C'est assez. Il n'y tient plus. Elle n'est pas venue le voir, pas d'appel, pas de sms. Rien. Il voudrait passer outre, continuer comme avant, à ne rien ressentir. Mais c'est l'appel du cœur esseulé et endeuillé qui le pousse à enfiler sa veste, ses chaussures. Vingt-et-une heure passée, son chauffeur qui vient le chercher. Il lance l'adresse, lui demande d'abord de faire un détour. Et c'est armé de sushis et d'umeshu. Parce que cette fois, elle ne pourra pas lui filer entre les doigts. Il sent encore son parfum. Il est imprégné partout dans son appartement, sur son canapé. La semaine passée en Chine n'a rien changé et l'affection qu'il lui porte est encore présente. Il n'a pas pu réellement lui donner de nouvelles. Trop de travail, trop de sorties. Les amis de Chine qu'il ne voit pas souvent et avec qui il a envie et besoin de se retrouver. La berline se gare au pied de l'immeuble. « Ne m'attendez pas. Je vous appelle si j'ai besoin. » Quitte le véhicule, sachet dans une main, cadeau dans l'autre. Il grimpe les escaliers puis vient toquer à la porte, déterminé à ne pas la laisser le repousser. Il sait bien pourquoi c'est tendu, froid entre eux. Elle ne peut pas comprendre et il ne sait pas comment lui expliquer. Et quand elle ouvre, son cœur fond dans sa poitrine. Et se rend compte qu'elle lui a manqué. « J'ai amené des sushis et de l'umeshu... » Lève le sachet pour lui montrer. Aucun refus n'est toléré ni accepté.

elle s'est fait violence pour ne pas attraper ses clés en dernière minute et prendre le premier uber en direction de l'aéroport de boston. encore hantée par sa présence et par le vide qu'il aura laissé toute la semaine. sunhi était venue passer la nuit de mercredi à jeudi dans son appartement, rompant ainsi cette obsession qu'elle avait envers seongho... pour une courte durée. poupée troublée par le moindre message, plus encore par le moindre silence, à réaliser qu'il faut qu'elle cesse de trop en attendre d'un homme qui, au fond, n'attend rien d'elle. au contraire, c'est elle qui en attend trop, elle qui voulait demeurer détachée. sa présence. son aide. son affection. et plus encore. c'est sous une douche froide que la gamine a tenté de se changer les idées, d'ignorer son téléphone, volontairement abandonné dans sa chambre au cas où il tenterait de la convaincre de passer chez lui. parce qu'elle ne sait pas combien de temps elle saurait tenir avant de dire oui. en survêtement et débardeur, une serviette tenue contre ses longueurs brunes pour les sécher, des coups à la porte la tirent de sa rêverie, intriguée. elle n'attendait personne, ren. encore moins lui. la serviette qui s'immobilise contre le crâne lorsque c'est la silhouette de seongho, armé de sacs, qui se dessine. ❝ tu.. n'aurais pas dû. — et pourtant l'attitude indique le contraire, quand la porte s'ouvre un peu plus, suffisamment pour le faire passer. les yeux baissés quand elle bafouille : ❝ le voyage et le décalage horaire ont du t'épuiser, sans parler de ta semaine. — pourquoi t'es là, seongho, au lieu de te reposer ? pourquoi t'es là, à la troubler, à lui faire réaliser combien tu as pu lui manquer cette semaine sans pouvoir être à tes côtés ?

Les secondes s'égrainent, à attendre qu'elle dévoile enfin son jolie minois. La porte qui reste close durant des minutes. Selon lui. Quand en fait elle n'a mis que quelques secondes à lui ouvrir. Des secondes de trop à creuser l'écart entre eux. Il l'observe, la dévore presque du regard. La voir dans son état le plus naturel, encore plus divine les cheveux humides. Peut être qu'il n'aurait pas dû. Pas dû la prendre comme escort pour commencer. Et pourtant, il est là, avec ses regrets, ses remords et son envie de ne pas la quitter. « Peut être... » Qu'il souffle alors qu'il entre. Se déchausse puis s'avance lentement dans le salon. Ses yeux observent, furètent dans cet appartement bien trop grand pour elle seule, bien trop petit pour elle et sa sœur. Selon lui, encore. Il pose le sac sur la table basse, défait sa veste alors qu'il repose les yeux sur Yiren. « J'ai un mois entier à rien faire. J'avais pas envie d'attendre que tu te décides à me contacter ou venir me voir. » Glisse les mains dans son pantalon, garçon toujours bien habillé dès qu'il sort alors que le jogging est son vêtement préféré une fois chez lui. Il remue les épaules, remet sûrement sa chemise en place. Il semble un brin contrarié mais si heureux de l'avoir en face de lui. Ce n'est qu'à elle qu'il a pensé durant cette longue semaine. « Pourquoi tu n'es pas venu à l'aéroport... ? » Cœur solitaire qui réclame si fort la compagnie. Sa compagnie.

