Y a rien, absolument rien de logique dans cette rencontre, cette soirée, ce face à face où on s'aguiche par nos sourires, on s'aimante, on s'attire. Dialogue incohérent sur Tinder, on a rien de commun, ou presque, le russe et la chinoise, c'est presque le début d'une sale blague, et pourtant y a aucun de nous deux qui rit, à se bouffer des yeux, attendre de savoir lequel des deux attaquera la proie. Dans la finalité, y en a forcément un de nous deux qui sera le chasseur, et l'autre le chassé, c'est l'issue inévitable, mais avant ça on profite, on taquine, le rire presque cristallin qui échappe de mes lèvres quand il affirme qu'il s'apprêtait à répéter mes quelques mots, prononcés dans une langue dont il ne connaît même pas l'origine. « Je n'en doute pas une seconde. » Tête penchée sur le côté, sourire en coin sur les lippes, je laisse les volutes de fumée s'élever dans les airs, barrage qui s'évapore, de lui à moi, pour laisser place au round suivant. Sa remarque m'amuse, mes dents attrapent l'intérieur de ma joue, tête qui balance de l'autre côté, belle ingénue qui hausse une épaule, l'air parfaitement indifférent. « Pour ne pas dormir en général il me faut une assez bonne distraction. » Est ce que t'en es une ? On joue avec les mots comme des armes, roulette russe, on tire à tour de rôle jusqu'au coup fatal, et moi ça m'amuse. Mon tour, Ariel. Je m'approche, me dérobe, ses doigts qui glissent sur mon épiderme c'est une brûlure, c'est une caresse. L'espace réduit entre nous, c'est comme si des murs invisibles se rappprochaient, et alors que je nargue, le téléphone au bout des doigts, c'est en apnée que je reste quand il glisse ses doigts contre mon bras, et docile, laisse le mobile m'échapper pour finir au creux de sa main. Et je suis là, immobile, à hausser simplement un sourcil en attendant la suite. Chacun son tour, la roulette russe, l'étaut qui se resserre. Le myocarde s'emballe dès lors que son mobile effleure mes côtes, par dessus la dentelle noire qui couvre ma peau. Mais je ne bouge pas. Immobile, fière, quoique tressaillante, le frisson invisible qui glisse le long de mon échine, le dos qui s'arque inconsciemment pour mieux chercher le contact. « Que d'assurance, est-ce que je dois ajouter une pointe d'arrogance à la liste... ? » que je murmure dans un souffle presque mal contrôlé, fébrile, la main qui se redresse et trace du bout de l'ongle l'angle de sa mâchoire. « Je pourrais tout aussi bien faire durer le mystère, m'assurer qu'à six heures passées tu vas pas jouer les Cendrillon et t'évaporer dans la nuit bostonienne. » De la mâchoire au cou, je glisse, aventurière, m'arrête à la naissance de son col, remonte, légère comme une plume, contre la sienne. « Tu vois, on ferait comment si j'en veux plus mais que toi, t'en as assez ? T'avais l'air d'avoir l'embarras du choix tout à l'heure. » Le sourire en coin, la langue coincée entre mes dents, c'est presque insolente que je suis, à suivre du regard chaque trait invisible que font mes doigts sur sa peau, descendant maintenant le long de son bras.

