The bright blessed day, the dark sacred night ★ ─
w/ @Mickey Ainsworth

Les patients veulent en savoir plus sur moi. La démarche est assez habituelle. On explore tout d’eux. Leur histoire, leur état d’esprit, leur corps. C’est comme un échange de bons procédés. Je me soumets à cette curiosité naturelle mais toujours avec une certaine parcimonie. T’exposer comme loisir la boxe n’est pas très risqué. Mon sourire s’accentue tandis que mes sourcils se haussent. « Il semble que vous en ayez besoin oui. Cela vous aurait évité de vous retrouver ici. » Mais lorsqu’on va mal, lorsqu’on se détruit, tout nous conduit dans la geôle. J’ai entendu bien trop d’histoires misérables pour le confirmer. Prélevant de ton sang, je t’écoute déblatérer à ton sujet, avec une certaine spontanéité, ce qui n’est pas sans m’apporter un brin de fraîcheur dans ma journée, je dois bien l’avouer. La plupart des gens étaient bien trop bouleversés ou au contraire bien trop agressifs pour que j’en tire quelque chose d’intéressant. « Je ne serai pas étonné qu’on retrouve autre chose. » Car perdre conscience complètement était rare avec ce type de substances, d’autant plus que tu avais l’air plutôt habitué à en consommer. « Vous n’avez pas choisi le bon endroit faut croire. » Mon regard se pose à nouveau sur toi. Je ne pense pas qu’on fréquente les mêmes. Je t’imagine dans des ambiances survoltées, colorées, une musique lourde, la densité d’une foule, tandis que j’apprivoise davantage les atmosphères feutrées, les milieux plus aisés, les lieux décadents mais cachés. « Quand je sors en soirée justement. » Je replace mes outils, ainsi que le stétho, passant de nouveau derrière mon bureau. « Vous pouvez vous rhabiller. » Bien que la vue ne me déplaise pas. Nous ne sommes pas vraiment là pour ça. « Quel cocktail réussissez-vous le mieux ? » Je t’observe t’installer face à moi, avant de poursuivre. « Souhaitez-vous porter plainte ? Mon bilan vous le permet ainsi que de disposer d’un arrêt de travail lié à vos blessures. Le cumul se porte à une semaine d’arrêt et porter plainte vous permettra d’avoir réparation du préjudice. Autrement, je pense que vous serez libéré. Vous semblez avoir dessaoulé. » Je tape le compte-rendu rapidement sur l’ordinateur. « Je ne vais pas vous faire la morale, je pense que vous savez que c’est parfaitement incompatible avec votre état de santé de faire ce genre de choses. Il y a des moyens moins risqués de sortir pour cette occupation. » dis-je doucement avant de sourire à nouveau.

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« On peut se donner rendez-vous la semaine prochaine » que je disais de façon assez nonchalante, avant que l’aiguille vienne pomper mon sang dans la fiole attachée. J’étais habitué à tout ça, c’était limite quelque chose que je faisais les yeux fermés. Mais bon, là je préférais avoir le regard posé sur toi, concentré à me prendre mon sang. Remarquant la ligne de ta mâchoire, je me surprenais à vouloir la toucher, la dessiner de mes doigts. Bien longtemps que je n’avais pas touché un homme. Non pas que le manque s’était fait ressentir, mais maintenant que les opportunités étaient là, je n’allais pas me faire prier. « Possible… j’sais pas » Parce que là, ça voulait dire quoi, j’ai été drogué à mon insu ? « D’habitude ça fonctionne… Mais j’ai p’tete perdu la main entre temps » Après tout, ça faisait plus de six mois que je fréquentais la même meuf. Meuf qui m’a largué comme une putain de merde. Je voulais juste baiser merde, tenter de l’oublier d’une façon ou d’une autre. Pas me faire prendre pour un punching ball, même si pendant ce temps, je ne pensais pas à elle. Je commence à me rhabiller à ta demande, mais je continuais d’ingérer les informations que tu me donnais. En soirée hein ? « J’vous le dis si vous me dites où est-ce que vous sortez en soirée » Sourire narquois, joueur même. J’avais envie d’en savoir vraiment plus sur toi, sur ta façon de vivre et de profiter. Et puis, j’avais envie de savoir si je pouvais être ton type, si les mecs pouvaient être ton type. Rhabillé, je venais me poser devant ton bureau pour écouter la suite. « J’suis déjà en arrêt de travail prolongé » Je pointais mon torse, le sternum avec la cicatrice qui était encore récente. « Mais j’veux bien porter plainte ouais. J’gagnerai combien à peu près ? » Non mais parce que de toute évidence, j’voulais de la thune, j’en avais besoin plus que jamais. Et puis venait la morale à laquelle je m’attendais, celle que je recevais la plupart du temps. Même mon ex me l’avait sorti à plusieurs reprises. « Ouais ouais… Tinder et autres applis mais j’préfère les rencontres en live, bizarrement » Je hausse les épaules. « Genre j’vous rencontre en soirée, clairement j’aurais eu envie de plus, maintenant encore plus en sachant que vous faites de la boxe » Encore un haussement d’épaules, sans aucune honte, sans aucune gêne.

