Vous apparaissez toutes les deux, descendant de votre voiture hors de prix dont la majorité des gens sur la place ne pourront jamais s’offrir. Le groupe d’amis que vous êtes censées rejoindre vous remarquent immédiatement. Tu avais toujours été facilement reconnaissable. Démarche plus assurée, la tête haute et le regard arrogant avec le sourire qui allait avec. Tu avais toujours été la pire des deux. Plus méchante, plus impitoyable et intolérante. Et surtout tu instaurais souvent une compétition avec sa sœur, copie trop conforme. Même beauté, même intelligence. Tu étais l’aînée de seulement quelques minutes mais pour toi c’était déjà assez pour marquer ton territoire. Tu te penses supérieure, tu te dois d’être protectrice et donc ne pas prendre des pincettes avec ta jumelle. C’était l’antithèse de la relation saine et tout le monde le voyait. Mais vos géniteurs accueillaient avec plaisir cette compétition comme si c’était normal. En sport, à l’école, sur le paraître. Vous ne vous permettiez que rarement d’être des alliées et tu étais la première à prendre cette compétition à cœur. Après tout, ton père comptait sur toi pour te surpasser constamment, pour reprendre l'entreprise. Des alliés pour lui, ça n'existait pas.

Tu pensais que tu protégeais ta sœur et que par conséquent, tu avais le droit de la juger, de la rabaisser pour lui faire ouvrir les yeux sur ses erreurs, ses faiblesses. Parce que ce n’était que protection et que tu étais dans ton droit. Tu avais toujours pensé que naître le jour de la Saint-Nicolas avait une signification particulière. Tu considérais ta jumelle, ta sœur comme un cadeau, un véritable à cadeau. Mais tu l’aimais trop et devenais une personne toxique. Tout comme votre père.

Il aime trop ou pas assez. Tel père, telle fille ? Les règles étaient strictes, trop strictes. Mais il était le premier à féliciter, à encourager, à dire les choses qu’il fallait. Manipulateur ? Sûrement. au fond tu l’as toujours su mais tu n’as jamais remis ça en question. tu admirais ton paternel. Il gérait une entreprise qui brassait des milliards et il se fichait des jugements qu’il recevait de par ses concurrents jaloux, des écologistes hypocrites. C’est lui qui lui a acheté tes premiers patins à glace et t'a emmené à la patinoire lorsque tu avais cinq ans. Il a réveillé une passion en toi, tu pensais que c’était légitime qu’il en attende beaucoup de ses filles. Comme tu en attendais beaucoup de ta sœur.

Maman ? Muette. Elle ne donne que rarement son opinion, elle suit et hoche la tête. Elle a toujours été plus proche de ta jumelle que de toi. Pas encore une famille divisée mais on n’en était pas loin. tu as toujours aimé ta mère mais celle-ci ne semblait pas savoir comment te le rendre quand avec ta sœur, cela semblait beaucoup plus facile. tu étais difficile, impitoyable déjà petite et n’as accepté l’affection de tes parents que très tard. Trop tard apparemment pour ta maternelle.

Vous le regardez en même temps sortir de votre école privée, bavant intérieurement. Il était grand, il était magnifique, intelligent. Il vous vendait du rêve, les jumelles. Au départ tu t’étais intéressée à Andre car tu avais remarqué le coup de cœur de ta sœur. Mais tu devais bien te l’admettre, il vendait du rêve parmi toute cette populace. Alors avec toute ta confiance en toi, tu as commencé à le séduire, à le charmer et à t’intéresser à lui. Tu avais 17 ans, ne connaissais encore rien à la drague mais on pouvait penser tout le contraire. Tu avais cette assurance qui avait charmé le garçon, l’avait fait tomber dans tes filets. Il était tout à toi, vee'. Et alors que tu te fichais de la douleur de ta jumelle, tu as commencé ta plus longue et cauchemardesque relation. Parce qu'en volant l’homme dont ta sœur était amoureuse… tu l’as sauvée sans le savoir, vee. Le karma ? Probablement, cela devait bien te tomber dessus un jour. Et si ta relation était au premier abord idyllique, tu t’es très vite sentie mal à l’aise. Les premiers mois étaient beaux, tu commençais réellement à tomber amoureuse de ce garçon charmant. Andre t'offrait des cadeaux alors que tu étais plus riche, t’invitait souvent à sortir et t’admirait. Il venait à tes entraînements, t’encourageait dans ses concours. Tout le monde regardait votre couple d’un mauvais œil parce que vous étiez trop parfaits ensemble, quand quelqu’un souffrait de voir l’homme qu’elle aimait avec une autre qui plus est, sa propre sœur. Mais très vite, ta jumelle se sentit soulagée de ne pas avoir été celle qui fut choisie.

