Un sourire vicieux reste vissé à mes lèvres tandis que je patiente pour qu’il me souffle ce dont j’ai maintenant envie. D’un moment à torturer Haiwee… et Sheng par la même occasion, hâte de le voir jouer au plus con. Ce qui me surprend, ce sont les paroles de Dan, il persifle, me surprend, « Appât pour croco. » Si bien que mes prunelles glissent sur lui, témoignage de ma surprise quand a ce brin de méchanceté, et quand il précise que je pourrais les pousser dans le marais, je suis toujours autant étonnée. J’en fronce les sourcils même si j’ai conscience qu’il n’est pas sérieux, je m’interroge, songe que c’est probablement ma faute. Le principe de déteindre sur les personnes qui m’entourent. J’en secoue le visage, comme si ça avait pu m’atteindre un jour…

Puis nous voilà à proximité, je m’étonne de la réaction de la Haiwee, en langage féminin, la brune vient clairement de m’attaquer. C’est bien, elle a gagné en caractère au moins. Néanmoins, elle oublie qu’au jeu de la plus garce, j’ai été formaté pour gagner. Et j’ai trop de carte en main, la mettre au tapis, ce sera un jeu d’enfant plutôt que de devoir faire amie-amie. Ce qui me fait tilter, ce sont les mots de Sheng, aussi. Comme s’il était dérangé. Par quoi. Ou plutôt par qui. Moi, certes, mais qu’est-ce qu’il a contre lui ? « Sheng, Haiwee, Dan et Wendy, oui on le sait, merci. » Inutile de faire comme si. « Je suis contente de voir que vous êtes toujours ensemble tous les deux ! » Autant enjouée que faux cul.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

A la suite de sa présentation détournée, elle s’amuse d’entendre son partenaire lui répondre encore une fois que ça va aller. C’est un véritable refrain maintenant, un leitmotiv bien rodé. De ses doigts, elle va chercher les siens, comme pour conserver ce courage dont elle s’était armée à la vision de la rousse et son imminente arrivée. D’ailleurs, c’est elle qui reprend la parole, balance tous leurs prénoms d’affilé, un quatuor comme on en fait peu, les prémices d’un drôle de jeu.

Mais si elle se forçait à respirer calmement, son sang se glace lorsque la pfo leur fait part de son enthousiasme face à leur histoire toujours bien en place. Pourtant, elle essaie vraiment de ne pas se laisser perturber, au moins, la rousse n’est plus en droit de douter de la force de leur affection et devrait se mettre en tête que leur couple est fait pour durer. Dan s’étonne, elle moins, avec sa grossesse interrompue, faisant le lien, Wendy aurait sûrement préféré qu’il l’abandonne et aille se consoler dans ses draps. « Sheng aime bien me raconter ses petits secrets. » Forcément, elle sous-entend qu’elle en connaît plus sur lui qu’elle, ça rend sa salive, lorsqu’elle déglutit, aigre. Les secrets de Sheng et Wendy… On croirait le pitch d’une mauvaise série, « C’est bon Wendy, tu peux arrêter, tout ce qu’il y a à savoir, je le sais. » Forte de s’en être persuadée, elle se retourne à la finalité, parce qu’il est temps d’embarquer, et elle va même jusqu’à sourire, complice, à l’étudiant auquel elle tient toujours la main. Convaincue que son cœur a raison d’être serein.

Contre toute attente, celui qui réagit en premier, c’est mon accompagnant, me demandant si j’étais au courant. J’en sourcille une seconde, parce que je suis une connasse oui, c’est une chose. Mais je n’aurais jamais attaqué sur la perte du bébé. J’ai un cœur, n’en déplaisent certains. Alors pour rétorquer, j’emprunte un autre chemin. « Sheng aime bien me raconter ses petits secrets. » Et j’en ai deux en stock qui pourrait intéresser la Haiwee.

