caractère(hyper populaire) Numa est charismatique, irrésistible même. elle est d'une nature très extravertie, elle attire la lumière et la renvoie, cette fille rayonne. d'un cractère doux, toujours souriante, elle tente toujours de renvoyer la meilleure image possible, absolument obsédée par le regard des autres. elle est de toutes les fêtes, à boire et à fumer même si elle déteste ça pour toujours rester au centre de toutes les attentions. des amis, des petits copains, elle en a toujours dans des proportions démesurées : elle semble connaître tout le monde, tout le monde la connaît. (lâche) Numa n'ose jamais franchir le seuil de l'inattendu, du dépassement : elle reste dans les rails qu'on a prévu pour elle. les rails de l'excellence, de l'amour inconditionnel qui l'auréole. jamais un mot de travers, un geste déplacé qui puisse lui être reprochée. et puis Numa elle n'osera jamais s'avouer à elle même ses propres émotions quand elles semblent inquiétantes. elle ferme les yeux, ignore son coeur, nie les pulsions de son corps. si elle se sent tomber amoureuse, elle rétropédale, si elle se sent submergée par la tourmente, elle se sort la tête de l'eau tant bien que mal, quitte à y sacrifier son intégrité. Numa est une façade. (dynamique) championne de soccer, capitaine de son équipe de cheerleaders au lycée, engagée en politique chez les démocrates, présidente de l'association humanitaire de son bahut, invitée d'honneur de toutes les fêtes. pour rester en haut, il faut être infatigable. Numa enchaîne les actions caritatives, les pyramides de pompom girl, les entraînements de soccer sans jamais procrastiner. et puis elle est encouragée dans tout ce qu'elle entreprend par ses parents qui exigent de voir leur fille briller. (ambitieuse) Numa est la fille de Stanislas Ford et Imani N'Sawit. diplomates de renom, une famille qui a la gagne. elle doit sans cesse faire ses preuves, viser le haut du tableau, toujours se dépasser, toujours donner le meilleur et avec le sourire. Harvard était une formalité, il lui reste encore le monde à concquérir. (brisée) sous cette façade de reine des abeilles, Numa est en miettes. un frère suicidé, des parents absents, une soeur en colère. sa vie a volé en éclats. elle prétend que tout va bien, avance comme si de rien n'était, comme si son frère ne s'était pas jeté sous un train alors qu'elle fêtait ses dix-huit ans. rien ne va, tout va. elle ne se laisse jamais décontenancer. toujours un sourire de façade, mais quand personne ne regarde, sous la douche ou dans son lit, elle pleure. et cette rigueur qu'elle s'impose a des répercussions sur son organisme, il y a un an, elle a été diagnostiquée stérile. comme quoi, c'est son corps qui externalisé toute la violence qu'elle a choisi de taire à elle-même.

admission à harvardTON ADMISSION À HARVARD - Michelle est une élève brillante. Un parcous scolaire impeccable mais pas que. Engagée politiquement, membre d'une association humanitaire, championne de soccer, capitaine cheerleader. Et puis fille des étoiles montantes des relations internationale : Stanislas Ford et Imani N'Sawit. L'essay, l'entretien n'étaient que des formalités, son admission à Harvard semblait assurée. Une lettre annonçant son admission lui a été envoyé quelques semaines après les épreuves et elle était tellement attendue que la famille ne s'en est pas réellement émue. La digne fille de ses parents. Une famille qui a les moyens de payer ses frais de scolarité sans prendre de crédit. Le rêve était en cours. Michelle, Numa pour les intimes, s'est donc lancée dans des études d'économie et de droit poursuivant des ambitions à la hauteur de son talent, paraît-il : elle sera une grande aocate d'affaires comme lui rappellent ses parents. Son rêve est le leur. Elle intègre Harvard à la rentrée 2016.

story of my lifeSéance du lundi 6 février 2015 - centre de psychologie de Toronto

