Il est passé encore une fois, survolant les flots boueux du Styx sur son navire de fortune écorché. Mais se sont néanmoins ses chaussettes, paires trouées par maintes années de bons et de loyaux services – et par de nombreux sévices qu’il n’est pas nécessaire ici de mentionner -  qu’il ne pourra récupérer, ses jambes crottées par la fange dans laquelle elles ont trainées. Dicaprio le savait et c'est pourtant pas faute d'avoir essayé: une planche de bois ne peut pas se prêter afin de tous nous sauver… Alors à peine redressé qu’il jette le large tasseau sur le coté et regarde le sportif tenter la traversée en ne misant que sur ses propres capacités. Courageux mais… Ah il s'est vautré. Le gitan lui, sur le bord de la rive lui indexe un petit geste amical de la main avant de lui crier, légèrement railleur comme à l'accoutumé: « On s’appelle ! » et de détourner les talons vers la prochaine étape de ce parcours.
Son regard vicieux se dépose alors sur les rangées de pneus, peut-être une bonne dizaine s’il avait pris le temps de les compter, avant de rehausser les malheureuses qui trônent sur ses chevilles souillées et de se lancer. Et un, et deux et trois……
 
@Wesley Patterson-R

A la fin de ma poutre et de mon équilibre incroyablement bon, je m’auto-congratule d’un « Yahoo ! » comme un parfait con. Alors certes, Patterson est encore devant moi, pas de beaucoup, j'arrive t'inquiète pas, mais c’est assez jouissif d’être passé du premier coup et de savoir que lui, s’est vautré. Je sais, je sais, je fais preuve de prétention, et c’est mauvais. Même si là, je suis à deux doigts de bander.
Et comme ma gloire ne durera peut-être pas, autant profiter pour l’instant, de me prendre pour un géant. Je suis à deux doigts de danser en attendant que Dutch me rejoigne accompagné de « sa » Joey.  Mais la danse, ce serait certainement un peu trop provoquer la chance. De ce fait, je tente de juste de me canaliser, comme si j’en avais la capacité.
Et quand je les vois me suivre, et ce de près, j’en exulte un « Et voilà ! » de fierté, que demander de plus que d’être encore à trois. Et parce que je me suis lancé sur le premier obstacle en tête de notre peloton, j’hésite une seconde pour passer la main à l’un des deux, bien que ça me paraisse un peu trop mielleux, donc on va se dire qu’on peut juste y aller à trois, même si je tente de passer devant eux, parce que je ne peux pas me retenir de jouer à qui aura la plus grosse entre ce faux-frère et moi. Et puis, avec un peu de chance, donner du spectacle à Mila. Lorsque je pénètre dans la boue ? Passage que j’attendais comme un fou, je pense logiquement au fait qu’elle aurait du me suivre, et que putain, elle aurait été sacrément sexy, je l’avoue.

@Dutch B. Cooper @Mila Adams-Baker @Wesley Patterson-R

Equilibre qui chancèle en attendant celle pour qui je me damnerais volontiers lorsqu’elle pose le pied sur la poutre, mes pas se font lents et calculés au fil de la traversée pendant que je suis suivi de près et rattrapé par Joey. Snow attend toujours de l’autre côté, nous épiant alors que j’en descends le premier et me retourne afin de l’aider si elle venait - on ne sait jamais - à glisser. Mais non, elle n’aura besoin de l’aide de personne une fois de plus et atterrit avec légèreté sur le sol détrempé.

Le sablier du beatnik une fois écoulé, il se décide à continuer vers la rivière de boue alors que nous venons à peine de terminer, lui emboitant le pas et affichant peut-être un peu moins de gaieté que lui à la simple vue de la marre qu’il va nous falloir franchir. Les mains affairées à nouer l’élastique de mon short, mon sourire s’est encastré sur le coin droit de mes lèvres avant de grogner mielleusement à Joey: « C’est bon pour la peau... C’est çà? » Après tout, vous vous en peinturlurez bien le visage pour ses soi-disant bienfaits… C'est que ça ne doit pas être si désagréable que çà. Snow semble vouloir y aller coute que coute sans se soucier des infiltrations occasionnées, le pied frôlant déjà les risées lorsque je me décide aussi à m'élancer à sa hauteur, non sans un dernier conseil avisé à celle qui lutte à mes cotés: « Surtout. Si t'en as dans la bouche. Fais pas comme d'habitude. N'avale pas. »  

Il est lointain le « Yahoo ! » qu’elle perçoit, mais il lui arrache un sourire alors qu’elle s’aventure pour de bon sur la poutre. La paume de Joséphine se lie à celle de Dutch, et tous les deux, ils franchissent haut la main le premier obstacle. Au moins, elle est rassurée sur un point, le fait que les années à se torturer pour assumer la rigueur que l’on attribue aux danseurs, n’ont pas été faite en vain. Bien que ça ne lui serve à rien, au quotidien. Etoile qui s’est écrasée, et qui s’apprête à s’embourber. Pour le coup, elle lance une œillade à ses baskets précédemment moqués. D’un blanc encore immaculé.

« C’est bon pour la peau... C’est çà? » C’est dubitativement qu’elle l’observe, alors qu’elle répond non sans une certaine verve. « T’en rêvais. » De la voir galérer dans une mare de boue et de se battre contre d’autres afin d’accéder à la finalité de ce parcours sur lequel elle n’était, à la base, pas conviée. Et alors qu’ils commencent ensemble, elle grimace pour ses souliers quand il se permet de souligner ; « Surtout. Si t'en as dans la bouche. Fais pas comme d'habitude. N'avale pas. » Battement de cils au moment où elle s’enfonce un peu plus dans la terre mouillée. « Merci du conseil. » Non, vraiment, elle n’y aurait pas pensé autrement. « Je le garde aussi pour ce soir. » Tu comprends, il ne faudrait pas tomber dans la routine des habitudes. Piètre vengeance contre ce traquenard. Promesse d'ailleurs, un tantinet dérisoire.

Cette fois, elle n’est pas certaine que sa silhouette joue en sa faveur. Brindille bien trop frêle en comparaison aux deux hommes qui ont bientôt terminé. Et même si elle ne compte pas avaler, Joséphine se voit déjà en train de couler.



@Dutch B. Cooper @A. Snow Burns

Le pire, c’est qu’elle aurait pu le prévoir, comme si elle le savait, que cette foutue boue allait bloquer ses mouvements, que les hommes allaient gagner du terrain bien avant elle, forcément. Cette carcasse, qu’elle se traîne, qu’elle a malmené, elle est bien trop frêle pour se dépêtrer de la terre mouillée dans laquelle ses chaussures n’arrêtent pas de s’enfoncer. Elle s’agace, la rousse, et comme dans un sable mouvant, elle s’embourbe. Elle se débat, en croisant les doigts pour réussir à se sortir de là. Ne pouvant se retenir de penser, que c’est la faute de son amant si elle se retrouve coincée, et que ce n’est plus seulement cinquante dollars qu’il lui doit, mais aussi un peu de sa fierté, car il faut dire qu’elle est un brin entamée. En espérant qu’elle ne finisse pas par baisser les bras, et juste s’assoir jusqu’à ce qu’elle prenne fin, cette foutue histoire.

@Dutch B. Cooper @A. Snow Burns