L’horreur s’éternisait et je ne parvenais pas à la calmer malgré les propos de mes proches qui tentaient de minimiser la situation ou d’y trouver une quelconque logique. Lukas n’était toujours pas rentré de son concours de talents et je n’avais aucune façon de la joindre. Je n’avais aucun moyen de savoir ce qui se passait. Et, putain, ce n’était pas son habitude de ne pas me tenir au courant, de ne pas me donner de nouvelles. Mon horreur avait commencé la veille lorsque j’avais fait une crise de panique au Lord Hobo. Elle avait été ingérable, violente et douloureuse. Cela faisait si longtemps qu’une telle crise n’avait pas eu lieu. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas été foutu de gérer. La veille, j’avais pris sur sur moi pendant des heures pour tenter de me dire que ce n’était pas si inquiétant que ça et que tout allait bien. Après tout, tout le monde savait que j’avais tendance à exagérer les choses. J’avais tendance à agrandir les problèmes et les situations pour que tout paraisse insurmontable alors que ce ne l’était pas forcément. C’était sans doute à cause de ma vie au sein de la Mafia… Je me laissais bouffer par mille et un scénarios de plus en plus catastrophiques jusqu’à finir par arriver au point de chute. La veille, j’avais accumulé des pensées à l’intérieur de moi tentant réellement de reprendre le dessus pour minimiser la situation. Peine perdue bien évidemment. Alors, j’avais fait cette crise contactant Côme en urgence pour qu’il vienne me chercher et me ramène chez moi. Ma nuit avait été quasiment blanche et, au fil des heures, tout n’avait fait qu’empirer puisque personne n’avait de nouvelles de Lukas. Personne ne parvenait à le joindre. Ça me rendait fou. L’inquiétude cognait si violemment dans mes veines. Je tenais à peine debout tant la fatigue me frappait vivement. Alors, lorsque Côme m’avait tendu des somnifères pour tenter de récupérer un peu, je les avais pris sans la moindre hésitation. Me glissant sous les draps sous la surveillance de Côme qui ne me quitterait pas je le savais, je fermais les yeux. J’espérais pouvoir partir au pays des rêves. J’espérais pouvoir m’envoler loin de cette réalité qui me charcutait. J’espérais ne pas me faire entraîner par les cauchemars… J’espérais simplement réussir à dormir… Vain espoir. Le repos et le rêve n’étaient pas pour moi.

L’horizon était splendide. La plage s’étendait à perte de vue nous entraînant dans un voyage délicieux. Le ciel si bleu agrémentait ce spectacle d’une façon magnifique. Cependant, je devais bien avouer que mes prunelles étaient posées sur le trésor qui se trouvait entre mes bras. Mio Amore. Il était sur cette plage Italienne avec moi… Ou peut-être que c’était moi qui était avec lui ? Peu importait. Nous étions ensemble. C’était ça qui comptait vraiment. Les années s’étaient écoulées et, pourtant, nous étions toujours là. Ensemble. Liés pour la vie. Envers et contre tout. Malgré toutes les épreuves que la vie avait foutu sur notre chemin, malgré toutes les difficultés que le destin nous avait imposé, notre Neakas demeurait plus fort que tout et nous avions su nous relever. Encore et encore. Toujours. Main dans la main. Mon copain se trouvait dans mes bras et mes prunelles sombres ne parvenaient pas à le quitter. Il était tellement plus magnifique que le splendide spectacle de la plage sous nos yeux. Toujours aussi beau que des années auparavant. Toujours aussi attirant. Toujours lui. Toujours Mio Amore. Pour toujours sans doute. C’était ce que j’espérais sincèrement et que je voulais follement. Continuer à faire ma vie avec ce garçon que j’aimais et que j’avais envie d’appeler mon mari. Nous nous trouvions sur cette plage en Italie. Cette plage de notre passé où nous avions si souvent joué lorsque nous étions gosses. Cette plage de notre présent où nous nous prélassions dans les bras l’un de l’autre à apprécier chaque seconde de cette existence. Cette plage de notre futur où peut-être un mariage pourrait avoir lieu. Ce serait beau non ? Il ne fallait pas y penser tout de