les hésitations sont de moins en moins fréquentes. les habitudes, trop prises. elle s'en rend compte quand elle n'a même plus besoin de se présenter au portier, yiren. il sait déjà qui elle est. où elle va, gamine en simple jean et tee-shirt, mèches ébène négligemment attachées, pizzas dans les bras. elle regarde les étages défiler, silencieuse, à taper du bout du pied dans l'ascenseur. l'esprit qui se repasse un peu trop en tête les derniers messages et les questionnements qu'ils ont fait naître. tenus sous silence (forcé) dès lors qu'elle arrive devant la porte, sonne et ne patiente que quelques secondes à peine avant que le bois ne dévoile la silhouette. montre les boîtes avec un sourire étrange. mi-gêné, mi-désolé. ❝ le restaurant japonais que je connais était fermé.. alors j'ai pris plus de pizzas. —  

Les messages qui défilent à nouveau devant ses yeux, à se demander ce qu'il est en train de faire. De base, elle ne venait que l'occuper, par sa présence. Son parfum. Sa silhouette qui hantait son appartement chaque nuit où elle envahissait son espace personnel. La gosse qui ne doit pas être plus, simple occupation contre de l'argent. L'homme qui sait qu'il aurait pu faire ce qu'il voulait d'elle. Mais jamais il n'a osé la toucher. Son cœur fait un bond dans sa poitrine quand la sonnette le tire de sa rêverie. Il s'engage sûrement dans un jeu dangereux dont il ne sortira pas indemne, il le sait. Ses pas le conduisent machinalement vers la porte qui finit par s'ouvrir sur une Yiren souriante. Une beauté qui chaque fois embellie la vie de l'acteur. Homme qui se dit que rien ne pourra le rendre heureux comme avant sauf quand elle vient lâcher son parfum envoûtant derrière elle. « Les pizzas, ça ira. » Sourire léger alors qu'il la laisse passer, ferme la porte en forçant sûrement maladroitement la proximité entre eux. Penché, presque collé à elle, il tourne la clé dans la serrure. « Tu sens bon... » Puis se recule aussitôt pour la laisser passer.

les sourires s'échangent, légers, teintés d'une différence, sans toutefois toucher du bout des doigts de quoi il en retourne. elle s'invite en terre connue, yiren, passe la porte pour y disparaître, couloir d'entrée étroit, proximité étourdissante. et les paupières qui tremblent, une seconde, battement de cils papillon. à remarquer le parfum. et elle à remarquer comme il est plus beau que sur un écran quand il est en face. admirer les murs, hein ? ❝ moi, ou les pizzas ? — elle retrouve son air, ren, tente de dédramatiser la chose, s'avance jusque la cuisine avec les boites pour venir les déposer sur le bar. ❝ j'ai pris en tentant.. de m'orienter selon ce qu'on a déjà mangé ensemble. — qu'elle explique en tirant sur les manches de son pull nerveusement, les doigts libérés qui ne savent plus comment se placer. les poches. c'est bien les poches. ❝ alors..? qu'est-ce que tu veux faire ce soir ? — demande en tentant de paraître occupée, poupée sans cesse agitée, sort les mains des poches de son jean pour venir ouvrir les boites une à une. saumon, fromage, et une plus classique.

Un petit rire qui s'échappe de ses lèvres. « Qui sait... ? » Quand au fond, il parle bien de son parfum à elle. Il la laisse voyager jusqu'à la cuisine, l'écoutant attentivement quand il l'admire de dos. Avant de vite quitter sa silhouette du regard quand elle entre dans son champs de vision. Il sort deux assiettes, des couteaux et observe la gosse à la chevelure ébène qui semble nerveuse. Ne sachant quoi faire de ses doigts. « Bière ou vin avec ta pizza ? » Pour lui c'est une bière. Il hausse les épaules, décapsulant sa bière avant de planter son regard dans celui de Yiren. « On peut regarder un film, discuter, rien faire même. Profiter de mon jacuzzi aussi. » Ah mais, il percute qu'il lui en a jamais parlé. « De mon sauna sinon. » Sourire en coin quand il se rend compte qu'il se remet à jouer. Cesse de sourire alors, baissant le nez en secouant son visage. « Enfin, un film c'est bien t'en fais pas. Tu peux choisir celui que tu veux mais pas un des miens. » Pose une assiette devant elle pour qu'elle se serve.

