Elle est belle comme sa mère.
Sa vie se résume à une personne, à un homme. Toute l'importance que vous répartissez sur vos proches, elle, elle la met dans un seul être. Le lieutenant Caldwell, gradé dans les marines, lui a donné son nom. Son nom, et son foutu caractère. Elle était belle, parait-il, c'est presque tout ce que sait Alix de sa mère. Qu'elle était belle, et surtout de passage. Juste là pour la mettre au monde, et la refourguer dans les bras déjà bien chargés du père. De mission aux Philippes, l'américain s'était amouraché de cette jolie demoiselle, bien trop légère pour ne pas être coutumière de ces jeux de séduction. Quand Alix grandit, il lui dit, il lui dit qu'elle lui ressemble. Alix s'en fout, ou c'est ce qu'elle dit, alors qu'elle attarde ses prunelles dans la glace. Elle n'a aucune photo, aucun souvenir, il n'y a que ce reflet pour lui donner l'impression de la connaître un peu.

Le plus fort, c'est mon père.
L'unique image, l'unique référence. Matthew Caldwell a consacré sa vie à son pays, portant davantage l'uniforme que la tenue du dimanche. Il n'a jamais cru avoir à porter la responsabilité de ce gosse qui est le sien, il n'a jamais cru non plus, l'aimer à ce point. Il ne sait pas faire. Il ne sait pas parler des choses de filles, de sexe, répondre à toutes les questions que lui posent ce petit bout de femme. Il lui apprend à se battre, il lui apprend à ne pas trop pleurer. Il lui apprend à répondre, à frapper plus fort. Il lui apprend à tenir sa tête haute, à compter sur soi. A se méfier des autres. Il part, souvent, aussi, pendant des mois. Alix est laissée aux épouses des autres militaires, elle bouge, de pays en pays, elle ne fréquente que les enfants de ces premières. La vraie vie ? Connait pas. Qu'importe. J'en ai pas envie, vu ce que j'en vois. J'lui en ai jamais voulu de partir, de me laisser, puisqu'il revenait toujours. Il a juste manqué un retour. Et, il est jamais revenu après. J'me suis vidée de mon eau, j'ai essoré mon cœur. On m'a enlevé de mon foyer d'uniformes, on m'a placé auprès d'une tante dont je découvrais l'existence, à New-York. J'ai découvert le reste. L'ennui, la lassitude, la violence, la fadeur de votre vie quotidienne. Mon père est mort en héros, c'est ce qu'on retiendra. On me versera une pension conséquente, on remplira mon compte en banque honteusement, on réservera ma place à Harvard. A moi, qui n'ai rien fait d'autre que d'avoir un père bien plus honorable que le votre.

Poussière.
Placée, donc. J'n'aime pas ce que je vois, j'aime pas cette famille qu'on m'impose. Elise Vaughn, née Caldwell, est la sœur de feu Matthew. C'est lui qui a prit tout le courage, toute l'aura. Pauvre petite femme, qui se voit imposer une furie adolescente. Alix explose trop souvent, elle se bat, avec n'importe qui, pour n'importe quoi. Elle découvre l'école, publique de surcroît. Les gens, ces gens normaux voyez, mal élevés, méprisants. Demoiselle répond par la fierté des poings, et à force de s’abîmer les phalanges, apprends l'art de la parole. L'art de la séduction. Apprend à repousser les vengeances, pour les appuyer davantage. De la risée, devient jalousée, provoque les mauvaises personnes. C'est ça le problème avec toi Caldwell, tu sais pas quand t'arrêter, tu sais pas te taire. Tu vois, face à eux, fallait te taire. Quand l'éclat d'une lame jailli, la fuite est toujours la meilleure solution. Sauf que c'est pas ce que t'as appris. Toi t'as ancré au plus profond, que la seule réponse valable est l'affrontement. T'es beaucoup trop en colère. Tu les détestes tous, sans raison, juste parce qu'ils existent et que plus lui. Parce qu'ils méritent pas de respirer, d'avoir un cœur qui bat, alors que lui se décompose quelques mètres sous terre. Alors, ouais, Alix s'élance. Ils sont trois, elle est seule. Elle voit pas le problème. Elle le voit, quand la lame s'enfonce dans le bas de son ventre. Les yeux presque surpris de ressentir cette douleur. S'effondre, se réveille sous les lumières aveuglantes. C'est pas grave. T'auras juste jamais de descendance. Et, ça nourrit ta rage, ça t'enveloppe d'une douce fureur.


Feu.
La princesse a les poches bien remplies, quelques dollars en dépassent. Ils sont dilapidés, sans autre raison que son plaisir. Le port est altier, le corps fuselé, la langue aiguisée. Elle est de ces princesses qui dansent pieds nus sur les tables et rient aux éclats, beaucoup trop fort. Expressive, impulsive.  Brûlante tant elle a été brûlée. Légère et décomplexée. Débordant d'une confiance qui l'habille. Solitaire, ne donnant des brides de confiance qu'à quelques précieux. Elle a gardé de son adolescence le dédain de ceux qui déshonorent sa patrie. Harvard était la suite logique à tout ça, même si demoiselle semble toujours ne pas vouloir appartenir totalement à ce monde. Sa seule fierté est son nom, qu'elle souhaite être le plus glorieux possible, étendard de son bonheur passé. Il s'éteindra avec elle.