En Floride depuis plusieurs jours déjà, elle apprécie le côté dépaysant de ce Spring break, même si ce dépaysement, il avait réellement débuté lors du mariage de Manny. Elle est malgré tout consciente que l’ambiance est beaucoup plus détendue ici. C’est ce dont elle avait besoin, passer du temps avec lui, se sentir tout simplement bien. Alors s’ils ont passé une bonne partie de leur temps dans leur chambre, avides de rattraper ce temps où elle s’est privée de son être afin de panser les plaies qu’ont laissé la perte du bébé, aujourd’hui, elle lui a proposé qu’ils aillent ensemble découvrir l’animation incontournable de cette région de la Floride.

Le visage proche de celui de Sheng, la brune se délecte - durant l’attente de leur excursion - de cette proximité qu’ils semblent avoir retrouvé. Elle flirte avec le goût de ses lèvres, sa paume allant s’accrocher au rebord de son t-shirt, effleurant le grain chaud de sa peau au passage, et s’amuse de supposer que cette promenade pourrait tourner au naufrage. « T’as pas peur de finir dans la gueule d’un crocodile ? » question directement en rapport avec la dernière activité romantique qu’elle avait organisé. Mais elle ne lui laisse pas le temps de répondre, s’aventure de la sienne jusque sa bouche, et se permet, à défaut d’un baiser, de le mordiller.

Une proposition empoisonnée, voilà ce que c’était. Je me demande même s’il a vraiment réfléchi avant de me le proposer. Et si moi je l’ai fait, avant d’accepter. Un n’importe quoi organisé. Les crocodiles, c’est en sac à main que je les préfère – ne vous en déplaise – je n’ai pas un réel besoin d’aller les observer dans leur état naturel. Ce n’est pas une activité qui saura m’attendrir ou encore m’inspirer une bonté nouvelle. Non, je ne suis toujours pas, une personne qui se sent changer face au monde et son immensité.

Mais il n’empêche que j’ai dit oui et que je me retrouve après quelques minutes de trajet – de l’hôtel jusqu’ici - à marcher en direction de notre future expédition. Silencieuse, je rumine tout en mordant ma langue puis l’intérieur de la joue, j’aspire à trouver une justification… Réfutant celle dont j’ai conscience, dans le fond. Alors je décide de me focaliser sur autre chose, une pensée bête ; Je vais ruiner mes chaussures. C’est tout ce que je désire avoir en tête, même si ça fait de moi une pétasse superficielle encore une fois. Je vais ruiner mes escarpins et c’est clairement sa faute. Mais je ne m’en plains pas, du moins pas à haute voix. Oui, il y a ce truc qui pèche à l’intérieur de mon être. Ça déconne bien plus que ce que je ne veux le laisser paraître. « Le délire c’est quoi ? Une passion de quand t’étais gamin ? » Pouvant justifier la perte certaine de mes Louboutin.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Chaque caresse est un renouveau, un apprentissage qu’ils réitèrent, comme à leurs débuts. Et les frissons qu’elle éprouve lorsque tous deux s’approchent, qu’ils s’accrochent lui murmurent combien elle a été stupide de croire qu’ils s’étaient un peu perdus. Tandis que leurs corps s’appellent encore, elle aime lire la courbe de son sourire avant qu’il ne souligne le fait que par la faute de l’amérindienne et de ses ressentiments, il a déjà saigné. Cette lèvre qu’elle vient d’érafler, elle la panse avec l'empreinte de son pouce, enfouissant son visage dans son cou afin d’aller souffler à son oreille une vérité malicieuse, « Toi aussi, tu l’as déjà fait. » un certain soir de janvier, il y a de ça deux années, et déposer ses lèvres en un effleurement sur sa peau.

