de la curiosité, de l’envie j’hoche le visage, cependant, pour approuver, avant de faire quelques pas dans son entrée. Je ne m’avance pas réellement, j’attends, peut-être ridiculement, qu’il prenne les devants, pour l’instant, puisqu’on est chez lui, et que je n’aimerai pas qu’un inconnu fasse une intrusion dans ma vie. Qu’il impose ses règles, pour que je lui partage les miennes. Tension latente avant que ne boue le sang dans nos veines. « Je tombe mal ? » je l’interroge, le ton à la limite du moqueur. « Tu as dit qu’importe l’heure. » Et parce que je le devine sortant de ce qui semblait être un entraînement, je demande, tout simplement, « Tu veux peut-être du temps ? » Pour faire je-ne-sais-quoi, avant de passer au fameux dessert, qui semble, en face à face, toujours aussi attrayant.      

Au creux de ma poitrine, mon rythme cardiaque s’est accéléré, je ne peux en douter. Faute de la tension croissante, de l’appréhension violente. De cette entrevue en un terrain inconnu. D’un jeu approuvé par nous deux durant les messages échangés. Et ses mains qui se posent sur moi pour retirer ma veste, et l’assurance dans ses gestes, j’en craque un souffle amusé parce que déjà charmée. J’aime les hommes qui savent ce qu’ils font, qui ne passent pas par quatre chemins, qui apposent leurs marques à la force de leurs mains. Téméraires comme prévenants, l’amalgame pour le parfait amant.  « Dessert uniquement, » il commente et m’arrache un sourire, quand d’un effleurement sur le jais de mes cheveux, il termine par apposer sa poigne en amont, en un mouvement peu vertueux. « Cinq minutes alors. Mais fais comme chez toi. » Arquant un sourcil tout en me demandant à combien de femmes il a pu la sortir, celle-là. « Rafraichis-toi si tu veux. » Ce que je veux … Alors qu’il disparaît, les mots tournent en boucle dans ma tête, à l’image d’une mélodie que l’on déteste. Et si mes yeux ont cet élan curieux lorsque je m’avance dans son appartement, regrettant presque de ne pas pouvoir le détailler vraiment, puisqu’il est clair que nos mondes sont totalement différents, que tout me semble intéressant … J’avance en prenant, je l’espère, exactement le chemin qu’il a emprunté, à la mesure de mes pas, délaisse une chaussure, et puis l’autre, ne réfléchissant plus, ou simplement pas.

Ce que je veux. Je veux qu’on arrête de croire que je suis parfaite. Je veux qu’on me lâche, qu’on ne me juge pas, que personne ne vienne me contredire au sujet de mes choix. Être égoïste et ne pas le regretter. Faire ce dont j’ai envie parce que je l’ai décidé. Arrêter de me caler sur le modèle de celle que j’ai cru pouvoir devenir durant ces sept mois. Taylor éplorée à attendre bien gentiment son Joshua. Et j’en retire petit à petit mon chemisier, défais les boutons à l’aide de mes doigts. Le laisse traîner sur le sol, détonnant dans le décor, alors qu’il doit être maniaque, je n’en démords.
Et parce que je ne sais pas quelle porte ou couloir il a emprunté, je marque un arrêt, tandis que mes phalanges s’enorgueillissent de la fermeture de ma jupe, je ferme les paupières afin d’écouter si l’un de ses mouvements je pourrais entendre afin de le localiser. C’est le jet d’eau qui me parvient, me provoque un rire succinct, l’envisage et le devine nu dans la salle de bain, image qui a le don de décupler mes envies et le projet que j’avais en tête. Parcours les derniers mètres jusqu’à ouvrir la porte restée entrouverte. Et puisque j’ai laissé le cuir de mon vêtement dans le corridor, je m’avance jusqu’à l’ouverture de sa douche, en mords fermement ma bouche, je m’offre à sa vision en dessous dentelés noirs. « Si je veux… » je prononce pleine de fausse innocence, mes doigts traînants sur mes hanches, les glissant sous le tissu, et pour le retirer me fais violence. Bien que de le constater dans le plus simple apparat, l’eau ruisselant sur sa peau renforce sa prestance, multiplie mes appétences. « Je veux. » Je veux que tu effaces ses caresses à l’ardeur de tes mains, que tu gommes ses baisers, à la force des tiens. Je veux que tu viennes revendiquer une place dans le creux de mes reins, et que tu ne me promettes rien au sujet de demain.