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De toute façon la logique, t'as jamais trop aimé ça toi. Les trucs qui s'emboîtent bien, les traits bien dessinés, les culs qui se posent là où s'attend à ce qu'ils soient posés. Y'en a jamais eu aucune dans ta vie, de logique. Une série d'accidents, d'incidents, de trop et d'encore. Tête baissée, mais yeux grands ouverts pour toujours voir le mur dans lequel tu vas foncer. Le mur ce soir, il n'est pas si moche. Il ne fait pas si peur. Pourtant il a l'air solide, là, face à toi. À ta hauteur même, pour une fois. Tête baissée, yeux grands ouverts, tu fonces droit dessus. Sa moue enfantine ne te dupe pas une seconde quand ses yeux te racontent le contraire. Pourtant tu la suis du regard quand son visage effleure son épaule, que ses lippes cachent des secrets dans ses sourires mutins. Comme traîner au comptoir d'un bar tendancieux jusqu'à l'aube ? Comme rester avec toi jusqu'à ce que le soleil se lève et vous rappelle à l'ordre. Ping. Pong. Pied au plancher, toujours ce mur intact droit devant. Plus de vitesse. L'impatience qui court le long de tes veines quand tu effleures les pierres, que l'angle de son smartphone ricoche sur ses côtes saillantes, la faute à son échine qui se cambre sur son passage. La dentelle noire s'égratigne et toi tu suis la course, tu ne laisses aucune miette pour la lune. Assez près du mur pour te rendre compte qu'il ne respire plus, apnée spontanée et un sourire amusé qui se pointe déjà aux bordures de tes lèvres. La liste, vos codes. T'avais déjà presque oublié que jusque il y a encore cinq minutes vous ne vous étiez parlé que par écrans interposés et que le temps qui passe vous rapproche de l'intérieur de la salle, de vos messages encore. Ce sera plus difficile maintenant que tu sais l'odeur presque enivrante de son parfum. Oui, ajoute-le.. En tête de liste. Elle est encore dans ton souffle pour répondre au sien, l'arrogance. Elle te suit partout comme une vieille amie, fidèle bouclier. Mâchoire serrée quand elle en dessine les contours de ses griffes. Il s’effrite, le mur et toi tu t'enfonces dans ses fêlures. Et si moi je veux plus jouer ? Ses doigts redessinent tes tatouages, brûlent l'encre qui maquille ta peau. Le sang qui pulse contre ta tempe, le téléphone qui poursuit sa route sur le flanc de son ventre, s'échoue le long de sa cuisse en relevant à peine le tissu de sa robe. Tu veux une garantie, madame la pragmatique ? Ta langue vient humidifier tes lèvres trop sèches, tu maintiens la pression du téléphone sur sa cuisse avant de l'arracher pour le plonger dans ta poche arrière. De 'autre, tu en ressors le tien. On échange. T'es à peu près sûre que je voudrais le récupérer quand je finis mon service.. Doucement, ton visage se baisse sur le sien, tes épaules se voûtent pour pouvoir venir chercher son souffle. Ta paume écrasée sur la naissance de ses reins, rapprocher son corps du tien. Et maintenant, est-ce que je peux profiter de ma pause pour me détendre ?