❝ bière, s'il te plaît. — les ongles pianotent contre le support, avant de tendre les doigts vers la bouteille que lui tend seongho. et malgré elle, les sourcils se haussent sous la surprise en fin de phrase. pire encore lorsqu'il agrémente de quelques mots. ❝ tu me dis que non seulement t'as un jacuzzi, mais aussi un sauna ? — mais attends, pourquoi tu t'étonnes, yiren, t'as vu où tu es là ? elle bat des cils une seconde, mais l'attention retombe quand elle se rappelle un peu de la tenue dans laquelle il faut être dans ce genre d'endroit. les doigts qui se tendent négligemment vers une part de pizza. ❝ un film, ouais, ok. y a un nouveau thriller sur netflix je crois.. — et encore une fois ces réflexes trop ancrés, celui de savoir exactement où trouver la télécommande sur la table basse, manier l'appareil avec dextérité de sa main libre tout en revenant s'asseoir et manger sa pizza. ❝ ou sinon y a.. une série, ça, là. tu préfères.. quoi ? — le regard qui se perd sur le profil, une seconde. deux secondes. trop de secondes.

La bière décapsulée, il la tend à Yiren, la laissant la prendre. Et cette fois, il ne peut pas s'empêcher d'éclater de rire. Légèrement. Doucement, il hoche la tête. « Oui, j'ai un jacuzzi sur ma terrasse mais aussi un petit sauna. Je m'en sers quand j'ai fini mon sport en général. » Penche légèrement la tête en fixant la jeune femme qui décide de lancer un film. Il hausse les épaules, approuvant d'un simple hochement de tête. Il observe la brune gambader dans son appartement comme si elle avait toujours vécu ici. L'amusement qui lui arrache un léger sourire. « On regarde ce que tu veux. » Il est comme ça Seongho, il la laisse décider. Parce que ce qui la fait sourire, le fait sourire. Même s'il sait qu'il s'aventure sur un terrain glissant. Quelque chose dont il peinera sûrement à se relever. Il vient prendre place près d'elle. « Yiren... Je me dis que si on doit avoir une inspection, peut être que tu devrais mettre des affaires à toi ici... Et peut être que la chambre d'amis pourrait être redécorer. Pour que... ça fasse chambre d'ado... ? » Peut être pour que ça fasse plus vrai. Enfin, il en sait rien. Il ne sait même pas comment il doit agir et il aimerait qu'elle le guide. Mais il a peur d'en parler, peur qu'elle se renferme alors qu'elle s'ouvre peu à peu à lui. Et à force, il y découvre une amie.

surtout, ne pas imaginer seongho après le sport. nez perdu sur la bière, elle hoche la tête distraitement, ren. prend une grande gorgée alcoolisée. ❝ je vois. — ou tout du moins, elle imagine peut-être un peu trop. lèvres pincées, pizza qu'elle machouille allègrement, le nez perdu sur le catalogue de la télé, la présence du brun à ses côtés la tire de sa réflexion quant à choisir entre film ou série. les incisives viennent martyriser la lèvre inférieure, songeuse. ❝ t'es toujours sûr de.. vouloir faire ça..? — ils n'en avaient pas réellement reparlé, depuis la dernière fois. sujet tatillon, complexe, sur lequel la poupée s'aventure sans trop savoir comment faire. repose sa bouteille et la télécommande pour se tourner un peu plus vers lui. ❝ seongho, tu.. en fais déjà tellement pour moi. te demander de redécorer une chambre, de.. me laisser semer davantage que ma présence dans cet appartement, c'est.. — troublant ? dangereux, assurément. osé, si jamais on venait à découvrir la vérité. et pourtant.. terriblement attachant. surtout quand il la regarde de cette manière. elle se risque à tendre les doigts vers sa main. y pianoter du bout des ongles. ❝ si on s'engage vraiment sur cette voie.. j'ferai tout.. pour que ça ne se sache jamais. que t'aies.. jamais le moindre problème. mais je veux pas que tu agisses juste par.. gentillesse. — par pitié, mais elle savait que le mot ne lui plairait pas. et elle recule ses doigts timidement, la brune. récupère sa bière, sans le quitter du regard.

