M’étant glissé devant lui pour lui parler, je l’observe, attends sa réaction. Un peu surpris de le voir m’embrasser le front, j’en trouve pas moins son geste mignon. Lui souriant doucement, je lui demande une nouvelle fois de me dire ce qui lui fait tirer une tête d’enterrement ce soir. Il l’a fait la première fois et j’ai écouté, alors pourquoi ce serait différent? Il hoche finalement la tête, se rangeant sous mes arguments. Il n’a pas besoin de me demander, c’est vrai que je ne dirai rien.

- Justement, si tu me dis ce qui se passe, je pourrai peut-être t’aider à gérer.

C’est que de la théorie parce que j’ai aucune idée de ce qui le chavire comme ça, mais je le laisserai pas comme ça non plus, alors si je peux faire quelque chose pour lui…

Sa tête contre mon épaule, je passe mes mains à son dos. L’entendant inspiré, je tais ce que les encouragements que j’allais lui donner, attendant plutôt à ce qu’il lâche quelques mots au moins. Et s’il se décide de murmurer, je veux pas les perdre dans le bruit du jet d’eau. Étonnement, une fois la valve ouverte, Jax se montre plus bavard que je l’aurais cru. Je ne suis pas certain si « la vieille » dont il parle est sa grand-mère ou une tante ou n’importe, mais j’en déduis que c’est facilement quelqu’un de sa famille. Et assez vache pour l’empêcher de rentrer voir sa famille! Déjà qu’il les voit pas souvent et qu’il a le mal du pays, pour Noël, ça aurait pas fait un meurtre quand même! …bon d’accord, je peux peut-être pas vraiment me permettre de commentaire sur la vie familiale puisque je fuis volontaire chez Jason parce que le paternel y est. Mais c’est pas la même chose : moi j’ai aucune envie de le voir! Ce qui est pas le cas de Jax et… Aie! À la mention de son enfant perdu, je sens une douleur supplémentaire : le coup de trop alors qu’il était déjà bas. C’est vraiment pas sa journée et je peux comprendre pourquoi il aurait voulu atteindre le coma éthylique!

Une caresse apposée dans son dos, mes mains glissent cependant quand il se redresse et je lui laisse sa liberté de mouvements. Le voyant saisir le gel douche, je m’attends à ce qu’il commence à se laver, mais c’est plutôt moins qui passe sous la mousse. Okay… Un léger sourire aux lèvres, je suis ses mouvements un instant avant de chercher à croiser son regard.

- Jax, regardes-moi trois secondes, lui demandais-je glissant une main à sa joue. Je peux pas remplacer ta famille ni te faire revoir ton petit garçon, mais si t’as besoin de pas être seul ce soir, je suis là. Et c’est pareil pour les jours à venir, hésites pas! Et surtout pas en pensant que tu chambouleras mon horaire : j’ai plus rien de prévu.

Prenant son visage en coupe, je réduis l’espace entre nous, venant l’embrasser doucement, lentement et tendrement.

- J’aimerais vraiment pouvoir t’enlever cette douleur, murmurais-je lorsque je le relâche.

Comme si ça pouvait le soulage d’une façon ou d’une autre.

Tranquillement, je souris et acquiesce à sa demande. Je resterai plusieurs jours avec lui, j’ai pas de problèmes à ça. Je lui ai proposé après tout. Suffira que j’aie chercher quelques trucs dans ma chambre à la Lowell et c’est bon. Mais je peux quand même survivre ici un temps. En particulier pour ne pas le laisser seul ce soir. Je ne sais pas si je dormirai, mais bon, j’y serai et puis c’est pas la première fois que ça arrive. Même si normalement, je fais la marmotte au lever du jour quand je suis dans ses bras.

J’entends bien sa question, sur qui prends soin de moi, alors que je m’occupe de lui, mais je choisis de ne pas répondre. Du moins, pas tout de suite. Voulant l’apaiser un peu, je l’embrasse doucement et lentement, espérant que ça le sorte un peu de ses pensées noires. Je peux pas vraiment faire autre chose malheureusement. Sauf être là pour lui, l’écouter et lui changer les idées.

- Chacun son fardeau, Jax, fis-je avec un léger hochement de tête. Je sais que je ne peux pas t’en départir, mais je suis quand même là pour t’aider si t’as trop mal. Je suis pas celui pour te faire la moral en disant que ça sers à rien de se casser la gueule quand ça va pas, je suis le premier à le faire. Mais si ma présence te calme alors tant mieux, fis-je avec un léger sourire, caressant une fois de plus sa joue, fixant mon regard au sien. Sans t’en rendre compte tu prends soin de moi. Présentement, tu m’évites d’avoir le moral à vider le bar aussi, à m’engueuler ou à me prendre un coup sur la gueule, expliquais-je, parfaitement honnête.