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Incapables de définir les limites. Où le jeu a commencé, où est-ce qu'il se finit. Est-ce qu'il se finit. Insolente, j'ai plus envie de me laisser guider par la vie mais d'être celle qui en choisit le fil, et ne plus être celle qui subit ses aléas, ses tragédies. L'esprit léger je joue sur le fil, funambule, tout sourire, fausse innocence enivrée par l'alcool, enivrée par lui. « Ca occupe oui. Un temps. » Réponse du tac au tac, y a l'envie d'en avoir plus, et celle de résister, de faire front, de marquer son esprit comme je marquerai sa peau. Pas envie d'être une option parmi les autres. Pas non plus envie d'être celle qui présentera sa mère, qui rêve de briser sa carapace de grand garçon. Je te promets de rien attendre de toi, Ariel, sinon de marquer ton esprit au moins pour quelques jours. Et si j'ose être gourmande, peut-être même un peu plus. Mon téléphone contre ma peau couverte, mes doigts qui courent sur son épiderme, on trace la carte des interdits, à l'abri dans notre placard improvisé, notre petit coin d'ombre qu'il a trouvé. J'ajoute l'arrogance à ma liste, souligne l'impatience à la sienne, en précisant "coriace" entre parenthèses. Je joue avec le temps qu'on a pas. Du moins pas assez. Et si mes doigts remontent contre sa mâchoire, mes yeux glissent sur ses lèvres, où chaque syllabe se détache. « Eh bien ne joue plus. Il te reste un peu moins de quinze minutes de pause, il faut en profiter. » Profites en pour te rappeler chaque trajectoire de mes ongles sur ta peau, qu'ils fassent écho comme un frisson, même quand tu seras de retour perché derrière ton bar à remplir les verres des autres. Le téléphone descend, s'échoue sur ma jambe, et le contact froid contre ma peau m'envoie une décharge électrique. L'apnée revient, mais à sa question, j'arrive à sourire, juste sourire. « Qu'est ce que tu me propose ? » Joueuse jusqu'au bout, j'attends, ignore ce désir violent de voler son souffle avec le mien, vivre sa pause en apnée l'un contre l'autre. Puis le contact se brise. Sa main recule, la mienne le quitte, retombe le long de mon corps, jusqu'à ce qu'il sorte son téléphone pour me le tendre. Un échange. Lèvres pincées, moue impressionnée, il prend le risque. Et moi je le saisit aussi. « Vendu. » Que je dis tout en glissant mes doigts contre sa paume pour mieux prendre l'objet dans la mienne. Visage trop près du mien, sa main contre mes reins, ma main libre s'accroche à son bras, pour ne pas perdre l'équilibre. Eviter de perdre pied, enivrée par son parfum et son souffle qui balaie le mien. Je goûte. Approche mes lèvres des siennes dans une caresse, le sourire dans la voix. « Tu peux maintenant. » A chaque syllabe ma lèvre supérieure balaie la sienne, puis je me dégage, rompt le contact, le laisse avec mon téléphone et ses cigarettes pour retrouver le brouhaha du bar, jouant avec son téléphone entre mes doigts pâles. « Je peux avoir la carte des cocktails ? » Quitte à rester des heures ici, autant tester un peu tout ce qu'ils ont à offrir.

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C'est pas dans tes habitudes de laisser traîner quoi que ce soit, encore moins le temps. C'est de l'argent et toi t'aimes le gagner. Est-ce que tu le perds avec elle, là, sur ce toit qui en a vu d'autres et qui en verra encore ? Le plus dangereux c'est peut-être le fait que tu ne te poses même pas la question. Happé, fasciné par les syllabes qui roulent sur sa langue, les mots qui fusent d'un côté et puis de l'autre comme des balles brûlantes. Brûlés, un peu plus à chacun des assauts de l'autre. Un temps, parfois c'est suffisant. Et d'autres fois non, rarement c'est pas assez. Elle se différencie, elle le sait. Perdre du temps pour gagner des points, un pari risqué. Mais ça se tient, se soutient comme vos regards qui racontent les histoires, celles qui se cachent sous vos parades oratrices. De temps en temps, un demi-sourire au coin des lippes quand vous ne pouvez plus le retenir. Là, maintenant. C'est plutôt court quinze minutes de profits quand on peut avoir beaucoup plus. Parfois un temps c'est suffisant, et d'autres fois non. Beaucoup plus, plus tard, quand Boston sonnera six heures. Tintement de l'arrêt de jeu ou de début de match. L’aiguille qui tourne, doucement, comme le téléphone sur sa peau frémissante. Un peu plus bas à chaque seconde, tu marques le temps et ses souvenirs jusqu'à l'échange. Le tien pour le sien, le sien pour le tien. La garantie. Qu'elle reste, que tu files avec aucune autre. La fausse ingénue accepte l'accord, scelle la fin de votre nuit. Que le soleil ne se lève plus, jamais. Ses ongles sur ta paume, la tienne sur la cambrure de ses reins. Lèvres effleurent lèvres, palpitant se réveille. Pendue à ton avant-bras pour garder l'équilibre, à peine consciente que t'es pourtant en train de la faire tomber. Douce et lente chute pourtant, mortelle à chaque fois. Pour elle, pour toi et les futures rencontres qui s'en souviendront encore. Nouveau souffle, nouvelle caresse, nouvelle ivresse. Sombrer un peu plus, mais tenir encore, tenir toujours. Parce que la faiblesse c'est pas pour vous, parce que malgré les différences flagrantes de vos corps, vos âmes sont faites du même acier. Invincible et tenace. Jusqu'à quand ? Jusqu'à ce qu'elle lâche prise, son bras qui retombe sur le tissu de la robe qu'elle t'arrache. La frustration qui fourmille dans tes phalanges quand elles se replient sur le vide. Sourire amusé vers les constellations quand la porte claque dans ton dos. Pari gagné, soudjine.

