La fin d'une époque, le début d'une nouvelle. Saveur alcool dans tes veines et deep house dans tes oreilles. Les examens officiellement terminés et juste cette attente dans laquelle t'es, savoir si t'as été la meilleure. Toujours une obsession, depuis gamine et à jamais. Désormais, tout ce qu'il te reste à faire, c'est préparer ton été, aller travailler pour ton père en Italie toute la fin du mois de juin et puis aussi profiter. Tenter d'oublier toute cette année de merde. Profiter, rire, aimer. Non pas aimer, ça fait trop mal et c'est trop frais... tout ça. Ce soir il n'y a rien, sauf les sourires avec tes amies, cette foule qui s'agite au rythme de la musique et ce gouffre dans lequel tu plonges sans remords, celui du vice de l’alcool. Ressaisie toi, réfléchis une minute, à qui tu es, qui tu n'es pas, et repose ton verre. La chaleur de la conversation t'étire un sourire, prise de cette nouvelle lubie qui arrache ton attention des mauvaises décisions. La jolie blonde te servant d'amie de promotion se fait embarquer à toi par la troisième de votre trio de ce soir pour aller danser. Tu résistes, lui arrache doucement ta main pour rester au bar. Encore une minute. Seule. Oui tu veux l'être, ça te fera du bien. Seule tu ne le restes pas longtemps alors qu'un sombre idiot t'arrache à tes pensées pour s'approprier ton attention. Tu ne tournes pas la tête vers lui, l'entends te parler sans écouter. Ta tête qui s'incline, sourire crispé, ton regard qui, du coin de l’œil, aperçoit son visage et ce sourire qu'il t'adresse « c'est terminé pour moi depuis vendredi, les examens. » Ton neutre qui fait à peine l'effort de passer par dessus la musique. Allez Katalia, fais un petit effort. Sociable, avenante, parfaite. Soit tout ce que tu n'es pas. Sa main qui se tend dans ta direction et après une seconde d'hésitation, ta paume chaude qui va dans la sienne. « Katalia. » Ton regard qui prend enfin le temps de courir sur ses traits animés par la bonne volonté, descendre sur ses épaules que tu devines musclées sous son tee-shirt. Une lueur s'éveille dans tes traits, ton faux sourire en coin lui laisse sous entendre qu'il peut rester s'il le souhaite. peut être rentrer dans son jeu, ou le laisser jouer tout seul ? t'as pas encore décidé.

L'attention qui s'envole déjà. Qui retourne faire plonger ton regard dans le fin fond de ton verre déjà presque vide. La solitude se trouve chez toi, au parc ou même dans un café. En boite ? clairement pas. Preuve en est à ce moment là. Rictus invisible à ses pupilles lorsqu'il parle de liberté retrouvée. De liberté, tu n'en a jamais eu, t'as beau eu essayer pendant des années, encore et encore, jamais elle n'a terminé tienne. Résignée. Tu l'es dans l'ombre alors qu'aux regards de tous, tu te contentes de tendre le bras pour prendre tout ce qui te fait envie. Imitant à la perfection une âme libre de dire, de faire et d'obtenir tout ce qui lui fait plaisir. Tu ne réponds rien à ses mots, te contentes de redresser le buste et le regarder en face, c'est déjà un bel effort, non ? Tu te sens littéralement comme une arnaque, l’illusion d'un pierre précieuse dans sa sublime robe ajustée, son maquillage soigné et ses boucles soyeuses jurant avec la morosité de ses émotions actuelles. La plus séduisante des coquilles vides qui lui aura été donné de voir. Pourtant vide, tu ne l'es pas. Tu brûles d'un feu qu'il a embrasé en dérangeant ta fébrile tranquillité. T'es vraiment pas d'humeur mais tu donnes le change, comédienne appliquée répétant encore et encore la même oeuvre. L'oeuvre de sa vie. La Katalia Borgia dans toute sa splendeur et toutes ses subtilités. Cette histoire de jeu te fais doucement rouler des yeux au ciel, ces derniers déjà repartis ailleurs, vers les bouteilles derrière le barman. Ton accent italien s'entend à des kilomètres, t'es à Harvard depuis seulement quelques mois, t'as toujours ton accent natal, t'as perdu d'avance. Pourtant, il a éveillé le seul trait de ton caractère capable de prendre le dessus dans toutes les situations du monde. Ton amour de la victoire. Toujours ce besoin d'être la meilleure, d'aller devant ou au dessus des autres, peu importe les circonstances. Lui, il n'a absolument aucuns restes d'accent, où peut-être qu'il s'applique ? « d'accord mais à une condition. » léger sourire qui s'étire sur tes lèvres, trop amusée par l’appât du gain. Pas son histoire de bal non, tu t'en fou complètement. Mais par la saveur de la victoire qui va exploser dans ton ventre et éveiller tes papilles. « avant de commencer, donne moi un indice, quel continent ? » une Borgia fait toujours ses propres règles. Sa réponse qui arrive : Eurasie. Tu bois une gorgée, termines ton verre au passage, humectes tes lèvres avant la première tentative « France ? »