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Je commence à comprendre que je ne suis pas le seul. Que ces sensations qui me parcourent, cette intuition n’est pas pur produit de mon imagination. Je suis toutefois une personne qui a besoin de compartimenter. Une allure glaciale le jour, bien plus chaleureuse la nuit sans doute. Je suis de ces hommes difficiles à cerner. « Ce n’est pas recommandé dans votre état. » Je ne saisis pas la perche volontairement, me reposant sur cette seule pratique de la boxe. Ton corps est déjà bien trop marqué par les coups, et sans doute que dans ma volonté de Soignant , je me prêterai à lui faire subir bien d’autres choses… Mes phalanges tapent les mots sans rien perdre de leur dextérité habituelle. « Entre temps ? » J’ignore pourquoi, mais je t’imagine plutôt volage, inconstant, sans doute que je me trompe sur ce point. « Qui sait, nous aurons peut-être l’occasion de nous croiser ? » Je souris, sachant pertinemment que non. Hormis si j’en décidais qu’il en soit autrement. Mais flirter de la sorte n’a jamais été un problème pour moi. Tu m’apprends que tu es en arrêt de travail, ce qui ne m’étonne pas vraiment. « Il faudrait trouver les coupables pour ça rapporte vraiment quelque chose. Porter plainte contre X ne vous procurera sans doute pas une grosse somme. Je pourrai vous communiquer les coordonnées d’un avocat toutefois, si vous voulez avoir une idée plus précise. » Le système n’était pas équitable loin de là. Se reposer sur la justice, c’est une illusion de plus. J’ai décidé pour ma part d’agir toujours au mieux pour la mienne, même si elle se distingue parfois de celle communément admise. Je laisse le compte-rendu aller à l’impression, ayant pris soin de t’avertir sur le danger de sortir ainsi au hasard pour rencontrer d’autres personnes. Et ta réponse ne manque pas de m’arracher l’ombre d’un sourire. « La boxe, vraiment, vous n’en avez pas eu assez ? » Ton corps est encore meurtri par les coups, et j’imagine qu’il appelle désormais à autre chose que la violence. Je me relève pour récupérer le papier que je viens te tendre. « Je vais vous raccompagner. » que je dis d’une voix douce en ouvrant la porte, te laissant me précéder.

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« Dans deux semaines alors » que je disais de façon nonchalante. Non mais parce que de toute évidence, je devais apprendre à me battre. Je devais apprendre à me servir de mes poings pour me défendre et rendre les coups, même si je ne suis pas sûr d’être apte à le faire en état d’ébriété. Et je m’étais rendu compte que je t’en avais un peu trop dit sur ma vie, le genre de choses que tu ne pouvais pas savoir avec mon dossier médical. Si mon cœur avait été mis à mal physiquement parlant, une fille l’avait totalement ratatiné récemment, au point que je puisse dire clairement que j’ai le cœur brisé. « Ouais.. compliqué, je vous épargne ça » C’était pas intéressant, vraiment pas. Une histoire qui finit mal. Je suis du genre pathétique même, vu comment je finis mes soirées. Preuve en étant au poste de police. « Y’avait pas des témoins à la soirée ? J’veux bien l’avocat mais ça coûte cher non ? Parce que j’ai pas vraiment les moyens » Déjà que j’avais une dette de malade à cause de l’accident de métro, si je pouvais récupérer de l’argent sans en perdre, c’était plutôt pas mal. Alors ouais, j’veux bien d’un avocat mais c’était plutôt mort pour le payer. « Au pire j’laisse tomber » Je hausse les épaules, presque défaitiste. Mais j’étais dans une sale période de ma vie, avec des choix à faire. J’étais incapable de m’occuper de moi, de ma gosse. Incapable de subvenir à mes besoins, incapable de garder ma meuf… et ouais, j’allais pas m’étaler là-dessus. « J’trouve ça sexy, j’y peux rien » que je disais d’un rire, à propos de ta réflexion sur la boxe. Mais l’entrevue touchait à sa fin puisque j’avais le papier en main et tu m’invitais à sortir de la salle. Je soupire, me levant pour aller jusqu’à la porte. Je la franchissais, avant de me retourner légèrement pour te regarder. « J’sais même pas où vous allez en soirée… pour vous rencontrer par inadvertance » Est-ce que j’aurais une réponse à ça ? Je savais même pas.

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Tu n’es pas du genre à lâcher l’affaire et ceci couplé à ta spontanéité sont des traits tout à fait séduisants pour ma personne. Nous sommes complètement à l’opposé toi et moi et le simple fait que tu y crois est amusant.  « Il faudra attendre sans doute plus que ça. » Par égard pour ton cœur bien trop jeune encore, dans tous les sens du terme. J’en viens à remplir le dossier de mes observations, emplissant les formulaires qui pourront te donner légitimité pour des démarches judiciaires. « Les histoires sentimentales sont toujours compliquées. » Je ne sourcille pas à ses mots même si je n’y ai moi-même pas échappé, décidant finalement que tout ceci n’était pas réellement fait pour moi. Me poser, être en couple, ne fait pas partie de mes priorités, au contraire, cela  a quelque chose d’effrayant de dépendre d’une autre personne. Il suffit de constater dans l’état que ce que t’as mis toi. « Je vais me renseigner. » Concernant l’avocat, il y en a certains commis d’office même si ce ne sont pas les meilleurs, certains peuvent s’avérer doués. Et ta nouvelle remarque concernant la boxe me fait sourire. Tu ne lâches rien, vraiment. Je me relève pour finalement t’accompagner à la porte, mon regard glacé se posant sur le tien en biais tandis qu’une main se pose entre tes omoplates « C’est désormais à vous de mener l’enquête. » La pression que j’exerce de ma paume s’accentue quelques instants alors que le coin de ma lèvre se réhausse. « Au revoir Monsieur Ainsworth. Prenez-soin de vous. » Et je ne sais pas si je laisserai cette rencontre en l’état, sans doute pas.

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