Fin de tes dix dernières minutes de pause en tête à tête avec la lune, à nouveau le passage secret et la chaleur du bar qui te prend à la gorge. La musique, les néons, les rires plus forts encore qu'avant ta trêve. L'alcool qui monte et la pression qui redescend. Tu reprends ta place derrière le comptoir, un sourcil arqué quand tu la remarques décrypter la carte des cocktails, elle se fait cliente d'un autre. Tu en profites pour prendre la commande de sa voisine de droite. Un signe de tête, tu acquiesces les mots que tu entends à peine et en te penchant pour saisir la bouteille de get, c'est vers elle que tu souffles. Tic-tac, tic-tac. Profite de tes dernières heures de liberté, la chinoise. Avant de te faire chasser.    

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Dernières heures de liberté. Eh bien ces heures sont interminables. Les verres par contre se finissent vite. Quelques pauses pour décuver au moins un peu, accompagnées de sms et de regards en coin, et l'aube approche, annonciatrice. De la fin du jeu, du commencement du suivant, ou peut-être que c'est qu'une continuité, qu'est-ce que j'en sais. Si beaucoup de clients sont partis, d'autres traînent encore, discutent sous les lumières rouges, confortablement posés dans leurs fauteuils encore neufs. Ca fait une heure que j'ai abandonné le bar pour siroter mon dernier cocktail dans un des sièges. Même la blonde qui n'a pas arrêté de tenter d'attirer le barman dans ses filets a fini par lâcher l'affaire et disparaître dans l'escalier qui mène à la sortie. Tic, tac, on annonce la fermeture, et avec, la sortie. Je me redresse, laborieux trajet jusqu'au bar où j'appuie mon verre et le cherche du regard. Il a le dos tourné, mais je suis sûre qu'il sait que je suis toujours là. Une des serveuses vient me voir, bla bla bla, j'ai compris, il faut bouger. Alors les talons tournent, et filent déjà vers les escaliers pour rejoindre la morsure du froid de Boston, dès que je passe la sortie. L'air marin joue avec mes cheveux noirs, alors que, 6h30 l'aube est déjà là, installée dans un ciel aux nuances colorées. Un type approche. Propose - trop - aimablement de m'appeler et de partager un taxi. « J'habite pas de ton côté mais merci. » Fausse amabilité retournée, monsieur m'a même pas dit où il habite, mais je crois que le message est passé. Et alors que les silhouettes s'éloignent, une à une, pour finir par disparaître, moi j'attends dans l'ombre, veste sur les épaules, et entre mes mains, le téléphone du barman pas vraiment russe du Badgirlz. Tic, tac. Dernières minutes de liberté.

