Il était une fois.. Non. Pas de contes de fées ici, juste un récit avec quelques mensonges et beaucoup de vérités. Des ratures et un tas de fautes. En effet, pas facile d'être un enfant, mais pire encore, difficile d'être un enfant qui devient grand. Né à Daegu, la vie se déroulait de façon banale ; enfance paisible, notes médiocres à souhait pour embêter des parents exigeants, une poignée de copain, très peu de copines, des amas d'ennuis et des envies différentes. Tomber, ramper, se relever, et recommencer, comme on apprendrait à faire du vélo pour la première fois ; lui, apprenait de lui-même comment s'en sortir. Apprendre à sourire, à simuler des sentiments qu'il ne parvenait pas à ressentir, apprendre à être faussement docile, mentir, manipuler. Une enfance aux apparences heureuses et classiques, derrière laquelle se dissimulait une réalité que seul Jonah connaissait. Il s'était construit des murs, des barrages, un monde entier, un monde pour lui, dans lequel il aurait le droit de rêver de balades dans les étoiles, de solo de piano sur la lune, d'une vie plus sûre, d'un chemin, un avenir qui lui ressemble, qu'il aurait lui-même choisi. 

L'adolescence brûle les ailes, les froissent, les abîmes mais les recréer ; plus solides, faites de savoir, d'expérience, de vécu. Ayant déménagé pour Boston, il entrait à l'époque dans une école privée pour « recadrer ses envies inappropriées », disaient ses parents - selon eux la délinquance l'aurait frappé de plein fouet, tel un coup de foudre inattendu ; c'était l'amour du risque, de l'aventure, de l'interdit. Jonah avait cédé et s'était rangé sagement dans les rangs, répondant aux attentes de ses parents, jusqu'à ce qu'ils découvrent en lui un potentiel inespéré. Après plusieurs tests, les résultats s'étaient montré concluants, prouvant qu'en effet, son QI plus élevé que la moyenne faisait de lui un élève surdoué et facilement ennuyé par les cours basiques. Seulement les longues études, les multiples diplômes qui s'accumulent, le succès à outrance ; c'était pas pour lui. Malgré ses propres envies, ses besoins et ses désirs, il suivait sans broncher les exigences de ses proches, jusque la fin du lycée.


Les matins d'été, se réveiller une paume sur un sein, sa jumelle sur un torse, des lendemains de soirées difficiles, des nuits arrosées, envoûtantes ; vivre, respirer, exister. Une cigarette, un verre, un rail, une piqûre, deux, puis trois. Les mois passent, pas de job, pas d'études, des pochons plein les tiroirs, des bouteilles sous l'oreiller, des seringues sous le matelas, un cœur en éclat, des parents déçus, des rêves inassouvis - mais danser, toujours, sans s'arrêter, malgré l'avis de ses quelques amis, le regard de ses géniteurs et les remontrances de son professeur. Des examens, à nouveau, différents pourtant, positifs eux aussi ; mais cette fois-ci, pas les mêmes sourires, pas la même joie sur les visages, le silence, les iris vides et un diagnostic effrayant ; se battre contre une maladie c'est comme réapprendre à grandir. Grand ménage dans la chambre, plus de surprises dans chaque coin de la pièce, plus de moments dans les étoiles, plus de sentiments, plus rien de nocifs. Seulement un traitement et un aller simple pour Harvard ; parce que s'il n'avait plus d'espoir en quoi que ce soit, il pouvait au moins essayer de rattraper ses fautes, donner un sens à sa naissance avant qu'il ne soit trop tard. Il serait trop bête de dire au revoir sans n'avoir rien accompli d'autre que son propre échec.

L'ombre rôde, prédatrice aux allures meurtrières,
Revenu des limbes, des abîmes,
Monstre nocturne, terreur des rues,
Mutilant l'espoir, les cœurs, la gloire,
Là où vit Jonah, la couleur ne dure pas,
Un reflet, à mille lieu de ce qu'il a été,
Il ne subsiste aucun éclat de pitié,
Seulement du cinéma.

Les règles faites de ses doigts,
La violence à ses pieds,
L'indifférence au bout du canon,
Le chaos au bord de la lame,
Il ne vit plus dans le cauchemar,
Il l'incarne.

Sa poésie n'est que menace,
Prendre une vie en prose,
En souiller une autre en vers,
Inspirer la crainte en mélodie,
La cracher à bout portant,
Puis ne laisser que des échos.

Mais dans les amas de sa givre,
Dans les tréfonds de sa roche,
Une faille, une seule, pourtant infime,
Unique, elle pourrait, irrémédiablement,
Faire changer l'arme de paume,
Puisque là, encré, tatoué dans ses atomes,
Subsiste le besoin irrépressible de trouver l'âme,
L'âme capable d'être à la fois la gâchette et la balle,
Une balle d'acier qui traverserait sa chair,
Pour ne plus jamais la quitter.

L'enfer sous les paupières,
Le diable dans l'iris,
Vice et folie coule dans ses veines,
L'amour du risque règne en maître sous sa peau,
Prêt à corrompre l'être,
Audacieux, celui qui détiendrait le pouvoir,
L'indomptable, l'insaisissable ;
Celui de l'apprivoiser assez pour le faire rester.