il passe la porte, et elle se fait violence pour ne pas l'intercepter. le prendre dans ses bras. lui dire que cette semaine était trop longue, bien trop longue, surtout avec la note sur laquelle ils se sont laissés ce soir là. au lieu de quoi elle le suit comme une ombre. s'évade jusque la salle de bain pour y jeter la serviette, qui tombe mollement dans la baignoire. tant pis. elle revient dans sa direction, mains dans les poches. lui si élégant quand elle n'a fait aucun effort. le jour et la nuit. ❝ y.. avait pas d'urgence. — qu'elle souffle le nez baissé, avant de s'assoir sur l'accoudoir de son canapé, bras croisés. elle redoutait la question. pourtant elle garde une expression neutre. préfère baisser les yeux sur le sachet de nourriture japonaise. ❝ je viens de rentrer du boulot. — ce qui n'est pas complètement faux. mais elle aurait pu se libérer. ou arriver dans les temps si elle s'était dépêché. et elle lève les yeux vers le brun, ren. à se perdre trop longtemps sur ses traits. aussitôt, elle se redresse. s'évade en direction de la cuisine à deux pas de là. ❝ tu veux boire quelque chose ?— tente de chasser la tension qui, même après une semaine, est toujours là. pour ne pas dire plus vivace.

« Y a urgence quand tu m'ignores. » Qu'il lance. Peut être un peu froidement, contre son gré. Il soupire doucement, ne bouge pas de sa position. Il dévisage Yiren. Peut être qu'elle peut lire un peu de peine dans son regard. « Je suis rentré hier soir... » Et elle disparaît dans sa cuisine. L'acteur se contente de se tourner pour lui faire face, les mains toujours dans les poches. Il soupire, sort la bouteille d'umeshu et vient lui apporter. « J'ai apporté ça. Tu as déjà goûté ? » Pose la bouteille avant de s'adosser contre le plan de travail. Cette fois, il croise les bras contre sa poitrine. Il bloque le passage, ne veut plus qu'elle s'éloigne de lui. « Je sais que j'ai pas donné beaucoup de nouvelles mais ça n'empêche pas que j'ai beaucoup de penser à toi. Et j'aimerai savoir comment s'est passée ta semaine. » Parce qu'il n'a pas été là. Et qu'il espère que tout a été bien. Qu'elle n'a pas eu de problème alors qu'il était loin. Parti à l'autre bout du monde pour le travail. Et ce serait ça, la vie qu'il lui donnerait. Yiren, elle a besoin d'une personne présente, une personne qui ne décidera pas de quitter les USA parce que sa Corée lui manque énormément. Parce que ici, tout est éphémère. Sauf elle. Peut être.

il sait. n'est pas idiot. qu'elle a volontairement ignoré le message, à se faire violence pour ne pas aller le voir. ni là bas. ni chez lui ce soir. et il pique, seongho, par ses mots, pique sa maladresse, gamine qui fronce le nez, piétine ses excuses et marche sur ses mensonges. ❝ ... venais. je venais de rentrer du boulot.. — qu'elle marmonne tout en sortant deux verres de ses placards, le brun brandissant la bouteille qu'il a ramenée. ❝... je ne crois pas. — qu'elle avoue, attrapant la bouteille pour l'ouvrir. de l'alcool de prune. ça lui rappelle cet alcool coréen que son père lui avait discrètement fait goûter dans le dos de sa mère. elle remplit les deux verres, avant d'en tendre un dans la direction de seongho. garde une distance raisonnable, le nez perdu sur son verre qu'elle ne porte pas à ses lèvres. ❝ ça a été. — qu'elle commence, pesant ses mots. porte le verre à ses lèvres, gorgée sucrée venue délier la langue. ❝ sunhi a voulu fuguer. l'assistance sociale m'a appelé, mais j'ai réussi à la convaincre de venir dormir chez moi et de rencontrer le nouvel avocat. — et si le ton est calme, le pianotement de ses doigts autour du verre trahit sa nervosité rien qu'à repenser à leurs messages. ❝ j'ai posé des affaires chez toi. j'ai travaillé. et tu m'as manqué. — derniers mots marmonnés avant de reprendre une grande gorgée d'alcool et de tenter une évasion en direction du canapé pour ne pas affronter sa réaction.

Un soupir franchit ses lèvres. Elle s'enfonce dans son mensonge et n'essaie même pas de le nier. Il n'est pas dupe à ce point mais n'en dit rien. Il est contrarié et ça se voit. Pourtant, tout s'envole quand elle parle de Sunhi. Son verre en main qu'il ne touche pas, il l'observe, l'écoute. Sent son cœur se serrer quand il se rend compte qu'il n'a pas été là pour elle dans un moment compliqué. L’inquiétude a dû lui tordre les tripes, l'angoisser jusqu'à peut être en pleurer. Il ne sait pas s'il la met assez à l'aise pour qu'elle finisse par tout avouer mais il sent la contrariété s'envoler complètement. Il pose son verre, s'approche. Et sa main glisse le long de sa joue. « Tu m'as manqué aussi. » Il prend son visage en coupe, observe ses iris pour -sans doute- y lire ses émotions. « Comment va Sunhi ? Et comment ça s'est passé avec le nouvel avocat ? » Il dérive. Mollement. Ses yeux puis la courbe de son nez. Ses lèvres. Les lèvres qu'il convoite avec une envie brûlante. Sa langue glisse contre ses charnues pour les humecter. Il ne lâche pas Yiren, veut savoir comment elle va, comment sa sœur va. Et surtout, pourquoi elle renverse son cœur de cette manière.