suite. Il fallait simplement profiter de cet instant. Nous étions bien là. Juste lui et moi pendant ces vacances qui s’offraient à nous. Un temps mort dans notre vie effrénée de Boston. Sa vie de musicien célèbre et heureux. Ma vie de mécanicien, barman, créateur de veilleuse et papa. Cette pause faisait vraiment du bien. Cela faisait maintenant des années que nous revenions sur notre terrain de jeux d’enfants. Nous y avions même emmené ma fille quelques fois, même si la majorité du temps, ce n’était que pour nous. Ce n’était que Lukas et moi dans la maison de ses grands-parents qui n’étaient plus. Sur cette terre Italienne où il n’y avait plus le moindre danger. Cette terre où je me plaisais à revenir. La voix de mon copain retentissait. Il était heureux d’être ici avec moi et je ne pouvais m’empêcher de sourire face à cette déclaration. Mon cœur loupait un battement en entendant la manière qu’il avait de me surnommer. Cela me le faisait encore malgré des années à me faire appeler de cette manière. Teo, Moya Lyuvbov’… J’adorais tellement l’entendre de la bouche de Lukas. J’étais à la fois ce Teo du passé, mais j’étais devenu ce Teo du présent qui collait tellement au petit-ami. C’était plus que plaisant. Mes lèvres se déposaient sur le dessus de la tête de mon copain qui fixait l’horizon en soufflant qu’il m’aimait. Bougeant légèrement, je venais murmurer à son oreille « Ti Amo Mio Amore… » en réponse directe à sa sublime déclaration. Après avoir déposé un baiser sous son oreille, je bougeais de nouveau pour me réinstaller correctement derrière lui. Mes bras se resserraient un peu plus autour de lui et, déposant mon menton sur le haut de sa tête, je fixais l’horizon à mon tour en soufflant « Je suis aussi heureux d’être ici avec toi bébé… » Bien évidemment que je l’étais. Les choses ne pouvaient pas être autrement. Glissant mes doigts sous son tee-shirt, je caressais son ventre doucement sans bouger de ma position. Mes prunelles glissaient de temps en temps sur Mio Amore pour observer sa réaction. Et, finalement, je demandais « Qu’est-ce que tu as envie de faire Amore ? Tu veux que j’aille chercher de quoi faire un pique-nique ? Tu veux qu’on aille profiter de l’eau ? Ou tu veux juste qu’on reste comme ça ? » À vrai dire, la dernière option me convenait parfaitement. J’étais capable de passer encore de si longues heures à garder mon copain tout contre moi. J’en avais tellement envie. Cependant, si Mio Amore voulait s’amuser dans l’eau, je le suivrai tout comme j’étais prêt à aller chercher un pique-nique s’il préférait rester tranquillement assis à profiter du calme et de notre solitude. Notre solitude à deux. Si belle. Si apaisante. Si emplie d’amour.

Que pouvait-il bien s’être passé ? La question tournait en boule à l’intérieur de ma tête et je ne parvenais pas à trouver la réponse miracle à cette foutue interrogation. Je ne parvenais pas à trouver un scénario qui serait réellement rassurant. Non, rien n’y faisait. L’Enfer cognait si vivement à l’intérieur de mes pensées. Naëlle avait bien tenté de me dire que peut-être le tournage s’était prolongé, mais je ne parvenais pas à y croire. Une partie de mon être voulait me pousser à accepter cette hypothèse pour cesser de me faire bouffer par l’horreur. Cependant, une autre partie de moi – la plus grande malheureusement – refusait d’y croire. Cela ne pouvait pas être possible. Même si le tournage avait été prolongé, je savais au fond de moi que Lukas aurait tout fait pour me prévenir. Il savait à quel point je pouvais démarrer au quart de tour et me faire des films totalement dingues. Il savait à quel point je me laissais bien trop vite bouffer par les démons et emporter par la voix. Il le savait ouais. Alors, je savais qu’il aurait tenté de me prévenir même un simple petit mot transmis par autrui pour me faire savoir qu’il allait encore être absent quelques jours. Mais, il n’y avait rien eu. Il n’y avait pas eu le moindre message. Il n’y avait pas eu le moindre réconfort. Et, ma tête continuait de tourner et tourner encore pour