"Vous voulez parler de votre soeur Michelle ?" Je la coupe : "Numa." Je m'appelle Michelle devant mes professeurs, sur mes papiers d'identité, dans les sphères d'excellence. Pour ma psy, ce sera Numa. Le prénom que m'a donné ma mère. "Belle" en swahili. "Numa" elle reprend, d'une voix tranquille. "Vous voulez parler de votre soeur ?" Je hoche la tête. Est-ce que je veux parler d'Asha ? Sûrement. "Asha est la plus jolie." je murmure d'abord. Depuis qu'elle est bébé, les gens louent ses grands yeux noirs, sa peau ébène, ses boucles brunes, ses lèvres pleines. Et son sourire de lune. On prédisait qu'elle ferait tourner les têtes, qu'elle serait couverte de gloire. Finalement, elle fût la soeur la plus réservée des deux. Elle a toujours voulu prouver qu'elle était davantage qu'un joli minois, à étudier longuement, la tête dans les étoiles, le nez dans les bouquins. Pas timide mais introvertie, pas arrogante mais mature, pas ennuyeuse mais céleste. C'est moi qui suis devenue le centre des regards alors que nous grandissions, à trôner au centre de la cour de récréation alors qu'Asha, d'un an mon aîné, s'asseyait près des tilleuls pour lire. Elle avait des amis, tous s'accordaient à dire qu'elle était absolument charmante et agréable, mais Asha n'a jamais cherché l'approbation de qui que ce soit. Asha a le courage d'être elle-même. "Nous étions très proches." je soupire en fixant le bout de mes pieds. "Nous étions toujours ensemble. On était très différentes, pas grand chose en commun mais elle a toujours veillé sur moi. Nous avions toujours..." "Vous parlez au passé." La psy me coupe, me fixant d'un regard intense. "Nous avons arrêté de nous parler il y a un an depuis que..." J'articule péniblement. Je hais en parler. Mais c'est bien pour ça que mes parents paient ces séances. Pour parler. "Depuis que Kibwe est parti." J'entends le crayon griffoner sur le papier. Parfois, elle détache enfin son regard perçant de moi pour plonger dans ses notes. Je ne sais pas ce qu'elle peut écrire dans ce gros dossier noir. Sûrement : Menteuse, en gros. Kibwe, ou Francis Daniel Kibwe Ford, n'est pas parti. Il a sauté sur des rails alors que le métro arrivait en gare. Mon frère s'est suicidé à ses seize ans alors que j'allais souffler mes dix-huit bougies, quelques mois plus tard. "Avez-vous pleuré ?" Sa question m'ébranle. Je pensais que les psychologues restaient silencieux le long d'une séance, marmonnant par moment. Cette femme s'était lancée dans un interrogatoire pénible. "Assez peu." Je réponds doucement en secouant la tête. J'ai toujours appris à cacher mes émotions comme je cacherais un trésor. A ne jamais perdre la face. Tout va toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne m'autorise quelques larmes que quand tout le monde tourne le dos. Alors je pleure vite, discrètement et puis je m'essuie les joues d'un revers de la manche et lorsqu'on me demande si ça va, je réponds machinalement : "Impeccable." avec le plus beau des sourires. Alors quand Kibwe est parti, j'ai continué le rythme de ma vie si parfaite. J'ai tout intériorisé, jamais de moue triste, les yeux secs, un visage serein alors qu'on adressait les condoléances. J'ai refusé de faire mon deuil. Si je prétendais que tout allait bien, que tout irait bien, alors peut-être que Kibwe ressurgirait sur le quai. Peut-être que la vie parfaite de Michelle Ford reprendrait son cours. Asha ne me l'a jamais pardonné.