La dernière fois que j’ai vu le paternel, je me suis pris son poing et il m’a fendu la lèvre donc… c’est plus que vrai. J’ai simplement eu la chance, cette fois, d’apercevoir la voiture avant d’être rendu à la maison et j’ai évité de le croiser. J’ai passé l’altercation en quittant avant que tout s’enclenche. Et donc, j’ai évité la bouteille qui suit normalement, parce que je me retrouve souvent au bar quand j’ai le moral au ras des chaussettes.

Récupérant un peu de gel douche, je me change les idées en m’occupant de le savonner comme il a fait pour moi. Mes mains passant sur sa peau, j’en fais de même avec mes lèvres parfois, déposant ça et là des baisers égarés dans le but de détendre ses muscles.

- Aller, viens, fis-je en souriant doucement, lui tendant la main en quittant la cabine une fois que la mousse sur nos corps a disparu avec l’eau. Sous la douche c’est bien, mais coucher dans ton lit, on sera confo aussi. Et puis si on fait patienter Daeron, il risque de vider le pack de bière, me moquais-je doucement.

Sans que je ne le controle, un léger rire s’échappe de mes lèvres lorsqu’il dit qu’il pourrait aller casser des gueules. C’est plutôt nerveux en fait.

- Non, refusais-je. Tu vas pas casser des gueules, tu restes ici avec moi.

Crois-moi, tu veux pas le rencontrer! Il mendaterait encore moins qui tu es que Jason, même si ça n’aurait rien à voir avec moi. Parce qu’il ne me cautionne pas plus. C’est juste une certaine étroitesse d’esprit et des principes et des valeurs ancrés bien solidement qui refuse de se détendre malgré que l’humanité évolue.

Je laisse un moment de silence passé, puis fini par répondre à sa première question.

- Le paternel est en ville, le renseignais-je en le faisant mousser. Il s’est invité chez Jason pour la semaine alors je peux plus y aller, expliquais-je.

En fait, je pourrais y aller, mais j’ai pas envie de foutre la merdre et que Jason et Shirley soit pris entre nous deux. J’ai simplement pas envie d’être en sa présence en fait. Alors je me coupe de fêter le jour de l’an avec mon frère ainé. En espérant qu’on arrivera à passer une bonne soirée chacun de notre côté. Parce que je sais que si je me pointe, l’ambiance sera plombante.

Sortant finalement de la douche, je m’éponge et essaie du mieux que je peux de retirer le maximum d’eau de ma crinière. Mes yeux suivent les mouvements de Jax et lorsqu’il sort de la douche, je ne peux pas m’empêcher de lorgner au passage. Bah quoi? Finissant avec la serviette, je la laisse avec celle de Jax et récupère mes vêtements pour les emmener dans la chambre, sans pour autant les mettre. Les laissant avec mon sac, j’attrappe le t-shirt tendu et remercie d’un sourire. Un nouveau boxer enfilé et le chandail trop grand sur le dos, je me glisse sous les couvertures avec le grand tatoué l’embrassant au passage.

- Te gêne pas pour dormir, fis-je en m’installant contre lui, passant ma main dans ses cheveux encore humides. T’as l’air épuisé, signifiais-je.


Je ne sais pas depuis combien de temps on est là, mais j’ai encore les yeux ouverts. Le ciel est encore foncé, mais en hiver ça veut rien dire. Bien callé contre Jax, ma main passe encore distraitement dans ses cheveux tandis que je me perds dans diverses pensées, bercé par les ronflements de Daeron qui a fini par grimper sur le lit et s’installer la tête sur nos jambes. J’ai reçu un texto de Jason plus tôt, pour savoir où j’étais puisque j’étais censé dormir chez lui. Je l’ai rassuré - ou pas - sans pour autant donner de précision de lieux pour ne pas voir débouler l’autre. J’ai précisé que j’étais en bonne compagnie et il a rapidement compris avec qui j’étais. Je sais pas si ça fait son bonheur, mais bon, moi je suis bien, alors je changerai pas mes plans.

Juste ma position peut-être. Bougeant un peu mes jambes, ça ne semble pas être selon le plaisir de Daeron, obligé de bouger aussi et qui finit par s’affaler sur les cuisses.