imaginer le pire. Peut-être que ce concours n’existait même pas… Non, ça c’était ridicule puisque Nixon était parti à ce concours lui aussi. Alors quoi… ? Peut-être qu’après ce concours, mon petit-ami avait finalement choisi de changer de vie. Il avait eu tellement à supporter ces derniers mois à cause de moi et peut-être qu’il était arrivé à bout à cause de la nouvelle de la grossesse de Summer. Peut-être qu’il ne pouvait plus et qu’il s’était simplement évadé loin pour se construire une autre vie. Non. Non. Non. Je ne pouvais pas croire à ça… N’est-ce pas ? Je n’avais pas envie d’y croire. Même si Mio Amore ne voulait plus être avec moi, il aurait prit le temps de contacter ses proches non ? Oh bordel. Je ne savais pas. Je ne savais plus. Mon cerveau pataugeait dans la bouillie. J’étais si perdu. Malgré les somnifères avalés, ma tête continuait de tourner violemment. Les scénarios se succédaient les uns après les autres. Les larmes s’étaient remises à couler sur mes joues tandis que l’horreur dévorait mon ventre. Je voulais tant disparaître et cesser de vivre cet Enfer. Je voulais tellement le retrouver. Ouais… Je voulais retrouver mon copain parce que, putain, ça faisait trop mal de le perdre comme ça. Je ne voulais pas le perdre. Jamais…

Nous étions de retour chez nous sur cette plage pas loin de notre maison. Ouais, au fil des années, j’avais réussi à voir cet endroit de vacances comme un véritable chez nous. Ce n’était pas simplement la maison que Lukas avait choisi de récupérer et qui lui appartenait à lui. Non. C’était notre maison à nous. Tous les deux. Ensemble. C’était notre refuge Neakas. C’était notre cocon paradisiaque. Dans le fond, c’était un peu la version de notre île Neakas en moins extrême sans doute. Il s’agissait de cet endroit où nous pouvions être nous et tout oublier. Il s’agissait de cet endroit où nous nous sentions tellement bien. Cet endroit était empli de souvenirs du passé. Des cris d’enfants, des rires, des bonbons, des courses, des chutes, des bisous, des câlins, des jeux, du bonheur à l’état pur, de l’insouciance… Cet endroit était empli d’instants de notre présent. Cet amour indétrônable, ces corps à corps délicieux, ces instants de paix merveilleux, cet attachement qui ne s’effacerait jamais, ces précieuses secondes qui nous aidaient à construire notre parfait Neakas… Cet endroit serait sans doute rempli d’instants de notre futur. Nous allions continuer de venir ici en Sardaigne et peut-être même qu’au sein de cette maison et sur cette plage, plein d’événements se dérouleraient. D’ailleurs, j’avais eu plus d’une fois envie de demander à mon petit-ami de quitter Boston pour nous installer ici dans cette maison. Je pourrais toujours trouver du travail dans les parages et mon copain continuerait à s’en sortir parfaitement avec son talent indiscutable. Cependant, à Boston, il y avait tout le monde. Il y avait toute cette autre famille que nous avions choisi. Tous ces proches qui avaient été là pour nous et qui l’étaient encore lorsque nous avions besoin. Et, honnêtement, je n’avais pas envie de ne plus les voir aussi aisément. Alors, je n’avais jamais soufflé cette proposition. Peut-être que, dans quelques années, venir vivre en Sardaigne serait le choix à faire. Mais, pour le moment, ce ne l’était pas et il servait à rien d’y penser. Là, tout de suite, je souhaitais simplement profiter de cet instant magique en compagnie de mon copain. Cet instant où ce n’était que lui et moi en oubliant tout le reste. Cet instant où ce n’était que nous. Neakas. Si forts. Si liés. Si amoureux. Dans le calme et la sérénité de l’endroit, nous échangions des mots d’amours. Ces ‘je t’aime’ qui demeuraient encore entre nous et qui ne s’effaceraient jamais. Ces ‘je t’aime’ si uniques et si puissants pour nous. Assis sur cette plage, nous nous confions ce bonheur d’être l’un avec l’autre. Encore. Pour toujours et à jamais. Dans cet instant si idyllique, les surnoms agréables à nos oreilles continuaient de glisser entre nos lèvres. Je finissais par déposer mon menton sur