C'est une chose que tu n'avoueras jamais, surtout pas à la principale intéressée, mais parfois, dans ce genre de situation, te te dis "que ferait Rosalia ?" ton démon de cousine dont tu as toujours admiré le bagout. Elle est ce que tu n'arrives pas à être sur certains points et tu la détestes encore plus pour ça. Rosalia aurait très certainement habillement joué de ses charmes, capter l'attention pour l'écraser entre ses doigts avisés, porter le coup de grâce étant l'une de ses grandes spécialités. Toi, t'as perdu le gout à la manipulation depuis que tu t'es mise en couple avec Toni. Assez étrange lorsqu'on pense au fait qu'il t'a quitté en prenant en raisons des problèmes de confiance et de mensonges que tu pouvais lui faire... Au fond, tu sais très bien que tu lui as caché des choses, encore et encore, mais ça, jamais tu ne l'admettras. C'est juste beaucoup plus facile de voir la vérité comme tu veux la modeler. Et tu la travailles cette vérité, toujours plus pour que le mensonge dont elle est issue s'impose comme légitime auprès de tous. Ta première tentative échouée, tu soupires, lasse, avant d'attirer l'attention du barman de la main pour te commander un cocktail. D'ailleurs, ses derniers mots en français piquent ta curiosité, pour la première fois depuis le début de votre échange. « dommage, je t'aurais bien vu de là-bas. » tu lui réponds dans la même langue, ton reste d'accent latin encore plus prononcé sur ton français rouillé. « loupé. » encore à toi, ton cocktail arrive et tu en bois une timide gorgée, déjà grisée par les deux précédents verres que tu as bu beaucoup trop rapidement avec les filles de ta promo. « mon tour, portugal aussi, je dirais. » tes paupières qui se plissent légèrement, pupilles greffées sur ses traits, tes pensées qui vagabondes, peut être même encore plus loin que vos mots qui vous font voyager à travers l'Europe.

Fierté déjà acquise lorsqu'il te complimente sur ton français. Certes, tu l'utilises peu, mais depuis l'enfance, tes parents se sont appliqués à faire de toi une héritière trilingue. La France étant l'un des pays dans lesquels la société Borgia est implantée, il est évident que tu te devais de savoir aisément communiquer avec tes futurs subordonnés de cette région. Nouvel essais loupé et tu commences à t'impatienter. S'il y a bien un trait de caractère que t'as pas la force de cacher, c'est ce dernier. Car il est trop vif, beaucoup trop fort et toujours au détour de toutes tes conversations. Il te répond en portugais, cette fois tu ne comprends pas. Tu devines quelques mots cependant, des origines latines de la langue, mais est incapable de lui répondre. Frustrée, tu oublies les règles du jeu et bois dans ton verre sans attendre ton tour, juste pour profiter de l'ivresse rafraîchissante du cocktail descendant dans ta gorge. Sa réponse est la grèce et honnêtement il y est presque, pourtant... « toujours pas. » Ton verre qui se porte de nouveau à tes lèvres, tu l'observes sans retour et réfléchis pendant un instant. « italie ? » est-ce qu'il est issus du pays de soleil qui est le tien ? t'imagines que tu le sauras très vite. Soudainement animée du gout de la victoire, tu décides d'attraper toutes les armes qui sont tiennes. Tu te redresses, te tiens bien droite, balances tes longueurs dans ton dos du revers de la main et penches subtilement le buste vers lui. Ta main appuyée sur le bas de sa cuisse, faussement pour ne pas perdre l'équilibre de ton haut tabouret, tu plantes ton regard sombre dans le sien « est-ce que je chauffe, au moins ? » et t'attends de lire. Lire l'indice qu'il ne saura dissimuler dans ses pupilles, même s'il ne veut pas te le donner par ses mots. Tu le sais car tu manies tes armes avec tant de dextérité.

Le jeu ne peut être équitable si vous ne jouez pas à armes égales et avec le même niveau d'information. Mais à quel moment dans ta vie as-tu dit que tu jouais toujours franc jeu ? La saveur de la victoire dépasse tout, même parfois l’honnêteté. Tant que personne ne le sait ou ne le voit, t'es toujours partie du fait que ça revenait au même. Façon de penser que ton père n'a jamais approuvé mais l'adolescente Katalia de l'époque n'avait de raison de vivre que de railler ou contourner les règles qu'on s'appliquait à lui faire comprendre. Mais cette fois (juste au moins cette fois) tu veux tenter d'être honnête, alors lorsqu'il te demande à son tour un indice, tu décides de lui donner, et sans concessions « ton Italien est impeccable en tout cas. » tu lui réponds dans ta langue natale le plus aisément du monde. Si ça, ce n'est pas un bel indice. Puis la morosité laisse place au charme dans tes mots mais surtout dans tes gestes. Tellement plus facile, pas si forcée car sa présence te devient presque plaisante au fil des minutes qui passent. « hm.. si c'était le cas, tu n'aurais pas besoin de me poser la question pour en être assuré. » T'exagères quelque peu, t'es toujours subtile donc dans tout les cas il aurait pu être amené à se poser mais la questions. mais t'aimes bien jouer donc... Il attrape délicatement ta main, la retire pour la porter près de son visage et y dépose un baiser avant de la rendre. Il se redresse avec un sourire, que tu rend rapidement avant de boire une nouvelle gorgée pour te lancer « Espagne ? »