Il cligne des yeux, observant Yiren avec intensité. Son visage passe par tout un panel d'émotion comme l'incompréhension, la surprise légère, l'amusement. Il finit par le secouer, comme s'il cherchait à tout remettre en ordre. Aussi bien sur les traits de son visage que dans sa tête. Parfois, il a la sensation qu'elle se méprend la gosse. « Yiren... » Il stoppe ses mains, ses iris se posent sur la main aux doigts fins qui viennent pianoter sur la sienne. Alors qu'elle parle, il voit cette main s'échapper. D'un réflexe qu'il ne comprend pas lui même, sa main rattrape celle de Yiren, se risquant même à caresser la douceur de sa peau. Peut être parce qu'il prend conscience de ce qu'il fait, il lâche cette main et se racle la gorge, se détournant légèrement de la gosse qui commence à le perturber. « Yiren, c'est pas de la pitié, de la charité ou une quelconque gentillesse déplacée. » Il soupire mollement, s'affale sur le canapé en fixant le plafond. « Ce que je vais te dire, je l'ai dis à personne. Pas même dans les interviews. Quand on me demande, je ne réponds pas, je dis que ça les regarde pas. » Il tourne la tête. Les yeux de l'adolescent fatigué, furieux et effrayé qui viennent prendre place sur son visage. « Mon père était un alcoolique. Qui travaillait pas. Ma mère s'est arrachée pour nous jusqu'à tomber malade. Mon père en avait rien à faire. Et je l'ai collé à la porte. Un soir. J'en pouvais plus de voir mes sœurs terrifiées, se cacher de celui qui devait être notre modèle. On s'est battus jusqu'à ce que je le mette dehors. Mais si j'avais pas fais ça, j'en serais peut être rendu à ta place... Et je supporterai pas cette injustice. Je sais pas si tu comprends. » Parce qu'il en a bavé mais qu'il aime pas le dire. Il aime quand les gens pensent que sa vie est simple, belle, qu'il est le plus heureux parce qu'il est riche et qu'on le trouve beau. Il se sent victorieux que personne ne sache, que personne n'arrive à détecter ce passé. Parce que ça veut qu'il joue bien la comédie.