le haut de la tête de mon copain resserrant mes bras autour de lui comme si j’avais envie de le garder là pendant des heures encore. Mon précieux trésor. Mes doigts se glissaient sous le tee-shirt de mon petit-ami et je caressais doucement son ventre. La main de Mio Amore ne tardait pas à se déposer sur la mienne afin d’accompagner mes mouvements et il… Il caressait un peu trop mon annulaire non ? Non, sans doute pas. Je devais me faire des idées à cause de ces fichues pensées de mariage qui avait trotté dans ma tête. Alors, pour ne pas m’y attarder, je tentais de connaître notre programme pour les heures à venir. Je tentais de savoir ce que nous allions faire pour profiter de notre paradis et de notre bonheur proposant même plusieurs choix à mon copain. Sa tête basculait alors vers l’arrière pour se poser sur mon épaule. Et, soudainement, les mots tombaient. Des mots qui me scotchaient sur place. Des mots qui auraient pu me faire tomber à la renverse si j’étais certain d’avoir bien entendu. Des mots qui me poussaient à ouvrir la bouche sans oser souffler un mot. Des mots qui accéléraient lentement mon cœur et tordaient agréablement mon ventre. Je veux que tu portes mon nom Teo. Attendez… Est-ce que Lukas venait bel et bien de souffler de tels propos ? C’était soudain. C’était inattendu. Ou peut-être que c’était simplement prévisible au vu de notre passé et de notre présent. Avant même que je ne puisse réellement réagir, les doigts de Mio Amore se liaient aux miens et sa tête passait sous mon bras. Il me faisait basculer en arrière dans un baiser délicieux qui aurait pu effacer les mots prononcés. Nous roulions dans le sable et mon petit-ami se trouvait sous mon corps. Yeux dans les yeux. Les lèvres éloignées. Les cœurs accrochés. Et Lukas ouvrait de nouveau la bouche me confiant que c’était ça qu’il voulait faire maintenant. Glissant ma langue sur mes lèvres trop sèches soudainement, je sentais mon cœur s’affoler au bord du précipice. C’était fou. C’était dingue. C’était… Wow… Je n’avais même plus les mots en vérité. Et, la demande finissait par tomber. Réelle. Soudaine. Concrète. Est-ce que je voulais l’épouser ? Les jurons se succédaient à l’intérieur de ma tête. Tout mon être était dans une excitation folle. Et je restais là à le fixer. Yeux dans les yeux. Était-ce une putain de blague pas drôle ? Non. Non, ce ne pouvait pas en être une. Mon hésitation ne durait qu’un quart de secondes. Un quart de secondes pendant lequel je regrettais de ne pas faire la demande. Un quart de secondes pendant lequel je pensais à quel point mon copain pouvait m’aimer pour me faire une telle demande. Il savait à quel point le mariage était important pour moi et c’était peut-être pour cette raison que nous avions attendu si longtemps. Attendre pour profiter de chaque instant sans se presser. Attendre pour ne pas prendre le train à toute allure comme avait été toute notre relation avant. Plongeant mon regard dans celui de Mio Amore, je me penchais un peu plus vers lui avant de souffler « Je… Putain… Je… B… Bien sûr que je veux t’épouser Amore ! » le sourire aux lèvres, les yeux emplis de ces larmes de joies et les mains tremblantes sous cette demande que je n’attendais guère. Cette demande qui était si réelle et qui allait sans doute changer notre vie. Pour le meilleur et pour le pire… Quoique je n’avais aucun doute sur le fait que le meilleur était à venir. Nous avions tellement traversé d’horreurs par le passé. Je me penchais encore plus vers mon copain afin de capturer ses lèvres pour un baiser rapide… Plusieurs baisers rapides même. Et, entre deux baisers, je demandais soudainement « Tu… T’es sérieux hein ? Tu… T’veux vraiment que… Qu’il y ait un mariage entre toi et moi… ? » parce que j’avais besoin de l’entendre. J’avais besoin de savoir que tout ça n’était pas irréel. J’avais besoin de savoir que Neakas avait vaincu et que nous allions être heureux jusqu’à la fin de notre vie d’une façon encore plus officielle. J’avais besoin de l’entendre me dire que je n’étais pas fou d’y croire.

FIN