Au téléphone un jour, tu lui dis que c'est trop. Tout est trop, sa présence est de trop. Tu as besoin d'être un plus seule avec toi-même ou de trainer avec tes amis sans qu'il débarque et te colle. Voilà trop collant c'était le terme. Andre ne te lâchait plus. Il n’avait pas réagi mais tu sentais que quelque chose clochait quand il a raccroché brusquement. Quelques minutes plus tard, le « non » apparu sur ton écran. Impitoyable comme toujours, tu lui lanças un message bien salé comme quoi il n’était pas et ne serait jamais le centre de ta vie et que tu ne vivais pas pour lui. Tu avais éteint ton téléphone et avais passé ta soirée tranquillement. Il est tard lorsqu’il tambourine à la porte… tu es seule. Tes parents en voyage, ta sœur partie Dieu sait où. Et alors que tu lui ouvres la porte, en colère mais prête à t’expliquer, il rentre de force à l’intérieur. Il a les yeux fous, il te hurle dessus, il dit qu’il est prêt à mourir si tu n’es plus dans sa vie, si lui n’est pas le centre de ta vie. tu as peur pour la première fois de ta vie. Et pour la première fois, tu t'inclines et t’excuses pour ton message, que tu lui demandes seulement un peu d’espace. Le début de la descente aux enfers.

Andre ne semblait pas comprendre tes demandes. Il essayait de t’éloigner de tout ceux que tu aimais, il te harcelais chaque jour un peu plus, t’appelait sans arrêts et t'envoyait constamment des messages. Tu avais rompu plusieurs fois mais le voir fou de rage et en colère t’effrayais. Alors tu revenais, plus brisée que la dernière fois. Jusqu’au jour où tu n’en pus réellement plus des insultes, des cris, de ton portable vibrant sans cesse et des abus autant physiques que psychologiques, des relations imposées, qui te faisaient mal. Tu rompus par messages et dans la frayeur, tu bloquas son numéro et fis de même avec tous ses réseaux sociaux. Elle t’imaginais que tu n’aurais plus qu’à supporter la présence d’Andre dans les couloirs du lycée, qu’il aurait peut-être compris que tu ne voulais plus de tout ça. Il devenait de plus en plus fou avec les journées qui passaient. Il essayait de te coincer dans un endroit où tu serais seule mais tu avais trop peur pour cela. Alors il passa à l’étape supérieure. Il tenta de t’agresser à la fin de ton entraînement. Il voulait « te faire comprendre que tu avais fait une erreur ». Sauvée de justesse, tu reportas Andre à la police.

Premier papier glissé dans ton casier, une personne te donne le deuxième de la part de "quelqu'un". tu te sens suivie, observée, tu vois une silhouette au coin de ta rue. Ta jumelle qui affirme se sentir suivie également. Andre était clairement devenu ton stalker. Il te suivait, tu le voyais partout où tu allais. Tu recevais des petits mots dans ton casier, de la part d’inconnus. Quand ce n’était pas un mot, c’était un cadeau comme une fleur ou pire, une photo de ta personne. Tu étais terrifiée, tu as essayé maintes fois d’arranger les choses avec Andre pour qu’il arrête, ça ne marchait pas. Tu essayes de l'intimider, il s'en fiche éperdument.Tu vis un enfer pendant plusieurs mois avant d’avoir finalement le courage d’admettre à tes parents que tu as perdu une guerre, que tu t’avoues vaincue. L’ordonnance restrictive est instaurée contre Andre et pour assurer ta sécurité. Alors que tu es sur le point de partir une dernière fois en voyage avec ta famille avant ton entrée à Harvard, tu reçois une dernière note d’Andre qui affirme qu’il n’en a pas terminé. Mais tu démarres une nouvelle vie alors malgré la peur, tu essayes d'avancer.

tu as essayé oui. et t’as lamentablement échoué en débarquant à harvard. troquant ton premier prénom au deuxième, tu te faisais appeler thialda. tentative désespérée pour devenir une nouvelle personne peut-être ?

tu sombres, tu sombres vite et fort. tu plonges rapidement dans la drogue, la dure, la vraie. tu ries en ne sachant pas pourquoi, tu fais des hallucinations aussi délirantes que tortueuses. tu couches avec des inconnus, tu es à la dérive et personne pour te sauver. ta jumelle, elle a tenté. mais la rancoeur ambiante entre vous se fait persistante. tu lui as prouvé être capable du pire avec elle et toi, tu penses l’avoir sauvé d’un homme monstrueux en te sacrifiant au passage. quand tu étais si heureuse de lui voler cet amour au départ.

maman elle veut seulement te voir assise près d’un psychologue. tu lui vomis dessus, tu vomis son hypocrisie, son faux amour. elle n’est qu’un pantin dans le jeu des plus grands, elle n’est qu’une loque manipulée par sa famille, son mari et ses propres filles. pauvre femme qu’elle est, tu la méprises par son inaction. ton père lui, il te laisse gérer. il croit que tu peux te reprendre seule avec tout ce que tu as vécu. femme battue et abusée qui recherche le réconfort et la chaleur dans la poudre qu’elle sniffe et qui intoxique son sang.