elle a cette tendance à tout donner pour sunhi, yiren, mais à refuser les sacrifices des autres. à savoir ce que ça lui a couté à elle. et même si elle ne regrette pas une seule seconde d'avoir foutu sa jeunesse en l'air, elle ne voulait pas infliger ça à ses proches. et seongho.. en faisait assez surprenamment partie. déboulé de nulle part. capable d'abaisser des barrières, ce que son meilleur ami lui-même n'avait su faire. et lorsque les doigts rattrapent le poignet, l'enlacent une seconde, caresse subtile sur le dos de sa paume, elle se fige, une seconde. le palpitant qui rate un battement. à sentir encore la chaleur de sa paume lorsqu'il relâche sa main, prend la parole, poupée tentant de banaliser le geste en attrapant de nouveau sa bouteille sa en boire le contenant. ❝ seongho, tu.. t'as pas à.. — les mots meurent entre les lèvres, dès lors qu'il entame son récit. les doigts serrés autour de la bouteille qu'elle repose finalement, pleinement attentive. elle baisse les yeux, les relève rapidement vers lui. le nez levé vers le vide, mais l'expression d'un gamin qui a pris sa revanche contre la vie. et le coeur bat, trop fort, trop vite. elle était heureuse, ren, jusqu'à ce qu'elle perde ses parents. elle menait la vie parfaite. aux antipodes de ce qu'il a du endurer. et sans réfléchir cette fois, sans penser aux conséquences, elle revient prendre sa main. entrelacer leurs doigts. enfant terriblement tactile avec lui quand au fond, elle ne le connaissait même pas. étrange lien qui les lie. ❝ je comprends. — elle murmure, le nez baissé sur leurs paumes. probablement pour ne pas avoir à constater sa réaction. les doigts qui se desserrent pour lui laisser l'opportunité de s'échapper. ❝ quand tu reviendras de chine.. je ramènerai un sac avec des affaires de chez moi. — la langue passe entre ses lèvres devenues sèches, et elle se risque à un regard dans sa direction. ❝ j'ai aussi des affaires pour sunhi, que je peux ramener pour la chambre d'amis. — elle trace distraitement des arabesques sur le dos de sa main du bout de l'ongle de son pouce. murmure finalement : ❝ merci.. pour ta confiance. — pour l'aider. pour lui avoir dit ton histoire. ❝ et je tâcherai à l'avenir d'essayer.. d'arrêter de tout remettre en question et de m'investir dans cette chance que tu m'offres. —

Et il parle. De sa vie, de son passé. De choses qu'il ne peut pas oublier quand il est conscient de la force qu'il a eu à jeter son géniteur dehors. De savoir qu'il est pas le grand frère idéal et que sûrement ses sœurs lui en veulent de ne pas avoir été souvent présent. Le gamin qui a grandi trop vite, à vouloir se cacher derrière des sourires de comédie quand ce sont les lumières des caméras qui font étinceler ses dents. Il fait le fort, le beau, le fier mais au fond, il est plein de doute, brisé en morceaux. Si elle pouvait tout savoir de lui sans qu'il n'ait à lui dire. Ici, c'est le continent qui ne connaît pas -ou peu- son existence. Personne ne s'occupe de lui dans la rue. Il est simplement le gars riche qui sort de son hôtel particulier chaque jour pour aller faire ses courses au marché asiatique. Personne qui prend conscience qu'il passe de longues nuits à regarder Boston depuis sa terrasse, sa baie vitrée. Se dire que Séoul lui manque. La même Séoul où est restée celle qui a tant partagé sa vie, à se cacher. À mentir. En couple avec elle ? Jamais de la vie. Ils sont bons amis. Puis le mensonge qui éclate. Et les menaces qui fusent. Ils d o i v e n t se séparer. C'est une obligation. Et c'est la tendresse qu'il trouve dans le geste de Yiren, levant les yeux vers elle. « Tu peux le faire pendant que je ne suis pas là. Tu n'as qu'à le faire avec elle... ? » Il ne sait même pas si elle voit sa sœur. Comme il doit être compliqué pour elle de ne pas avoir ce qu'il lui reste de famille à ses côtés. Sourire en coin quand elle le remercie. Puis, il tire sa main, son bras. Plaque cette enfant contre son torse et l'entoure de ses bras, enroule ses cheveux autour de ses doigts. « Quand tu récupéreras ta sœur, passe me voir de temps en temps. » Parce qu'il sait qu'elle lui manquera quand tout sera terminé. Il caresse doucement son dos, sans que ce soit déplacé. Un câlin. Peut être qu'il le juge anodin quand en vérité il fait chavirer son cœur tel un bateau au cœur de la tempête. « Et surtout, n'abandonne pas. Même si parfois je ne donne pas de nouvelles parce que je suis là, n'oublie pas que je te soutiens dans ton combat. » Peut être que c'était ça que lui, il aurait aimé entendre un jour.