SPIRIT IN THE SKY
DAY 2

J’acquiesce vivement, en un mouvement de tête ultra exagéré, à fond dans mon personnage de mec option melon hyper-incarné qui sait qu’il est beau et en fait toute une montagne parce qu’il n’a que ce détail sur lequel capitaliser pour retenir l’attention. Dieu merci, ce n’est pas un portrait réaliste, j’aurais du souci à me faire. « Tout à fait monsieur, ne m’oblige pas à te le prouver par A+B en ayant recours à une démonstration dans les règles de l’art une fois à la maison ! » Parce que je serais totalement capable de me lancer dans une sorte de show pour exposer tous mes arguments et affirmer ma supériorité en matière de sex appeal. De quoi serais-je incapable après avoir été défié de toute manière ? Pas grand-chose, en effet. Il n’y a que l’idée de faire du mal – que ce soit aux autres ou à des animaux – qui me fait systématiquement reculer. Je ne suis pas une enflure, je prends souvent des risques stupidement inconsidérés mais jamais dans le but de violenter physiquement une autre personne. J’aimerais utiliser ce même constat pour caractériser mon attitude vis-à-vis de la violence psychologique mais j’imagine que toutes les blagues peuvent heurter – même quand c’est minime – les personnes directement (ou indirectement) concernées. Je ne peux effectivement pas rivaliser avec le Parkour, nous sommes d’accord. « J’avoue, tu ressors victorieux lorsqu’il est question de Parkour, je ne puis que m’incliner ! » Monsieur tente de me piquer et je rebondis sans faiblir, jamais avare en petites expressions qui me viennent de je ne sais où. La blanche colombe, pas sûr qu’on puisse réellement utiliser un tel qualificatif pour moi, je suis loin d’être innocent, pas vraiment représentatif de la signification qu’on se fait du blanc dans les religions et autres croyances populaires. « T’es même un gros crapaud tout moche que personne ne va embrasser pour te rendre sexy à nouveau. Je te maudis, toi, Morgan Jones. Tu ne connaitras le repos que lorsque quelqu’un tombera follement amoureux de toi malgré ton apparence répugnante et osera te gratifier d’un tendre baiser ! » J’agite les doigts, pas très inquiété par le fait qu’on puisse me regarder, moi qui hausse légèrement le ton pour entrer dans le personnage machiavélique du sorcier vaudou, en plein milieu du restaurant. Insolent, c’est le seul terme qui me vient à l’esprit pour décrire mon camarade qui n’a décidé pas envie de me simplifier la tâche et qui me fait donc partir au quart de tour, outré comme jamais. « Mon cœur est brisé, je suis tellement choqué et déçu par ton attitude, petit merdeux ! » Je croiserais bien les bras autour de ma taille pour bouder comme un enfant, mais j’ai beaucoup trop faim et les plats apportés me mettent diablement en appétit. Lui apprendre à conduire, c’est une idée qui me plait et que je garde dans un coin de ma tête. « J’peux faire ça, il parait que je suis hyper patient et tout… Par contre tu seras obligé de signer un contrat… Un peu à la 50 shades tu vois ? Sauf qu’au lieu de te demander des faveurs sexuelles un peu bizarres, j’te demanderais de t’engager à ne pas m’abandonner… Jamais, à aucun moment ! » Le voilà piégé, tel un pauvre animal sauvage. Explosion culinaire, petite marche salvatrice, arrivée à la maison… Bonne grosse douche chaude pour soulager mes muscles sacrément mis à mal depuis deux jours. Débarquement dans les règles de l’art et vêtu du strict minimum syndical – bonnes vieilles habitudes obligent – avec mon boxer Calvin Klein et interrogation naturelle. « Pour cette nuit, ouaip… Mon dos ne supportera pas le canapé cette nuit ! » Pas après autant d’heures sur la route, assis dans un siège certes confortable mais pas magique pour autant. Quelques minutes à discuter, puis le silence et un réveil plusieurs heures plus tard. Il est encore tôt, Morgan dort profondément, ce qui me laisse le temps de déguerpir pour mettre la main sur les ingrédients qui me permettront d’offrir à Morgan un petit-déjeuner aux couleurs mexicaines. Lorsqu’il émerge enfin, ce sont des conchas (pains sucrés parfumés à l’orange et en forme de coquillages) qui l’attendent avec un bon chocolat chaud tout juste préparé et un jus d’orange fraichement pressé. J’ai mis les petits plats dans les grands pour ses beaux yeux… Surtout parce que j’ai une réputation à tenir après les cookies au chocolat blanc. « Je t’ai préparé de quoi prendre des forces, on va faire du sport aujourd’hui ! » On va énormément explorer, crapahuter. Il y a quelques paysages que j’ai envie de lui faire découvrir.      

(C) CANTARELLA.