- T’es ni léger ni délicat, boule de poils, j’espère que tu le sais, murmurais-je à son attention.

Sentant la pression changée sur mon ventre, je réalise au grognement que j’ai peut-être réveillé Jax en parlant à son chien. Génial. Un léger rire me prends de le voir un peu hébété et grognant alors qu’en jetant un coup d’oeil par la fenêtre, il réalise qu’il fait encore nuit. Croisant finalement son regard, j’ai un sourire et le réflexe de lui caresser encore la tête distraitement.

- Non, j’ai pas encore dormi, répondis-je franchement. Somnoler peut-être un peu. Jason m’a écrit pour savoir où j’étais, alors je lui ai parler un peu et depuis je joue avec mon téléphone, expliquais-je.

J’ai passé quelques temps sur des jeux simples qui ne demandait pas trop cervelle puisque c’était pour chasser mes pensées errantes. Puis, allez savoir quand exactement, j’ai lâcher tout ça pour me perdre sur le net. Et je suis pas certain qu’il va me croire si je lui dis exactement ce que je suis en train de faire.

- Heum… Tu m’en veux si je te dis que je regarde pour des billets d’avion pour Londres? Le questionnais-je avec un sourire gêné.

Ça fait quelques minutes déjà que je traine sur un site de réservations de voyage en ligne. Jusqu’à présent, la solution que j’ai trouvé c’est de prendre un vol Boston/New-York, puis New-York/Londres. Environ 10h pour se rendre en tenant compte de l’escale. Le vol direct est trois fois le prix. Je ne peux pas nous l’offrir. Mais le pivot, ça s’arrange.

- Je me suis dis que de refuser un cadeau d’un ami, ça se fait pas trop et que le “hasard” peut-être faire que tu croises ta famille si on va prendre une marche. …Dans leur quartier, proposais-je avec le même sourire.

C’est peut-être une idée à la con. Il va peut-être me dire que je me mêles pas de mes affaires ou que je tourne le couteau dans la plaie, mais, j’y peux rien, cette idée me tourne dans la tête depuis un moment déjà. S’il se met à gueuler, parce que ça l’insulte ou le blesse, j’aurais plus qu’à lui faire des excuses. Je pars d’une bonne intention, celle de lui retirer un peu le mal qu’il a, mais je sais pas si c’est vraiment l’effet que ça aura. Ça parait peut-être pas, mais, en vrai, je suis un peu nerveux de voir sa réaction.

Franc - et légèrement nerveux - je lui confie ce que je faisais avant qu’il ne se réveille parce que j’ai parler à sa boule de poils qui a relever la tête au son de sa voix. Voyant Jax se relever pour s’asseoir, je me redresse légèrement, à gestes lents, étudiant les siens. Je vois bien que c’est pas pour le réjouir au final. Même si je ne suis pas véritablement capable de définir comment il se sent.

- Pas que ça, t’inquiètes, lui assurais-je vaguement. C’était qu’une idée, t’en fais pas, fis-je en m’excusant à moitié alors qu’il décline ou du moins c’est ce que j’en déduis à son « mais » qu’il laisse en suspens.

Alors qu’il reprend la parole, j’ai un geste pour lui dire d’arrêter de chercher des excuses : j’aurais pas du faire ça, c’est tout. Lorsqu’il précise qu’on pourrait s’en prendre plein la gueule en y allant, je retiens une envie de rire en détournant la tête. D’accord, je sais pas de quoi elle est capable et c’est peut-être totalement de l’inconscience de ma part, mais j’ai pas peur de ce qui pourrais m’arriver. En particulier parce que je sais que je pourrais prendre cher si je restais ici et que je croisais le paternel. Là non plus j’ai pas peur : j’ai juste pas envie.

Un peu désorienté par le sens de son discours, je l’entends finalement accepté mon idée. Heu… C’était pas un mauvais plan? Encore un peu perdu, je réponds à son baiser, mais mets un temps à capter ce qu’il dit ensuite.

- Non, non, lui demande pas de payer les billets, sinon elle va t’attendre avec une brique et un fanal! Refusais-je. Suffit de faire un pivot à New-York et je nous les prends les billets, ça va, Jax, je t’assure, fis-je.

Ça me fera plaisir de lui payer le voyage si ça lui redonne le sourire.

- Tu me feras visiter? Répétais-je. J’ai jamais mis les pieds en Angleterre, précisais-je. Tu me montreras le Londres de Jax, fis-je avec un sourire, passant mes bras à son cou pour l’attirer au-dessus de moi et l’embrasser.