Séance du lundi 13 février 2015 - centre de psychologie de Toronto

"Vous savez, Numa, il est normal de pleurer après la perte d'un proche. Vous étiez proche de votre frère ?" Je hoche la tête. "Oui." Kibwe était à mi-chemin entre le caractère lunaire de ma soeur et mon extrême extraversion. Il avait ce côté bout-en-train, cette mine rêveuse. Mes parents regrettaient toujours son côté "dispersé". Alors qu'Asha et moi étions des élèves modèles, des athlètes accomplies, Kibwe était plus tranquille, plus désinvolte. C'est peut-être ça qui l'a emporté ? La pression ? A vrai dire je ne saurai jamais. Qu'est-ce qui a bien pu m'arracher mon frère ? "Parfois j'ai mal au ventre. J'ai lu un jour, dans un livre de poèmes, je ne me rappelle plus bien du titre, un vers qui disait : "mon estomac pleure." Je crois que c'est ça que j'ai. L'estomac qui pleure." Je ne sais même pas ce que je raconte. Des drôles de mots qui sortent de ma bouche, la psy qui n'en rate pas une miette et qui note furieusement dans son dossier. "Votre estomac ? Vous voulez dire ?" Mes yeux s'embuent. Je sais que je peux. C'est un espace protégé. Je suis en sécurité ici. Je sais que je peux pleurer sans risque. "Il y a une semaine, je suis allée à l'hopital pour des douleurs utérines." J'ai du mal à enchaîner les mots. Mon visage se contracte. Mon coeur se serre. "Je suis stérile." Tout ce bordel que j'inhibe finit par me retomber dessus. Et c'est mon corps qui prend. Les médecins savent pas trop d'où ça vient cette connerie, comment mon organisme peut réagir de la sorte. Mes parents n'en savent rien. Eux imaginent déjà une brillante descendance. Je me mords les lèvres rageusement alors que des larmes glissent le long de mes joues. "C'est peut-être ma faute, j'étais pas là pour lui, j'aurais dû... Mon petit frère..." Je reprends mon souffle difficilement, ma vue est floue, mes muscles tendus, mes joues trempées. J'ai toujours tout réussi dans la vie, il a fallu que j'échoue une seule fois pour que tout parte en vrille : j'ai échoué quand il a fallu retenir Kibwe.

Séance du lundi 20 février 2015 - centre de psychologie de Toronto

"Vous avez des projets après le lycée ?" Me projeter dans le futur pour oublier le passé. Mon crédo. Celui de mes parents aussi, qui nous répétaient sans cesse à Asha et à moi : "Les chéries, n'oubliez jamais le bonheur qui vous attend même si notre famille est terriblement blessée, il nous reste la vie." Ces paroles filaient la nausée à Asha, moi, j'essayais de m'y tenir. "Mes parents disent qu'Harvard..." "Vous me parlez souvent de vos parents." me coupe-t-elle. Je ne sais si je devrais faire la moue pour cette impolitesse ou simplement accepter que je ne sois pas la maîtresse à bord lors de ces séances. "Etez-vous proches ?" Je hoche la tête. "Oui." Je glisse à voix basse. "Je les vois peu, ils voyagent beaucoup pour leur travail mais je sais qu'ils pensent souvent à nous. Et ils sont fiers de nous." Je hoche la tête. Oui, très fiers. Ils nous le répètent souvent : vous êtes des championnes mes filles, vous irez très loin. Un jour, alors que j'étais au collège, nouvelle à Toronto alors que j'avais passé mon enfance au Kenya, un petit garçon m'avait balancé des remarques racistes, un truc moins rare qu'il n'y paraît au Canada, morte de honte, j'avais couru me réfugier aux toilettes pour pleurer à l'abris des regards. Ma mère était venue me chercher de l'école ce soir là, m'avait consolé pendant des heures en me répétant que le succès était la meilleure vengeance que j'aurais contre ces imbéciles. Et puis le lendemain, je remportais le premier prix d'éloquence à un concours organisé par l'école, scotchant tous les petits gus minables à leur chaise. Plus jamais on osa me traiter de "trop foncée" ou m'imiter avec des gestuelles de babouin. Ma mère, une fille de Nairobi, qui a su devenir une diplomate de renom par son seul talent, n'avait jamais été plus fière de moi que quand j'avais rapporté ce prix à la maison. "Ils sont exigents mais c'est pour notre bien. Je ne sais pas si Kibwe le savait..." La psy porte son stylo à sa bouche, l'air pensive puis griffonne de nouveau sur son cahier. Puis elle porte sa montre devant les yeux et s'exclame : "Eh bien ! C'est que le temps passe vite ! Notre séance est déjà terminée." Elle se lève, je l'imite et nous nous dirigeons vers la porte où elle me serre la main de manière très formelle. "Je vous donnerai des petits exercices de méditation la fois prochaine, pour vous aider à vous connecter à vos émotions." Je la fixe d'un air ahuri. Du yoga ? Je la payais combien cette psy déjà ? Je prends l'ascenseur et tombe sur mon reflet avec effroi. J'ai des cernes sous les yeux, la bouche gonflée, les iris rougies. Je sors un mouchoir de mon sac, me tamponne rapidement le visage, travaille mon sourire devant le miroir. J'ai presque l'air absolument heureuse. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent, je prends une grande inspiration, j'affiche mon allure la plus rayonnante et je sors du centre avec une foulée gracile, irradiant du bonheur le plus parfait.