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Heures défilent, s'attardent toujours un peu trop quand on les compte. Les verres se remplissent et les morales se vident, même geste habile du poignet, trop répété. Quelques messages encore, tenir le lien, même de loin. Elle arpente le bar et toi tu le tiens. Soo-Jin comble le temps, chatouille le cuir neuf des fauteuils avant de revenir sur les tabourets du comptoir pour repartir encore. Ton regard la suit parfois, il la cherche souvent. Jusqu'à ce que la salle se vide, délestée des silhouettes titubantes et des jambes qui chancellent. Tu sais qu'elle est encore là, son téléphone qui dort au fond de ta poche en guise de chantage. Comme toujours, les optimistes qui aimeraient bien pouvoir en prendre un petit dernier avant de se faire gentiment remercier. Les lumières se rallument, chassent les dernières ombres fiévreuses. Bref débriefing de l'ouverture, quelques éclats de verre à ramasser, le comptoir a essuyer. Tu récupères ta veste aux vestiaires des employés, la flanque sur tes épaules épuisées enfin tu pousses les portes de sortie du Badgirlz. L'air à nouveau respirable, la brise du vent pour calmer le bourdonnement dans tes tempes. L'aube pour éclaircir encore un peu plus sa peau, patiente sur sa lame de trottoir. Il faut pas traîner toute seule ici à cette heure-ci mademoiselle. Tu la contournes pour venir te poster face à elle, tes yeux noirs se promènent sur elle comme pour vérifier que rien n'a changé. Alors.. Tes phalanges qui plongent dans la poche arrière de ton jean, en extirpe son téléphone qui fait face au tien, entre ses doigts vernis. On se rend nos biens ou on les garde encore un peu ? Encore beaucoup.

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Une minute s'écoule, les secondes paraissant égaler les heures qui viennent de passer. Le regard s'égare, un peu trop souvent, contre la porte qui affiche désormais que le Badgirls est bien fermé, et le téléphone tourne, dans un sens, dans l'autre, puis encore un autre entre mes doigts gelés. Jusqu'à l'ouverture. Quelques personnes sortent, mais moi je vois que lui, sa veste sur l'épaule, comme si le froid était une vieille amie. (Im)patiente, j'attends qu'il me remarque, traverse pour me rejoindre sur mon petit coin de trottoir. Sa remarque m'arrache un rire amusé. « Il faut pas traîner dans ce bar non plus, il paraît. » Âmes sensibles s'abstenir, qu'on m'a dit. Peut-être pour ça que j'ai laissé la mienne. Et peut-être que je suis pas encore prête à renouer avec, trop occupée à fixer sa grande silhouette qui me fait front, devenue familière. Mon téléphone fait face au sien entre ses doigts abîmes par des heures de travail, et peut-être d'autres choses encore, au fond, qu'est-ce que je sais si ce n'est qu'il est pas russe et confond terrasse et placards. Le téléphone quitte mes mains, mais au lieu d'aller dans la sienne, retourne dans mon sac. « Tu le récupéreras sur ma table de chevet. » Sourire mutin, haussement de sourcil amusé, juste avant que je ne demande, confirmation qui tient presque trop de la formalité : « A moins que tu ne préfères récupérer le tien dès maintenant ? » Ou sinon, on peut y aller, et dégager de cette rue gelée. Your choice, Ariel.

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Elle est là, à portée de mains. Fini les messages, les regards lancés de derrière le comptoir, les minutes comptées dans le placard. L'attente fait naître l'envie et l'envie, elle, refuse les limites. Plus de montre, plus d'écran, plus de distance. Que demain aille se faire foutre, toi t'as toujours vécu que pour aujourd'hui et tu choisis de vivre que pour cette nuit, avec elle. Peut-être que c'est avec moi qu'il faut pas traîner finalement. C'est pas une possibilité, c'est une certitude, mais c'est déjà trop tard. Vos téléphones en suspens, énième onde de provocation. Elle ricoche, fait vibrer le lien invisible, invincible entre vos regards jusqu'à ce que ton téléphone s'enfonce au fond de son sac. Garantie remise à plus tard. T'en veux plus de ses sourires de gamine insolente, les mots qu'on raconte à peine, les images qui s'invitent. Je t'ai dis qu'après six heures, moi je jouais plus. T'en as assez perdu, du temps et c'est l'heure de le rattraper. Consommer celui qui vous reste encore. Yeux noirs affrontent encore les siens, s'y plantent. Respiration s'arrête, veste glisse de ton épaule pour s'échouer sur le trottoir humide la rosée. Et puis l'élan, l'enfer vibrant dans tes phalanges quand elles s'accrochent à sa hanche. Son dos qui heurte le mur, ton souffle sur sa joue, ton corps pour la tenir prisonnière. Elle est où ta table de chevet, Soo-Jin ?. Éteindre l'aube, avec elle.