Quelques secondes elle respire son odeur masculine gorgée de soleil, l’appréciant plus que de raison, avant de détourner les yeux – sans réel but – sur les alentours… Elle se délecte des paysages exotiques mais c’est le roux flamboyant de sa chevelure qui attire indéfectiblement son regard. Derechef, elle se refuse à y croire. Ca lui fout un coup dans l’estomac et sa bonne humeur s’étiole plus rapidement qu’il ne le faut pour le penser… « C’est une blague ? » elle s’entend râler, les sourcils froncés. De toutes les personnes de Boston qu’ils pouvaient croiser ici, Haiwee, n’aurait jamais parié sur le fait que ça pourrait être Dan accompagné de Wendy. Mentalement, elle se refait la conversation qu’elle a eu lors de la réservation, un autre couple devait faire parti de l’expédition.  

Mes jérémiades mentales travesties en question, une fois à sa hauteur, je me fais violence afin d’écouter sa justification. Cela dit, rien ne vient, si ce n’est une critique au sujet de mon humeur liée à mon manque de sommeil. La vérité ? C’est que les insomnies je continue de les enchaîner, et que dans mon pathétisme actuel, que je me refuse catégoriquement à énoncer, j’envisage que sa console devienne ma meilleure amie la nuit.

Alors je ravale mon sarcasme lorsqu’il suppose que je dérange la faune autour de nous. « Et toi, tu es très drôle. » Mais je balaie d’un mouvement négatif de la tête mon sale caractère afin de tenter de dénicher une once de positivité à cette journée. Notons les faits, certes, je m’apprête à effectuer un safari au milieu de reptiles, néanmoins c’est avec Dan qu’il va être réalisé, et être avec lui n’a jamais été vraiment désagréable jusqu’ici, logiquement ça ne devrait pas l’être aujourd’hui. Résultat, je m’essaie à lui servir un sourire tandis que nous continuons à avancer… « On aurait pu passer la journée au spa, » ça ne m’aurait pas déplu, de me faire chouchouter à l’hôtel et de l’inviter, « mais non, voyons, allons voir les crocodiles. » la gentillesse à outrance, c’est surfait. En revanche, mes râleries sont réduites à néant face à la découverte du duo d’amants patientant. « Dan, dis moi, cette expédition, elle n’est que pour nous deux ? » Sa réponse, par instinct, d’avance, je la connais. Finalement, je risque de m’amuser, Haiwee m’a tellement manquée, on a pleins de choses à rattraper.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

L’évocation de leur première étreinte s’étant rapidement dissipée, elle se renferme malgré sa paume qui pressurise la chute de ses reins. Si cette nuit-là avait été des plus agréables bien qu’elle n’ait pas pu le lui assurer, elle a l’intuition que ça ne sera pas le cas pour cette journée. Un orage menaçant l’ensoleillement qu’elle éprouvait. Toujours proche de lui tandis que l’étudiant Adams la maintient en lui intimant une vérité des plus simples, assurant que ça va aller. Elle, elle n’en est pas persuadée, plus encore… Cette phrase, elle ignore s’il l’a prononcé pour elle ou bien dans le but de s’auto-convaincre. La seconde possibilité lui refilant la nausée, d’autant plus lorsqu’il propose de reporter.

Alors ses prunelles se heurtent aux yeux de son compagnon, réfutant sa proposition, se priver à cause de Wendy ? Hors de question. « Non. » Surtout qu’en toute sincérité, la brune a déjà payé, et même si elle ne manque plus forcément d’argent, elle en connaît la valeur et n’a aucune envie de se laisser guider par son aigreur. « Comme tu l’as dit, ça va aller. » Face à la rousse, elle refuse de s’écraser, elle ne la craint plus, elle s’est endurcie même si la promenade risque de ne pas ressembler à ce qu’elle avait prévu. Le couple arrivant finalement à proximité, elle répond au sourire de son colocataire, hochant la tête de prime abord afin de le saluer, et à défaut de lancer un regard à Wendy, elle se concentre sur lui, « Sheng, je ne te présente pas Dan. » s’étonne elle-même, car elle sous-entend qu’ils sont tous les trois liés et qu’elle, ce n’est qu’une intrus.