J’ai sur les lèvres - toujours - un petit sourire vicieux qui s’élargit quand elle se trouve du courage pour me répondre. Inconsciente qui joue avec le feu. Si sûre d’elle, si confiante en eux. Ce me ferait presque de la peine. Méfies-toi, l'amérindienne. En se mouvant, elle amorce le début des festivités, et même si elle lui tient la main, le traîne à sa suite comme un petit chien, son regard prend le temps de se planter dans le mien. « Tu n’y gagneras rien. » Il a absolument tout faux. J'aurais pour moi, le plaisir de ses maux. C’est à l’intention de Dan que je prononce, « Finalement, c’était un bon choix les crocos. » J’ai trouvé de quoi m’amuser, de quoi renouer avec celle que je suis, que j’ai toujours été, souhaitant éloigner ce sentiment de perdition qui m’altère en ce moment. Puis, même si je ne le gagnerai peut-être pas lui, j’en sortirai victorieuse, et je récupérerai passablement, un brin de contrôle sur ma vie.

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Même si elle a amorcé la finalité de leurs préliminaires en se dirigeant vers l’embarcation, elle entend ce que Sheng prend la peine de lui souligner qu’elle n’y gagnera rien à jouer. Donc qu’elle a tout à perdre. Traduction : Lui. Elle déteste son propre raccourci au moins autant que les mots prononcés assez fort par Wendy. Si bien que lorsqu’elle grimpe à l’intérieur, elle questionne armée d’un sourire traduisant son aigreur. « Tu viendras me voir en prison ? » Sous-entendant que c’est la rousse qui va terminer dans la bouche d’un crocodile, elle le sent. Et que c’est elle qui va l’y pousser, si elle désire trop jouer. Quoi que… Une fois dans l’embarcation, c’est Dan qui manque déjà de tomber, pour la suite de la journée, ça promet, " Tombez surtout pas. Une fois dedans, eux ne vos louperont pas." Une assurance que Wendy ne remonterait pas. Un talon c’est vite cassé et c’est si facile de trébucher… Cependant, elle a beau ne pas l’aimer, bien évidemment qu’elle ne le fera jamais, aussi fort soit elle tentée.
Prenant place, elle s’assoie en premier, Sheng venant naturellement à ses côtés. Elle doit se mordre la langue pour éviter de lui demander s’il a des choses à cacher, qui seraient comprises dans les petits secrets précédemment cités, s’il s’est confié à elle lorsqu’ils ont perdu le bébé, mais elle ne désire pas montrer à Wendy qu’elle est capable de s’infiltrer dans son esprit. « 50 minutes. » Comme pour se motiver. Elle pourra gérer.

« L’attraction de la journée reste les crocos, on s'entend bien. » Dan, il ne faut pas me défier comme ça, c’est vilain. Et même si le ton n’était pas plus autoritaire que cela, j’avoue que ça décuple mon envie de m’amuser à les martyriser. Alors pour toute réponse, je lui sers un sourire carnassier.
Je n’irais pas jusqu’à dire que je le déstabilise, mais quand il embarque, mon partenaire perd son équilibre. Si bien que notre capitaine pour l’expédition l’avise qu’il serait malvenu de tomber une fois que la balade aura commencé. Dans un réflexe incontrôlé, mes doigts attrapent son bras pour l’aider, plus stable que lui sur mes échasses, j’articule au moment où l’on se place, à voix basse, « Tu m’as traîné jusqu’ici, alors t’as pas intérêt de me lâcher. » Même bouffé par les crocodiles, je trouverais un moyen de lui faire regretter.

Si je n’entends pas ce que se murmurent les deux tourtereaux – sûrement atrocement chiants leurs propos – j’écoute parfaitement lorsqu’ils m’adressent quelques mots, « Deux pour le prix d'un... » Petit chat… Il va falloir faire mieux que ça. Seulement j’ai trop de cartouches entre les doigts, alors prendre réellement part à la partite, il ne peut pas. Et moi, les positions de force, j’adore ça. « Oui, et toi tu sais ce que c’est … de jouer sur plusieurs tableaux. » Dans tous les sens des termes, dans tous ce que cela peut sous-entendre, comme notre douche lors d’un certain été ou encore les capsules, j’en ai eu quatre, et toi, Sheng, le nombre, c’était quoi ?

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