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Peut-être que c'est avec lui que je devrais pas traîner. Peut-être, mais là, j'ai pas envie de reculer. Quel que soit le chaos qui l'entoure, je veux en profiter, profiter de son ombre pour me cacher de la lumière qui n'a fait jusque maintenant que m'encombrer et me ronger. « Trop tard. » que je réponds simplement, un simple sourcil haussé. Si tu veux que je recule et que je fuie, Ariel, tu t'y prends un peu trop tard, un peu trop tôt le matin. La provocation dans la peau, dans le sang, le mobile disparaît d'entre mes doigts, retourne là où il ne l'aura pas. Tu veux plus jouer, Ariel ? Moi non plus ça tombe bien, je viens de ranger mes cartes pour passer aux choses sérieuses avec toi. « Prouve le moi dans ce cas. » Les iris noirs sont presque incandescents même dans l'ombre, même dans l'aube naissante. Vas y, Ariel, j'ai pas peur, ni d'ici, ni de toi. Veste qui chute, m'arrache un instant d'inattention, rien qu'un, parce que déjà mon dos recule, heurte le mur derrière moi. Son souffle effleure ma peau, sa main compresse ma hanche, et la mienne, elle, s'accroche à son avant bras pour mieux remonter sur son épaule. Prisonnière de ses mots, de ses gestes, de son tout. Je tourne les yeux pour rencontrer les siens, mon souffle balaie ses lèvres, il sent le parfum, l'alcool qu'il a versé, les cigarettes qu'il a fumées. « Dans une chambre, a priori. » Mes hanches qui s'approchent, répondent à ses mains pressantes, jouent peut-être encore un peu par réflexe. « Ma chambre, à 10 minutes d'ici. » précision que je fais glisser contre ses lèvres dans un murmure amusé, avant d'ajouter : « Est-ce que je dois appeler un taxi pour deux personnes ? »

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Tu lui as demandé d'abandonner son âme ce soir, tu veux pas qu'elle la récupère cette nuit. C'est de trop, infructueux si elle veut la passer avec toi. Tu veux pas une once de conscience, pas l'ombre d'un raisonnement. Toi, tu veux l'abandon total, la carte blanche sur ses lèvres rouges. Trop tard. Elle répète et tes yeux s'enfoncent plus profondément dans les siens, sa lucidité et l'attirance brute, instinct animal. Soo-Jin provoque encore, à peine le temps de te tenter que ta paume presse déjà sa hanche, pulsion charnelle. Il faut que tu la touches, il faut que tu la sentes plus près, parce que tu l'as envisagé de trop loin, trop longtemps. Confirmer la théorie. Ses doigts qui s'accrochent encore à ta peau, ne pas perdre pied et son parfum pour conjurer tes blessures. Dix minutes.. Tu répètes ses mots, les recrache dans un souffle quand tes lèvres s'enfoncent dans ses mèches brunes, la faute à son bassin qui réclame et ta patience qui s'effrite. Trop long, à priori. Délaisser la cascade de ses cheveux pour ses lèvres narquoises. Foutue inconsciente. Elle réveille ce qu'elle ne pourra plus endormir. Elle attise les braises des flammes de l'Enfer et toi tu la jetteras dedans, sans remord, sans regret, sans promesse. L'ébauche de ton sourire fourbe s'écrase à la bordure de ses lippes, les tatoue des nuances sombres, froides des restes de toi. Est-ce que j'dois te prévenir que j'attendrai pas l'arrêt du taxi ?

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