dans ton malheur, dans ta faiblesse tu tombes sur un homme d’un acabit similaire à celle d’andre. thor. insultant, rabaissant, violent. te tendant le sachet de poudre pour te voir te perdre plus encore, pour que tu tombes dans ses bras telle une poupée de chiffon. tu aurais tout fait pour lui, tu aurais brisé tout sur ton chemin. thialda et thor, les maitres de leur propre monde, monde sombre où n’existe que l’air toxique, les coeurs qui pourrissent. vous vous mariés pour lui. tu l’aimes dans un désespoir retentissant. ton père te tourne le dos, tu n’as que lui. le duc pour te sauver. monsieur te bafoue encore et encore et tu te prends cette claque en pleine figure.

il te mérite pas. lui non plus. personne te mérite.

il mérite pas cette bague, il mérite pas cette union. tu mets un stop. et dans un dernier geste immature, dans une nouvelle tentative pour te blesser en plein coeur il rentre chez lui. il quitte tout. seulement pour te bafouer. et ça réussit si bien. tu tombes au fond du trou. summer camp 2019 tu abuses de chaque vice dont ce monde est capable. en pleine boite de nuit à Las Vegas, tu convulses. overdose. la voilà pour te consumer, te posséder après des années de consommation extrême. tu t’écroules, prête à mourir. parce que t’étais une erreur. une erreur du destin.

rapatriée aux pays-bas sans que personne ne soit alertée. il fallait étouffer l’affaire de ton overdose, du fait que tu sois passée à côté de la mort. pas le temps de pleurer celle que tu n’étais plus, te voilà enfermée entre quatre murs. un centre de désintoxication. voilà où tu étais. ton père devant toi, installé sur le fauteuil de ta chambre. le regard menaçant, déçu. toi les yeux avec l’étincelle de la provocation. désabusée par ce père finalement pas si parfait à tes yeux.

tu as vécu bien trop longtemps à harvard en étant une faible, te dit-il. en pensant que tu avais tout les pouvoirs à boston, que tu faisais les règles. aujourd’hui il te rappelle qu’il est le maître du jeu, qu’il te façonne comme bon lui semble. et que cela commence dès maintenant.

tu vas croupir ici durant des mois. même quand tu deviendras sobre, purifiée de toute substance enivrant ton corps et tes sens. tu redeviens toi-même petit à petit comme si tu te réveillais pour la première fois depuis des années. mais ton père il veut te donner une leçon. après quatre mois, tu es prête à ressortir. chèques glissés sous la table durant encore quatre mois supplémentaires. tu apprends que tu vas devoir repasser cette année complètement foireuse à harvard. ton père a plaidé ta cause auprès de la doyenne, cachant tes soucis de drogues. il préserve l’entreprise familiale, il préserve surtout son honneur.

et il vient te chercher enfin en avril. un sourire fier au visage. mais le patriarche il a eu tout faux en te laissant encore croupir ici avec les idées claires. tu as la colère froide il le sait mais il te prend pour plus faible que tu ne l’étais réellement désormais. tu es rancunière, la vengeance aux tripes.

la thialda dans le brouillard, complètement hors du temps elle n’existe plus. c’est l’impitoyable et réfléchie qui revient.

il t’impose tout ces meetings quand tu retourneras à harvard. pour parler de tes problèmes de drogues, d’andre, de thor. il veut que tu orientes ta colère vers eux et que tu t’en serves pour avancer. mais ta colère elle est ailleurs. elle est contre celui que tu as toujours aimé, que tu as toujours admiré. cet homme dont tu as toujours voulu ressembler. tu veux le mettre au fond du trou, tu veux lui couper l’herbe sous le pied. tu veux pouvoir le regarder du sommet après que tu l’aies poussé au plus bas. ta colère, elle est redirigée vers ton paternel. tu hoches la tête à ses conditions, tu lui souris et prends sa main. prêts à rentrer à la maison pour préparer ton retour. la fille modèle était de retour.

et enfin tu atterris ici. tu suis ses conditions en reculant mais les suis tout de même. tu achètes instinctivement ta dose de poudre. pour le mettre en colère, par habitude tu ne sais pas. mais ce petit sachet tu le ranges sagement dans un coin. la tentation est grande, la tentation est juste dans un placard. est-ce que tu vas céder à tes vieux démons ? tu ne le sais pas encore vee’... tu ne le sais pas… tu ne sais plus ce que tu veux si ce n’est détruire ton modèle de toujours. et pour ça tu dois garder la tête froide et retrouver du soutien que tu avais perdu en te noyant seule dans l’océan.