sa semaine a été lourde. complexe. tiraillée entre l'envie de lui écrire et celle d'être autonome. de ne pas dépendre de lui, ni de personne d'autre. à se réfugier dans le travail pour oublier, et être aussitôt chassée de nouveau par sa présence maintenant qu'il est revenu. qu'il est là. à rompre la distance quand elle fuit vers le salon, l'interrompre et venir laisser courir la pulpe de ses doigts le long de son visage. poupée immobile, le verre à peine soutenu par le bout de ses doigts quand elle lève le nez vers lui. confiant qu'elle lui a manqué, elle aussi. les paupières trésautent, mais elle ne bouge pas. poupée malléable, laisse l'homme saisir doucement son visage. la sonder et l'interroger. ❝ elle atteint ses limites. c'est une adolescente.. et elle a peur d'être envoyée dans une autre famille. mais l'avocat est compétent. il s'intéresse vraiment à nous.. c'est lui, qui a demandé à la rencontrer pour la rassurer. — et le ton accélère, nervosité à repenser aux évènements de cette semaine. ❝ je veux juste que ça marche. je veux.. je veux pouvoir vivre en laissant cet enfer derrière moi. — et elle fait un pas dans sa direction, réduit l'espace, vient chercher davantage la pression de ses paumes autour de son visage, portant sa main libre à l'une d'entre elles. paupières closes, elle murmure simplement. ❝ je suis épuisée. —

Il se sent coupable. Cruellement coupable. D'avoir fait la fête, d'être sorti, d'avoir profité. Alors qu'elle était dans le désarrois et qu'elle ne l'a pas contacté pour ça. Elle même ne peut pas compter sur lui. « Désolé de ne pas avoir été là. » Parce qu'il aurait dû l'être. Il soupire doucement, caresse tendrement sa joue de son pouce avant de la laisser venir à lui. Il l'entoure de ses bras, la serre contre lui. Il se veut rassurant, peut être protecteur. Si attaché à cette petite reine. « Repose toi alors, le temps que je sois là. J'ai un mois entier rien que pour toi. » Glisse ses doigts dans ses cheveux, soupire légèrement en posant un baiser sur le haut de son crâne. Puis, sa main attrape son menton pour lui faire lever le visage. Ses opales qui glissent dans les siennes, à la contempler, l'admirer. « J'ai ramené tes cadeaux. Et ceux pour ta sœur aussi. » Et il aimerait lui donner tellement plus. Il la regarde, si triste d'être un raté. « Et j'ai faim. J'aimerai qu'on mange ensemble. Qu'on passe une soirée... Chez toi pour une fois ! » Adresse un léger sourire à la brune. Si belle. Si parfaite. « Je reste avec toi ce soir si tu veux bien de moi. » Il ne s'imposera si elle ne veut pas.

et au fond, si elle n'a rien dit, elle avait besoin de ça. de sentir sa prise se resserrer autour de son corps frêle, de sentir son parfum. ❝ ne t'excuse pas. j'ai choisi de gérer ça seule. — elle a délibérément omis d'envoyer un message, poupée obstinée, voulant toujours tout gérer seule. et au creux de ses bras, yiren, elle respire. laisse l'ébauche d'un sourire apparaître sur ses lippes à ses mots. rien que pour toi. ça sonne si vrai, si réel, si doux, et pourtant elle sait qu'elle ne doit pas trop s'y perdre. ne pas en demander trop. ferme les yeux lorsque ses lèvres viennent trouver le sommet de son crâne, sourcils légèrement froncés lorsqu'elle rouvre les yeux pour le sonder du regard. ❝ des cadeaux ? pour ma soeur ? j'avais juste demandé le thé.. — mais c'était visiblement sans compter sur son obstination. les iris perdus dans les siens, elle sent le rose monter à ses joues à sa requête. à désirer, pour la première fois, passer une soirée chez elle. et doucement, elle hoche la tête. ❝ reste. s'il te plaît. — elle a besoin de ta présence cette nuit, de combler le vide laissé cette semaine. elle lui retourne son sourire, ren, avant de doucement s'évader - sentir qu'il vaut mieux avant l'inévitable - pour rejoindre le canapé et la table basse, où il a déposé le sac de sushis. reprend une gorgée de son verre avant de sortir les boites et les baguettes offertes par le restaurant. ❝ comment c'était.. la chine ?— qu'elle demande, en levant les yeux dans sa direction, tendant une paire de baguettes dans sa direction.