tw ✧ none  

You'd kill yourself for recognition
Kill yourself to never, ever stop
You broke another mirror
You're turning into something you are not

La vie de William se complexifiait à mesure que Boston bourgeonnait. Ce n’était pas un mal en soi. Au contraire, il recherchait ces complications. Comme Icare, il cherchait à voir jusqu’où il pouvait voler. Les afférences de ses affaires professionnelles et extra-professionnelles commençaient à s’entrecroiser de plus en plus fréquemment. Et il sentait que son patron commençait à soupçonner que quelque chose avait changé. Dans sa façon d’être, ou la façon qu’il avait de mener ses dossiers. Il consacrait tellement de temps à tenter de prévenir qu’un ‘accident’ fâcheux ne lui arrive qu’il en perdait sa touche magique pour coincé les scélérats dans son genre. Il lui fallait un nouveau coup fumant. Quelque chose du calibre de ce qu’il l’avait conduit au gala de reconnaissance de Dallas, dans un passé qui lui semblait pratiquement appartenir à une autre vie aujourd’hui.

Vêtu d’un hoodie aux couleurs des Yankees de New-York et d’une casquette d’une micro-brasserie de l’endroit, il se présenta à la porte du petit appartement où il espérait pouvoir matérialiser ce miracle. Ses occasionnelles visites chez Ellie constituait pratiquement le seul contexte où il évoluait sans veston ni chemise. Cela faisait partie du protocole. Éviter d’attirer l’attention.

Les deux cafés et les deux beignes à la crème boston du Dunkin Donuts appartenaient au même rituel. À 10h tapante, fidèle à l’heure annoncée dans un bref appel téléphonique la veille – oui, il était de la vieille école, il se servait encore de son téléphone pour appeler des gens-, il cogna quatre coups vigoureux, et attendit patiemment et avec le sourire qu’on lui ouvre.

«Hello, Ellie. J'ai apporté une surprise. »

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«Je n’ai jamais été aussi bien. »

Le mensonge du siècle, bien entendu. Même si au fond, il y avait déjà un moment qu’il ne s’arrêtait plus à se demander comment il allait. Il allait de l’avant, coûte que coûte, et voilà tout.

Acceptant l’invitation tacite, il s’engouffra dans l’appartement maintenant familier, avant de se diriger vers la petite table de la cuisine.

«Je peux m’assoir ? »

Question rhétorique à laquelle il n’attendit guère de réponse. Une fois installé, il déposa les deux cafés et le beigne qui lui restait.

«Je me répète, mais tu devrais sérieusement songer à changer de boulot. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. »

Il mordit à belles dents dans sa pâtisserie, avant de poursuivre, la voix encore un peu altérée par sa mastication.

«Comment va ta garde rapprochée ? Ils se tiennent bien ? »

William n’appartenait pas, à proprement parlé, à l’équipe chargée d’assurer la protection de ‘mademoiselle Thatcher’. Ni même du groupe d’enquêteurs responsables de l’affaire pour laquelle elle était témoin à charge. Lorsque les agents californiens étaient débarqués pour la première fois, Bennett les avait accompagnés purement comme chaperonne, puisqu’ils se trouvaient dorénavant sur leur territoire. Sans réelle fonction officielle dans le processus, il avait pu se contenter de jouer le rôle du bon cop, offrant un peu d’humanité dans se déracinement forcé machinalement mené. Connecté avec la jeune femme ne lui avait guère demandé d’efforts, de toute façon.

Depuis, il s’arrêtait régulièrement pour lui rendre visite, parfois sous les demandes du groupe d’enquête de San Francisco qui lui demandait de vérifier quelques éléments auprès de leur témoin, parfois pour le simple plaisir de sa présence. Il ne connaissait pas l’ensemble des fréquentations d’Ellie, mais il se plaisait à croire qu’en quelque part, elle devait se sentir capable d’être elle-même en sa compagnie. Sans devoir faire comme si Ophélie n’existait plus.  

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William étudie son interlocutrice par-dessus le couvercle de son café tandis qu’il prend une première gorgée de son breuvage matinal. Arrachée pratiquement de force d’une vie devenue trop, pour être replantée dans une autre à laquelle elle n’avait même pas contribuée à l’ébauche initiale. Sans trop savoir quand elle pourrait éclore de ce cocon. Prisonnière d’une prison de verre visant plus à préserver le système que la victime.  

Qu’est-ce qui l’habitait vraiment, derrière ce regard aussi pénétrant que las ?

«C’est mieux comme ça, » répondit-il en opinant de la tête.

«Ils ne sont pas exactement choisis pour leur capacité à tenir une conversation. »

La suite de sa réponse le laissa légèrement perplexe alors qu’elle l’amena à considérer un angle jusqu’ici ignoré. Peu importe la… nature… du quotidien de sa vie d’avant, malgré tout le jugement qu’un œil extérieur pouvait porter sur celle-ci, comme chacun d’entre nous, elle possédait ses bas ET ses hauts. Hauts qui devaient très certainement lui manquer.

Mais comment pouvait-elle avancer, dans ces limbes fédérales ?

Il déposa sa tasse.

«Tu sais qu’il existe d’autre façon de s’amuser que de jouer à la roulette russe ? Avoir su, j’aurai apporté mon jeu de Risk »

Une vieille tradition familiale, chez les Bennett. Probablement le seul élément purement ludique qui appartenait encore à son existence. Même si son exemplaire prenait maintenant la poussière.

Soudainement, une idée lui passa par la tête

«Est-ce que tu aimes le baseball ? Les Angels sont en ville demain et après-demain. »

Ok, peut-être le deuxième élément purement ludique de son existence. Mais il ne pouvait pas ignorer la coïncidence provoquée par la présence de l’équipe de L.A.

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«Peut-être ? », répondit-il en arquant un sourcil, comme s’il venait de se faire prendre en flagrant délit. Peut-être venait-il effectivement de franchir la frontière d’une terre interdite. Et même si, dans l’instant, il n’avait pas calculé cette possibilité, il ne lui fallu pas longtemps pour comprendre que, dans son univers à elle, il n’était effectivement probablement qu’un parmi une foule de ‘policiers’, défenseurs d’une loi un peu arbitraire. Tantôt adversaire, tantôt salutaire.

Peut-être avait-il confondu politesse courtoise pour quelque chose d’un peu plus. Définitivement ni sa première, ni sa dernière méprise quand venait le temps de comprendre le large et changeant spectre émotionnel féminin.

«Tu sais, quand on s’y arrête, tout est un peu bizarre. »

Il demeurait légèrement évasif dans sa réponse, incertain de si elle trouvait le sport bizarre – ou l’idée qu’il l’invite à l’accompagner dans une sortie publique. Dans un premier temps, le baseball était un sport très polarisant. Et malgré les moments partagés, force est d’admettre qu’il n’aurait pas su dire ce qui passionnait la jeune femme. Qu’est-ce qui pouvait bien faire vibrer celle qui constituait la source de divertissement d’un autre ?

Probablement pas le crochet…

Il opta néanmoins pour la seconde interprétation : qu’elle n’appréciait pas son initiative.

«Navré – je ne voulais pas te mettre dans une position inconfortable. Je reconnais que c’était maladroit. Oublions ça.»

Après tout, il occupait une certaine forme de position de pouvoir sur elle. S’il décidait de la prendre en grippe, il pourrait effectivement probablement parvenir à lui causer préjudice. Ça déséquilibrait tout rapport entre eux d’eux. Même s’il ne cherchait qu’à lui remonter un peu le moral.

N’est-ce pas ?